Les liaisons dangereuses : Hegel-Marx-Drumont-Bernanos-Voyer... l'ADN !
Je constate que le maître s'intéresse, via ses discussions sur le site de Paul Jorion j'imagine, au rôle de la monnaie dans les révolutions fondatrices de la modernité, l'américaine et la française. C'est un sujet que je ne connais guère, mais je m'en voudrais de ne pas reproduire ce passage de La Grande Peur, dans lequel Bernanos narre / évoque / imagine les méditations rétrospectives de Drumont devant les massacres qui ont mis fin à la Commune :
"Tout républicain qu'il soit resté, la mise en scène révolutionnaire lui paraît réellement trop bien réglée : il y flaire une énorme imposture. Or les misérables qu'il voit étendus à ses pieds ont cru dur comme fer aux rois tyrans, à la libération de la classe ouvrière par les Robespierre et les Danton. Eussent-ils autrement jamais quitté l'atelier, pris le chassepot ? Au fond, se dit le futur auteur de La fin d'un monde (...), cette Révolution fameuse, celle de 89, n'a eu qu'un résultat ["La raison d'être, c'est le résultat..."] certain : la consolidation des biens acquis grâce à quelques poignées d'assignats, frauduleusement. Une comédie se jouait, à l'avant-scène, avec la petite armée terroriste, les porteurs de piques, les sectionnaires, ou ces bonshommes habillés en femmes de la Halle que recrutait Choderlos de Laclos, tandis que les malins s'assuraient les dépouilles du régime, bouleversaient le Code civil pour y introduire une nouvelle conception du droit de propriété propre à décourager les anciens possesseurs légitimes en conférant au vol garanti par la Loi un caractère sacré.
[Drumont, jusqu'à la fin :] Un des derniers actes de la Convention fut d'abolir la confiscation. Jadis, dès qu'un homme avait trahi ses devoirs, il était indigne d'exercer sa fonction de riche, il était dégradé, déclaré déchu. Dans son Système de politique positive, Auguste Comte a bien discerné le sens qu'avait la confiscation, au point de vue social. Mais la Bourgeoisie tenait à bien marquer, au contraire, le caractère absolu, imprescriptible, indélébile, que devait avoir la propriété, dès qu'elle était passée entre ses mains. C'était sa façon à elle de clore la Révolution (...)
La Bourgeoisie n'a-t-elle pas, d'ailleurs, fait passer sur la collectivité toutes les charges dont étaient grevées autrefois les propriétés qu'elle avait acquises pour quelques chiffons de papier ? Le traitement du clergé, l'assistance publique, l'instruction primaire, tous les services auxquels pourvoyaient jadis les propriétés vendues pendant la Révolution retombaient sur le plus grand nombre, et les acheteurs de biens nationaux avaient les domaines, tandis que l'État prenait pour lui les obligations, c'est-à-dire les mettait sur le dos de tous les citoyens." (Pléiade, pp. 101-102)
Privatisons les profits, nationalisons les pertes, toujours la même histoire... Notons de plus que l'abolition de la Confiscation est contemporaine - au moins dans l'intention, les moeurs évoluant plus lentement que le Droit - de celle du Ridicule. Il faut bien le dire : à la Cour, un BHL n'aurait eu d'autre solution que de s'exiler ou se tuer. En théorie du moins.
A suivre...
"Tout républicain qu'il soit resté, la mise en scène révolutionnaire lui paraît réellement trop bien réglée : il y flaire une énorme imposture. Or les misérables qu'il voit étendus à ses pieds ont cru dur comme fer aux rois tyrans, à la libération de la classe ouvrière par les Robespierre et les Danton. Eussent-ils autrement jamais quitté l'atelier, pris le chassepot ? Au fond, se dit le futur auteur de La fin d'un monde (...), cette Révolution fameuse, celle de 89, n'a eu qu'un résultat ["La raison d'être, c'est le résultat..."] certain : la consolidation des biens acquis grâce à quelques poignées d'assignats, frauduleusement. Une comédie se jouait, à l'avant-scène, avec la petite armée terroriste, les porteurs de piques, les sectionnaires, ou ces bonshommes habillés en femmes de la Halle que recrutait Choderlos de Laclos, tandis que les malins s'assuraient les dépouilles du régime, bouleversaient le Code civil pour y introduire une nouvelle conception du droit de propriété propre à décourager les anciens possesseurs légitimes en conférant au vol garanti par la Loi un caractère sacré.
[Drumont, jusqu'à la fin :] Un des derniers actes de la Convention fut d'abolir la confiscation. Jadis, dès qu'un homme avait trahi ses devoirs, il était indigne d'exercer sa fonction de riche, il était dégradé, déclaré déchu. Dans son Système de politique positive, Auguste Comte a bien discerné le sens qu'avait la confiscation, au point de vue social. Mais la Bourgeoisie tenait à bien marquer, au contraire, le caractère absolu, imprescriptible, indélébile, que devait avoir la propriété, dès qu'elle était passée entre ses mains. C'était sa façon à elle de clore la Révolution (...)
La Bourgeoisie n'a-t-elle pas, d'ailleurs, fait passer sur la collectivité toutes les charges dont étaient grevées autrefois les propriétés qu'elle avait acquises pour quelques chiffons de papier ? Le traitement du clergé, l'assistance publique, l'instruction primaire, tous les services auxquels pourvoyaient jadis les propriétés vendues pendant la Révolution retombaient sur le plus grand nombre, et les acheteurs de biens nationaux avaient les domaines, tandis que l'État prenait pour lui les obligations, c'est-à-dire les mettait sur le dos de tous les citoyens." (Pléiade, pp. 101-102)
Privatisons les profits, nationalisons les pertes, toujours la même histoire... Notons de plus que l'abolition de la Confiscation est contemporaine - au moins dans l'intention, les moeurs évoluant plus lentement que le Droit - de celle du Ridicule. Il faut bien le dire : à la Cour, un BHL n'aurait eu d'autre solution que de s'exiler ou se tuer. En théorie du moins.
A suivre...
Libellés : Bernanos, Bernard-Henry Lévy, Commune de Paris, Comte, Drumont, Hegel, Jorion, Laclos, Révolution française, Voyer
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