Mon identité nationale... (Apologie de la race française, V.)
Apologie I.
Apologie II.
Apologie III.
Apologie IV-1.
Apologie IV-2.
Apologie IV-3.
Apologie VI-1.
Apologie VI-2.
Oui, dans la série « Je n'ai pas le temps mais je pense à vous (tous les matins en me rasant) », une petite réaction au dernier éditorial de D. Sieffert. Outre qu'à sa lecture on a trop l'impression qu'avant l'accession de l'autre saloperie à la présidence de la République, la France était un pays merveilleux - et ses prisons des havres de paix aux effets bénéfiques pour tous -, on est un peu gêné par ce cliché : « la politique d’immigration a associé la répression à des invocations d’une identité nationale aux relents nettement pétainistes ». Ce n'est pas faux - les clichés sont rarement totalement faux - mais ça boîte.
Et non seulement ça boîte, mais ça ne boîte pas par hasard. Dans la très éclairante et prophétique conclusion de son Voyage au centre du malaise français (paru début 1993, je le rappelle), Paul Yonnet écrit : "Moins il y aura de Nation, plus il y aura de recours à l'Identité française, une identité-mode de vie, ethnographique, sacralisée en même temps que muséographiée." (p. 307, souligné par l'auteur.) Suivent des exemples qui évoquent à la fois José Bové et Nicolas Sarkozy, et c'est sur cette similitude que je voudrais aujourd'hui insister, schématiquement, parce que d'une part je n'ai, donc, pas le temps, et d'autre part il faut que je continue à explorer ce concept de Nation.
Ce que l'on peut dire au sujet de ce dernier, et qui nous importe pour notre démonstration, c'est qu'une nation est une continuité en acte, ou, si l'on veut, une continuité passé-présent-avenir. Nos ancêtres ont fait tel ou tel chemin - dont il n'est d'ailleurs pas interdit de critiquer certains aspects -, nous poursuivons ce chemin - en améliorant ce qui doit l'être -, nous comptons que nos descendants en feront autant. Ce n'est pas nécessairement un concept à strictement parler progressiste : on peut très bien admettre qu'il y a des hauts et des bas dans la vie d'une nation, et pas un chemin permanent vers le mieux. Mais c'est un concept fondé, avec quelques abus du style « nos ancêtres les Gaulois », sur une continuité.
En regard, on peut définir l'identité de deux manières. Il y a la version hard : une continuité brisée, qui ne contient plus l'avenir - et, par extension, à peine le présent : car si le présent était bien dans la continuité du passé, on aurait moins peur de l'avenir. L'identité est alors complètement figée, « sacralisée en même temps que muséographiée », c'est l'identité nostalgie, la France éternelle qui fait rêver tel ou tel, qui fait rêver aussi ces millions de touristes qui viennent la contempler chaque année, du « Quartier Latin » au Périgord en passant - pas trop, on ne peut pas se dissimuler qu'il s'y trouve des chômeurs - par la Lorraine, avec leurs gros sabots [1]. Ajoutons qu'il est presque abusif de parler de continuité : figer le passé, c'est ignorer les mouvements, parfois complexes, qui ont eu lieu dans le passé. Si vous voulez, c'est garder d'un long métrage de trois heures quelques photos censées le résumer complètement.
Et il y a, par ailleurs, la version soft, celle qui veut maintenir la continuité passé-présent-avenir, mais sans confiance pour cet avenir, c'est l'identité « dos-rond » : en période de turbulences, recentrons-nous sur nous-mêmes, en attendant des jours meilleurs.
Il y a donc un dégradé de perspectives possibles, de la Nation forte et confiante (éventuellement trop) en elle-même, à la Nation peu assurée de son avenir, qui ne se distingue guère, à l'usage, de l'identité « dos-rond », laquelle peut faire passer ensuite à l'identité hard, complètement figée.
