vendredi 14 août 2009

My Albion in your ass.

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Dans la série « lectures de vacances », voici un texte publié en 1845, dont l'actualité surprend moins qu'elle ne frappe :

"Il est facile de pousser à la vengeance un peuple ignorant et qui souffre ; le sentiment de la haine contre la royauté est généralement plus tenace dans le coeur des peuples que l'amour. Diderot a écrit que l'histoire des rois était le martyrologue des nations ; et les meneurs du peuple qui connaissaient Diderot et qui ne connaissaient pas l'histoire, ont répété à ce peuple les oracles du fougueux encyclopédiste. Après Diderot sont venus les économistes qui ont publié que les gouvernements étaient les ennemis-nés du peuple. Le peuple qui souffre est toujours disposé à considérer comme ses amis tous ceux qui veulent changer le régime sous lequel il vit. Le peuple avait adopté, dès avant 89, cette doctrine fatale ; et, de ce que les gouvernements étaient les ennemis-nés des peuples, il avait conclu logiquement : que les peuples sont d'autant plus heureux que l'action du gouvernement est plus faible, que le pouvoir est plus désarmé.

Si le peuple pouvait lire dans sa propre condition, dans les faits quotidiens de sa vie de travailleur, il saurait aujourd'hui ce que lui coûte sa foi dans de semblables dogmes.

Ces dogmes constituent ce qu'on appelle aujourd'hui la théorie du Gouvernement-ulcère ; une théorie dont l'adoption a fait plus de mal à la France que tous les revers et toutes les catastrophes qui l'ont assailli en cinquante années.

Il importe de rechercher l'origine de cette hérésie.

La théorie du gouvernement-ulcère est anglaise de naissance, puisqu'elle vient des Économistes. L'Angleterre est le foyer de tous les faux principes, de toutes les révolutions et de toutes les hérésies.

L'Angleterre est l'impure Babel, est la grande boutique où se préparent et se débitent avec un égal succès les doctrines et les drogues vénéneuses : et l'esprit de feu qui brûle les Peaux rouges et l'opium qui empoisonne les Chinois, et les principes qui font s'armer citoyens contre concitoyens, peuple contre peuple, race contre race.

L'hérésie du gouvernement-ulcère allant droit à l'abolition de la royauté, l'aristocratie de sang, qui règne et gouverne en Angleterre, avait un intérêt puissant à ce qu'elle s'implantât solidement dans le royaume de France, où la haine de l'Angleterre était comme une tradition héréditaire de la vieille monarchie. Aussi cette théorie a-t-elle parfaitement réussi chez nous [NB : quelques pages plus loin, l'auteur écrit : "Jamais l'Anglerre n'a commis la sottise de s'appliquer à elle-même les théories qu'elle débite aux autres nations. C'est l'Angleterre qui a émis par le monde les idées les plus larges de liberté commerciale, et il n'y a pas de nation qui ait plus abusé qu'elle de la protection douanière et de la prohibition."]. Des économistes anglais qui la produisirent d'abord sous le patronage vénéré de leur fausse science, elle passa chez les encyclopédistes français. Les philosophes du dernier siècle, affiliés à cette secte, lui donnèrent le poli et l'éclat de leur style, et parvinrent à la faire entrer, à coups d'épigrammes, dans la monnaie courante des idées de l'époque. Quand cette théorie eut dit son dernier mot et fait son 21 janvier, on put croire qu'elle avait été tuée par l'expérience du même coup que la royauté. Malheureusement, l'impopularité du gouvernement de la Restauration permit à l'école libérale d'exhumer l'hérésie mortelle des ruines de 93, et de la réhabiliter auprès d'une nation généreuse, impatiente de se débarrasser d'un pouvoir qui lui rappelait, par son origine, le jour de ses revers. La théorie du gouvernement-ulcère s'incrusta donc de nouveau dans les esprits, à la faveur d'un louable sentiment de fierté nationale. Les économistes français, les libéraux, les philanthropes inféodés à l'idée anglaise, comme les encyclopédistes dont ils n'étaient que la mauvaise queue, aidèrent aux ravages du mal en propageant leur absurde doctrine du laisser-faire qui tendait à l'annihilation de l'autorité. Les écrivains radicaux qui déclament contre tous les pouvoirs, avancent l'oeuvre chaque jour [c'est 68 !]. Le succès éphémère de la doctrine Saint-Simonienne qui suivit de près la révolution de 1830 et qui essaya de réhabiliter le pouvoir, ne parvint même pas à enrayer un moment la marche de l'opinion.

