Sans trop de commentaires. (Ajout le lendemain.) - Nigger of the day, XII.
"Un jour, un jour viendra pour l'univers où toutes ses lois seront bouleversées ; le pôle austral écrasera toutes les étendues libyennes."
Sénèque, Hercule à l'Oeta - cité par Simone Weil en 1942, lu par bibi hier. Bon, c'est plutôt le pôle septentrional qui « bouleverse les lois », y compris celles qui sont censées être les siennes, mais cela m'a bien sûr fait sourire à la lecture. J'ajouterai que S. W. repense ici à Sénèque alors qu'elle est en pleine méditation sur la notion de fin du monde.
Lue quelques minutes après, cette autre phrase, dans la célèbre lettre qu'elle adressa à Bernanos après avoir découvert Les grands cimetières sous la lune : "Les humiliations infligées par mon pays me sont plus douloureuses que celles qu'il peut subir." (1938, p. 409 de l'édition « Quarto »)
État d'esprit d'autant moins partagé par mes contemporains que :
"Une atmosphère lourde, opaque, étouffante s'est établie sur le pays, de sorte que les gens ont le cafard et sont mécontents de tout, mais d'autre part sont disposés à encaisser n'importe quoi sans protestations et même sans surprise." (ébauche de lettre à son frère en 1939, avant le début de la guerre, citée par S. Pétrement p. 509 de La vie de Simone Weil)
A encaisser n'importe quoi, à faire encaisser aux autres n'importe quoi, à croire n'importe quoi. Évoquant L'enracinement, S. Pétrement rappelle que S. W., dans son projet de société future, y "juge nécessaire (...) qu'on interdise toute propagande de parti et aussi toute pression d'un groupe sur ses propres membres pour imposer certaines opinions (c'est-à-dire toute pression exercée en vertu de la notion d'orthodoxie). Elle conseille aussi que soient créés des sortes de tribunaux devant lesquels on pourrait citer tout écrivain ou journaliste qui aurait soit publié sciemment des mensonges, soit publiés des erreurs qu'il pouvait facilement éviter." (p. 655)
- si tous les cocus avaient des clochettes... Sur le même sujet, Thierry Meyssan disait il y a peu la même chose.
L'Occident est mort, mais il tue encore !
(Ajout le 24.08.11)
Certaines conclusions à ce qui précède étaient implicites, mais un autre texte de S. W., lu hier, les formulant mieux que je ne saurais le faire, je reprends la plume pour laisser la parole au maître (à la "maitresse" ? ça fait école primaire ou SM...) :
"Dès que la vérité disparaît, l'utilité aussitôt prend sa place. (...)
Depuis longtemps déjà, dans tous les domaines sans exception, les gardiens en titre des valeurs spirituelles les avaient laissé se dégrader, par leur propre carence et sans nulle contrainte extérieure. Une sorte de crainte nous empêche de le reconnaître, comme si nous risquions ainsi de porter atteinte à ces valeurs elles-mêmes : mais loin de là, dans la période peut-être fort longue de douleur et d'humiliation où nous nous sommes engagés, nous ne pouvons retrouver un jour ce qui nous manque que si nous sentons de toute notre âme à quel point nous avons mérité notre sort. Nous voyons la force des armes asservir de plus en plus l'intelligence, et la souffrance rend aujourd'hui cet asservissement sensible à tous : mais l'intelligence s'était déjà abaissée jusqu'à l'état de servitude avant d'avoir personne à qui obéir. Si quelqu'un va s'exposer comme esclave sur le marché, quoi d'étonnant qu'il trouve un maître ?" (Réflexions à propos de la théorie des quanta, 1942, pp. 591-92 de l'édition « Quarto ».)
Et tant que nous y sommes, ajoutons ce « syllogisme de l'amertume » de Herr Cioran, relu hier : s'il n'est pas du même niveau, il est assez amusant, voire potache (ce qu'il écrit ferait, soit dit en passant, hurler de rage le baron Evola, mais ne nous dispersons pas) :
"Pourra-ton méridionaliser les peuples graves ? L'avenir de l'Europe est suspendu à cette question. Si les Allemands se remettent à travailler comme naguère, l'Occident est perdu ; de même si les Russes ne retrouvent pas leur vieil amour de la paresse. Il faudrait développer chez les uns et les autres le goût du farniente, de l'apathie et de la sieste, leur faire miroiter les délices de l'avachissement et de la versatilité.
...A moins de nous résigner aux solutions que la Prusse, ou la Sibérie, infligerait à notre dilettantisme." (1952 - p. 771 de l'édition « Quarto ».)
Il manque bien sûr les Américains à ce tableau, mais soixante après, il sonne pour le moins juste.
