"La société se polarise comme jamais."
Bon entretien avec M. Bock-Côté (http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2018/06/29/31003-20180629ARTFIG00371-bock-cote-le-politiquement-correct-se-radicalise-au-rythme-o-la-societe-diversitaire-se-decompose.php), quelques extraits :
"C'est au moment où on veut bannir le mot race que la question raciale resurgit au cœur de la vie politique, à travers l'action des groupuscules identitaires d'extrême-gauche, dont les Indigènes de la République sont emblématiques. La mouvance indigéniste entend achever la décolonisation en dénationalisant la France, ce qui implique à la fois sa soumission et sa conversion à un multiculturalisme qui veut non seulement réintroduire la race dans le débat public, mais qui veut en faire la catégorie fondatrice de la citoyenneté et de la représentation. Elle pousse à une racialisation des appartenances qui accule ensuite au séparatisme racial revendiqué, comme on le voit avec la multiplication des « rencontres non-mixtes pour personnes racisées » dans le milieu universitaire, pour emprunter les termes de la novlangue diversitaire. En fait, si on se penche un peu sur les textes de référence de cette mouvance, on constate qu'elle cultive un racisme antiblanc décomplexé. S'il y a une tentation raciste en France, elle vient de là."
« Racisés » par qui ? La question du complément d'agent absent est ici plus subtile que d'habitude, puisque ce sont ceux-là mêmes qui emploient le terme « racisés » qui sont dans une problématique racialiste, en accusant ceux qui se contentent de voir qu'il y a des noirs, des blancs, des arabes, des hommes, des femmes, etc. et ainsi de suite, en accusant sans preuve ceux qui ont des yeux pour voir, d'être racistes. J'y reviendrai, si Dieu me prête vie.
"On peut aussi voir dans l'idéologie diversitaire qui a fait du politiquement correct son régime de censure médiatique une poursuite de la tentation totalitaire qui hante la modernité et qui se présente aujourd'hui sous un nouveau visage. (…) Nous recommençons à rêver de l'homme nouveau, mais il s'agit cette fois de l'homme sans préjugés, délivré de ses appartenances, de sa culture, de ses désirs et du vieux monde auquel il était encore lié. Le politiquement correct a pour vocation d'étouffer la part du vieux monde encore vivante en lui pour lui permettre d'enfin renaître après son passage dans la matrice diversitaire, purifié et prêt à embrasser une nouvelle figure de l'humanité, délivrée de cette préhistoire morbide qu'aura été l'histoire de l'Occident. Car pour que l'humanité nouvelle advienne, on doit d'abord en finir avec l'Occident en général et l'Europe en particulier."
Retournons la phrase, cela devient un slogan : c'est à l'Europe (non exclusivement) de faire que cette nouvelle humanité, encore plus détestable (Baudelaire, la détestable humanité... toute ma jeunesse) que l'ancienne, n'advienne pas.
Retournons la phrase, cela devient un slogan : c'est à l'Europe (non exclusivement) de faire que cette nouvelle humanité, encore plus détestable (Baudelaire, la détestable humanité... toute ma jeunesse) que l'ancienne, n'advienne pas.
"Sur le plan philosophique, le politiquement correct repose sur une inversion radicale du système normatif de notre civilisation, qui doit désormais neutraliser et déconstruire son noyau existentiel, pour se définir désormais à partir de ceux et celles qu'elle aurait historiquement exclu, qui sont désormais investis d'une charge rédemptrice quasi-religieuse.
Concrètement, le politiquement correct repose aujourd'hui sur une culture de la surveillance généralisée : tout ce qui entre en contradiction avec l'orthodoxie diversitaire est dénoncé et monté en scandale par des groupuscules à la psychologie milicienne qui se comportent comme des professionnels de l'indignation - et il s'agit d'une profession rentable."
"La gauche idéologique est-elle capable de s'imaginer un adversaire qui ne soit pas un ennemi du genre humain? Sa tentation, à laquelle toujours elle cède, c'est la croisade morale pour chasser de la cité ceux qui ne souscrivent pas à ses dogmes. Elle ne croit pas au pluralisme politique : elle distingue entre l'avant-garde, qu'il faut célébrer, et dans laquelle elle se reconnaît, et l'arrière-garde, assimilée au bois-mort de l'humanité, dont il ne faut pas s'encombrer et qui est de toute façon condamnée par le sens de l'histoire. Au fond d'elle-même, elle croit à la vertu politique de l'ostracisme. Ce qui la menace, toutefois, c'est qu'une part de plus en plus importante de la population se fiche désormais des campagnes de salissage médiatique. Plus encore : plus les médias désignent à la vindicte publique un homme ou une idée, plus cette frange de la population s'y identifie. La société se polarise comme jamais."
"Nos sociétés, avec raison, sont prêtes à s'ouvrir à une pluralité de modes de vie, c'est la grandeur des sociétés libérales, mais n'ont pas particulièrement envie d'être transformées en un grand camp de rééducation idéologique à ciel ouvert avec des sermonneurs sur toutes les tribunes qui les accusent d'être arriérées."
"Pour que la politique soit civilisée, ou du moins, pour qu'on contienne sa charge polémique, elle doit s'inscrire dans un monde commun, qui transcende nos désaccords les plus profonds. Ce cadre, c'était la nation. Quand elle se décompose, c'est une psychologie de guerre civile qui remonte à la surface."
J’ai mis en évidence la remarque "la société se polarise comme jamais", car c’est ce qui me frappe beaucoup ces derniers temps : entre les Français de droite et les proches de la France insoumise - sans même évoquer la contre-société des cités, et les "puisque ces événements nous échappent, feignons d’en être les organisateurs" de LREM -, l’écart des positions devient abyssal, au point que l’on se demande ce qui peut encore permettre à ces gens-là de communiquer. Certes, je le sais bien, on peut continuer à discuter sur fond de positions philosophiques irréconciliables, on peut même croire que l’on est plus d’accord, ou moins en désaccord, que ce n’est réellement le cas, mais en période de polarisation, il y a un moment où ces ambiguïtés rassurantes et plus ou moins volontaires ne peuvent plus cacher la fracture qui s’est créée.
Ceci étant, on n’oubliera pas, en étant nous-même un exemple, qu’à force de comprendre à quoi ressemble réellement, le plus souvent hélas, ou en tout cas avec le plus d’influence nuisible sur ses pairs et sur ses non-pairs, un jeune-défavorisé-des-quartiers-difficiles ou un musulman-du-quotidien, certains gens de gauche entament une révision nécessaire de leurs a priori, et donc, de ce fait, s’ouvrent à la communication avec leurs compatriotes « beaufs » ou « fachos ». Mais la fuite en avant des autres, évoquée par M. Bock-Côté, et notamment de certains élus, ne laisse pas d’inquiéter.
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