Élection (piège à c... ?), I.
Tout se paie en ce bas monde, y compris, surtout, les privilèges :
"Vu d'en haut, le commerce est un véritable sacrilège. Les Juifs, Race aînée auprès de qui tous les peuples sont des enfants et qui ont eu, par conséquent, le pouvoir d'aller du côté du mal beaucoup plus loin que les autres hommes du côté du bien, les profonds Juifs doivent sentir qu'il en est ainsi. Ils sont les pères du commerce comme ils furent les pères de ce Fils de l'Homme, leur propre sang le plus pur, qu'il fallait, par un décret divin, qu'ils achetassent et vendissent un certain jour. Leurs proches voisins d'extraction, les Carthaginois de Carthage, ancêtres perdus des Carthaginois d'Angleterre, ont dû être leurs bons écoliers. Cela n'est certes pas pour les diminuer. Lorsqu'ils se convertiront, ainsi qu'il est annoncé, leur puissance commerciale se convertira de même. Au lieu de vendre cher ce qui leur aura peu coûté, ils donneront à pleines mains ce qui leur aura tout coûté. Leurs trente deniers, trempés du Sang du Sauveur, deviendront comme trente siècles d'humilité et d'espérance, et ce sera inimaginablement beau.
Il semble qu'il y ait encore du chemin à faire...
Tomber de là dans le négoce moderne, c'est à faire peur, c'est à dégoûter de la vie et de la mort. On a beaucoup parlé de l'abjection juive. Il s'agit ici, bien entendu, de la lie juive, exception faite des individus très nobles qui ont pu garder un coeur fier, un coeur « vraiment israélite » sous le terrible Velamen de saint Paul. En quoi cette abjection si fameuse dépasse-t-elle la servilité du boutiquier le plus hautain vis-à-vis d'un client présumé riche et son insolence goujate à l'égard d'un autre client supposé pauvre ? Si on veut que les attitudes ignobles les égalent en apparence, il y aura toujours, même à ce niveau, l'aînesse infinie de la Race élue et l'énorme prééminence de vingt siècles d'humiliations très soigneusement enregistrées. L'abjection juive peut invoquer la foudre, l'abjection commerciale des chrétiens ne peut attirer que des giboulées de crachats et de déjections."
"Les Juifs sont les aînés de tous et, quand les choses seront à leur place, leur maîtres les plus fiers s'estimeront honorés de lécher leurs pieds de vagabonds. Car tout leur est promis et, en attendant, ils font pénitence pour la terre. Le droit d'aînesse ne peut être annulé par un châtiment, quelque rigoureux qu'il soit, et la parole d'honneur de Dieu est immodifiable, parce que « ses dons et sa vocation sont sans repentance ». C'est le plus grand des Juifs convertis qui a dit cela et les chrétiens implacables qui prétendent éterniser les représailles du Crucifigatur devraient s'en souvenir. « Leur crime, dit encore saint Paul, a été le salut des nations ». Quel peuple inouï est donc celui-là à qui Dieu demande la permission de sauver le genre humain, après lui avoir emprunté sa chair pour mieux souffrir ?
Est-ce à dire que sa Passion ne le contenterait pas, si elle ne lui était pas infligée par son bien-aimé et que tout autre sang que celui qu'il tient d'Abraham ne serait pas efficace pour laver les péchés du monde ?"
Léon Bloy (évidemment !, qui d'autre ?), Le sang du pauvre, ch. XVII et XVIII.
Je reviendrai, prochainement j'espère, sur ce rôle sacré/maudit des Juifs dans l'histoire du monde et plus précisément dans celle de la modernité, sur cette judaïsation globale que nous, juifs et non-juifs, souhaitons et redoutons.
Mentionnons pour mémoire, sans savoir s'il y eut une influence précise de Toussenel sur Bloy, que celui-ci rejoint celui-là dans l'anti-« anglo-saxonnisme » féroce - ajoutons qu'ils ont bien raison. Les Anglo-saxons sont pires que les Juifs, ils sont plus juifs que les Juifs, ce sont des juifs sans judaïsme, des juifs castrés, des juifs tapettes - et s'ils vénèrent Mammon chaque jour que Dieu fait, ils n'ont même pas à porter le poids de la mort du Christ... ce qui bien sûr ne les empêche pas d'être souvent antisémites !
Pardonnez-leur...
Ajout, quelques heures plus tard, sur un autre sujet : je ne suis pas un grand fan de Sébastien Musset, mais je recommande ce texte inspiré par l'une des rares occasions de rire ces derniers temps, l'épidémie de suicides à France Telecom. Seule réserve, sur la notion de « salaire décent » (ou indécent, du reste), je ne vois pas trop ce que le salaire et la décence ont à faire ensemble... "Salarié, tu es un drôle de type. Lorsque l'on te bouscule dans le RER au retour de la corvée ou lorsque qu'on te pique ta place de parking au supermarché, tu n'es pourtant pas le dernier pour gueuler ! Au boulot, c'est une autre histoire." Au boulot t'es une merde et en tant que telle tu es là pour te faire écraser, c'est simple comme bonjour...
Libellés : Bloy, Enculisme, Esclavage, judaïsme, Saint Paul, Seb Musset, Sionisme, Sutpen, Toussenel
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