mardi 29 mai 2012

Tout et son contraire. (Genèses, limites et ambiguïtés du « soralisme », II ter.)

femmefataleheist


Genèses, limites et ambiguïtés du « soralisme », I.

Genèses, limites et ambiguïtés du « soralisme », II.

Genèses, limites et ambiguïtés du « soralisme », II bis.

Genèses, limites et ambiguïtés du « soralisme », III.



Dans un ouvrage dont j'ai pour l'instant peine à comprendre le sens général, Le mythe du sang. Exposé critique des théories racistes (1942, édité en France par les Éditions de l'Homme libre, 1999), de Julius Evola, on peut lire ces lignes, consacrées à un philosophe allemand dont j'ignorais tout, Friedrich Lange, auteur notamment du Germanisme pur :

"Sang et honneur constituent le mot d'ordre du racisme aryen. En 1894, Lange fonda la Deutschbund, association aux couleurs typiquement pangermanistes. Dans un tel milieu, le concept romantique d'« esprit des peuples » reprend vie, appliqué cette fois à la nation allemande. On en fait un prémisse au devoir de sélection d'une race pure et, comme tel, ayant conscience de sa supériorité et de l'impulsion à se porter en avant, à s'étendre, à assumer l'initiative de l'attaque dans le but d'imposer sa volonté aux adversaires de la race au courage et à l'intelligence inférieurs. Dans cette réintégration, l'élément militaire prussien - considéré par Lange comme la moelle de la culture allemande - aurait dû constituer le noyau central et assumer la part directrice. « Nous avons le devoir de fortifier consciemment ce que nous avons sauvé, par chance, de l'influence chrétienne et ce vers quoi une impulsion innée pousse chacun de nous : la valeur guerrière. » Déjà au mythe de la paix universelle vient s'opposer l'accusation de judaïsme : « Un peuple parasite comme le peuple juif est conduit par ses instincts ambitieux et cupides à travailler pour la paix éternelle, puisque dans un tel régime il ne rencontrerait plus aucun obstacle à l'oeuvre de désagrégation qu'il encourage dans le corps vivant des nations. » Lange, en rappelant le mot de Moltke - « La paix éternelle pour l'humanité n'est qu'un rêve, et ce n'est même pas un beau rêve » - scelle ainsi le mythe de l'impérialisme agressif de la race supérieure." (pp. 51-52)

Passons sur les évidentes maladresses de la traduction - d'autant que l'« Homme libre » qui dirige les éditions du même nom passe pour assez violent et que je n'ai aucune envie de me faire arranger le portrait ;

passons, déjà un peu moins vite, sur cet amusant paradoxe de nombre de théoriciens évoqués par Evola, qui ne voient aucune contradiction à louer le « courage », la « vaillance », etc., des Aryens et à dresser dans le même temps un portrait des races « passives », « soumises », « féminines », etc., tel que l'on se demande bien où est le mérite des Aryens à coloniser des proies aussi faciles. A vaincre sans péril...

C'est d'ailleurs ce qui fait de l'antisémitisme un problème particulier dans ce genre de visions du monde : contrairement au Nègre brutal et arriéré, le Juif offre l'« avantage » d'être à la fois fort et faible. On retrouvera ça quelques années plus tard chez Rebatet, ce balancement parfois dialectique, parfois purement schizophrène, entre la force et la faiblesses juives. Ceci sans mentionner les ambiguïtés de M. Adolf Hitler à leur endroit, M. Hitler qui alla paraît-il jusqu'à dire qu'« il n'y avait pas place sur terre pour deux peuples élus », je cite de mémoire, ce qui est tout de même une forme d'hommage.

- Et c'est ce qui fait que l'on peut les accuser de tout, et que cela m'a personnellement fait sourire de voir ce M. Lange reprocher aux Juifs le contraire de ce que beaucoup leur reprochaient ou leur reprochent. Un jour ils sont responsables de la paix, un jour de la guerre - sans doute sont-ils aussi responsables du réchauffement de la planète et des mythes sur le réchauffement de la planète, tant qu'on y est.

