En passant.
Complété le lendemain.
"Le résultat majeur du travail, c'est d'interdire l'oisiveté aux natures vulgaires, et même, par exemple, aux fonctionnaires, aux marchands, aux soldats, etc. L'objection majeure contre le socialisme, c'est sa volonté de donner des loisirs aux natures vulgaires. Le vulgaire oisif est [alors] à charge à lui-même et au monde."
Nietzsche, 1880 (Oeuvres philosophiques complètes, Gallimard, t. XIV, p. 500).
Il y a manifestement deux manières d'interpréter ce fragment très "judéo-chrétien", selon que l'on se place soi-même au-dessus ou à égalité avec ces "natures vulgaires". Je ne connais pas assez bien Nietzsche pour savoir ce qu'il voulait dire, mais il est clair que je trouve cette note sensiblement plus intéressante si l'on s'inclut soi-même, potentiellement, parmi les "natures" visées. Est-il besoin, ce point clarifié, d'épiloguer sur l'actualité d'une telle sentence ? On en viendrait presque à penser que jamais nous n'avons été aussi "socialistes" - au moins bien sûr, il faudrait toujours le préciser, relativement aux gens que l'on entend "penser" et aux gens qui "décident".
Ceci étant dit :
- est-ce que ce ne serait pas là un des noeuds de la pensée de Nietzsche ? Tantôt naturaliser l'aristocratie et la plèbe, tantôt donner à ces concepts un sens plus souple et plus fécond ?
- le socialisme, c'est bien gentil, mais c'est beaucoup de choses... Si l'on suit certaines pistes et que l'on revient aux fondateurs du socialisme (la période avant Marx, pour le dire vite), on tombe, d'une part, sur le souci, partagé à l'époque par des gens pas du tout socialistes (Chateaubriand...) de refondation d'une communauté devant les ravages de l'industrialisation, ce qui est tout de même autre chose que le Club Med (préfiguré d'ailleurs par une célèbre formule de Marx dans L'idéologie allemande) ; d'autre part, ainsi que Muray le décrit impitoyablement dans Le XIXè siècle à travers les âges, la passion pour l'occultisme, la magie noire, le spiritisme et autres conneries (dont d'ailleurs Muray est obligé à contre-coeur d'exonérer Marx, malgré tel ou tel de ses gendres...) - et, de fil en aiguille, les sorcières de Brejnev, Mitterrand et Elisabeth Teissier... Pierre Leroux semblant une synthèse remarquable de ces deux tendances, que Muray prétend indissociables.
Est-il d'ailleurs utile de toujours chercher le moment où "ça" a déraillé ?
Que faire sans Zarkaoui ?
(Le lendemain.)
Donerwetter, je ne parviens pas à retrouver la référence exacte du texte de Marx auquel je faisais allusion. Je corrige cette carence dès que possible. Voici en attendant l'extrait qu'en donne Papaioannou dans son anthologie, p. 221 :
"Dans la société communiste, où personne ne se voit attribuer une sphère exclusive d'activité, mais où chacun peut se donner une formation complète dans n'importe quel domaine, c'est la société qui règle la production générale. Elle me donne ainsi la possibilité de faire aujourd'hui ceci, demain cela, de chasser le matin, de pêcher l'après-midi, de faire de l'élevage le soir, de faire de la "critique" après dîner, sans jamais devenir chasseur, pêcheur, pâtre ou "critique"."
- Que demande le peuple ?
(Quelques heures après...)
Ça y est : "Pléiade" t. III, p. 1065. Voici le passage complet, tout de même moins caricatural :
"Le propre acte de l'homme se dresse devant lui comme une puissance étrangère qui l'asservit, au lieu que ce soit lui qui la maîtrise. En effet, du moment où le travail commence à être réparti, chacun entre dans un cercle d'activités déterminé et exclusif, qui lui est imposé et dont il ne peut s'évader ; il est chasseur, pêcheur, berger ou "critique critique", et il doit le rester sous peine de perdre les moyens qui lui permettent de vivre. Dans la société communiste, c'est le contraire : personne n'est enfermé dans un cercle exclusif d'activités et chacun peut se former dans n'importe quelle branche de son choix ; c'est la société qui règle la production générale, et qui me permet ainsi de faire aujourd'hui telle chose, demain telle autre, de chasser le matin, de pêcher l'après-midi, de m'occuper d'élevage le soir et de m'adonner à la critique après le repas, selon que j'en ai envie, sans jamais devenir chasseur, pêcheur, berger ou critique. Cette activité sociale qui immobilise, ce produit de nos mains qui se change en un pouvoir matériel qui nous domine, échappe à notre contrôle, contrarie nos espoirs, ruine nos calculs - ce phénomène-là, c'est un des principaux facteurs de l'évolution historique connue jusqu'ici."
- il est toujours plus facile de diagnostiquer le mal que de trouver le remède adéquat.
