dimanche 8 octobre 2006

Nouveau plagiat.

Qu'y puis-je ? Certains ont un talent pour la synthèse :

"Les esclaves modernes [i.e. les salariés] participent à leur esclavage (...). Cela fait une nuance avec l'esclavage des démocraties antiques. Le chomeur, en tant qu'exclu de la participation au bonheur général de l'esclavagisme, a pour fonction sociale et symbolique de susciter la crainte du banissement hors du bonheur de l'esclavagisme."

Esclave ou paria ! - notre monde moderne sait retrouver certaines catégories antiques. Finalement, il y a des domaines où nous sommes encore capables d'établir des hiérarchies. D'ailleurs, les thématiques actuelles, selon lesquelles les chômeurs ne sont pas chômeurs par hasard (de nos jours, j'explique pourquoi plus bas, on préfère les qualifier de fainéants profiteurs du système que de purs et simples demeurés) sont un prolongement de la cosmogonie fantasmée par le père du libéralisme actuel, Friedrich von Hayek. C'est du thomisme à la sauce libérale : chacun à sa place, et le monde tournera rond.

J'emploie le futur, car ceci est un stade provisoire : la propagande établissant le chômeur comme pilleur du système (notre source donne un exemple éloquent, mais il suffit d'ouvrir Le Point ou L'Express chaque semaine) a pour fonction autant de discriminer les chômeurs que de critiquer le système de l'Etat-providence tel qu'il fonctionne encore. Une fois celui-ci abattu, la cosmogonie du "A chacun selon ses mérites" - traduisez : "A chacun selon sa rapacité" - retrouvera tous ses droits. Le chômeur sera alors un vrai paria, celui dont la place même en bas de l'échelle sociale prouve qu'il ne mérite pas d'être plus haut.

D'où que certains propagandistes écrivent sans rigoler que le libéralisme n'est pas une idéologie. Dans le même sens, le catholicisme médiéval voyait dans la hiérarchisation féodale une respect et un reflet de la "loi naturelle". Mais, sauf erreur de ma part, cela n'entraînait pas de stigmatisation morale, ou du moins de culpabilisation, des catégories les plus inférieures, envers lesquelles était établi un devoir de charité. Celui-ci n'a pas totalement disparu, il a même tendance à reprendre de l'importance, mais sur fond de darwinisme social généralisé.

C'est le même genre de paradoxe que dans la note précédente : on bâtit ou on essaie de bâtir de l'ordre à partir d'un indifférencié de base - ici, on transforme le quantitatif (le nombre de zéros sur le compte en banque) en qualitatif. Le degré zéro de la hiérarchie. Qui retrouve des thèmes du XIXè siècle - le darwinisme social, donc - mais seulement dans le domaine économique. Pour le reste - les "valeurs" -, tout sens de la hiérarchie disparaît. Bien sûr, s'il s'agit de ne pas verser dans le racisme ou le sexisme, on applaudira. Mais la conséquence globale est d'importance : les passions modernes, telles que vues par un Stendhal - "l'envie, la jalousie et la haine impuissante" - peuvent se donner libre cours, en une espèce de caricature généralisée des affrontements des nobles entre eux - l'honneur en moins d'une part, ce qui peut passer si on voit dans cet honneur une auto-mystification, le struggle for life en plus, ce qui passe plus difficilement : les gens se livrent à des luttes à la fois aigres, dérisoires et sérieuses, puisqu'ils ils y jouent leur façon de vivre (le désir d'être salarié, notamment) et leur peau (il faut bien gagner de quoi vivre).

Le degré zéro de la hiérarchie, mais, si l'on veut absolument des accents thomistes, un haut degré de discordance universelle.

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