"Il est dans l'ordre du monde, à cet instant..."
"Dieu est l'auteur de tout ; Dieu n'est l'auteur que du bien, on ne peut se tirer de là."
"Aimer d'une part tout indistinctement. D'autre part le bien seul. Mystère."
"Que la souffrance soit un mal, rien ne force à l'admettre."
"Le malheur ne suffit pas, il faut un malheur sans consolation.
Malheur à eux [les riches] : ils tiennent leur consolation. (Luc, VI, 24.)
Il ne faut pas avoir de consolation. Aucune consolation représentable. (La consolation ineffable descend alors.)
Remettre les dettes. Accepter le passé sans demander, pour le passé, de compensation à l'avenir. C'est aussi l'acceptation de la mort. Arrêter le temps à l'instant présent."
"Se dépouiller de la royauté imaginaire du monde pour se réduire au point qu'on occupe dans l'espace et le temps. Solitude absolue. Alors on a la vérité du monde.
S'il n'y avait pas d'être fini et pensant ? Seulement Dieu et le monde ?
Dieu est crucifié par le fait que des êtres finis pensent. Des êtres soumis à la nécessité.
S'il n'y avait que Dieu et la matière... ?
Dieu est crucifié du fait que des êtres finis, soumis à la nécessité, à l'espace et au temps, pensent.
Savoir que comme être pensant et fini, je suis Dieu crucifié.
Ressembler à Dieu, mais à Dieu crucifié.
A Dieu puissant pour autant qu'il est lié par la nécessité."
"Si nous nous considérons à un instant déterminé - l'instant présent, coupé du passé et de l'avenir - nous sommes innocents. Nous ne pouvons être à cet instant que ce que nous sommes ; tout progrès implique une durée. Il est dans l'ordre du monde, à cet instant, que nous soyons tels.
Isoler ainsi un instant implique le pardon. Mais cet isolement est détachement. Tous les problèmes se ramènent au temps."
"Vous serez comme des dieux. (Genèse, III, 5.) Le péché est de désirer être comme des dieux autrement que par la participation à la divinité de Dieu. Nous naissons avec ce péché. C'est le péché luciférien.
Nécessité du médiateur pour que l'adoration de Dieu soit une imitation et que cette imitation soit pure.
Il [Jésus] s'est vidé de sa divinité. Nous devons nous vider de la fausse divinité avec laquelle nous sommes nés.
Les empêcher de manger l'arbre de vie. Nous empêcher d'être de faux dieux. La mort nous avertit que nous ne sommes pas dieux. C'est pourquoi elle nous est si douloureuse, tant que ne nous l'avons pas complètement compris. (Et même le Christ...)
Tuer est mauvais (et enivrant) parce que nous nous sentons soustraits à la mort que nous infligeons."
"L'institution de l'esclavage cache aux hommes (maîtres et esclaves) cette vérité, que l'homme comme tel est esclave.
Les meilleures institutions sont celles qui mentent le moins.
L'argent est un mensonge ; signe trop général."
"Lire Dieu en toute manifestation, sans exception, mais selon le juste rapport de manifestation propre à chaque apparence. Savoir de quelle manière chaque apparence n'est pas Dieu.
Foi, don de la lecture.
Le don de la lecture est surnaturel, et sans ce don il n'y a pas de justice. Intelligence de cette réalité suprême qu'est cette absence d'objet qui est l'objet de l'amour, et lecture de cette réalité dans les objets pris tous ensemble et chaque objet en particulier. Condition de l'obéissance, qui est la justice.
La foi a rapport à la lecture, et la charité à la pesanteur.
On ne peut s'empêcher d'aimer. Mais on peut choisir ce qu'on aime.
Il faut aimer ce qui est absolument digne d'amour, non pas ce qui en est digne à certains égards, indigne à d'autres. (Platon.)
Rien de ce qui existe n'est absolument digne d'amour.
Il faut donc aimer ce qui n'existe pas.
Mais cet objet d'amour qui n'existe pas n'est pas sans réalité, n'est pas une fiction. Car nos fictions ne peuvent pas être plus dignes d'amour que nous-mêmes, qui ne le sommes pas.
La foi. Croire que rien de ce que nous pouvons saisir n'est Dieu. Foi négative. Mais aussi, croire que ce que nous ne pouvons pas saisir est plus réel que ce que nous pouvons saisir. Que notre pouvoir de saisir n'est pas le critérium de la réalité, mais au contraire est trompeur. Croire enfin que l'insaisissable apparaît néanmoins, caché."