Or, s'il est tout à fait possible et légitime de rapprocher cette dernière conception de l'identité nationale de certains aspects du pétainisme, on ne peut pour autant poser l'équation identité = pétainisme, ou Hortefeux = Pétain, sans faire passer à l'as, et c'est ce que je reproche à Denis Sieffert, tous les points de contact entre cette conception hard de l'identité, et ce que l'on entend couramment par nation. (Dois-je préciser que ceci n'absout en rien B. Hortefeux, ou E.Besson, de leur indignité ?)
Prenons le problème par un autre bout, pour mieux faire comprendre ces dernières affirmations. A défaut du roquefort promu par José Bové, je suis un grand consommateur de fromages anti-UE, genre Saint-Félicien ou Epoisses, vénère l'andouillette, et jure comme un charretier lorsque je dois faire plusieurs stations de métro pour trouver une saucisse de Toulouse digne de ce nom. Je ne pense par ailleurs que du mal, même si c'est un sujet que je n'évoque pas souvent, non seulement des politiques de « reconduites à la frontière », mais des contradictions, bureaucratiques pour ce qui est de leur application, théoriques pour ce qui est de leurs principes, sur lesquelles elles reposent : les immigrés depuis une bonne trentaine d'années sont utilisés à la fois pour faire le travail que les Français ne voulaient plus faire, pour faire baisser le salaire du prolo français, pour faire oublier au prolo français que le patronat le nique de plus en plus, etc., tout ceci étant encore redoublé et compliqué par et à l' « échelon européen » - et à l'arrivée, si j'ose dire, on vient encore les chercher pour les foutre dehors. Bien évidemment, je n'ai aucun mal, dans ma vie de tous les jours, à concilier mon goût pour le Brie de Melun et mon dégoût pour la politique d'Eric Besson.
Sauf que... Une préférence individuelle - qui ne vient pas non plus de nulle part, celle-ci est éminemment culturelle - n'a pas le même statut qu'un courant de pensée, et ce qui est aisément séparable dans la pratique quotidienne peut être plus difficile à dissocier au sein des schèmes mentaux directeurs d'une époque. A ce niveau, le fait est que MM. Bové et Besson participent d'un même mouvement d'inquiétude des Français quant à ce qu'ils sont, quitte à se focaliser sur des manifestations différentes de ce mouvement (manifestations différentes, mais qui peuvent entrer en interaction : pour dire les choses simplement, il est de fait qu'une immigration au moins en partie musulmane n'offre pas de grandes perspectives au développement de la consommation de l'andouillette [2].) José Bové et Eric Besson sont tous les deux plus du côté de l'identité que de la Nation.
Ce que je veux dire, c'est, d'une part, qu'il ne sert pas à grand-chose de s'opposer à Eric Besson sur les expulsions de clandestins si l'on n'est pas capable de définir ce que doit être une « politique de l'immigration » en France - et en Europe [3] ; d'autre part et plus généralement, que ce n'est pas parce que le concept d'identité a été utilisé par la droite et qu'il existe, à l' « extrême-droite », des groupes dits identitaires, que les soucis sur l'identité française ne sont que de droite (de même d'ailleurs qu'il y eut des racines de gauche au pétainisme, mais passons). Les questions sur l'identité, nous les partageons tous, y compris d'ailleurs les immigrés les plus récents, qui sont parfois les plus surpris du « nombre de Noirs à Paris » et qui constatent vite que la France ne sait plus du tout où elle va. Ce n'est pas un tort de se poser de telles questions.
