De belles âmes et de beaux corps...
Réveillé bien trop tôt à mon goût ce matin, je prends les Confessions de saint Augustin, en « Folio », traduction d’Arnauld d’Andilly, en espérant que cela m’aide, après quelques pages, à me rendormir. Manque de pot, ou coup de chance, la préface de Philippe Sellier m’intéresse tout de suite. Et notamment la brève biographie de Robert d’Arnauld d’Andilly, tant cette évocation fait comme resurgir un siècle, et un portrait de l’honnête homme de ce siècle… Bref, je n’ai pas retrouvé le sommeil, mais j’ai trouvé une citation pour vous. (Je ne signale pas quelques menues coupures de ma part.)
"C’est en 1585 que prend son origine la célébrité de la famille Arnauld. Cette année-là, Antoine Arnauld l’ancien, alors avocat au Parlement de Paris, épouse Catherine Marion, dont le père est, lui aussi, avocat en ce même Parlement.De ce mariage naîtront vingt enfants. L’ainé, Robert, voit le jour en 1589. Il est élevé à Paris, dans un milieu cultivé, non loin de la paroisse Saint-Merri. Son père s’est chargé d’assumer lui-même sa formation intellectuelle, comme le fera un peu plus tard - et avec le même succès - le père de Blaise Pascal.
Introduit très jeune dans le monde et à la cour, Robert, grâce à l’un de ses oncles, acquiert une excellente connaissance des affaires politiques et bientôt assiste au Conseil des finances en qualité de secrétaire. Il épouse en 1613 Catherine Le Fèvre de La Boderie, fille d’un ambassadeur, et prend le nom d’Andilly, une terre qu’il posséda jusqu’en 1643 ; de cette union naîtront quinze enfants : les six filles prendront le voile à Port-Royal. (…)
De 1620 à 1622, Robert Arnauld accompagne dans le Midi le roi Louis XIII, qui a entrepris de réduire la rébellion des Huguenots. C’est au cours de ces déplacements qu’il fait à Poitiers la connaissance de l’abbé de Saint-Cyran et noue avec lui une amitié qui ne se démentira jamais. Grâce à lui, Saint-Cyran fait en 1623 la connaissance de sa soeur, la Mère Angélique. En 1622, Louis XIII propose à Arnauld d’Andilly de devenir secrétaire d’État ; mais celui-ci, trouvant la charge trop coûteuse, élude. Après une courte période passée au service de Gaston d’Orléans, frère du roi, Robert se retire sur les terres de Pomponne (près de Lagny-sur-Marne), où il passe huit années (1626-1634) « dans une grande tranquillité d’esprit ».
Un moment intendant de l’armée du Rhin, Arnauld d’Andilly se démet de sa charge dès 1635. Il se rapproche de l’abbé de Saint-Cyran, dont son frère cadet, Antoine devient le disciple et que sa soeur Angélique adopte comme directeur spirituel de Port-Royal. A à la mort de sa femme (23 août 1637), Robert songe à se retirer du monde. Mais il faudra la mort de son ami Saint-Cyran, en 1643, pour que cette retraite commence à se réaliser en 1644 et devienne définitive en 1645 : il rejoint alors, à cinquante-cinq ans, le groupe des Solitaires qui vivent aux abords du monastère des Champs [dans la vallées de Chevreuse, note de AMG] . Il va y passer trente années.
Parfait homme du monde, au centre d’un vaste réseau d’amitiés et de relations, Arnauld d’Andilly ne rompt pourtant nullement avec la haute société parisienne. Il se déplace fréquemment chez des amis, comme la brillante comtesse Du Plessis-Guénégaud, où il rencontre Mme de Sévigné, Mme de Lafayette… On le plaisantait d’ailleurs sur sa prédilection pour les belles âmes, surtout quand elles se trouvaient dans de beaux corps. Certains lui reprochaient aussi de recevoir trop souvent à Port-Royal l’aristocratie de la capitale.
A Port-Royal, le nouveau Solitaire fait preuve d’une activité intense. Il fait assainir et défricher les lieux à ses frais. Il cultive les fruits et les fleurs, se décerne avec humour le titre de Surintendant des jardins, surprend agréablement ses amis, et même la reine, par l’envoi de primeurs, de poires ou de pêches magnifiques. De là, en 1652, la rédaction de La manière de cultiver les arbres fruitiers.
Andilly avait toujours éprouvé le plus vif désir à écrire. Au sein même de ses activités au Conseil des finances, en 1613, il lui arrivait de composer cent vers par jour, et jusque dans l’inconfort d’un carrosse. En relation avec des écrivains célèbres comme Guez de Balzac ou Chapelain, il s’affirme en toutes sortes de domaines : poésie, lettres, Mémoires (rédigés vers 1664 et publiés en 1734) et surtout art de la traduction. La Rochefoucauld lui envoie une copie de ses Mémoires en sollicitant ses corrections pour la pureté du style. En 1671, il collabore avec La Fontaine à la publication d’une anthologie poétique, le Recueil de poésies chrétiennes et diverses.
C’est dans la solitude de Port-Royal qu’Arnauld d’Andilly a pu parfaire ses traductions les plus célèbres. Aussitôt après avoir édité les Lettres chrétiennes et spirituelles de Saint-Cyran (1645-1647) , il traduit les Confessions de saint Augustin (1649) et les Vies des saints Pères des déserts (1647-1657). Il publiera encore, entre autres, des traductions remarquables de l’historien juif Flavius Josèphe (1667-1668) et des Oeuvres de sainte Thérèse d’Avila.
Le talent de l’écrivain avait fait souhaiter à l’Académie française de l’accueillir parmi ses membres. Mais il déclina les invitations qui lui furent adressées dès 1634 (à la création), puis en 1649, en plein succès des Confessions.
Âgé de quatre-vingt-cinq ans, le Patriarche de la Vallée de Chevreuse s’éteignit le 27 septembre 1674, alors que son ami libraire Pierre Le Petit préparait une superbe édition de ses Oeuvres en huit volumes in-folio."
Belle mort, ou belle épitaphe, ma foi !
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