"Incarnation. Dieu est faible parce qu'il est impartial. Action non agissante. Envoie les rayons de soleil et la pluie sur les bons et les méchants. Cette indifférence du Père et la faiblesse du Christ se répondent. Absence de Dieu. Le royaume des cieux est comme un grain de sénevé... Dieu ne change rien. On a tué le Christ, par colère, parce qu'il n'était que Dieu."
"De la misère humaine à Dieu. Mais non pas comme compensation ou consolation. Comme corrélation."
"Lien nécessaire du surnaturel et de la souffrance. L'homme fait de chair, comment ne souffrirait-il pas quand il s'unit à la créature divine ? Dieu souffre en lui d'être fini. Souffrance impliquée par la création. Souffrance sans consolation, car les consolations sont fabriquées par l'imagination, dont il faut s'être vidé pour laisser la place à Dieu. L'imagination est la fausse divinité.
Certains actes (ex. tuer, sauf peut-être cas exceptionnels) sont par essence imaginaires, bien qu'on les accomplisse effectivement. Ce sont eux qui sont interdits.
En laissant place dans l'esprit à Dieu, on abandonne la chair à la nécessité. Obéissance, vertu suprême de la créature."
"Les mêmes mots (ex. un homme dit à une femme : je vous aime) peuvent être vulgaires ou extraordinaires, selon la manière dont ils sont prononcés. Et cette manière dépend de la profondeur de la région de l'être d'où ils procèdent, sans que la volonté y puisse rien. Et, par un accord merveilleux, ils vont toucher, chez celui qui écoute, la même région. Ainsi celui qui écoute peut discerner, s'il a du discernement, et seulement à cette condition, ce que valent ces paroles. Ce rapport est aussi celui de l'art et du goût. Et celui des deux formes de la foi, celle par laquelle on agit, celle par laquelle on croit."
"La souffrance et la jouissance comme sources de savoir. Le serpent a offert la connaissance à Adam et Ève. Les Sirènes ont offert la connaissance à Ulysse. Ces histoires enseignent que l'âme se perd en cherchant la connaissance dans le plaisir. Pourquoi ? Le plaisir peut-être est innocent à condition qu'on n'y cherche pas la connaissance. Mais il est permis de la chercher dans la souffrance."
S.W., 1941-42.
"Aimer d'une part tout indistinctement. D'autre part le bien seul. Mystère."
"Que la souffrance soit un mal, rien ne force à l'admettre."
"Le malheur ne suffit pas, il faut un malheur sans consolation.
Malheur à eux [les riches] : ils tiennent leur consolation. (Luc, VI, 24.)
Il ne faut pas avoir de consolation. Aucune consolation représentable. (La consolation ineffable descend alors.)
Remettre les dettes. Accepter le passé sans demander, pour le passé, de compensation à l'avenir. C'est aussi l'acceptation de la mort. Arrêter le temps à l'instant présent."
"Se dépouiller de la royauté imaginaire du monde pour se réduire au point qu'on occupe dans l'espace et le temps. Solitude absolue. Alors on a la vérité du monde.
S'il n'y avait pas d'être fini et pensant ? Seulement Dieu et le monde ?
Dieu est crucifié par le fait que des êtres finis pensent. Des êtres soumis à la nécessité.
S'il n'y avait que Dieu et la matière... ?
Dieu est crucifié du fait que des êtres finis, soumis à la nécessité, à l'espace et au temps, pensent.
Savoir que comme être pensant et fini, je suis Dieu crucifié.
Ressembler à Dieu, mais à Dieu crucifié.
A Dieu puissant pour autant qu'il est lié par la nécessité."
"Si nous nous considérons à un instant déterminé - l'instant présent, coupé du passé et de l'avenir - nous sommes innocents. Nous ne pouvons être à cet instant que ce que nous sommes ; tout progrès implique une durée. Il est dans l'ordre du monde, à cet instant, que nous soyons tels.
Isoler ainsi un instant implique le pardon. Mais cet isolement est détachement. Tous les problèmes se ramènent au temps."
"Vous serez comme des dieux. (Genèse, III, 5.) Le péché est de désirer être comme des dieux autrement que par la participation à la divinité de Dieu. Nous naissons avec ce péché. C'est le péché luciférien.
Nécessité du médiateur pour que l'adoration de Dieu soit une imitation et que cette imitation soit pure.
Il [Jésus] s'est vidé de sa divinité. Nous devons nous vider de la fausse divinité avec laquelle nous sommes nés.