Simplement, il ne faut ni couper les ponts entre identité et nation, ni perdre de vue les différences entre les deux, sinon :
- on ne voit pas, donc, que José Bové et Brice Hortefeux (j'emploie ces noms propres comme symboles, quitte à être injuste quant aux intentions des auteurs ; mais ils ont été les premiers à se situer du côté du symbole (le roquefort, l'Etat fort...), ma réduction est donc légitime) participent d'un même mouvement ;
- on ne voit pas, ou pas assez, que ce mouvement est sérieux dans toutes ses composantes, les plus « sympas » comme les plus étatiques ;
- on ne voit pas que si ce mouvement est sérieux il est, sur ces deux versants, contre-productif : la conception hard de l'identité, en rompant de facto la continuité passé-présent, isole du passé des traits extraits de leur contexte, leur retire donc toute signification, et interdit de comprendre les évolutions en cours ;
- on ne voit pas non plus, a contrario, qu'il faut tout de même garder la séparation réelle qui existe, conceptuellement, entre nation et identité : sous prétexte que certains figent ce qu'ils estiment être l'identité française, il ne faut pas « du passé faire table rase ». Et réciproquement, il faut savoir garder l'essentiel de la continuité sans s'attacher trop à certains symboles. Pour reprendre mon exemple, si c'est, notamment, au prix du sacrifice de l'andouillette que la France peut continuer à être à peu près ce qu'elle est - un certain mélange d'égalitarisme, d'esprit aristocratique (en tragique baisse), de lucidité (eh oui !) et de prétentions plus ou moins touchantes ou grotesques... -, alors je me ferai une raison (même si, dans le cas présent, pour l'andouillette, avoir réussi à faire quelque chose d'aussi bon avec une base aussi répugnante me semble une prouesse assez typiquement française...) et me contenterai d'en garder de bons souvenirs.
Il n'est pas du tout dans mon propos de faire l'apologie de quelqu'un comme Alain Soral (et encore moins de donner des consignes de vote !), et ce n'était aucunement l'objectif de cette note. Mais on ne peut que remarquer, un dernier exemple en date ici, qu'il lui arrive, à lui au moins, d'affronter ensemble des problèmes qui doivent être traités ensemble, et de ne pas dissimuler sous le tapis la poussière des fausses évidences.
Après, savoir si la nation française a un avenir... Quinze ans après la prophétie de P. Yonnet, la hausse du concept d'identité, ouvertement (Hortefeux-Besson) ou plus discrètement (Bové), n'est pas un bon signe. Contrairement à ce que je lis ou entends parfois, je crois néanmoins que la nation française existe encore (N. Sarkozy parviendra-t-il à refaire un semblant d'unité nationale contre lui-même ? Si cela pouvait être sa mission historique...) ; je serais par contre bien incapable de dire ce qu'il en sera dans le futur. Mais si, dans un monde instable, il est légitime de s'accrocher à ce qui est stable, aux structures encore existantes, on n'aura garde d'oublier que la nation est un concept respectable certes, mais daté et non universel, et qu'il existe d'autres formes, au moins tout aussi respectables, de collectivités. A suivre !
[1]
Je n'ai pas cherché, il doit y avoir quelque part des éléments là-dessus, mais a-t-on mesuré la pollution causée à Notre-Dame par ces innombrables pas qui chaque jour que Dieu fait la traversent de long en large ? L'antique cathédrale était bâtie, puis fut restaurée, pour durer, je veux bien, mais quelle usure lui est quotidiennement infligée...
Plus généralement, et sans se fermer les yeux sur l'importance des revenus générés par le tourisme dans l'économie française, on signalera que cette façon de faciliter ainsi l'accès de ses plus belles richesses au vulgaire (le touriste est vulgaire) est, d'une part, de la prostitution, d'autre part caractéristique d'une économie dite du Tiers-Monde. Dieu retrouvera les siens !
[2]
On n'en dira pas autant pour l'alcool : je connais assez de français musulmans qui ne supportent pas le porc, mais qui ne crachent pas sur un verre de bon vin. C'est que l'interdit sur le porc est inculqué dès l'enfance et perdure souvent toute la vie, alors que celui sur l'alcool reste abstrait pendant longtemps, et que l'alcool, tout de même, produit des sensations auxquelles il est plus difficile de trouver des substituts qu'une tranche de jambon Herta.
[3]
J'avais certes conclu la première livraison de cette apologie en écrivant que l'immigration avait plus de chances de bien se passer si l'on n'en parlait pas trop, au sens où une assimilation silencieuse se faisait quotidiennement. Je maintiens ce propos - qui n'a rien d'une politique de l'autruche. Mais à partir du moment où l'on parle de l'immigration, alors il faut en parler jusqu'au bout.
P.S. : j'allais oublier, le dernier « bloc-notes » de Ivan Rioufol-le fol-s'affole vaut le détour. Foutre, qu'il est con ! Pire que Fontenelle...
