mercredi 10 juin 2009

"Batons rompus".

(Avec plus d'une pensée pour C. et ses proches.)



Tel est le titre d'une chronique de Mauriac de 1953, dont voici les premières lignes :

"J'ai des confrères « gentils ». Voilà quarante ans que je les observe : ils tiennent d'une main distraite leur tuyau d'arrosage et répandent leur gentillesse sur les bons et sur les méchants. Ils sont gentils parce qu'ils n'attendent rien des êtres. Ils sont à leur affaire : pas d'ennemis à gauche, ni à droite, ni au centre. Des sourires pour tous : cela coûte si peu ! Un article, deux ou trois fois l'an, aux Lettres françaises, que les gens du monde ni les académiciens ne lisent (bien que certains y collaborent en douce...). Un bel article sur Maurras, à l'occasion, sur la littérature bien entendu : cela n'engage guère. La gentillesse est à base de prudence et d'indifférence.

Les êtres perpétuellement furieux, comme Bernanos, sont en réalité dévorés de tendresse. Leur aventure personnelle les intéresse moins que le sort du vieux pays démâté, qui donne de la bande ; ils souffrent pour l'équipage, pour les pauvres de l'entrepont. Ils ne méprisent les individus que parce qu'ils attendent tout de l'homme. Ils ne méprisent les chrétiens auxquels ils ont affaire, que parce qu'ils attendent tout de la sainteté. Ils ne se résignent pas à l'échec apparent de la Rédemption parce qu'ils ont foi au Rédempteur. Et comme ils détiennent le pouvoir de se faire entendre, ils aspirent à devenir la voix de tous ceux qui dans tous les ordres souffrent persécution pour la justice." (La paix des cimes, p. 409.)


Eclaircissons rapidement quelques points. Les lettres françaises ont été crées par Jean Paulhan notamment durant la guerre, comme une manifestation de la Résistance, Mauriac y collabora. Les communistes mirent le grappin dessus à la Libération. Ajoutons que, dans La paix des cimes, certains des meilleurs passages sont les descriptions du communisme soviétique (quelques lectures de bons témoignages et une dose de bon sens valent toutes les expéditions en URSS sous tutelle du parti, cela sera valable aussi pour la Chine quelques années plus tard...) et les polémiques avec les communistes français. Mauriac y montre, tout bourgeois bordelais qu'il fût, que l'on peut être anticommuniste sans sombrer dans l'idolâtrie utilitariste capitaliste.

Par ailleurs, l'allusion à Maurras semble selon l'éditeur de La paix des cimes viser Roger Nimier, qui, s'il n'écrivit jamais pour Les lettres françaises, rendit hommage au fondateur de L'Action française à sa mort en 1952, en voulant séparer « l'homme et l'écrivain » du « politique ». Rappelons que Maurras fut un soutien réel - non sans ambiguïtés - du régime de Vichy : si pour nous son rôle durant la seconde guerre mondiale est éclipsé par l'ensemble de son oeuvre durant un demi-siècle, pour le résistant Mauriac, en 1952-53, vouloir faire oublier « le politique » Maurras pouvait sembler fort de café.



Deux compléments :

- vive le cancer ! L'ultra-salope Bongo, de nationalité française et agent de la DGSE selon Verschave, y est passée. Champagne pour tout le monde, offert par la maison ! Comme à l'accoutumée, souhaitons qu'il ait beaucoup souffert : la mort des puissants est à peu près le seul moment où ils peuvent éprouver les mêmes sensations que les gens normaux, ils nous doivent bien quelques râles et gémissements, a fortiori quand ils en ont causé autant que ce gars-là. Ce n'est après tout que leur responsabilité s'il leur faut cela pour être rappelés, in extremis, aux bases de l'humaine condition ;

- vive les vieilles ! Je constate avec plaisir que notre amie Mauricette est de retour parmi nous. Welcome home...

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