lundi 13 avril 2009

Nous l'avons voulu, nous l'avons eu. (Apologie de la race française, III.)

Apologie I.

Apologie II.

Apologie IV-1.

Apologie IV-2.

Apologie IV-3.

Apologie V.

Apologie VI-1.

Apologie VI-2.



Nouveau changement de direction, pas du tout le texte prévu à l'origine. Seules quelques données brutes, aujourd'hui, dont nous analyserons en temps et heure causes et conséquences :

"Dans le cadre des frontières actuelles, le territoire [français] comptait 7 millions d'habitants au début de l'ère chrétienne, soit 26% du total européen, et 20 millions en 1340, ce qui représentait environ 27% du total européen. Chiffres considérables, caractéristique de base, hors laquelle il est vain de vouloir expliquer l'histoire de ce pays et son retentissement dans le monde. En 1750, la France était encore cette imposante « Chine de l'Europe ». Elle comptait 24 millions d'habitants, le Royaume-Uni 10 millions, la Russie 18 ! En 1800 elle apparaissait toujours comme un monstrueux réservoir d'hommes, avec ses trente millions d'habitants (dans les limites actuelles, 40 millions dans les limites politiques de l'époque), autant que la Russie ; les Autrichiens étaient 24 millions, les Anglais 18 millions, les Prussiens 9 millions, la population des Etats-Unis venait de dépasser 5 millions ! (...)

Après... Durant tout le XIXe siècle, la France [seul pays au monde dans ce cas ! là voilà l'exception française...] présente la fécondité la plus faible du monde, affichant des records à la baisse successifs, crevant régulièrement le plancher de ce que l'on croyait possible dans un contexte de progrès économique, d'où famines et grandes épidémies ont disparu, étant constamment incapable de remplacer ses générations à la naissance. En France, la baisse de la fécondité se déclenche trop rapidement après la baisse de la mortalité, sans l'anticiper, alors que, dans les autres pays, on observe un effet retard. Ainsi se prive-t-elle des possibilités d'accroissement naturel considérables de la population dont bénéficiera l'ensemble de l'Europe. Entre 1750 et 1910 s'est joué le destin de la France. Tandis qu'elle reste le seul pays, malgré le recul de la mortalité, à ne pas réussir à doubler ses effectifs (coefficient multiplicateur de 1,7), l'Angleterre multiplie sa population par 6, la Russie par 4,8, l'Allemagne par 4,5.

Les Français sont assez satisfaits de leur réserve jusqu'à la guerre de 1870, un désastre total dont on ne se représente plus ni l'ampleur ni le retentissement, d'où sortiront deux guerres mondiales, le nazisme et la révolution russe, et qui a pour conséquence de faire apparaître les deux thèmes de la dépopulation et de la décadence, liés."

(P. Yonnet, Famille I. Le recul de la mort. L'avènement de l'individu contemporain, Gallimard, 2006, pp. 176-178)

Ces chiffres donnent le vertige. Tirons-en tout de suite quelques conclusions rapides :

- le changement de proportion est tel par rapport aux voisins européens qu'il y a une évidente brisure de l'histoire nationale à partir de 1750, ou un peu après, jusqu'au symbole de 1870 (sans même parler de la saignée de 1914-1918, qui fera l'objet d'une étude à part) : la France reste certes la France, comme dirait de Gaulle, mais on peut aussi soutenir que nous ne vivons plus vraiment dans le même pays que nos ancêtres du Grand Siècle. C'est vrai pour tous les pays européens, dira-t-on, c'est une des différences entre tradition et modernité - à ceci près que ces pays européens ont tous évolué à peu près au même rythme, alors que la France s'est retrouvée seule sur ce chemin, d'abord en sens contraire des autres, et en contre-sens total par rapport à son modèle précédent. Une exception, à n'en pas douter ;