"Le résultat majeur du travail, c'est d'interdire l'oisiveté aux natures vulgaires, et même, par exemple, aux fonctionnaires, aux marchands, aux soldats, etc. L'objection majeure contre le socialisme, c'est sa volonté de donner des loisirs aux natures vulgaires. Le vulgaire oisif est [alors] à charge à lui-même et au monde."
Nietzsche, 1880 (Oeuvres philosophiques complètes, Gallimard, t. XIV, p. 500).
Il y a manifestement deux manières d'interpréter ce fragment très "judéo-chrétien", selon que l'on se place soi-même au-dessus ou à égalité avec ces "natures vulgaires". Je ne connais pas assez bien Nietzsche pour savoir ce qu'il voulait dire, mais il est clair que je trouve cette note sensiblement plus intéressante si l'on s'inclut soi-même, potentiellement, parmi les "natures" visées. Est-il besoin, ce point clarifié, d'épiloguer sur l'actualité d'une telle sentence ? On en viendrait presque à penser que jamais nous n'avons été aussi "socialistes" - au moins bien sûr, il faudrait toujours le préciser, relativement aux gens que l'on entend "penser" et aux gens qui "décident".
Ceci étant dit :
- est-ce que ce ne serait pas là un des noeuds de la pensée de Nietzsche ? Tantôt naturaliser l'aristocratie et la plèbe, tantôt donner à ces concepts un sens plus souple et plus fécond ?
- le socialisme, c'est bien gentil, mais c'est beaucoup de choses... Si l'on suit certaines pistes et que l'on revient aux fondateurs du socialisme (la période avant Marx, pour le dire vite), on tombe, d'une part, sur le souci, partagé à l'époque par des gens pas du tout socialistes (Chateaubriand...) de refondation d'une communauté devant les ravages de l'industrialisation, ce qui est tout de même autre chose que le Club Med (préfiguré d'ailleurs par une célèbre formule de Marx dans L'idéologie allemande) ; d'autre part, ainsi que Muray le décrit impitoyablement dans Le XIXè siècle à travers les âges, la passion pour l'occultisme, la magie noire, le spiritisme et autres conneries (dont d'ailleurs Muray est obligé à contre-coeur d'exonérer Marx, malgré tel ou tel de ses gendres...) - et, de fil en aiguille, les sorcières de Brejnev, Mitterrand et Elisabeth Teissier... Pierre Leroux semblant une synthèse remarquable de ces deux tendances, que Muray prétend indissociables.
Est-il d'ailleurs utile de toujours chercher le moment où "ça" a déraillé ?
Que faire sans Zarkaoui ?
(Le lendemain.)
Donerwetter, je ne parviens pas à retrouver la référence exacte du texte de Marx auquel je faisais allusion. Je corrige cette carence dès que possible. Voici en attendant l'extrait qu'en donne Papaioannou dans son anthologie, p. 221 :
"Dans la société communiste, où personne ne se voit attribuer une sphère exclusive d'activité, mais où chacun peut se donner une formation complète dans n'importe quel domaine, c'est la société qui règle la production générale. Elle me donne ainsi la possibilité de faire aujourd'hui ceci, demain cela, de chasser le matin, de pêcher l'après-midi, de faire de l'élevage le soir, de faire de la "critique" après dîner, sans jamais devenir chasseur, pêcheur, pâtre ou "critique"."
- Que demande le peuple ?
(Quelques heures après...)
Ça y est : "Pléiade" t. III, p. 1065. Voici le passage complet, tout de même moins caricatural :
"Le propre acte de l'homme se dresse devant lui comme une puissance étrangère qui l'asservit, au lieu que ce soit lui qui la maîtrise. En effet, du moment où le travail commence à être réparti, chacun entre dans un cercle d'activités déterminé et exclusif, qui lui est imposé et dont il ne peut s'évader ; il est chasseur, pêcheur, berger ou "critique critique", et il doit le rester sous peine de perdre les moyens qui lui permettent de vivre. Dans la société communiste, c'est le contraire : personne n'est enfermé dans un cercle exclusif d'activités et chacun peut se former dans n'importe quelle branche de son choix ; c'est la société qui règle la production générale, et qui me permet ainsi de faire aujourd'hui telle chose, demain telle autre, de chasser le matin, de pêcher l'après-midi, de m'occuper d'élevage le soir et de m'adonner à la critique après le repas, selon que j'en ai envie, sans jamais devenir chasseur, pêcheur, berger ou critique. Cette activité sociale qui immobilise, ce produit de nos mains qui se change en un pouvoir matériel qui nous domine, échappe à notre contrôle, contrarie nos espoirs, ruine nos calculs - ce phénomène-là, c'est un des principaux facteurs de l'évolution historique connue jusqu'ici."
- il est toujours plus facile de diagnostiquer le mal que de trouver le remède adéquat.
Libellés : Brejnev, Chateaubriand, marx, Mitterrand, Muray, Nietzsche, Papaioannou, Socialisme, Tessier, Zarkaoui
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