Et tout ce monde-là a si bien travaillé de la voix et de la plume, que l'opinion publique est complètement égarée aujourd'hui sur le compte du pouvoir. Peut-être même faudrait-il fouiller dans les archives du pur radicalisme, pour retrouver quelques idées raisonnables sur la mission providentielle du gouvernement. Le peuple français et ses représentans en sont arrivés à ce degré d'aveuglement, qu'ils adoptent la proposition funeste au pays, mais répressive de l'influence de l'autorité centrale, de préférence à la proposition utile et nationale, mais susceptible de servir les intérêts du gouvernement. De par MM. Adam Smidt (sic), Jean-Baptiste Say et leurs continuateurs, la fonction du pouvoir dans l'État a été assimilée à celle du chat dans la maison privée. On a écrit que le gouvernement était un mal nécessaire, un ennemi qu'on était forcé d'entretenir, pour se débarrasser d'un autre ennemi plus dangereux, l'anarchie. La comparaison est boiteuse, car l'animal domestique a été traité beaucoup mieux que le pouvoir. On ne lui a pas ôté sa liberté ni ses griffes, c'est-à-dire ses moyens d'action : tandis que le pouvoir aujourd'hui ne peut ni se défendre, ni défendre le peuple.

Ces lords anglais sont, il faut l'avouer, de bien habiles et de bien heureux artisans de discordes, que jamais la semence de mal qu'ils ont jetée sur une contrée quelconque ne manque de fructifier à son heure, et que toujours, au contraire, l'esprit de vertige des nations qu'ils poussent à leur ruine, vienne en aide à leur perfidie ! Avec une idée de philanthropie qu'ils se sont bien gardés d'appliquer chez eux, en Irlande où l'exploitation du travailleur a pris le caractère de barbarie le plus atroce, ils ont mis le feu à Saint-Domingue, provoqué l'extermination de la race blanche et tué notre puissance maritime. Eh bien, ils ont eu pour complices dans ce crime, les neuf dixièmes des habitants de la France, et dans le nombre, la plupart des publicistes et des orateurs de renom.

Avec un autre mot, celui d'indépendance, l'Angleterre a arraché la moitié du nouveau monde à la monarchie espagnole, gouvernée par des rois de race française, nos inséparables alliés. [Quant à l'Espagne,] l'Angleterre n'a-t-elle pas implanté depuis dix ans ses suçoirs mercantiles dans le sein de la malheureuse péninsule ? ses marchandises voiturées par la contrebande, ne circulent-elles pas librement des Pyrénées à Gibraltar sous la protection de cette même anarchie, qu'elle baptise toujours du nom de liberté ? Après avoir émancipé l'Amérique du sud et détruit la puissance maritime de l'Espagne, il ne restait plus à l'Angleterre, pour achever ce royaume désolé, que de lui apporter son amitié, plus mortelle et plus vénéneuse que sa haine ! Oui, cent fois plus mortelle... Voyez le Portugal depuis le traité de Methuen !

Mais la France, en acceptant les théories absurdes des économistes anglais, est plus coupable que la malheureuse Espagne ; car elle n'a pas comme celle-ci l'excuse de la misère et de son ignorance. Il y a huit siècles pleins que la France bataille avec la Grande-Bretagne ; et il n'y a peut-être pas dans son histoire une seule catastrophe qu'elle n'ait le droit d'attribuer aux machinations de sa déloyale ennemie. La France aspire à l'unité morale, à l'unité législative comme à l'unité de territoire ; elle est catholique en religion comme en politique : c'est sa tendance sous tous ses gouvernements forts, sous Richelieu, sous Louis XIV, comme sous Napoléon. L'Angleterre, elle, vise au morcellement, parce qu'elle vit des déchirements du globe ; elle est protestante et schismatique en tout . « Individualisme et protestantisme sont tout un. » Elle ne comprend pas qu'on se dévoue au service de l'humanité, comme la France, quand on peut l'exploiter ; elle ne se résigne à faire un peu de bien que dans l'espérance qu'il en résultera un mal pire ; témoin l'émancipation de la race noire. La France, au contraire, dans ses plus grandes erreurs, semble n'être coupable que d'un excès de dévoûment à la cause des peuples. Vous trouvez des pages admirables et des actes de charité sublime, à côté d'atrocités odieuses dans l'histoire de la terreur. Beaucoup de ces législateurs sanguinaires qui renvoyèrent à leur juge naturel tant d'accusés innocens, croyaient fermement à la sainteté de leur oeuvre.

