vendredi 20 juillet 2018

"Je n’ai jamais eu une particulière estime pour l’institution judiciaire..."

Continuons notre cheminement dans le livre de R. Girardet et P. Assouline, Singulièrement libre (dont j’ai appris l’existence par Patrick Buisson, dans le chapitre de La cause du peuple où se trouve évoquée la guerre d’Algérie) : 

" - Qu’est-ce qui était « anormal » dans l’épuration, selon vous ? 

Les représailles locales étaient sans doute inévitables. Il était normal, d’autre part, que les responsables de la collaboration aient à assumer la responsabilité de leurs actes. Mais ces juges qui avaient juré vingt fois fidélité au Maréchal, ces jurés insultant les témoins et les accusés, ce public hurlant à la mort…

Que l’on fusille Pierre Laval à l’époque ne me gênait pas : il est pour moi, très sommairement, trop rapidement peut-être, l’incarnation de la trahison. Mais le déroulement de ce procès, cet agonisant que l’on retire de la mort qu’il avait voulu se donner, ce lavage d’estomac devant un procureur affolé pour le conduire vivant au poteau… Il s’agit de l’un des épisodes les plus réellement ignobles de l’histoire de ce temps. 

 - Vous en vouliez à la justice ? 

Comme tous les Français, car c’est une caractéristique nationale, je n’ai jamais eu une particulière estime pour l’institution judiciaire. Depuis la disparition des parlements de l’Ancien Régime, celle-ci, c’est le moins que l’on puisse dire, ne s’est jamais montrée indocile à l’égard des maîtres successifs du pouvoir."

Cela n’a pas changé depuis… Il faudrait d’ailleurs se demander, au cas où la remarque de R. Girardet sur les parlements de l’Ancien Régime est historiquement exacte, si nous ne sommes pas devant un cas typique de mensonge moderne : il y aurait moins de séparation des pouvoirs et moins d’indépendance du pouvoir judiciaire depuis la Révolution française qu’avant. La France n’est pas seulement remplie d’idées chrétiennes devenues folles, elle est aussi le lieu privilégié de la modernité en tant que mensonge sur le passé, à coups de grands mots (séparation des pouvoirs !), pour mieux permettre à des minorités sans légitimité d’exercer le pouvoir - et pas du tout de façon « séparée ». 


(Une note sur M. Benalla et toute la racaille rebeu qui entoure notre bien-aimé Président : même s’il suffit de regarder les députés LREM pour ne pas oublier que les blancs arrivistes ne manquent pas, il y a quelque chose de vaguement rassurant à voir qui compose la « garde rapprochée » (jusqu’où, mon colon ?) de M. Macron. Ce n’est pas pour dire du bien de ceux qui ont peur de se salir les mains, c’est plutôt pour dire du mal de ceux qui ne répugnent pas assez à se les salir…)