jeudi 8 novembre 2018

"En toi seront bénies toutes les nations..." Saint Paul, la foi et les oeuvres, II.

"La preuve théologique prépare la preuve scripturaire tirée de l’histoire d’Abraham. Abraham fut justifié et proclamé père des croyants avant sa circoncision. Il s’ensuit : premièrement, qu’il n’y a aucun lien nécessaire entre la circoncision et la justice et qu’on peut être juste sans être circoncis ; en second lieu, que la paternité d’Abraham, récompense de sa foi, est également indépendante de la circoncision et peut s’étendre aux Gentils imitateurs de la foi d’Abraham. Dérivant non de la Loi mais de la promesse, non de la chair mais de l’esprit, elle n’est point l’apanage d’une race ; elle est le privilège de tous les croyants. 

Qu’Abraham ait été justifié avant la circoncision, c’est un fait qui ressort clairement du rapprochement des dates. Au chapitre XV de la Genèse, il est dit de lui : « Abraham crut et à Dieu et cela lui fut imputé à justice. » Au chapitre XVII seulement est rapporté le précepte divin de la circoncision pour toute la famille d’Abraham. La justice est antérieure. Pourquoi donc la circoncision ? Elle est le signe sensible de l’alliance précédemment conclue et le sceau matériel de la justice octroyée à la foi, dans l’état d’incirconcision. 

Pour la paternité spirituelle, le raisonnement est à peu près le même. Il fut dit au patriarche : « En toi seront bénies toutes les nations. » Ce n’est pas « tous les Juifs », ni « les Juifs seulement », mais toutes les nations de la terre. Les bénédictions promises au Père des croyants, passant par-dessus le particularisme de la synagogue, sont aussi étendues et aussi universelles que devait l’être l’Église elle-même. Et ces bénédictions sont accordées sans restriction ni condition aucune, bien avant l’alliance du Sinaï. Or le sens commun dit qu’une concession toute gracieuse, reçue de Dieu par Abraham comme un testament, léguée par lui à sa lignée spirituelle en guise d’héritage, ne saurait être révoquée sans injustice ou sans arbitraire, à la suite d’un fait ultérieur : 

« Quand le testament d’un homme est ratifié, personne ne le tient pour nul et ne rajoute rien. Or les promesses concernaient Abraham et sa lignée. Il n’est pas dit “ses lignées” comme s’il y en avait plusieurs, mais au singulier “sa lignée”, qui est le Christ. Je dis donc : la Loi venue quatre cent trente après ne saurait annuler le testament ratifié par Dieu, de manière à réduire à rien la promesse. Car si l’héritage [des bénédictions] vient de la Loi, il ne vient plus de la promesse ; or Dieu en a gratifié Abraham en vertu de la promesse. »

Telle est la doctrine de saint Paul sur la justification par la foi."



La suite : une comparaison me semble-t-il instructive avec la doctrine de Jacques sur le même sujet. A bientôt !