Apologie II.
Apologie III.
Apologie IV-1.
Apologie IV-2.
Apologie IV-3.
Apologie VI-1.
Apologie VI-2.
Oui, dans la série « Je n'ai pas le temps mais je pense à vous (tous les matins en me rasant) », une petite réaction au dernier éditorial de D. Sieffert. Outre qu'à sa lecture on a trop l'impression qu'avant l'accession de l'autre saloperie à la présidence de la République, la France était un pays merveilleux - et ses prisons des havres de paix aux effets bénéfiques pour tous -, on est un peu gêné par ce cliché : « la politique d’immigration a associé la répression à des invocations d’une identité nationale aux relents nettement pétainistes ». Ce n'est pas faux - les clichés sont rarement totalement faux - mais ça boîte.
Et non seulement ça boîte, mais ça ne boîte pas par hasard. Dans la très éclairante et prophétique conclusion de son Voyage au centre du malaise français (paru début 1993, je le rappelle), Paul Yonnet écrit : "Moins il y aura de Nation, plus il y aura de recours à l'Identité française, une identité-mode de vie, ethnographique, sacralisée en même temps que muséographiée." (p. 307, souligné par l'auteur.) Suivent des exemples qui évoquent à la fois José Bové et Nicolas Sarkozy, et c'est sur cette similitude que je voudrais aujourd'hui insister, schématiquement, parce que d'une part je n'ai, donc, pas le temps, et d'autre part il faut que je continue à explorer ce concept de Nation.
Ce que l'on peut dire au sujet de ce dernier, et qui nous importe pour notre démonstration, c'est qu'une nation est une continuité en acte, ou, si l'on veut, une continuité passé-présent-avenir. Nos ancêtres ont fait tel ou tel chemin - dont il n'est d'ailleurs pas interdit de critiquer certains aspects -, nous poursuivons ce chemin - en améliorant ce qui doit l'être -, nous comptons que nos descendants en feront autant. Ce n'est pas nécessairement un concept à strictement parler progressiste : on peut très bien admettre qu'il y a des hauts et des bas dans la vie d'une nation, et pas un chemin permanent vers le mieux. Mais c'est un concept fondé, avec quelques abus du style « nos ancêtres les Gaulois », sur une continuité.
En regard, on peut définir l'identité de deux manières. Il y a la version hard : une continuité brisée, qui ne contient plus l'avenir - et, par extension, à peine le présent : car si le présent était bien dans la continuité du passé, on aurait moins peur de l'avenir. L'identité est alors complètement figée, « sacralisée en même temps que muséographiée », c'est l'identité nostalgie, la France éternelle qui fait rêver tel ou tel, qui fait rêver aussi ces millions de touristes qui viennent la contempler chaque année, du « Quartier Latin » au Périgord en passant - pas trop, on ne peut pas se dissimuler qu'il s'y trouve des chômeurs - par la Lorraine, avec leurs gros sabots [1]. Ajoutons qu'il est presque abusif de parler de continuité : figer le passé, c'est ignorer les mouvements, parfois complexes, qui ont eu lieu dans le passé. Si vous voulez, c'est garder d'un long métrage de trois heures quelques photos censées le résumer complètement.
Et il y a, par ailleurs, la version soft, celle qui veut maintenir la continuité passé-présent-avenir, mais sans confiance pour cet avenir, c'est l'identité « dos-rond » : en période de turbulences, recentrons-nous sur nous-mêmes, en attendant des jours meilleurs.
Il y a donc un dégradé de perspectives possibles, de la Nation forte et confiante (éventuellement trop) en elle-même, à la Nation peu assurée de son avenir, qui ne se distingue guère, à l'usage, de l'identité « dos-rond », laquelle peut faire passer ensuite à l'identité hard, complètement figée.
Or, s'il est tout à fait possible et légitime de rapprocher cette dernière conception de l'identité nationale de certains aspects du pétainisme, on ne peut pour autant poser l'équation identité = pétainisme, ou Hortefeux = Pétain, sans faire passer à l'as, et c'est ce que je reproche à Denis Sieffert, tous les points de contact entre cette conception hard de l'identité, et ce que l'on entend couramment par nation. (Dois-je préciser que ceci n'absout en rien B. Hortefeux, ou E.Besson, de leur indignité ?)
