"Si, dans vingt-cinq ans, l’Afrique du Nord n’est pas devenue française de coeur, donc chrétienne..." Massignon, 1923, suite et fin.
"A cette oeuvre apostolique, toutes les nations chrétiennes sont intéressées. Mais chacune, à un degré différent. Pour celles qui n’ont pas de colonies musulmanes, c’est une intention de charité générale, comme celle qui pousse à recueillir des enfants abandonnés. Pour d’autres, il y a plus : le devoir impérieux, devoir d’État, de donner une éducation chrétienne à leurs enfants d’adoption. Leurs colonies sont peuplées de musulmans, elles doivent les acheminer vers la civilisation intégrale, qui est l’Église. Nous ne resterons chrétiens au-dedans que si nous remplissons au-dehors l’apostolat qui nous incombe. (…)
Quant à la France, elle a, vis-à-vis du monde musulman, un rôle tout spécial. Implantée en Afrique du Nord, la voici constituée tête de la chrétienté latine, avec cette primatie de Carthage, où saint Louis, il y a six siècles, est venu mourir. Dès maintenant la création d’un électorat musulman en Algérie impose aux catholiques de France un devoir pressant à l’égard de leurs concitoyens musulmans ; ils ne deviendront de vrais Français que si nous les persuadons de devenir chrétiens. Tâche urgente, problème angoissant ; si, dans vingt-cinq ans, l’Afrique du Nord n’est pas devenue française de coeur, donc chrétienne, la France la perdra, et ce sera sa ruine.
- Vingt-cinq ans, cela nous amène en 1948, quelques années donc avant le début des fameux événements d’Algérie, histoire toujours en cours… Ces lignes rappellent par ailleurs une célèbre lettre de Charles de Foucauld sur le même sujet, dont Massignon avait peut-être, je l’ignore, connaissance. Je l’ai citée à ce comptoir il y a bientôt deux ans je crois.
Pour convertir des parents, des frères, des amis, il faut une grande patience, une vraie délicatesse, beaucoup de discrétion, et garder constamment, dans le secret du coeur, « partie liée avec Dieu ». Pour gagner ces âmes, teintes du sang de tant de martyrs unis à la Passion de leur Maître, il faut éviter ces marchandages mondains dont trafiquent les hypocrites. (…) Il nous faut gagner les âmes musulmanes par la sainteté avant de les convaincre par la doctrine.
- La plus belle phrase du texte, à n’en pas douter, bien qu’il faille immédiatement lui ajouter un codicille à la Guitry : « avant, tout avant », c’est-à-dire quasiment en même temps ; ne serait-ce que pour éviter des dérives ethno-masochistes, où l’on se prend pour un saint parce que l’on ne protège même plus les siens… La suite de ce texte, le dernier paragraphe que j’en citerai, a pris, avec quasiment un siècle de recul, une tonalité d’humour noir bien regrettable - pour nous :
Et, pour commencer, rivaliser avec elles, triompher d’elles en ces vertus naturelles qu’elles possèdent encore : entraide fraternelle, respect des parents, hospitalité sincère, modération des désirs, sobriété."
Comme disait l’autre, la route est droite, mais la pente est forte !
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