lundi 17 juin 2019

"Faut-il attendre encore que la désorganisation totale de leur corps social s’achève, destruction de la famille et de la morale..."

Massignon et la conversion des musulmans, suite. Quelques extraits de ce texte écrit je le rappelle en 1923 : 

"Plusieurs ordres religieux se sont illustrés en terre musulmane, pour la défense de l’Église ; militaires, comme l’Hôpital, le Temple et la Calatrava ; apôtres, comme les Augustins, Carmes, Jésuites, Lazaristes, Pères Blancs. Les Trinitaires et Mercédaires ont été fondés spécialement pour la rédemption des captifs, retenus en prison musulmane. La garde des lieux saints en pays musulman est une des gloires de l’ordre franciscain. Et la controverse théorique avec les docteurs musulmans a formé la méthode dialectique des Dominicains."

"Depuis la dernière guerre, la ruine de l’indépendance temporelle des musulmans est un fait accompli. L’empire ottoman est démembré et ses dirigeants ont réduit le calife turc à n’avoir plus d’autorité que sur le domaine spirituel. 
Ce grand événement n’est-il pas le signe que l’évangélisation des musulmans, si longtemps retardée, va pouvoir commencer ? Faut-il attendre encore que la désorganisation totale de leur corps social s’achève, destruction de la famille et de la morale, activée, d’ailleurs, par les exemples pervers et les livres pernicieux des mauvais chrétiens d’Occident ? Cette politique du pire n’a rien de charitable, et elle aboutirait à laisser les musulmans s’affilier par désespoir, à tous les cercles révolutionnaires communistes, pour notre plus grand mal. 
En tout cas, il importe de constituer sans délai une méthode d’apostolat sérieuse à l’usage des musulmans. Car l’écroulement politique de l’Islam coïncide avec une recrudescence d’activités de la part des « missionnaires » musulmans. De toutes parts, ils développent leur prosélytisme ; ils sont particulièrement bien accueillis par les hindous de basse caste, et certains malais et nègres, animistes et fétichistes, qu’ils libèrent d’une magie impure, et que l’adhésion au monothéisme transforme d’emblée en hommes libres, décidés à résister à l’exploitation coloniale des Européens, dont le christianisme, d’ailleurs méconnaissable, leur demeure suspect."

A quel point dans ces lignes Massignon voit-il et évoque-t-il l’essor du salafisme, lui-même n’est pas assez clair et moi-même pas assez compétent en la matière pour que je puisse l’affirmer. Ce qu’il perçoit et énonce avec force, c’est la façon dont l’Occident de moins en moins chrétien a raté le coche, d’une part en n’étant pas assez chrétien ni prosélyte, d’autre part en laissant une certaine forme d’Islam - éventuellement plus ou moins alliée à des révoltes communistes ("Le communisme, Islam du XXe siècle, comme disait Monnerot…) - s’imposer comme religion des pauvres et des exclus. Et ce n’était que le début…


(Prochain épisode sous peu, j’espère.)