dimanche 7 mars 2010

Varia.

Quelques précisions d'ordre technique pour commencer :

- grâce à l'un de mes nouveaux commentateurs, je découvre tardivement l'existence de certains commentaires : ce site peut ne pas en indiquer la présence, si vous cliquez sur "Commentaires" dans les précédentes communications, vous allez en trouver. Je vais voir ce que je peux faire pour régler ce petit problème, et m'excuse pour mes réponses tardives - que je laisse sitôt ce message posté ;

- je n'ai jamais tenu de statistiques quant à la fréquentation de mon comptoir, mais sais qu'il y a en ce moment des nouveaux venus, que le lien "Dieu bénisse l'Islam" peut désarçonner : à la place du site Limbes, un des tout meilleurs blogs que je connaisse, on y trouve des annonces vaguement liées à l'Islam. Moustafa, le rédacteur de ce site - qu'au passage je remercie sincèrement pour son dernier mail, auquel je répondrai dans les prochains jours, promis - peut ne pas vouloir prolonger cette expérience, mais doit-il pour autant supprimer les textes existants ? Je laisse le lien tel quel encore quelque temps, le supprimerai, avec quel regret, si les écrits si éclairants que l'on y trouvait sur les rapports entre l'Islam et la science, l'Islam et le christianisme, ne resurgissent pas... des limbes.




Ceci dit, un peu de mélancolie pour ce dimanche :


"La France n'est désormais ce qu'est elle qu'à travers une demi-douzaine de querelles, proches de la guerre civile qui nous font ce que nous sommes jusque dans notre passion d'en finir avec elles." (P. Boutang, Maurras, 1984, p. 341)

- c'est quelque chose que j'ai écrit il y a quelques années, je ne sais plus où : cela fait longtemps que notre beau pays, comme sur une fondation, repose (en partie) sur ses querelles, mais le problème est que ces querelles sont de moins en fécondes, qu'elles ne produisent plus qu'une division résignée.


Les Parisiens en font maintenant assez régulièrement l'expérience : être le seul français (sans guillemets - tout de même !) dans une rame de métro, entre Asiatiques, Noirs, Arabes, Slaves... C'était mon cas ce vendredi, je repensais du coup à cette phrase de Bernanos que je vous ai déjà citée :

"Je voudrais faire clairement entendre qu'aucune vie nationale n'est possible ni même concevable dès que le peuple a perdu son caractère propre, son originalité raciale et et culturelle, n'est plus qu'un immense réservoir de manoeuvres abrutis, complété par une minuscule pépinière de futurs bourgeois. Que les élites soient nationales ou non, la chose a beaucoup moins d'importance que vous ne pensez. Les élites du XVIIe siècle n'étaient guère nationales, celles du XVIe non plus. C'est le peuple qui donne à chaque patrie son type original."

- phrase qu'il faut compléter par celle-ci :

"L'homme de bonne volonté n'a plus de parti, je me demande s'il aura demain une patrie."

...et me disais donc que les élites avaient pris Bernanos au mot, lui ajoutant un peu de Brecht ("Puisque le peuple vote contre le Gouvernement, il faut dissoudre le peuple...") et s'attachaient à rendre les peuples de moins en moins « nationaux », à les dissoudre. Ne pensons pas trop aux causes pour l'instant (outre une réaction agressive des élites à ce qu'on appelle trop modérément - et les dites élites le savent bien - la « désaffection » des peuples à leur égard, ces causes peuvent être fort simples : ceux qui ont le pouvoir vont « de l'avant » tant qu'on les laisse faire, le repos, la quiétude leur sont désagréables), pensons simplement aux résultats.

