Superflu. (Ajout le 29.03.06)
Durement exploité, comme tant d'autres, par la minorité despotique qui assujettit l'ensemble de la population à la célébration de Noël, je traine aujourd'hui dans une librairie à la molle recherche de cadeaux, quand je tombe sur une nouveauté : le Journal de Goebbels, premier tome, chez Tallandier. Un pareil génie de la propagande méritant de toute évidence considération, je feuillette la bête, tout en me disant qu'un pareil achat n'est en rien raisonnable, quand je découvre, sur la quatrième de couverture, que les bénéfices générés par cette édition seront reversés à telle fondation liée à la mémoire de la Shoah.
Je ne reproche rien, ou ne me sens pas le droit de rien reprocher à l'éditeur. Je suis néanmoins resté bouche bée. Goebbels est une des personnalités les plus marquantes et les plus influentes du XXe siècle, son journal est évidemment un document historique de premier ordre, et il est manifestement impossible de le publier sans alibi ! Tallandier n'est pas réputé pour être un éditeur nauséabond, mais doit quand même, ou estime devoir, "se couvrir" par cette précaution. Peur des associations, peur de la réaction du public ? Pauvre recherche historique ! Bientôt, on ne pourra pas éditer les mémoires de tel ou tel esclavagiste sans devoir verser ses bénéfices aux descendants des victimes. Peut-être que les œuvres de Voltaire, lequel avait des actions dans telles entreprises coloniales, devraient être taxées dès aujourd'hui - ou même rétroactivement, depuis leur date d'édition. Un écrit de Jules Ferry sur l'école publique devrait absolument financer des travaux publics au Tonkin. Tous les auteurs n'ayant pas fait de propagande active pour l'homosexualité devraient cotiser pour les malades du sida. Les éditeurs de la Bible dans le monde entier, par l'abominable pression qu'ils font peser sur le mental des jeunes gays, seraient ainsi bien inspirés de se dédouaner de leur ignominie. On pourrait aussi souhaiter que n'importe quelle œuvre d'un météorologue russe se voie prélevée d'une obole destinée aux descendants des veuves des soldats noyés par la Bérézina.
Ceci posé, j'admets que si les bénéfices des mémoires de Bill Clinton avaient été reversés aux familles qui ont souffert de l'embargo qu'il a imposé à l'Irak pendant des années, cela lui aurait sans doute passé l'envie de les "écrire", et on n'aurait pas eu à revoir sa gueule. Mais cet effet collatéral reste bien négligeable.
Pour en revenir à Goebbels, je me souviens qu'il y a quelques années Emmanuel Le Roy Ladurie, fasciste notoire sans doute, avait regretté que le journal de celui qu'il traitait d'"ignoble salopard" n'était pas édité en France, quand le moindre propos de table de Freud ou Marx avait les honneurs de nos éditions. La petite brève du Canard enchaîné retraçant cette déclaration ne put s'empêcher de lui trouver un goût douteux, comme si Le Roy Ladurie avait été le moins du monde ambigu. Avec le recul, cela permet de comprendre les précautions prises par Tallandier, et ce n'est guère réconfortant.
Finalement, dans la mesure où les bibliothèques municipales ne voudront peut-être pas acquérir un tel ouvrage (je me rappelle que les responsables de la BPI au centre Pompidou avaient arrêté d'acheter Mein Kampf après que cinq exemplaires leur en avaient été volés dans les semaines suivant l'ouverture de cette bibliothèque, sans que l'on puisse dire si les voleurs étaient des néo-nazis ou des censeurs bien intentionnés, ou un peu des deux), je me demande, si l'on ne veut pas faire le jeu d'une telle emprise de ce qu'on appelle le "devoir de mémoire" sur la recherche de la vérité historique, si le mieux ne serait pas carrément de le voler. Evidemment, c'est un gros pavé, et si on se fait avoir, c'est un peu la honte.
Bonne lecture et joyeux Noël !
