vendredi 24 mai 2019

"Jamais occidental, mais justement universel..."

Je reprend les méditations d’Abellio sur le Portugal, quelques lignes plus loin : 

"Il faut bien sûr s’interroger sur la signification du nouveau combat qui, depuis 1974 et venant d’Europe, a pris en quelque sorte le Portugal à revers, sur sa face de terre, en essayant d’installer le moteur de la dialectique marxiste en ce lieu immobile qui fut toujours, par excellence, celui de la non-dialectique. C’est assurément un combat ultime, celui du perpétuel contre l’éternel, et c’est là que le livre de Dominique de Roux, transcendant le roman en même temps que l’histoire, prend sa dimension prophétique. Et peut-être sommes-nous alors invités à méditer sur la vocation dernière de ce pays de l’Extrême-Occident qui ne se voulut jamais occidental, mais justement universel, et que convoite aujourd’hui la Bête de la Terre. Ici s’ouvre la tentation de l’espace sans horizon. Point d’étapes marquées ou de retours prévisibles dans ce vertige qui a saisi le Portugal devant l’étendue illimitée de cette surface liquide où toute trace se perd et sur laquelle aucun mouvement ne s’inscrit. On est ici dans le tout ou rien. Au contraire de la Castille, et de tous les pays d’Europe, successivement, qui furent impérialistes, le Portugal se voulut universaliste, mais il n’a joué de cette vocation planétaire, multi-raciale, pluricontinentale, que sur le mode de la dispersion. Toujours il a voulu (et comment eût-il pu faire autrement ?) que tout se passât à la fois, et Dominique de Roux met alors en relief, en grand poète, cet éternel côté naufragé des Portugais qui ont choisi le large pour découvrir au bout, quelque part, une île Fortunée, leur nouveau centre du monde, et qu’on voit alors bâtir aux antipodes leur éternel fort de pierres armé d’un canon pointé à son tour vers le large, un large qui n’en finit pas. Quel peut donc être le sens de cet Extrême-Occident déjà sorti du temps et qui se perd aussi dans l’espace ? Sous d’autres longitudes, le symbolisme de la Californie, dont l’homologie géographique avec le Portugal est assez frappante, peut cependant nous éclairer. Et, en effet, de même que le Portugal, sur l’Atlantique, n’appartient pas à l’Europe, pas davantage la mince ligne californienne, sur le Pacifique, ne s’incorpore à l’aire américaine. Là aussi, l’homme de l’Extrême-Ouest se voit privé, devant l’Océan, de tout horizon matériel. Repoussé vers le vide comme le Portugais, mais ne pouvant plus naviguer, car là la boucle est bouclée, il rencontre l’Extrême-Orient et les mers ne sont plus libres, le Californien a pourtant trouvé lui aussi ses refuges mythiques dans l’irréalité d’un autre monde, et ce fut en jouant sa propre vision universelle dans la fiction du cinéma ou de la pseudo-spiritualité de ses sectes. Est-ce là une loi ? Ces terres de l’Extrême-Occident sont-elles des terres de fiction ? Et le Cinquième Empire est-il le « cinéma » du Portugal ?"


Avec l’entrée en scène de la Californie - dont je rappelle, pour aller dans le sens d’Abellio, que de vieilles cartes géographiques du XIXe la représentent séparée du reste des États-Unis… -, on approche de ce que je cherchais de mon côté, en rouvrant Guénon puis Abellio. Je vous mets ça tout à plat la prochaine fois - si ce n’est ce week-end, du moins très bientôt. Après quoi je ferai peut-être une petite pause de quelques jours, je ne sais pas encore. A demain en tout cas !