vendredi 14 septembre 2018

"Un étonnant climat d’allégresse hallucinée..."

Muray toujours, Après l’histoire (1998), encore, c’était il y a vingt ans, nous ne pouvons pas dire que nous n’avions pas été prévenus : 

"L’hétérosexualité, autrement dit l’ancienne sexualité adulte de l’âge du concret, a largement fait son temps. Elle n’intéresse plus énormément de gens, à commencer par les hétérosexuels eux-mêmes. (…) C’est… la découverte puérile de cet au-delà des sexes (qui est en réalité un en-deça) qui constitue l’espèce de Terre promise fantoche de notre époque. L’idée que tout sujet, homme ou femme, « porte en lui une “bisexualité” variable » (…), que nous sommes donc tous « hommes et femmes conjoints, avec des proportions inégales », que les homos sont donc aussi bisexuels que les autres, et par conséquent aussi différents [si je comprends bien, les italiques veulent ici dire, in fine : aussi différents, c’est-à-dire aussi identiques, note de AMG], court les néo-loges de concierges psychanalysées qui ont appris par coeur, dans l’un ou l’autre de leurs bulletins paroissiaux, le B-A BA de la bisexualité universelle et refoulée ; lequel ne masque que la volonté de refixer la sexualité de tous au stade de la bisexualité psychique infantile ; et la claire intention d’effacer à jamais l’antique et maudite division des sexes. 

L’ouragan de l’indifférenciation parcourt à une cadence de plus en plus rapide tous les domaines d’activités humaines, et comme cet ouragan propage une doctrine de néant, ou d’acceptation de ce qui est, il est irréfutable. A la lettre, il décourage toute pensée critique ; il en est la fin. C’est dans un étonnant climat d’allégresse hallucinée que se multiplient les films qui ne sont que des éloges du transformisme et de la confusion des sexes. La bonne nouvelle que « l’homme est une femme comme les autres » se répand à la façon d’une traînée de poudre. L’indécision sexuelle devient la seule forme de neutralité acceptable par rapport à une bonne cause que nul ne saurait mettre en doute sans se situer de facto du mauvais côté de la barricade. Quand les individus ne sont plus définissables par leurs traits différenciateurs (par leurs caractéristiques discriminantes), alors il ne reste plus rien en eux que l’on puisse réfuter. La critique n’est plus de mise ; l’esprit libre non plus : ils n’ont plus d’objet. Ce qui tombe d’autant mieux que les homosexuels pensent généralement bien ; et que les transsexuels ont un formidable message d’espoir à délivrer."


For me formidable… On notera bien sûr que ces bonnes nouvelles sont toujours annoncées, vingt après, comme si elles étaient des révélations récentes, dont personne n'avait jamais entendu parler. - La pièce manquante par rapport à notre époque, c’est ce que l’on appelle l’intersectionnalité, à savoir qu’il y a plus de force rédemptrice chez une lesbienne noire que chez une lesbienne blanche : on est anti-raciste, les races n’existent pas, mais les noires sont maintenant plus égales que les blanches… Peut-être pourrait-on aussi se demander pourquoi la figure de la lesbienne arabo-musulmane n’a pas encore vraiment trouvé d’incarnation. Parce que la figure du pédé homophobe arabo-musulman occupe, de façon officieuse mais bien réelle, trop d’espace, et qu’en parler ne cadrerait pas avec ces schémas infantiles et primaires ?