jeudi 19 avril 2018

La nuit du monde. Les foules solitaires.








Léo Strauss glose sur Heidegger (au moment où il écrit, Moscou = communisme. En quoi cette citation suit celle d’hier.) : 


"Que lui apprit l’échec des Nazis ? L’espoir de Nietzsche de voir une Europe unifiée dominant la planète, une Europe non seulement unifiée mais revitalisée par cette responsabilité nouvelle et transcendante d’un gouvernement planétaire [où Nietzsche rejoint Jacques Attali…], s’est avéré une illusion. Une société mondiale contrôlée soit par Washington, soit par Moscou semblait se dessiner. Pour Heidegger, cela ne faisait aucune différence que le centre en fût Washington ou Moscou. L’Amérique et la Russie soviétique sont, d’un point de vue métaphysique, identiques. Ce qui est décisif pour lui, c’est que la société mondiale est pire qu’un cauchemar. Il l’appelle la « nuit du monde ». Cela signifie en effet, comme Marx l’avait prédit, la victoire sur l’ensemble de la planète d’un Occident toujours plus systématiquement urbanisé, toujours plus systématiquement technologique - nivellement complet et uniformité sans se soucier de savoir si cette victoire est apportée par le fer ou par la publicité sur les objets produits en masse. Cela signifie l’unité de la race humaine au plus bas niveau. (…) Rien que le travail et les distractions ; ni individu ni peuple, mais plutôt des « foules solitaires »."