Je n'exècre pas l'aristocratie anglaise, comme Français, mais comme chrétien, comme homme.

Oui, l'Angleterre est placée dans cette situation effroyable, qu'elle ne peut oublier un moment de torturer les autres États du globe, sans s'exposer à périr. L'Angleterre est condamnée à mourir de la paix universelle dans un temps donné, parce que la paix chez les autres fait la guerre chez elle. La guerre nourrit le monopole, le monopole nourrit la guerre. Que la guerre ou le monopole cesse, le colosse de la puissance anglaise, véritable colosse d'or aux pieds de boue, s'écroule au même instant. Là est tout le secret de la politique britannique, si secret il y a. L'Angleterre obéit aux instincts de sa nature et aux exigences de sa position ; c'est un peuple de proie qui est forcé de tuer pour vivre, et à qui il serait souverainement absurde d'aller demander une politique loyale et généreuse, parce que ce serait lui demander un suicide. La politique de la Grande-Bretagne doit être impitoyable comme la faim son mobile, et c'est justice à rendre aux hommes de sang gouvernemental qui dirigent les destinées de cet État, qu'ils comprennent admirablement les nécessités de leur patrie !

Ils sont là derrière les roches blanches de leur île, un millier de familles tout au plus, une nichée de vautours que le génie du mal tient attachés sur les flancs de l'humanité pour boire son sang et déchirer ses chairs. C'est pour nourrir le faste insolent de cette poignée de despotes, c'est pour servir à ses vautours insatiables leur curée quotidienne, que tant de crimes se commettent sur la terre, que tant de nations s'égorgent, que tant de vaisseaux se perdent sur les mers, que les 40 millions de bras des machines anglaises travaillent jour et nuit, que l'opium se récolte, que l'Irlandais [en est réduit à se jeter] avec avidité sur de grossiers alimens que des pourceaux dédaignent. Il y a des siècles que cela dure, et les lamentations des peuples n'ont pas encore monté jusqu'à Dieu, et ce Dieu des opprimés n'a pas encore suscité parmi ses fidèles un orateur inspiré, à la parole ardente, pour prêcher la croisade contre ces bourreaux de la terre ! Seigneur ! rendez l'entendement et la vue aux conseils des puissances, et que votre justice ne se retire pas plus longtemps de vos malheureux peuples !

Je ne sache pas qu'une autre nation ait pesé sur le monde d'un poids aussi lourd que la nation anglaise, ait coûté à l'humanité autant de larmes, ait motivé autant d'accusations contre la justice de Dieu.

Mais il est pour l'établissement anglais un péril imminent, inévitable surtout. L'Angleterre, en tuant le travail chez tous les peuples, pour faire de ceux-ci des consommateurs, c'est-à-dire des tributaires de son industrie, a tué la richesse de ces peuples. Elle a tari conséquemment les sources de la consommation elle-même ; d'où cette conséquence, qu'il faut qu'elle périsse de faim tôt ou tard, au milieu de ses monceaux de richesses manufacturées. Et le jour de l'événement n'est pas loin ; car tous les progrès de la science mécanique, toutes les alliances douanières nous en rapprochent. Et ce jour-là sera l'ère de l'affranchissement des travailleurs et des esclaves dans toutes les pays du monde ; et les prolétaires des deux côtés de la Manche se tendront une main désormais amie et fraternelle, et le souvenir des vieilles discordes des deux peuples s'éteindra dans la joie de l'émancipation commune : voilà pourquoi j'appelle ce jour-là de tous mes voeux."

Ces lignes sont extraites du célèbre livre d'Alphonse Toussenel, Les Juifs, rois de l'époque. Histoire de la féodalité financière (Librairie de l'école sociétaire, 1845, pp. 26-41 (texte librement condensé par mes soins) ; j'utilise le reprint des peu gauchistes éditions Saint-Rémi). Livre célèbre mais difficile à trouver, et qui passe pour la matrice de « l'antisémitisme d'extrême-gauche » : c'est pour vérifier ce lieu commun - et la validité du thème qui lui est lié : « en fait, l'antisémitisme est né à gauche », avec toutes les conséquences idéologiques et politiques que cela peut, ou doit, ou devrait avoir - que j'en ai entrepris la lecture.

