samedi 29 janvier 2011

Chiné ça l'autre jour...

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Ach, c'était le dernier qui me manquait, c'est triste une collection qui finit...

Quelques beautés pour le plaisir :

"La publicité est la chose du monde la plus belle, plus belle encore qu'un million de dollars, car elle est ce qu'il y a de beau dans un million de dollars. La publicité est une révélation plus haute que l'art et la philosophie car elle est ce que révèlent l'art et la philosophie. La publicité est la victoire sur les chimères, la nouveauté éternelle, la règle dont gémit le chaos, le sujet de la conciliation, l'échange maîtrisé, la situation construite. Elle juge de toute chose. Elle est amas de certitude, la gloire de l'univers. La publicité est un fleuve majestueux et fertile. La théorie est la tempête, le Hegelsturm. La théorie doit avoir pour but la publicité."

"Pour certains praticiens des grotesques sciences humaines, le passé est censé expliquer le présent. Ceci n'est que l'aveu masqué de leur impuissance à comprendre le présent. On ne fréquente pas impunément l'université. Le secret de la société moderne n'est pas dans les sociétés archaïques ou les sociétés animales, mais la société la plus moderne est le secret révélé des sociétés archaïques ou animales. De même, le fait que l'animal échange ne signifie pas que l'homme soit bestial, mais au contraire que l'animal est humain. Contrairement à l'idée bien répandue et fausse, le fait que l'homme connaisse l'échange sexué ne signifie pas que l'homme soit bestial, mais bien que l'animal est humain dans ce rapport. Les déterminations qui distinguent l'animal de l'homme sont les déterminations de l'homme lui-même. L'homme est la vérité de l'animal, l'animal vrai. Le genre humain est le genre de tous les animaux. Ainsi l'homme est-il plus animal que l'animal puisqu'il est l'animal vrai, et la publicité est-elle plus universelle que l'univers puisqu'elle est la vérité de l'univers, l'univers vérifié, l'univers fondé, l'univers supprimé.

L'ethnographie ne peut fournir des idées à ceux qui n'en ont pas. Comment des misérables qui ont renoncé à tout espoir de richesse, qui n'ont critiqué dans leur vie aucun des aspects de notre monde trivial et se sont accommodés de tous, pourraient-ils concevoir la richesse. Lorsque la société moderne est incapable de comprendre une société ancienne, c'est simplement qu'elle est elle-même trop archaïque et n'a pas produit un degré suffisant d'abstraction, d'absence, de rareté. L'ethnographie ne peut être que la pierre de touche de la science de la publicité et ne peut en aucun cas fournir le principe de cette science. (...)

Tant que l'on persistera à voir dans le sauvage archaïque un enfant de la nature insouciant et paresseux, qui évite dans toute la mesure du possible de s'employer à une tâche et de se donner du mal, qui attend que lui tombent mûrs dans la bouche des fruits qu'une nature tropicale féconde lui dispense avec générosité, on s'abusera, et on restera incapable de saisir les motifs qui l'inspirent et les buts qu'il poursuit quand il se lance dans une expédition Kula, ou dans toute autre entreprise. Bien au contraire, la vérité est que le sauvage archaïque peut travailler, et en certaines occasions travailler effectivement très dur et de façon systématique, avec endurance et volonté, et qu'il n'attend pas pour le faire d'être contraint par des besoins urgents. Il suffit de lire quelques pages de Malinowski pour saisir immédiatement la grandeur de ces Papous qui se livrent explicitement à la pratique de l'humanité au péril de leur vie, et pour comprendre que le seul mobile de leur travail est - apodicticité du bonheur - le pur plaisir de la suppression du travail, la pratique de l'échange et de la publicité. On ne peut qu'être saisi de respect pour la science de ces sauvages qui connaissent que le travail devient humain quand il est supprimé, que le travail humain est le travail supprimé et que la publicité est le seul travail digne de l'homme. En opposition à la profonde misère du riche moderne, on admire la grandeur du riche chef papou qui dépense en publicité toutes ses ressources." (1975, pp. 46-47 et 52-55)

Le riche moderne en a d'ailleurs quelque intuition, si l'on se fie à son côté de plus en plus « ostentatoire », comme on dit de nos jours, mais il ne comprend pas que cette ostentation est vide de sens dans une société que par la pratique effrénée de l'enculisme il a lui-même contribué à vider de sens. Bien fait pour sa gueule.

C'est une question que je me pose, pas une fin de non-recevoir, j'ai déjà dû évoquer cela quelque part, mais je me demande si le fait que je ne sois pas plus attiré par l'oeuvre de Guénon, alors que je sens son importance et que la plupart des auteurs du XXe siècle qui m'intéressent ont subi de façon plus ou moins directe son influence, est que l'on a du mal à y caser les Sauvages. Maurras écrit sur eux des bêtises aujourd'hui dépassées, mais à la limite, Mauss et Malinowski aidant, on peut les intégrer à ses théories. Avec Guénon cela semble plus difficile - mais si je dis moi-même ici une connerie, nul doute que quelqu'un me corrigera...


Quoi qu'il en soit, on complétera ces brillantes variations sur le thème majeur : "L'humanité est une cérémonie", par cette phrase de Pierre Boutang dans son commentaire du Banquet : "Tout désir est spirituel" (la phrase exacte est : "Le désir, tout désir, est donc spirituel à sa manière" ; Hermann, 1972, p. 137), qui me semble s'appliquer à l'échange - et notamment à l'échange sexué. - A suivre, avec plaisir...


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- En clin d'oeil au Duc de Trèfle, c'était l'occasion ou jamais...



L'humanité est une cérémonie !

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