lundi 23 juillet 2018

Algérie française, III. "Et puis, il y avait le défi."

"Et puis, il y avait le défi. J’étais de ceux qu’a toujours poursuivis l’idée, la nostalgie, l’ambition d’un grand rêve collectif (et cela a constamment compté beaucoup plus que les constructions doctrinales auxquelles j’ai pu, à un moment ou à un autre, adhérer). Un rêve qui inscrirait de nouveau la France dans l’histoire de notre temps, et dans lequel, bien sûr, je me trouverais moi-même entraîné. L’Algérie pouvait en être l’occasion. Le terrain proposé à toutes les disponibilités, toutes les initiatives, toutes les énergies. La chance que nous offrait le XXe siècle : un exemple de victoire sur le sous-développement, une société à reconstruire, les espérances retrouvées de la grandeur. Et la France métropolitaine obligée de sortir de sa torpeur, contrainte de remettre en cause ses vieilles habitudes, ses vieilles institutions, de retrouver le goût de l’action et de l’aventure… Que de Gaulle n’ait pas au moins connu cette tentation, il fallait décidément que sa vision du politique ait été, tout compte fait, bien petitement, bien étroitement archaïque."

 - Et du coup, la « France métropolitaine », soixante ans après, va bien être obligée de retrouver « le goût de l’action », va devoir « remettre en cause ses vieilles habitudes », toujours à cause de l’Algérie et des Algériens (entre autres, je sais), mais chez elle, et de façon au moins au début plus négative et défensive que positive et constructrice. Merci Général ! (Entre autres, je sais - et j’y reviendrai). Ce qui sera d’autant plus difficile aux Français de la Ve République, fondée par ledit Général, que celle-ci, et l’on sait que ça ne s’est pas arrangé depuis, a très vite fonctionné sur un mode peu enthousiasmant : 

"J’ai vu, à deux reprises, appelé comme témoin, fonctionner la Cour de sûreté de l’État. Les juges, si on peut les appeler par ce terme, portant sur leurs visages la peur panique de déplaire, l’étonnante dureté des condamnations (…), l’intervention constante du pouvoir politique dans le fonctionnement de l’appareil judiciaire : telle cette lettre étonnante d’Edmond Michelet (ancien adhérent du Comité de Vincennes, c’est-à-dire ancien militant de l’Algérie française), au procureur général, dans le procès Denoix de Saint-Marc, lui transmettant une sommation du ministre des Armées pour une demande de peine plus sévère. 

Il faut aussi faire la chronique de la mesquinerie dans la persécution, de l’acharnement dans la petitesse. (… Suit une litanie de petits faits (peu) édifiants, j’enchaîne sur la conclusion de R. Girardet.) 

Au-delà de toutes ces mesquineries secondaires, il y a le fait d’avoir introduit dans l’exercice du pouvoir ces habitudes de servitude, cet abaissement des caractères, cette surenchère dans la soumission : c’est tout cela que je reproche au gaullisme triomphant de l’après-Algérie, et qui a contribué à modeler le climat moral de tout un régime. (…) La vertu de non-résistance au maître tend à apparaître (…) comme le critère considéré comme définitif de toute allégeance civique."


Tout cela sera répété et approfondi dans les livraisons suivantes… Et explique au passage pourquoi, l’évolution du régime et du pays aidant, la seule bonne place, la seule visée par les vrais arrivistes (N. Sarkozy, E. Macron), est la première. Celle à partir de laquelle on croit pouvoir tout écraser, la seule en tout cas qui semble ne pas faire de vous le valet du prince. - Que le prince soit lui aussi valet d'autres puissances étant en l'occurrence secondaire.