jeudi 5 juillet 2018

"J’ai Moix, déjà."

Rigolons un peu avant de commencer : 




"Les « chances » ne pourraient être « égales » qu'entre des enfants qui dès leur naissance auraient été traités comme des orphelins, uniformément enrégimentés dans les mêmes pouponnières, les mêmes maternelles, les mêmes collèges. On n'y arrivera jamais. Peut-être même ne le voudrait-on pas. Mais en poussant aveuglément dans ce sens, on disqualifie et détruit peu à peu toutes les inégalités protectrices qui dans la famille, l'école et la cité, développent la vie humaine et assurent une civilisation." Jean Madiran, je l’ai déjà cité ici (http://cafeducommerce.blogspot.com/2016/06/il-ny-avait-rien-quun-peu-de-vase-leo.html). Difficile de ne pas y repenser en lisant, je sui tombé dessus via E&R, les délires de M. Moix (source  http://www.gala.fr/l_actu/news_de_stars/yann_moix_avoir_des_enfants_la_pire_chose_qui_pourrait_m_arriver_342695), en continuité avec les sujets évoqués à votre comptoir préféré ces derniers jours : 

Avoir des enfants, "Ce serait la pire chose qui pourrait m’arriver, confesse l'auteur de Naissance. J’ai moi, déjà. Il m’est arrivé de ne pas pouvoir vivre avec des jeunes femmes parce qu’elles avaient des enfants. Faits par d’autres, certes, mais faits par elles. Je préfère quand même quand il n’y a aucun lien."

"Je suis inadapté à la famille. Je déteste en voir, en croiser. La notion de famille m’agresse. Quand il y a plusieurs personnes d’une même famille dans une pièce, tout cet ADN regroupé me donne la nausée. Pour moi, être à table avec ses parents, c’est déjà de l’inceste. Quand mes amis ont des enfants, je ne les vois plus jusqu’à ce qu’ils en soient libérés."

"C’est des liens du sang que sont venus le racisme, la monarchie absolue, estime-t-il. La vraie révolution, la vraie égalité totale, ce serait de mélanger les bébés à la naissance comme dans La vie est un long fleuve tranquille. On devrait interdire aux parents d’élever leurs enfants biologiques. Cette manière de placer son ego dans sa chair me donne le vertige."

Il n’y a pas grand-chose à commenter à cette litanie d’horreurs, dont on ne sait pas trop à quelles point elles sont dans l’esprit de celui qui les profère des provocations. Quelques brèves remarques : 

 - "La vraie révolution, la vraie égalité totale…" L’époque est certes à la simplification, mais beaucoup de révolutionnaires des deux siècles passés auraient tiqué tout de même à cette identification pure et simple de la révolution et de l’égalité, beaucoup d’entre eux auraient plus aisément assimilé révolution et justice. Évidemment, votre serviteur, lorsqu’il rêvasse à une révolution, y voit plutôt une restauration de ce que J. Madiran appelle les « inégalités protectrices »…

 - Il n’y a pas besoin d’être homosexuel pour être LGBT (et, heureusement, tous les homosexuels, même parmi les jeunes, ne sont pas LGBT) : M. Moix livre ici un discours qui rejoint tout à fait les thèses développées hier sur le rapport très problématique de certains à l’idée d’un rapport entre le rapport sexuel, le plaisir sexuel, et la reproduction. (Je découvre qu’il a rendu hommage à une actrice qui lui plaisait beaucoup lorsqu’il était jeune, en évoquant toute la « semence » qu’il avait « répandue » en pensant à elle. Difficile de ne pas trouver cette formulation révélatrice. Et j’emprunte à un ami (à qui j’emprunte beaucoup, mais s’il est trop fainéant pour écrire lui-même…) le rappel de ce qui arrive dans la Bible à Onan, lequel, au lieu de féconder Madame, préfère pratiquer le coïtus interruptus et « répandre sa semence » à même le sol : Dieu (en l’occurrence Yahvé, celui de BHL, le patron de M. Moix) le foudroie (ce qui rappelle une vieille blague sur le bossu : l’exécute, plutôt) derechef.)


 - Enfin, il est difficile de ne pas être sensible au mélange de narcissisme et de haine de soi-même ("J’ai moi, déjà." - ainsi que je l’ai suggéré dans mon titre, il y a là de quoi se lancer dans une exégèse lacanienne.) qui transpire de ces lignes, et que l’on peut attribuer à de nombreux individus postmodernes à la noix - pardon, à la Moix. Cela rappelle le mot de Hegel : "La naissance des enfants, c’est la mort des parents." Je ne dis pas qu’il faille être courageux pour avoir des enfants, parce qu’en réalité on ne sait pas ce qui nous attend, et que tout le monde n’y réfléchit pas, mais il faut tout de même s’aimer assez pour avoir envie de transmettre quelque chose, et être assez modeste pour savoir que la personne à qui on va transmettre va vous chasser, d’une certaine manière, de même que vous avez chassé vos parents. Le raisonnement ici est analogue à celui concernant l’animalité hier, M. Moix fait tout le contraire : il se hait trop pour se reproduire, s'aime trop pour accepter de reculer d’un rang. - Qu’il se rassure, cela fait longtemps que, dans l’esprit de beaucoup, il est au dernier rang. Et, après tout, s'il ne transmet rien de lui aux générations futures (ce n'est pas par ses livres que cela risque de se produire), lesdites générations ne s'en porteront pas plus mal.