Surprise, il est pour l'instant (j'en suis presque à la moitié) fort peu question des Juifs dans ce livre - il se peut d'ailleurs que sa réputation provienne, non seulement de son titre, mais surtout de la préface à la réédition de 1847, tout entière consacrée à « la question juive ».


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Avec signature de l'auteur en haut, s'il vous plaît...


Quoi qu'il en soit, le texte que j'ai retranscrit est intéressant à divers titres. Le moins que l'on puisse dire est que le rôle déstructurant, comme dirait M. Defensa, du capitalisme anglo-saxon, y est décrit avec acuité - de même que ses démagogies (« cette anarchie, qu'elle baptise toujours du nom de liberté »...) et ses contradictions fais-ce-que-je-dis-pas-ce-que-je-fais (« Jamais l'Anglerre n'a commis la sottise de s'appliquer à elle-même les théories qu'elle débite aux autres nations. »). L'impérialisme (avec sa variante française), l'avidité, le rôle toujours néfaste de ceux que l'on appelait alors les publicistes dans la propagation d'idées dangereuses..., autant d'éléments dont on n'a pas de mal à reconnaître les équivalents actuels.

Précisons qu'en face de ces dangers Toussenel propose une théorie lévi-straussienne de l'État comme représentant de la collectivité, ce qui lui permet de relier l'action de Richelieu, Louis XIV (et à un degré moindre Napoléon), et celle d'un État moderne débarrassé des « féodalités », État-providence si l'on veut, qui appliquerait un programme de nationalisation des banques d'une part, de protection des humbles et de redistribution des ressources d'autre part, qui sur les aperçus qu'il en donne (je n'ai lu pour l'heure que les neuf premiers chapitres) évoque plus le CNR que le stalinisme ou l'hitlérisme [1].

Symétriquement, Toussenel équivaut les « féodalités financières » de son temps aux féodalités médiévales, y voyant dans les deux cas une structure parasitaire, privant le peuple de son pain et l'autorité centrale de son pouvoir. Il serait hors sujet de discuter ce diagnostic sur la société médiévale - de même qu'il serait me semble-t-il abusif de faire de Toussenel l'apologue d'une forme de dictature. Il faut simplement souligner que sa sensibilité aux abus des échelons intermédiaires, et pas nécessairement utiles, de la société, le rend insensible à l'importance des diverses hiérarchies qui peuvent parcourir, voire définir le tissu social.

Est-ce pour cela - et en laissant donc de côté pour aujourd'hui, sauf sur certains détails, la question juive - qu'il assimile trop critique des personnes et résolution des problèmes ? Passée la surprise de lire des lignes aussi actuelles (par delà la validité de tel ou tel jugement), on est frappé par la façon dont l'acuité et la précision des dénonciations de Toussenel débouchent trop directement sur une illusion messianique (d'ailleurs teintée, comme l'illustre la référence à Babel, de prophétisme juif...), qui consiste à croire qu'il suffit de supprimer ce « millier de familles tout au plus », pour que vienne le « jour » de « l'émancipation commune ». La proximité avec Marx (prophète juif, lui aussi), avec le « grand soir », est frappante ; aggravons le cas de notre auteur et remarquons que si Marx a toujours prôné des luttes collectives, Toussenel, lui, se laisse aller, lorsqu'il en appelle à la venue d'un « orateur inspiré, à la parole ardente, pour prêcher la croisade contre ces bourreaux de la terre », à une vision du grand homme qui, l'histoire allait le prouver un petit siècle plus tard, n'était pas sans quelque danger.

Précisons tout de suite qu'il serait injuste de faire de Toussenel un précurseur de Hitler, et de discréditer son oeuvre et ses luttes au nom d'une seule envolée lyrique (et ce serait vrai même s'il était prouvé que Hitler l'avait lue, ce qui est possible). Ce qu'il est important de noter, c'est que Toussenel croit, au moins dans la façon dont il s'exprime dans ce chapitre, avoir trouvé la solution, celle qui va tout résoudre : empêcher le « millier de familles » de nuire - tout en écrivant ensuite (là encore, on retrouve une ambiguïté connue des lecteurs de Marx) que de toute façon la crise, « inévitable », va les balayer.

Le problème, j'allais écrire « bien sûr », mais il faut l'exprimer clairement, le problème, c'est que si d'aventure on supprimait tous les Sarkozy, Minc, Lévy, Strauss-Kahn, Madelin, Lamy, etc., je veux dire, si on se contentait de cela, eh bien la France ne changerait pas d'un iota. C'est un drame, certes, c'est notre drame : pour nuisibles que soient ces gens, et Dieu sait qu'ils le sont, leur disparition (par un lynchage collectif ou via le suffrage universel, c'est ici la même chose) en tant que telle ne serait que fort peu bénéfique.