(Le 29.03)
Sale gueule, certes. L'homme est heureusement plus souriant sur la quatrième de couverture :
M. Hitler en couleurs, décidément, j'ai peine à m'y faire.
Je n'en ai pas encore lu beaucoup. Apparemment, ça parle beaucoup de musique.
Je ne reproche rien, ou ne me sens pas le droit de rien reprocher à l'éditeur. Je suis néanmoins resté bouche bée. Goebbels est une des personnalités les plus marquantes et les plus influentes du XXe siècle, son journal est évidemment un document historique de premier ordre, et il est manifestement impossible de le publier sans alibi ! Tallandier n'est pas réputé pour être un éditeur nauséabond, mais doit quand même, ou estime devoir, "se couvrir" par cette précaution. Peur des associations, peur de la réaction du public ? Pauvre recherche historique ! Bientôt, on ne pourra pas éditer les mémoires de tel ou tel esclavagiste sans devoir verser ses bénéfices aux descendants des victimes. Peut-être que les œuvres de Voltaire, lequel avait des actions dans telles entreprises coloniales, devraient être taxées dès aujourd'hui - ou même rétroactivement, depuis leur date d'édition. Un écrit de Jules Ferry sur l'école publique devrait absolument financer des travaux publics au Tonkin. Tous les auteurs n'ayant pas fait de propagande active pour l'homosexualité devraient cotiser pour les malades du sida. Les éditeurs de la Bible dans le monde entier, par l'abominable pression qu'ils font peser sur le mental des jeunes gays, seraient ainsi bien inspirés de se dédouaner de leur ignominie. On pourrait aussi souhaiter que n'importe quelle œuvre d'un météorologue russe se voie prélevée d'une obole destinée aux descendants des veuves des soldats noyés par la Bérézina.
Ceci posé, j'admets que si les bénéfices des mémoires de Bill Clinton avaient été reversés aux familles qui ont souffert de l'embargo qu'il a imposé à l'Irak pendant des années, cela lui aurait sans doute passé l'envie de les "écrire", et on n'aurait pas eu à revoir sa gueule. Mais cet effet collatéral reste bien négligeable.
Pour en revenir à Goebbels, je me souviens qu'il y a quelques années Emmanuel Le Roy Ladurie, fasciste notoire sans doute, avait regretté que le journal de celui qu'il traitait d'"ignoble salopard" n'était pas édité en France, quand le moindre propos de table de Freud ou Marx avait les honneurs de nos éditions. La petite brève du Canard enchaîné retraçant cette déclaration ne put s'empêcher de lui trouver un goût douteux, comme si Le Roy Ladurie avait été le moins du monde ambigu. Avec le recul, cela permet de comprendre les précautions prises par Tallandier, et ce n'est guère réconfortant.
Finalement, dans la mesure où les bibliothèques municipales ne voudront peut-être pas acquérir un tel ouvrage (je me rappelle que les responsables de la BPI au centre Pompidou avaient arrêté d'acheter Mein Kampf après que cinq exemplaires leur en avaient été volés dans les semaines suivant l'ouverture de cette bibliothèque, sans que l'on puisse dire si les voleurs étaient des néo-nazis ou des censeurs bien intentionnés, ou un peu des deux), je me demande, si l'on ne veut pas faire le jeu d'une telle emprise de ce qu'on appelle le "devoir de mémoire" sur la recherche de la vérité historique, si le mieux ne serait pas carrément de le voler. Evidemment, c'est un gros pavé, et si on se fait avoir, c'est un peu la honte.
Bonne lecture et joyeux Noël !
(Le 29.03)
Sale gueule, certes. L'homme est heureusement plus souriant sur la quatrième de couverture :
M. Hitler en couleurs, décidément, j'ai peine à m'y faire.
Je n'en ai pas encore lu beaucoup. Apparemment, ça parle beaucoup de musique.
Libellés : Canard enchaîné, Clinton, Goebbels, Hitler, J. Ferry, Le Roy Ladurie, Voltaire
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