jeudi 22 novembre 2018

La loi du rempart. Joue gauche tendue et fouet du temple.





Un extrait un peu plus long que ces jours-ci des Itinéraires de chrétienté de Rémi Fontaine. C’est aussi une forme de réponse aux approximations - pas nouvelles - d’Alain de Benoist au sujet du catholicisme dans l’éditorial du tout frais numéro d’Éléments, sur le thème le-catholicisme-nous-rend-faibles-et-nous-empêche-de-nous-défendre… R. Fontaine : 

"En dépit de ses déficiences intrinsèques, la foi islamique, elle, ne s’est pas encore trop laissée ronger par le laïcisme du monde moderne, avec le relativisme et l’hédonisme qui en découlent. L’islam est ainsi fort de la faiblesse de notre foi dénaturée et de ses vertus chrétiennes devenues folles. Sous l’effet d’un (néo)modernisme inspiré de ce sécularisme, on laisse penser, par exemple, que la liberté religieuse exempterait de la loi du rempart temporel qui fut celle du Moyen Age et des croisades : « Cette loi qui paraît dure, les modernes la réapprennent à leurs dépens et la nomment légitime défense… Il s’agit en réalité d’une loi de protection et d’amour en faveur de ce que l’homme chérit plus que tout au monde et qu’il désire de toutes ses forces transmettre à sa descendance », rappelait Dom Gérard dans Demain la chrétienté

La douceur évangélique n’empêche pas la vertu cardinale de force : « La grâce suppose la nature ». Certes, par sa civilisation de l’amour, le christianisme s’oppose (sur)naturellement au choc des cultures. Son esprit missionnaire procède à la fois par inculturation et acculturation, pouvant bénir ou baptiser tout ce qu’il y a de bon, conforme à la loi naturelle, dans les cultures rencontrées, respectant aussi, dans certaines limites, la liberté d’expression en matière intellectuelle et religieuse. Il rejette a priori l’affrontement ou l’apartheid, proposant la concorde sous le soleil de Dieu, sans pour autant ignorer le péché originel et l’éclipse qu’entend lui faire « le soleil de Satan » jusqu’à la fin du monde. 

On ne peut que souligner à cet égard la différence spécifique entre le catholicisme et l’islam : deux religions prosélytes (zélées pour répandre leur foi), dont le prosélytisme de l’une consiste à tout faire par amour et rien par haine ni violence pour annoncer Jésus-Christ, celui de l’autre n’hésitant pas à recourir théocratiquement à la violence pour imposer son Dieu par hégémonie et exculturation. On saisit, au reste, en quoi la « religion » (négative) de la République (selon l’expression même de certains laïcistes) ressemble à l’islam comme théocratie ou totalitarisme inversés dans son irrespect des (autres) croyants. C’est ici qu’intervient précisément la loi politique du rempart, sans rien retrancher au principe évangélique d’aimer son ennemi. 

Au regard du bien commun et du bien commun international, une nation chrétienne n’a pas le droit de se laisser envahir par un agresseur hostile à ses moeurs parce qu’elle doit maintenir son identité et sa culture, ne serait-ce que par une juste politique d’immigration, en sachant que c’est cette culture qui favorise l’épanouissement et le salut de ses habitants. 

Tenir pour vraie sa propre foi, avec la culture qui l’accompagne, ne conduit certainement pas à agresser le croyant de l’autre religion, mais à s’en protéger efficacement si ce dernier attente à notre liberté religieuse. Cela vaut aussi bien pour l’agression ouverte de l’islamisme que pour l’agression sournoise du laïcisme par son indifférence subjectiviste à la vérité et au bien. (…)

Sans précautions et protections temporelles dignes de ce nom, l’ordre spirituel et l’ordre de la grâce peuvent difficilement agir, et se font étouffer. Relisons encore la célèbre citation de Maurras : « Si les saints peuvent prier en paix et les sages travailler avec fruit, c’est que l’épée guerrière, menée par le sceptre des rois, a déterminé autour d’eux la zone où ces occupations sublimes restent possibles. » Ce n’est pas en répétant « plus jamais ça ! » et par le seul dialogue - débattre pour ne pas se battre ! - qu’on conjurera la barbarie, mais en alliant précisément église et rempart, douceur et force, joue gauche tendue et fouet du temple, grâce et pesanteur, grâce et nature, loi d’Amour et loi du rempart à son service. 

Face aux terroristes communistes ou islamiques d’aujourd’hui, la parole attribuée à Saint Louis - qu’il faudrait certes adapter à notre temps mais que rappelle justement Chesterton - reste par son alternative pratique d’une étonnante actualité : en sus de la grâce d’une conversion par la vertu notamment de notre exemple évangélique, nous n’avons que le choix de discuter avec les « mécréants » « comme d’authentiques philosophes », ou « de leur pousser l’épée dans le ventre si loin qu’elle peut aller » !"



Résumons : en l’absence d'une intervention surnaturelle de la grâce, si l’on ne peut pas discuter honnêtement, il n’y a plus qu’une solution, l’usage de la force.