Le goût franco-autrichien.
Continuons, en suivant les méandres et digressions du livre d’Emmanuel de Waresquiel sur le procès de Marie-Antoinette, à explorer certains paradoxes et certaines ambiguïtés des temps pré-révolutionnaires et des échanges culturels au niveau des peuples comme des individus :
"De ce refuge dans le « monde féminin » sont nés des formes et un style, les folies de Trianon et la laiterie de Rambouillet, les cascades et les grottes, l’épure, la grâce, la surprise, la nature et le souvenir des ruines. Ce sont autant de désirs de femmes, au grand scandale des philosophes et des dévots, à la fureur de tous ceux qui prônaient alors les vertus mâles et qui préféraient Rome ou Sparte à Athènes.
Tout converge vers ces fragiles reflets du bonheur, la fête nocturne « à la grecque » qu’elle donne à Trianon pour le roi de Suède Gustave III en 1784, le service étrusque de la laiterie de Rambouillet, son portrait « en gaule » (en chemise) par Élisabeth Vigée-Lebrun, les paysages et ruines d’Hubert Robert, Lagrenée, Mique et Jean-Jacques Thévenin, les fauteuils de Georges Jacob et les meubles de Jean Henri Riesener. Ce qui est luxueux est devenu simple. L’extrême raffinement n’est plus que l’extrême grâce. Le paradoxe, c’est qu’en cela « l’Autrichienne » n’a jamais été plus française. A l’époque très peu ont noté cela, à l’instar de l’abbé de Vermond pour qui « elle a pris tout à fait le ton et les goûts de la nation ». Après tout, ce qu’on appelle aujourd’hui le « goût français », c’est elle. On n’aurait plus l’idée d’appeler le Petit Trianon « la petite Vienne », comme on le faisait par dérision dans les années 1780."
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