lundi 22 octobre 2018

Baudelaire, les femmes et le monde, suite.

"La femme est naturelle, c’est-à-dire abominable." 




J'ai suggéré hier de transcrire ainsi cette phrase célèbre : 

"La femme, laissée à elle-même, n’arrive pas à accéder au surnaturel. Si elle veut se passer de l’homme et en rester à sa nature, il faut alors la repousser comme un mauvais présage." (sens étymologique d’abominable.) 

Pourquoi la femme, laissée à elle-même, n’arrive-t-elle pas à accéder au surnaturel ? Pourquoi a-t-elle besoin d’une médiation masculine ? Laquelle, notons-le, peut prendre la forme paternelle d’un prêtre ou d’un Dieu. - Si cela est vrai, comme Baudelaire tel que je le comprends nous invite à le penser, je n’ai pas la réponse. On peut bien sûr énoncer des pistes d’ordre biblique ou traditionnel, au sens quasi guénonien du terme - à la jonction desquelles on trouverait la théorie de la hiérarchie selon Louis Dumont, où la femme est issue de l’homme, comme Eve d’Adam, et le concept de femme subsumé sous celui de l’homme. On peut évoquer les parallèles qu’il est loisible de faire avec la dépendance de la femme par rapport à l’homme et à sa force physique pendant bien longtemps, ne serait-ce que pour survivre. De même pour sa dépendance à la médiation nécessaire du sexe de l’homme pour atteindre au plaisir. Abellio a brodé des choses brillantes sur ce thème. 

On voit bien qu’il y a des données naturelles, des données symboliques, un inconscient collectif, des parentés d’agencement. Il faut par ailleurs voir que si la formulation de Baudelaire est violemment polémique, la traduction que j’en fais l’est beaucoup moins. D’autant que si l’on en reste à ce niveau de généralités, il faut rapidement compléter ces énoncés par le suivant, que l'on ne prendra pas la peine de justifier tant l'expérience chaque jour partout le confirme : l’homme est simple, la femme est duplice. Il est bien évident que selon les points de vue auxquels on se place et selon les situations où elles entrent en jeu, cette simplicité et cette duplicité peuvent être des qualités ou des défauts, des atouts ou des carences. 

Il est en tout cas fort tentant de mettre en rapport cette duplicité féminine avec la thèse baudelairienne. C’est ici qu’il faut être un peu plus précis d’un point de vue conceptuel. Le féminin en soi n’est pas abominable, pour reprendre le terme de départ, il n’est pas négatif, dirions-nous plus banalement, mais il le devient lorsqu’il oublie que pour être le féminin en soi il doit accueillir en son sein (ce qui tombe bien pour une femme…) une relation à une figure masculine/paternelle. Le féminin se dénature lorsqu’il refuse son rapport de dépendance (je n’ai pas écrit : de sujétion, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas aussi et en même temps des formes de sujétion) avec l’homme. Ce qui n’est pas le cas du masculin s’il refuse d’entrer en relation avec le féminin : il ne se dénature pas, il a juste de bonnes chances de passer de la simplicité à la connerie. C’est un problème aussi, mais moins fondamental d'un point de vue logique ou métaphysique, quoique les conséquences pratiques puissent en être grandes.

Revenons pour finir au lieu du crime, à ces dames. D’une part pour constater, sans avoir peur de la banalité, qu’une fois qu’elles acceptent la médiation de l’homme, une fois qu’elles ont pris appui sur la béquille masculine, elles s’envolent bien plus haut que l’homme, en matière orgasmique comme dans le domaine mystique. D’autre part, et je ne développerai pas beaucoup ce point tant j’ai pu le faire au fil du temps à ce comptoir, pour signaler à quel point la sentence de Baudelaire s’applique, hélas, à notre univers mental, quand le féminisme radical et égalitariste progresse en même temps que la relation au surnaturel régresse. Un mauvais présage contre lequel certaines femmes luttent avec à-propos. 





(Et les musulmanes, dira-t-on ? Je me contenterai d’évoquer une piste de réflexion : le surnaturel musulman est peut-être de toutes façons trop éloigné de la nature. De même d’ailleurs qu’Allah est trop éloigné de ses fidèles.)