Prenons le problème par un autre bout, pour mieux faire comprendre ces dernières affirmations. A défaut du roquefort promu par José Bové, je suis un grand consommateur de fromages anti-UE, genre Saint-Félicien ou Epoisses, vénère l'andouillette, et jure comme un charretier lorsque je dois faire plusieurs stations de métro pour trouver une saucisse de Toulouse digne de ce nom. Je ne pense par ailleurs que du mal, même si c'est un sujet que je n'évoque pas souvent, non seulement des politiques de « reconduites à la frontière », mais des contradictions, bureaucratiques pour ce qui est de leur application, théoriques pour ce qui est de leurs principes, sur lesquelles elles reposent : les immigrés depuis une bonne trentaine d'années sont utilisés à la fois pour faire le travail que les Français ne voulaient plus faire, pour faire baisser le salaire du prolo français, pour faire oublier au prolo français que le patronat le nique de plus en plus, etc., tout ceci étant encore redoublé et compliqué par et à l' « échelon européen » - et à l'arrivée, si j'ose dire, on vient encore les chercher pour les foutre dehors. Bien évidemment, je n'ai aucun mal, dans ma vie de tous les jours, à concilier mon goût pour le Brie de Melun et mon dégoût pour la politique d'Eric Besson.
Sauf que... Une préférence individuelle - qui ne vient pas non plus de nulle part, celle-ci est éminemment culturelle - n'a pas le même statut qu'un courant de pensée, et ce qui est aisément séparable dans la pratique quotidienne peut être plus difficile à dissocier au sein des schèmes mentaux directeurs d'une époque. A ce niveau, le fait est que MM. Bové et Besson participent d'un même mouvement d'inquiétude des Français quant à ce qu'ils sont, quitte à se focaliser sur des manifestations différentes de ce mouvement (manifestations différentes, mais qui peuvent entrer en interaction : pour dire les choses simplement, il est de fait qu'une immigration au moins en partie musulmane n'offre pas de grandes perspectives au développement de la consommation de l'andouillette [2].) José Bové et Eric Besson sont tous les deux plus du côté de l'identité que de la Nation.
Ce que je veux dire, c'est, d'une part, qu'il ne sert pas à grand-chose de s'opposer à Eric Besson sur les expulsions de clandestins si l'on n'est pas capable de définir ce que doit être une « politique de l'immigration » en France - et en Europe [3] ; d'autre part et plus généralement, que ce n'est pas parce que le concept d'identité a été utilisé par la droite et qu'il existe, à l' « extrême-droite », des groupes dits identitaires, que les soucis sur l'identité française ne sont que de droite (de même d'ailleurs qu'il y eut des racines de gauche au pétainisme, mais passons). Les questions sur l'identité, nous les partageons tous, y compris d'ailleurs les immigrés les plus récents, qui sont parfois les plus surpris du « nombre de Noirs à Paris » et qui constatent vite que la France ne sait plus du tout où elle va. Ce n'est pas un tort de se poser de telles questions.
