La Bible sous l'oreiller...
En lisant le dossier de l’Incorrect consacré au Grand Remplacement, je me faisais la réflexion qu’il y était bien peu question d’américanisation - même si, sans me semble-t-il prononcer le terme, Renaud Camus évoque un peu le thème. On trouve dans le même numéro une interview très critique d’un sociologue britannique je crois, dont j’ai déjà oublié le nom, sur le socialisme, avec une apologie (modérée) du capitalisme et de ce qu’il apporte en termes de bien-être. Cela me traînait dans la tête et me revient logiquement à l’esprit en lisant ces phrases de Bernanos, dont je ne dis pas qu’elles règlent le problème, mais qui en rappellent l’importance :
"Ainsi, le progrès n’est plus dans l’homme, il est dans la technique, dans le perfectionnement des méthodes capables de permettre une utilisation chaque jour plus efficace du matériel humain. [Voici une formule que R. Camus approuverait sans doute, note de AMG.]
Cette conception, je le répète, est à la base de tout le système, et elle a énormément facilité l’établissement du régime en justifiant les hideux profits de ses premiers bénéficiaires. Il y a cent cinquante ans, tous ces marchands de coton de Manchester - Mecque du capitalisme universel - qui faisaient travailler dans leurs usines, seize heures par jour, des enfants de douze ans que les contremaîtres devaient, la nuit venue, tenir éveillés à coups de baguette, couchaient tout de même avec la Bible sous leur oreiller. Lorsqu’ils leur arrivait de penser à ces milliers de misérables que la spéculation sur les salaires condamnait à une mort lente et sûre, ils se disaient qu’on ne peut rien contre les lois du déterminisme économique voulues par la Sainte Providence, et ils glorifiaient le Bon Dieu qui les faisait riches… Les marchands de coton de Manchester sont morts depuis longtemps, mais le monde moderne ne peut les renier, car ils l’ont engendré matériellement et spirituellement, ils l’ont engendré au Réalisme - dans le sens où saint Paul écrit à son disciple Timothée qu’il l’a engendré dans la grâce."
(Le Réalisme chez Bernanos est une notion particulière, entre le cynisme et la soumission consentie à certaines réalités, bien loin du Réalisme d’un Thomas d’Aquin.)
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