Je ne veux pas donner trop de poids à une phrase d'un auteur qui m'était il y a deux jours inconnu, citée qui est plus sans trop d'indications de contexte par un autre auteur, dans une édition pas toujours très soignée (aïe, la mandale approche...) ; je ne cherche pas non plus à nier qu'il existe des Juifs sionistes qui ont une très forte capacité de nuisance. Je serais, enfin, le premier à souhaiter croiser moins de Juifs dans certains parages de mon chemin théorique - à le souhaiter pour les Juifs en général s'entend, pas pour Bibi, qui n'en peut mais et s'y intéresse comme à sa première branlette.

Ceci étant dit, pour être clair, si je ne suis pas ici en train d'attaquer Alain Soral, c'est tout de même lui et ce qu'il incarne que je vise : une certaine forme de recherche du responsable, du coupable (quel abîme de réflexion, cette défense...), qui peut finir par éliminer ou vouloir éliminer ce que Dumont appelait le résidu, c'est-à-dire ce qui dans la réalité ne colle pas avec l'idéologie. (L'idéologie chez Dumont est une façon de voir le monde, une organisation du monde, c'est très noble - mais ça ne peut pas couvrir toute la réalité : on aurait, sinon, trouvé la bonne idéologie depuis un bail, et tout serait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Ici comme ailleurs, le bon romancier est souvent plus averti que l'intellectuel.)

On peut aussi le formuler ainsi : nous sommes tous trop coupables pour que certains, Juifs, Français dits de souche, Américains, Teutons, etc., le soient vraiment beaucoup plus que d'autres. Tous dans la même merde, tous dans la même galère, péché originel pour tous (qu'un Lange soit antichrétien est des plus logiques) : une certaine forme de dépit, je n'ai pas dit mépris, quant à ce que ce cher Baudelaire appelait la « détestable humanité » a au moins l'avantage de préserver de quelques formes d'illusions. Je fais ici du Muray et je l'assume : si paradis perdu il y a (eu), c'était avant l'humanité, cela ne nous concerne pas.

J'ai dû évoquer ça il y a quelques années : dans le Cahier de l'Herne Céline coordonné par l'adorable de Roux, d'aucuns (Pol Vandromme, si ma mémoire ne me joue pas des tours) ont cherché à défendre l'auteur de Bagatelles pour un massacre en suggérant que le mot Juif n'y était qu'une métaphore du Mal : l'intuition n'est pas idiote, il s'en faut, mais la défense ne tient pas, Ferdinand visait vraiment les Juifs. Si, ceci posé, on reprend ce genre de raisonnement, il est possible d'écrire que lorsque l'on cherche un Juif, on ne peut que le trouver : si on cherche un responsable au Mal, on va en trouver un. Et, en régime démocratique, cette impureté du Juif, qui est à la fois comme les autres et pas comme les autres, en fait une cible privilégiée - d'où que, dans les mêmes milieux pangermanistes, à quelques années d'intervalle, on ait pu lui reprocher d'être aussi bien un fauteur de paix qu'un fauteur de guerre, ceci avec les mêmes prémisses.

Yahvé sait que cela ne les (une bonne partie d'entre eux) empêche pas de jouer sur les deux tableaux, d'être plus démocrates pour les autres que pour eux vis-à-vis des autres, que cela ne les (certains d'entre eux) empêche pas d'être d'autant mieux bourreaux qu'ils se présentent comme victimes, mais ce n'est pas le fond du problème. - Le fond du problème, c'est l'humanité, pas le youtre. Et d'un côté, cela rend le dit problème moins facile à résoudre, mais d'un autre côté, c'est tant mieux : comme toute femme fatale, cette salope d'humanité est préférable « détestable » que sans problèmes, juif ou autre.


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