Simplement, il ne faut ni couper les ponts entre identité et nation, ni perdre de vue les différences entre les deux, sinon :
- on ne voit pas, donc, que José Bové et Brice Hortefeux (j'emploie ces noms propres comme symboles, quitte à être injuste quant aux intentions des auteurs ; mais ils ont été les premiers à se situer du côté du symbole (le roquefort, l'Etat fort...), ma réduction est donc légitime) participent d'un même mouvement ;
- on ne voit pas, ou pas assez, que ce mouvement est sérieux dans toutes ses composantes, les plus « sympas » comme les plus étatiques ;
- on ne voit pas que si ce mouvement est sérieux il est, sur ces deux versants, contre-productif : la conception hard de l'identité, en rompant de facto la continuité passé-présent, isole du passé des traits extraits de leur contexte, leur retire donc toute signification, et interdit de comprendre les évolutions en cours ;
- on ne voit pas non plus, a contrario, qu'il faut tout de même garder la séparation réelle qui existe, conceptuellement, entre nation et identité : sous prétexte que certains figent ce qu'ils estiment être l'identité française, il ne faut pas « du passé faire table rase ». Et réciproquement, il faut savoir garder l'essentiel de la continuité sans s'attacher trop à certains symboles. Pour reprendre mon exemple, si c'est, notamment, au prix du sacrifice de l'andouillette que la France peut continuer à être à peu près ce qu'elle est - un certain mélange d'égalitarisme, d'esprit aristocratique (en tragique baisse), de lucidité (eh oui !) et de prétentions plus ou moins touchantes ou grotesques... -, alors je me ferai une raison (même si, dans le cas présent, pour l'andouillette, avoir réussi à faire quelque chose d'aussi bon avec une base aussi répugnante me semble une prouesse assez typiquement française...) et me contenterai d'en garder de bons souvenirs.
Il n'est pas du tout dans mon propos de faire l'apologie de quelqu'un comme Alain Soral (et encore moins de donner des consignes de vote !), et ce n'était aucunement l'objectif de cette note. Mais on ne peut que remarquer, un dernier exemple en date ici, qu'il lui arrive, à lui au moins, d'affronter ensemble des problèmes qui doivent être traités ensemble, et de ne pas dissimuler sous le tapis la poussière des fausses évidences.
Après, savoir si la nation française a un avenir... Quinze ans après la prophétie de P. Yonnet, la hausse du concept d'identité, ouvertement (Hortefeux-Besson) ou plus discrètement (Bové), n'est pas un bon signe. Contrairement à ce que je lis ou entends parfois, je crois néanmoins que la nation française existe encore (N. Sarkozy parviendra-t-il à refaire un semblant d'unité nationale contre lui-même ? Si cela pouvait être sa mission historique...) ; je serais par contre bien incapable de dire ce qu'il en sera dans le futur. Mais si, dans un monde instable, il est légitime de s'accrocher à ce qui est stable, aux structures encore existantes, on n'aura garde d'oublier que la nation est un concept respectable certes, mais daté et non universel, et qu'il existe d'autres formes, au moins tout aussi respectables, de collectivités. A suivre !
[1]
Je n'ai pas cherché, il doit y avoir quelque part des éléments là-dessus, mais a-t-on mesuré la pollution causée à Notre-Dame par ces innombrables pas qui chaque jour que Dieu fait la traversent de long en large ? L'antique cathédrale était bâtie, puis fut restaurée, pour durer, je veux bien, mais quelle usure lui est quotidiennement infligée...
Plus généralement, et sans se fermer les yeux sur l'importance des revenus générés par le tourisme dans l'économie française, on signalera que cette façon de faciliter ainsi l'accès de ses plus belles richesses au vulgaire (le touriste est vulgaire) est, d'une part, de la prostitution, d'autre part caractéristique d'une économie dite du Tiers-Monde. Dieu retrouvera les siens !
[2]
On n'en dira pas autant pour l'alcool : je connais assez de français musulmans qui ne supportent pas le porc, mais qui ne crachent pas sur un verre de bon vin. C'est que l'interdit sur le porc est inculqué dès l'enfance et perdure souvent toute la vie, alors que celui sur l'alcool reste abstrait pendant longtemps, et que l'alcool, tout de même, produit des sensations auxquelles il est plus difficile de trouver des substituts qu'une tranche de jambon Herta.
[3]
J'avais certes conclu la première livraison de cette apologie en écrivant que l'immigration avait plus de chances de bien se passer si l'on n'en parlait pas trop, au sens où une assimilation silencieuse se faisait quotidiennement. Je maintiens ce propos - qui n'a rien d'une politique de l'autruche. Mais à partir du moment où l'on parle de l'immigration, alors il faut en parler jusqu'au bout.
P.S. : j'allais oublier, le dernier « bloc-notes » de Ivan Rioufol-le fol-s'affole vaut le détour. Foutre, qu'il est con ! Pire que Fontenelle...
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