dimanche 16 juin 2019

"Anobli par voie de radiation..."

Nouveau changement de cap, un petit détour par un nouveau venu en ces murs, Jacques Perret. Ancien résistant - comme la plupart des plus ardents défenseurs de l’Algérie française, ce que l’on a tendance à oublier au profit d’un idéal-type du pétainiste-raciste-colonialiste qui a aussi existé, mais dont l’image arrangeait bien de Gaulle… -, proche de l’OAS, Perret vit son fils, engagé plus activement que lui dans cette cause, passer plus de cinq ans en prison. Ayant causé quelque scandale public lors du procès de son rejeton, en mettant assez violemment en cause le Général, il fut en 1963 rayé des contrôles de la Médaille militaire (obtenue, donc, que cela soit clair, pour faits de résistance durant la seconde guerre mondiale), avec interdiction de porter toute décoration française, pour complicité d’injures envers l’Ordre de la Légion d’honneur. - Ce qui fait penser à la phrase de Baudelaire, disant qu’il en est de certaines femmes comme de la Légion d’honneur, on n’en veut pas parce qu’elles ont touché trop de sales types, mais passons et donnons la parole à l’intéressé, réagissant ainsi à cette mesure punitive du pouvoir gaullien : 

"N’étant pas lecteur du J.O., ma radiation des contrôles de la médaille militaire m’a été signifiée par la rumeur publique. Le motif ne figure pas dans l’arrêt mais on devine bien qu’il s’agit d’une affaire de moeurs. J’ai dû me faire remarquer un jour que je me livrais en public à des exhibitions de vérités premières. C’est un exercice offensant à la pudeur de l’État. 

Toujours est-il que, depuis vendredi matin, je suis promu à la dignité d’ex-médaillé. Anobli par voie de radiation, titulaire d’une particule que tant d’autres ont méritée plus que moi, je fais humblement mon entrée dans l’aristocratie des ex. 

Je dois à la vérité de dire que cette mesure est dans l’ordre des choses, car la médaille me fut remise par un colonel africain, pied-noir à quatre générations, engagé à dix-sept ans en 1914, quatre ans de guerre dans les tirailleurs algériens pour la rectification de l’hexagone écorné, rappelé en 1939 et chaque fois que ledit hexagone avait besoin de lui, démissionnaire enfin pour incompatibilité morale avec l’ordre régnant. Venant d’un pareil donateur, la médaille était caduque."