La fermeture.
Je retombe sur quelques phrases de Muray - qui sont parfois des citations d'autres auteurs -, je vous les livre, faites circuler...
"Le monde n'est pas pourri jusqu'à l'os, comme le prétendent les protestants de toutes les religions, c'est-à-dire les écologistes de tous les siècles. La Nature n'est pas intégralement corrompue, la faute originelle n'a pas annulé notre libre arbitre. Le pardon est à portée de main, et ce sont les hommes, non Dieu, qui rêvent sans cesse aux procès et aux tribunaux.
Ce n'est pas que le Mal n'existerait pas, ou serait négligeable, au contraire, mais pourquoi s'abandonner à cette faiblesse de prêter une force propre à la Nuisance radicale ? Le Mal n'est un être que si on le veut bien, c'est-à-dire si on l'appelle à tue-tête, et notamment en n'arrêtant pas de le dénoncer. Le Mal n'est Quelqu'un que si on en fait tout un plat en refusant d'en rire parce qu'on préfère jouir de le prendre au sérieux. Le démon se sent menacé chaque fois qu'on l'oublie cinq minutes, il connaît par cœur le puéril catéchisme de la pub : qu'on parle de lui, en bien, en mal, mais qu'on en parle, ça ne va pas plus loin. Etre, pour lui, c'est d'abord être dénoncé."
"Une espèce de marée noire musicale beurre aujourd'hui les rives du monde. Tous les jours, des gens qui ne toléreraient pas que vous leur fumiez sous les narines vous soufflent leurs préférences aux oreilles."
Bernanos : "Ce que vos ancêtres appelaient des libertés, vous l'appelez déjà des désordres, des fantaisies."
"[Bernanos : ]« Ce préjugé est même poussé si loin que nous supporterions volontiers d'être esclaves, pourvu que personne ne puisse vanter de l'être moins que nous.» Et encore : « On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l'on n'admet pas d'abord qu'elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure. »
Il se souvenait d'une période déjà très lointaine où certains Français s'étaient révoltés devant l'innovation policière des empreintes digitales, et où on leur avait fait honte de leur frilosité. « Comment ! leur a-t-on dit, mais vous n'êtes pas des criminels ! Cette réforme admirable ne vous concerne donc pas ! Au contraire : en visant les malfaiteurs, elle accroît votre sécurité ! L'ennui, commentait Bernanos, c'est que la notion de "criminalité" s'était alors prodigieusement élargie... »"
Rubens, sur les Anglais - donc sur les Américains : "amis des dieux et ennemis de tout le monde."
Deux phrases de Tocqueville :
- l'Inquisition n'a "jamais pu empêcher qu'il ne circulât en Espagne des livres contraires à la religion du plus grand nombre. L'empire de la majorité fait mieux aux Etats-Unis : elle a ôté jusqu'à la pensée d'en publier."
- "Ce que je reproche à l'égalité, ce n'est pas d'entraîner les hommes à la poursuite de jouissances défendues, c'est de les absorber entièrement à la recherche des jouissances permises."
"On a pu voir tout ce qui avait été libéré de ses anciens maîtres se retrouver aussitôt précipité dans le néant (le sexe libéré des "tabous" et des "interdits moraux" explosant dans la pornographie comme une étoile qui meurt ; le prolétariat libéré de son servage et cessant d'exister comme classe ; le temps lui-même "délivré" catastrophiquement par le loisir généralisé de l'antique fardeau de la chronologie)."
Ce texte a été écrit en 1984, les notes entre crochets sont de 1997 :
"Balzac a écrit toute sa vie ce que les notaires savaient mais qu'ils ne savaient pas écrire ; je crois qu'on peut désormais essayer d'écrire ce que les médecins savent mais qu'ils ne diront pas, ça nous changera. Et ce que les médecins savent, ce qu'il y a à savoir sur le savoir des médecins, au bout du compte, dans le fond du fond, vertigineusement, ça concerne la place presque effacée du Père (de l'homme) atteignant le dernier chapitre de l'histoire de sa destitution ; conservée, au mieux, comme spectateur passif dans la nouvelle Trinité composée du Médecin, de la Mère candidate et de l'Enfant à faire consister ["Je me dois aujourd'hui d'ajouter à cette Trinité une quatrième personnage : l'inventif, l'infatigable Législateur. L'appétit de lois et la prolifération des lois, pour la plupart nuisibles ou inutilisables, ne sont que des conséquences de la disparition radicale de la loi symbolique (le Père)."] ; réduit au rôle sympathique, définitif et hébété, de père nourricier. Si, plus ou moins, depuis toujours, la partie masculine de l'espèce a pu se raconter qu'elle avait comme saint modèle Dieu le Père en personne, elle va devoir réduire ses prétentions d'urgence, à des personnages moins dominants comme Zacharie, par exemple, ou saint Joseph, ces mâles discrets, qui font ce qu'on leur dit de faire quand on le leur dit et qui disparaissent sans bruit, dans les textes, au moment où, la volonté d'enfants s'étant réalisée, on n'a plus besoin d'eux... ["Dans ce domaine comme dans tant d'autres, les choses sont allées à un train d'enfer. Treize ans plus tard, on peut noter que la destitution du mâle (du père) s'est elle aussi accélérée. Un nouveau rôle lui est désormais proposé, une nouvelle mission lui est assignée : celle de devenir une femme comme les autres ; et, si possible, une mère."]"
Concluons tristement :
"Le sida, c'est ce qui reste du sexe quand celui-ci a disparu."
Libellés : Balzac, Bergman, Bernanos, Boudard, Bruegel, Festivus, G. Björnstrand, I. Thulin, Muray, Rubens, Tocqueville
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