On écrit parfois qu'il y a moins de mouvements migratoires aujourd'hui qu'à d'autres périodes de l'histoire. Précision très utile, mais purement quantitative, et qui fait fi de la « mercurianisation » générale des sociétés à l'oeuvre aujourd'hui : le problème n'est pas seulement qu'il y ait des migrations, et qu'il y en ait peu ou beaucoup, mais que ces migrations deviennent la seule norme, puisque nous sommes sans cesse invités à migrer, si ce n'est au sens géographique du terme, du moins de façon mentale ou familiale. Quand le référent prend la forme du mouvement, c'est la nature même du mouvement qui est changée. Et les sociétés franchement individualistes, comme l'anglo-saxonne, ne supportent pas nécessairement mieux, dans les faits, ce mouvement perpétuel que des sociétés plus conservatrices (eh oui), comme la Française, mais au moins peuvent-elles l'assumer comme en accord avec leurs valeurs cardinales. Les Français ont beaucoup plus de mal à se dépatouiller de leurs contradictions entre la promotion des droits de l'homme et la préservation de leurs racines culturelles, entre l'égalité de tous et un certain « droit » à être encore soi, entre l'adhésion à un capitalisme qui par essence détruit tout sur son passage - relisez Marx - et la volonté de se préserver des effets indésirables du capitalisme. Évidemment, quand il s'agissait de faire suer le burnous, les choses étaient plus simples...

Un "immense réservoir de manoeuvres abrutis", ce métro du vendredi midi ? Plutôt de manoeuvres (et de chômeurs) hébétés, perdus tels des fantômes errant dans une nation qui se délite en tant que nation, pouvant regretter la leur - tout en sentant bien que celle-ci existe sans doute plus dans leur nostalgie qu'en réalité, et que le fait même qu'ils l'aient quittée y a contribué.


Voilà : la France ne se réduit certes pas une rame de métro sur la ligne 4, il ne m'en était pas moins difficile de ne pas être sensible à cette vision de désordre, de désorganisation. - A contrario, je me souviens de la première fois où, sur le RER B, j'étais le seul blanc, entouré de Noirs, vers 18h30 : cela m'avait amusé de me retrouver ainsi au milieu d'esclaves salariés (comme moi) rentrant du boulot, pensant à leur journée, à leurs enfants, etc. : « normaux » pour autant que la vie quotidienne d'un esclave salarié le soit, ils n'offraient pas la même vision babélienne.




Une précision en forme de ligne de fuite : j'ai parlé de "Ceux qui ont le pouvoir" : je veux dire par là ceux qui ont cherché à l'avoir - les courtisans sous l'Ancien Régime, les démocrates arrivistes sous le Nouveau. Il faut bien l'avouer : dans la France d'avant 1789, il y avait au moins un homme de pouvoir qui n'avait pas choisi d'être là, c'était justement le principal, à savoir le Roi - alors même qu'en démocratie, du moins telle qu'elle est organisée actuellement, tous ceux qui ont détiennent les rênes ont trimé comme des merdes pour en arriver là - ce qui me semble-t-il suffit à les juger. Cela ne préjuge pas de la compétence des uns et des autres, mais n'est pas indifférent en ces périodes où les peuples recherchent la stabilité, les élites le mouvement perpétuel.

Ce n'est pas une profession de foi royaliste (à ce propos, rétablissons dans son intégrité la citation de P. Boutang par laquelle nous avons commencé ce texte, et que j'avais amputée pour ne pas vous divertir de mon sujet principal : "La France est en effet l'oeuvre de ses rois, que la démocratie tend à défaire, mais elle n'est désormais ce qu'est elle qu'à travers une demi-douzaine de querelles, proches de la guerre civile qui nous font ce que nous sommes jusque dans notre passion d'en finir avec elles.") : pensons aux recherches d'un Étienne Chouard sur le rôle que peut jouer le tirage au sort en démocratie... Et évoquons une fois de plus Paulhan - dont j'apprends par Boutang qu'il admirait Maurras - et son texte "La démocratie fait appel au premier venu" (1939), au fait que ce premier venu s'appela de Gaulle, lequel j'en suis de plus en plus convaincu fut un héros à la Badiou : quelqu'un qui resta fidèle à ce qu'il ressentit lors d'un événement primordial... Il y a indubitablement un reliquat royaliste dans la manière dont les Français, entre autres d'ailleurs, se cherchent parfois un sauveur : mais on peut y trouver aussi, me semble-t-il (est-ce la même chose ?), un aspect très démocratique : on cherche quelqu'un de pareil aux autres, pas un type spécialement compétent, pas un expert réel ou autoproclamé : quelqu'un qui saura, plus que les autres, être à la hauteur de la situation. - Et il y faut certes plus qu'une paire de talonnettes !

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