Je vous citais l'autre jour cette phrase de Dostoïevski : "Le nihilisme est apparu chez nous parce que nous sommes tous nihilistes", la complétant ainsi : "l'enculisme est apparu chez nous parce que nous sommes tous enculistes." Réciproquement : les enculistes disparaîtront lorsque nous ne serons plus enculistes, ou, plus précisément : les enculistes les plus notoires ne seront plus nuisibles lorsque nous ne serons plus enculistes. Ou encore : tant que nous resterons enculistes, les enculistes les plus notoires resteront nuisibles.

C'est ce qui manque, peut-être pas au livre de Toussenel en son ensemble, mais à la structure de pensée qu'il applique dans le chapitre que j'ai cité (avec cette précision qu'à son époque, où naît, comme il le voit remarquablement bien, la « consommation », le rôle de la force est plus net que dans la nôtre, les peuples occidentaux plus violentés par le pouvoir : il est donc plus tentant de ne s'en prendre qu'à ceux qui détiennent la force. Mais cela n'en devient pas pour autant totalement légitime) : pour nécessaire, importante, morale, et parfois savoureuse, que puisse être la critique et la dénonciation des turpitudes intellectuelles et des mensonges caractérisés des enculistes de plume et de pouvoir, il faut toujours garder en tête que cette dénonciation ne se suffit pas à elle-même, et qu'elle ne peut en dernier ressort avoir une réelle utilité que si elle est accompagnée (à travers un travail collectif s'entend, chacun son talent et ses capacités) par des propositions et des actions positives.

Une précision et un effort de terminologie :

- pour le dire vite : la vie n'est pas qu'un enfer, mais elle est beaucoup un enfer, de toutes les façons, et c'est pourquoi, en regard, la disparition d'un Sarkozy ne changerait pas grand-chose... Une telle anthropologie pessimiste, exprimée avec plus ou moins de nuances et de violence, a sa légitimité, mais ne doit pas amener à conclure que « rien ne peut jamais changer pour le bien ». L'histoire montre que c'est faux, et le présent montre que les choses changent plutôt pour le mal. Il faut donc distinguer le refus du messianisme, surtout lorsque celui-ci se fait recherche de bouc émissaire, avec le refus de la moindre action. Sceptique et pessimiste ne sont pas synonymes d'inactif ;

- puisque je viens d'évoquer le bouc émissaire - et l'on aura compris que ce texte est une tentative de filtrer les possibilités d'actions politiques et spirituelles par les pensées de R. Girard et Muray, pour tenter de prévenir le retour d'illusions néfastes -, je propose de synthétiser ce qui précède par l'appellation, en hommage au plus illustre de nos enculistes (et la concurrence est rude !), « principes du bouc Bernard-Henri Lévy », que l'on énoncera ainsi :

On peut critiquer, moquer, insulter l'enculiste. On doit le faire. Mais à deux conditions :

- se souvenir toujours que tout ce qu'on écrit sur lui, pour juste et nécessaire que cela puisse être, risque de n'être que simple témoignage pour des jours meilleurs, de rester lettre morte, voire même de rendre service à l'intéressé, pauvre victime, si cela ne s'accompagne pas, « ici ou ailleurs », de propositions de valeurs morales contraires à celles illustrées par l'enculiste ;

- ne pas croire que l'élimination de l'enculiste, quelque forme qu'elle prenne, et pour agréable qu'elle soit parfois à imaginer, résoudrait quoi que ce soit si elle ne s'accompagnait pas de la disparition de l'enculisme en général. (Ce pourquoi, et c'est sur cette note proche d'un G. Orwell que je finirai, moins nous serons enculistes, et plus il y a de chances que les enculistes disparaîtront d'eux-mêmes, sans violence. Ce n'est pas merveilleux ?)


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Que du bonheur !












[1]
Il est vrai, si j'en crois Alain de Benoist (texte : "Pierre-André Taguieff : qui hait qui ?"), que certains, dont P.-A. Taguieff, avaient été jusqu'à assimiler critique de l'économie de marché et antisémitisme. A ce compte, le CNR était antisémite... peut-être hitlérien sans le savoir, tant qu'on y est !

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