lundi 24 septembre 2018

"La force et le sens des réjouissances humaines..."

Chesterton sur Tolstoï, les pacifistes, les végétariens, les vegan, etc. :

"Le fait de parler continuellement de sa vigueur a pour effet de rendre moins vigoureux, à plus forte raison le fait de parler sans cesse de la simplicité a pour effet de rendre moins simple. Je pense qu’un grand reproche doit être adressé aux partisans actuels de la vie simple, de la vie simple sous toutes ses formes (…), c’est qu’ils voudraient nous rendre simples dans les choses sans conséquence et compliqués dans les choses de conséquence. Ils voudraient nous rendre simples dans les choses qui n’importent pas, telles la nourriture, le costume, l’étiquette ou le système économique. Par contre, ils entendent nous rendre compliqués dans les choses qui importent, la philosophie, la loyauté, l’acceptation spirituelle et le refus spirituel. Il n’est pas grave après tout qu’un homme mange une tomate sur le gril ou une tomate crue, mais il est très grave qu’il mange une tomate crue avec un esprit sur le gril. La seule simplicité qui vaille d’être conservée est celle du coeur, la simplicité qui sait accepter et se réjouir. On peut raisonnablement émettre des doutes sur le système susceptible de la conserver, mais il n’est pas douteux que tout système de la simplicité la détruit. Il y a plus de simplicité chez l’homme qui mange du caviar par impulsion que chez l’homme qui mange des pâtes à l’épeautre par conviction. 

L’erreur principale de ces gens-là se révèle dans la phrase même qui leur sert de devise : Vie simple et pensées élevées. Ces gens n’ont aucun besoin et n’éprouveraient aucun bien d’une vie simple et de pensées élevées. Ils ont besoin du contraire. Ils éprouveraient du bien d’une vie élevée et de pensées simples. Un peu de vie élevée (je dis ces mots avec une pleine conscience de ma responsabilité) leur enseignerait la force et le sens des réjouissances humaines, du banquet qui dure depuis le commencement du monde. Ils apprendraient ce fait historique, à savoir que l’artificiel est, s’il se peut, plus ancien que le naturel. Ils apprendraient que la coupe d’amour est aussi ancienne que la faim. Ils apprendraient que le ritualisme est plus ancien que la religion. Et un peu de pensée simple leur enseignerait combien toutes leurs théories morales sont dures et illusoires, combien est civilisé et compliqué le cerveau du tolstoïen qui croit réellement qu’il est mal d’aimer son pays et criminel de frapper un coup."

"L’artificiel est, s’il se peut, plus ancien que le naturel", merveilleuse formule que j’ai déjà citée ici, plus d’une fois sans doute. Pour que l’on ne fasse pas de contresens, je vous rajoute sa glose par l’auteur lui-même : 

"En ces matières comme en bien d’autres, l’enfant est le meilleur guide. Or, il n’est jamais aussi purement enfantin, jamais il ne montre plus exactement ce qu’est la vraie simplicité que par la manière dont il regarde toutes choses, même les plus compliquées, avec un plaisir simple. Le faux naturel insiste toujours sur la distinction entre le naturel et l’artificiel. Le vrai naturel ignore cette distinction. Pour l’enfant, l’arbre et le réverbère sont aussi naturels et aussi artificiels l’un que l’autre, ou plutôt ni l’un ni l’autre n’est naturel, tous deux sont surnaturels, car tous deux sont splendides et inexpliqués."

Ajoutons : "Rien n’est plus matérialiste que de mépriser un plaisir [uniquement] parce qu’il est purement matériel."

Fermons le ban : 

"En cette matière, comme en toutes les matières traitées dans ce livre, notre conclusion principale est que nous avons besoin d’un point de vue fondamental, d’une philosophie ou d’une religion, et non pas d’un changement dans les habitudes ou la routine sociale. Ce dont nous avons le plus besoin pour la pratique immédiate, ce sont des abstractions."


Et saluons : Heil !