- sans doute peut-on saisir ici une des causes de la méfiance persistante des Français vis-à-vis de l'« économie » : la révolution industrielle s'est produite chez nous en période de déprime démographique. Certes nos voisins, et principalement les Anglais, ont alors eu à lutter contre des phénomènes de pauvreté de masse dans des proportions qui nous furent inconnues, mais l'accroissement général de puissance pour le pays a permis (en tout cas aux élites, après il faudrait être plus précis) d'identifier en quelque mesure révolution industrielle, puissance économique, et puissance anglaise. De même, avec retard et mutatis mutandis, pour la Prusse ;

- dans le même ordre d'idées, on voit bien que l'Empire français a pu jouer un rôle de compensation à ce déclin, alors que l'Empire anglais accompagna la montée en puissance du pays (nous sommes ici à un niveau « semi-conscient », Français comme Anglais sentirent ces choses sans pouvoir s'appuyer sur des statistiques). D'où peut-être - encore une fois, toutes choses égales par ailleurs - qu'il fût plus aisé pour les Anglais de lâcher leurs colonies sans trop de sentiment de décadence, alors que pour nous c'était perdre notre dernier cache-sexe - et ce qu'il y avait en-dessous était bien rabougri ;

- enfin, bien sûr, on saisit ici, à sa naissance, le rôle de l'immigration dans l'histoire de France : puisque les Français n'étaient plus capables de se renouveler complètement, il a bien fallu faire venir des étrangers. Simplicité biblique. Il est de même parfaitement clair que la venue en masse d'étrangers est liée, historiquement et symboliquement, à un déclin français. (Sur ce point, pas de malentendu : à la fin du XIXe siècle la France est un des pays les plus riches du monde, et culturellement d'une richesse extraordinaire. Elle s'est donc redressée, si l'on veut, mais seulement par rapport à 1870 ; sur le long terme, par rapport à ce qu'elle représentait en termes de puissance, au XVIIe siècle, elle se situe désormais à un niveau intrinsèquement inférieur. Les Français le savent, qui parlent alors de décadence tout le temps. La Grande Guerre le confirmera, tout en amputant encore la France de si nombreux éléments.) Et si déjà au XIXe siècle nous pouvions en vouloir aux étrangers venus en France de nous faire voir, au jour le jour, notre déclin, qu'en est-il aux XXe-XXIe, dans les périodes de crise, années 30 et aujourd'hui, et après la perte de l'Empire, alors que ces étrangers sont plus nombreux qu'avant, et culturellement de plus en plus étrangers, au moins lorsqu'ils arrivent en France ?

Bon, je voulais faire bref, donc je m'arrête, et conclus sur ce point : la France est un pays d'immigration récent [1], cette immigration a été suscitée par une carence dans le renouvellement des générations (carence que l'on peut par ailleurs louer pour des raisons culturelles, j'y reviendrai, mais carence indéniable d'un point de vue démographique) et par personne d'autre (si cela peut vous consoler, il en est de même, avec retard par rapport à la France, pour tous les pays occidentaux, le cas de l'Italie, traditionnellement pays d'émigration, étant le plus évident. Je vois des touristes dans le métro s'y étonner du nombre de Nègres et d'Arabes, ils n'ont pas fini de s'en étonner, en France, mais aussi chez eux. Démonstration à suivre...). Sans donc entrer dans les débats actuels sur répression-prévention-délinquance étrangère-racisme anti-blanc-racisme institutionnel-etc. etc., qui ne se confondent pas avec cette thèse, il faut marquer une fois pour toutes qu'à la base la France a eu besoin d'étrangers parce qu'elle n'était plus capable à elle seule de se renouveler. Et que c'est pas fini !



[1]
"Chez nous, l'immigration massive a été relativement tardive : en 1851, à la veille du Second Empire, les étrangers ne représentaient pas 1% de la population ; ils sont 2% vers 1872, au début de notre IIIe République (...). Vers 1914 leur proportion [demeure] inférieure à 3% de l'ensemble." F. Braudel, L'identité de la France, 1986, réed. Flammarion, coll. « Champs », 1990, t. 2, p. 207. Cité (avec les coupures signalées) par P. Yonnet, Voyage au centre du malaise français, p. 175.

Libellés : , ,