Un peu de dégoût pour finir :
Billie holiday Strange fruit
Sénèque, Hercule à l'Oeta - cité par Simone Weil en 1942, lu par bibi hier. Bon, c'est plutôt le pôle septentrional qui « bouleverse les lois », y compris celles qui sont censées être les siennes, mais cela m'a bien sûr fait sourire à la lecture. J'ajouterai que S. W. repense ici à Sénèque alors qu'elle est en pleine méditation sur la notion de fin du monde.
Lue quelques minutes après, cette autre phrase, dans la célèbre lettre qu'elle adressa à Bernanos après avoir découvert Les grands cimetières sous la lune : "Les humiliations infligées par mon pays me sont plus douloureuses que celles qu'il peut subir." (1938, p. 409 de l'édition « Quarto »)
État d'esprit d'autant moins partagé par mes contemporains que :
"Une atmosphère lourde, opaque, étouffante s'est établie sur le pays, de sorte que les gens ont le cafard et sont mécontents de tout, mais d'autre part sont disposés à encaisser n'importe quoi sans protestations et même sans surprise." (ébauche de lettre à son frère en 1939, avant le début de la guerre, citée par S. Pétrement p. 509 de La vie de Simone Weil)
A encaisser n'importe quoi, à faire encaisser aux autres n'importe quoi, à croire n'importe quoi. Évoquant L'enracinement, S. Pétrement rappelle que S. W., dans son projet de société future, y "juge nécessaire (...) qu'on interdise toute propagande de parti et aussi toute pression d'un groupe sur ses propres membres pour imposer certaines opinions (c'est-à-dire toute pression exercée en vertu de la notion d'orthodoxie). Elle conseille aussi que soient créés des sortes de tribunaux devant lesquels on pourrait citer tout écrivain ou journaliste qui aurait soit publié sciemment des mensonges, soit publiés des erreurs qu'il pouvait facilement éviter." (p. 655)
- si tous les cocus avaient des clochettes... Sur le même sujet, Thierry Meyssan disait il y a peu la même chose.
L'Occident est mort, mais il tue encore !
(Ajout le 24.08.11)
Certaines conclusions à ce qui précède étaient implicites, mais un autre texte de S. W., lu hier, les formulant mieux que je ne saurais le faire, je reprends la plume pour laisser la parole au maître (à la "maitresse" ? ça fait école primaire ou SM...) :
"Dès que la vérité disparaît, l'utilité aussitôt prend sa place. (...)
Depuis longtemps déjà, dans tous les domaines sans exception, les gardiens en titre des valeurs spirituelles les avaient laissé se dégrader, par leur propre carence et sans nulle contrainte extérieure. Une sorte de crainte nous empêche de le reconnaître, comme si nous risquions ainsi de porter atteinte à ces valeurs elles-mêmes : mais loin de là, dans la période peut-être fort longue de douleur et d'humiliation où nous nous sommes engagés, nous ne pouvons retrouver un jour ce qui nous manque que si nous sentons de toute notre âme à quel point nous avons mérité notre sort. Nous voyons la force des armes asservir de plus en plus l'intelligence, et la souffrance rend aujourd'hui cet asservissement sensible à tous : mais l'intelligence s'était déjà abaissée jusqu'à l'état de servitude avant d'avoir personne à qui obéir. Si quelqu'un va s'exposer comme esclave sur le marché, quoi d'étonnant qu'il trouve un maître ?" (Réflexions à propos de la théorie des quanta, 1942, pp. 591-92 de l'édition « Quarto ».)
Et tant que nous y sommes, ajoutons ce « syllogisme de l'amertume » de Herr Cioran, relu hier : s'il n'est pas du même niveau, il est assez amusant, voire potache (ce qu'il écrit ferait, soit dit en passant, hurler de rage le baron Evola, mais ne nous dispersons pas) :
"Pourra-ton méridionaliser les peuples graves ? L'avenir de l'Europe est suspendu à cette question. Si les Allemands se remettent à travailler comme naguère, l'Occident est perdu ; de même si les Russes ne retrouvent pas leur vieil amour de la paresse. Il faudrait développer chez les uns et les autres le goût du farniente, de l'apathie et de la sieste, leur faire miroiter les délices de l'avachissement et de la versatilité.
...A moins de nous résigner aux solutions que la Prusse, ou la Sibérie, infligerait à notre dilettantisme." (1952 - p. 771 de l'édition « Quarto ».)
Il manque bien sûr les Américains à ce tableau, mais soixante après, il sonne pour le moins juste.
Un peu de dégoût pour finir :
Billie holiday Strange fruit
Libellés : Apocalypse, Bernanos, Billie Holiday, Cioran, Evola, Khadafi, Meyssan, Nigger of the day, Pétrement, Sénèque, Weil
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