Les empêcher de manger l'arbre de vie. Nous empêcher d'être de faux dieux. La mort nous avertit que nous ne sommes pas dieux. C'est pourquoi elle nous est si douloureuse, tant que ne nous l'avons pas complètement compris. (Et même le Christ...)
Tuer est mauvais (et enivrant) parce que nous nous sentons soustraits à la mort que nous infligeons."
"L'institution de l'esclavage cache aux hommes (maîtres et esclaves) cette vérité, que l'homme comme tel est esclave.
Les meilleures institutions sont celles qui mentent le moins.
L'argent est un mensonge ; signe trop général."
"Lire Dieu en toute manifestation, sans exception, mais selon le juste rapport de manifestation propre à chaque apparence. Savoir de quelle manière chaque apparence n'est pas Dieu.
Foi, don de la lecture.
Le don de la lecture est surnaturel, et sans ce don il n'y a pas de justice. Intelligence de cette réalité suprême qu'est cette absence d'objet qui est l'objet de l'amour, et lecture de cette réalité dans les objets pris tous ensemble et chaque objet en particulier. Condition de l'obéissance, qui est la justice.
La foi a rapport à la lecture, et la charité à la pesanteur.
On ne peut s'empêcher d'aimer. Mais on peut choisir ce qu'on aime.
Il faut aimer ce qui est absolument digne d'amour, non pas ce qui en est digne à certains égards, indigne à d'autres. (Platon.)
Rien de ce qui existe n'est absolument digne d'amour.
Il faut donc aimer ce qui n'existe pas.
Mais cet objet d'amour qui n'existe pas n'est pas sans réalité, n'est pas une fiction. Car nos fictions ne peuvent pas être plus dignes d'amour que nous-mêmes, qui ne le sommes pas.
La foi. Croire que rien de ce que nous pouvons saisir n'est Dieu. Foi négative. Mais aussi, croire que ce que nous ne pouvons pas saisir est plus réel que ce que nous pouvons saisir. Que notre pouvoir de saisir n'est pas le critérium de la réalité, mais au contraire est trompeur. Croire enfin que l'insaisissable apparaît néanmoins, caché."
"Incarnation. Dieu est faible parce qu'il est impartial. Action non agissante. Envoie les rayons de soleil et la pluie sur les bons et les méchants. Cette indifférence du Père et la faiblesse du Christ se répondent. Absence de Dieu. Le royaume des cieux est comme un grain de sénevé... Dieu ne change rien. On a tué le Christ, par colère, parce qu'il n'était que Dieu."
"De la misère humaine à Dieu. Mais non pas comme compensation ou consolation. Comme corrélation."
"Lien nécessaire du surnaturel et de la souffrance. L'homme fait de chair, comment ne souffrirait-il pas quand il s'unit à la créature divine ? Dieu souffre en lui d'être fini. Souffrance impliquée par la création. Souffrance sans consolation, car les consolations sont fabriquées par l'imagination, dont il faut s'être vidé pour laisser la place à Dieu. L'imagination est la fausse divinité.
Certains actes (ex. tuer, sauf peut-être cas exceptionnels) sont par essence imaginaires, bien qu'on les accomplisse effectivement. Ce sont eux qui sont interdits.
En laissant place dans l'esprit à Dieu, on abandonne la chair à la nécessité. Obéissance, vertu suprême de la créature."
"Les mêmes mots (ex. un homme dit à une femme : je vous aime) peuvent être vulgaires ou extraordinaires, selon la manière dont ils sont prononcés. Et cette manière dépend de la profondeur de la région de l'être d'où ils procèdent, sans que la volonté y puisse rien. Et, par un accord merveilleux, ils vont toucher, chez celui qui écoute, la même région. Ainsi celui qui écoute peut discerner, s'il a du discernement, et seulement à cette condition, ce que valent ces paroles. Ce rapport est aussi celui de l'art et du goût. Et celui des deux formes de la foi, celle par laquelle on agit, celle par laquelle on croit."
"La souffrance et la jouissance comme sources de savoir. Le serpent a offert la connaissance à Adam et Ève. Les Sirènes ont offert la connaissance à Ulysse. Ces histoires enseignent que l'âme se perd en cherchant la connaissance dans le plaisir. Pourquoi ? Le plaisir peut-être est innocent à condition qu'on n'y cherche pas la connaissance. Mais il est permis de la chercher dans la souffrance."
S.W., 1941-42.
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