jeudi 12 avril 2018

"Mais Drumont étant député et participant à la convention générale..."

Revenons à Léon Daudet et à sa méthodologie. Ce texte suit immédiatement la citation précédente. Je laisse bien sûr à l’auteur l’entière responsabilité de son antisémitisme et du lien qu’il évoque entre judaïsme et franc-maçonnerie. Ceci étant, sa tranquille bonne conscience sur ces thèmes ne laisse pas de montrer que les temps ont vraiment changé. Bref : 

"C’est, je crois, le philosophe catalan Balmès, défenseur illustre et clair du catholicisme, qui exprima, le plus justement, cette idée qu’il importe, pour nuire réellement à une doctrine pernicieuse, de s’en prendre à ceux qui la propagent. Rien de plus juste. Les polémiques ad principia ont leur autorité et leur prix. Mais elles ne deviennent percutantes qu’en s’incarnant, en devenant polémiques ad personas, du moins quant aux vivants. « Vous compliquez la tâche », s’écrient les paresseux et les timides. Pour vous peut-être, qui vous contentez d’un semblant de lutte et de fausses victoires académiques. Nous la simplifions, au contraire, pour ceux qui veulent des résultats tangibles, positifs, solides. En voici un exemple et récent : 

Pendant de longues années, des historiens, des théologiens, des hommes politiques de droite ou du centre (j’emploie à dessein le jargon parlementaire, parce qu’il correspond à des visages) se sont attaqués à la maçonnerie, qui est l’instrument électoral du peuple juif en subsistance chez les Français. D’excellents ouvrages ont paru sur ce sujet. La maçonnerie, dévoilée ou non, ne s’en portait pas plus mal, quand, à l’automne de 1904, un député patriote courageux et jusqu’à la mort, du nom de Gabriel Syveton, fit éclater le scandale des fiches de délation et souffleta, en pleine séance, le chef des mouchards (et du même coup les auxiliaires et renseigneurs de l’Allemagne), autrement dit le ministre de la Guerre général André. Cet acte porta à la maçonnerie un coup terrible, dont elle ne s’est pas relevée, dont elle ne se relèvera peut-être pas. Or, le soir même de cet événement, d’une importance historique, j’eus la surprise d’entendre désavouer ce glorieux et malheureux Syveton (mon ancien condisciple de Louis-le-Grand), par presque tous ses amis et partisans, qui lui reprochaient ce beau soufflet comme impolitique… Impolitique !… Alors qu’il passait en efficacité tous les discours et tous les articles, concentrant en un moment, sur une blême face de chair et d’os, l’indignation accumulée par la célèbre, trop célèbre compagnie des frères mouchards. Pendant toute la journée qui suivit, je chapitrai à ce sujet, à son domicile, passage Landrieu, puis dans la rue, Édouard Drumont, auteur de la France juive, de ce grand pilori nominal, si puissant et majestueux, tout animé d’un bruissement dantesque. Mais, Drumont étant député, d’ailleurs assez muet, et participant à la convention générale, déplorait la gifle vengeresse : « Ah ! mon ami, tout de même, le général André a soixante-cinq ans sonnés ! » Cet argument me paraissait niais, piteux ; je le dis à Drumont, que j’aimais et admirais de toutes mes forces, et nous faillîmes nous disputer. 

N’allez pas conclure, au moins, que je préconise la violence (posthume ou non), vis-à-vis des penseurs ou des écrivains pernicieux, qui ouvrirent et peuplèrent les charniers du premier Empire, de la Commune, des deux guerres franco-allemandes de 1870 et de 1914. Je préconise plus simplement l’examen critique, ferme et dru, puis le déboulonnage des idoles de la révolution et de la démocratie au XIXe siècle. Mais pour que cette indispensable opération ait lieu, il faut d’abord…"


La suite au prochain épisode !