vendredi 21 décembre 2018

"Les redoutables paradoxes français."

On enchaîne : 

"Les Frères Goncourt, avant de se lancer dans le roman contemporain et la radiographie des femmes modernes, ne s’étaient pas contentés de dessiner à quatre mains l’allégorie à facettes de la « Femme au XVIIIe ». Ils ont consacré des livres entiers aux vedettes féminines typiques de leur siècle préféré, les deux maîtresses royales d’origine parisienne et roturière, Mme de Pompadour et Mme du Barry, et à la reine de sang Habsbourg, Maria Antonia, en porte à faux entre ses devoirs de reine de France et de mère des enfants de France, et ses aspirations de femme insatiable de jouir en privé du mundus muliebris cultivé à Paris comme nulle part ailleurs. « L’Autrichienne » ignorait la violence et la profondeur de l’indignation janséniste et philosophique, inconnue à ce degré en Europe depuis la révolte des Puritains anglais contre la Cour « à la française » de Charles Ier Stuart. Indignation suscitée par le mundus muliebris coûteux et luxurieux qui passait pour triompher depuis trop longtemps à Versailles et pour pervertir sans recours l’État royal.

(Incise d’AMG : dans son livre, E. de Waresquiel indique qu’un des facteurs les plus importants de ruine dudit État royal avant la Révolution fut la guerre anti-anglaise et pro-américaine menée pendant des années par Louis XVI. Et certes elle ne fut pas menée que par altruisme, mais on est bien obligé de constater qu’une fois encore la France paya là pour les autres… En comparaison, toujours selon M. de Waresquiel, les fantaisies de Marie-Antoinette ne représentèrent pas grand-chose. Toutes choses égales d’ailleurs, les arnaques des étrangers à la sécu, par exemple, nous coûtent plus cher que les goûts de Mme Macron en matière de rideaux et de tapis à l’Élysée.)

La Dauphine eut l’imprudence de laisser voir ou croire qu’elle était partie prenante dans cette ronde de ruineuses vanités. Ni à Vienne, où elle avait vu régner une femme pieuse à l’ancienne, sa mère l’impératrice Marie-Thérèse, ni à Versailles où elle ne lit guère et où elle ne fréquente pas de gens de lettres, la Dauphine, puis reine de France, n’avait jamais soupçonné les redoutables paradoxes français ni la réprobation que pouvait susciter en France, surtout quand les Français le voyaient exercé par une reine étrangère, ce même mundus muliebris dont ils se vantaient volontiers par ailleurs, d’être les virtuoses les plus doués, dans les arts majeurs comme dans les arts mineurs, dans les fêtes publiques comme dans les plaisirs de la vie privée."

Certaines formes de dureté ou de schizophrénie françaises ne datent pas d’aujourd’hui ; gloser sur les origines plus ou moins étrangères du jansénisme n’y changera pas grand-chose. La France était un pays très divisé, à de nombreux égards, bien avant la Révolution et les différentes raies publiques. 

Pour ce qui est des querelles sur l’ordre moral, je me permets deux réflexions : 

 - quoi que l’on pense de la pornographie en général, de son rôle et de son importance dans les sociétés actuelles, l’amateur de films de cul doit tout de même répondre, au moins pour lui-même, à la question : serais-je heureux que ma fille devienne actrice porno ? 

 - dans le même ordre d’idées, et de façon plus générale, il y a ce que l’on fait, ce que l’on ne fait pas, de son côté ; et il y a les principes collectifs. Je ne partouze pas et ne pense pas que cela soit un bon signe pour une société que l’on s’y adonne beaucoup à la partouze : vais-je pour autant lancer une campagne d’interdiction des parties fines entre adultes consentants ? - Symétriquement, si j’ose dire, il est possible, je n’en sais rien, que la chasteté soit saine pour certaines personnes, mais saint Paul est le premier à admettre que tout le monde ne peut pas faire voeu de chasteté et s’y tenir (dans ce cas, dit-il, mariez-vous). Symétriquement encore, mais dans l’autre sens (si j’ose dire), on peut très bien être heureux sans baiser beaucoup ni très souvent, contrairement à ce que raconte le conformisme actuel. Tout ceci pour dire : si les controverses morales peuvent être très légitimes, il est souhaitable que ceux qui y participent n’oublient pas qu’il faut articuler aussi précisément que possible, et ce n’est pas aisé au même point selon les cas, les thématiques privées et publiques. 


Ce petit prêche achevé, je vous laisse. Il n’est pas exclu que le rythme quotidien de son blog devienne un peu plus erratique dans les jours à venir, et que je profite de Noël pour me reposer un peu. C’est une éventualité, pas une décision, nous verrons bien. Au plaisir en tout cas !