Le premier Moldu venu. - Genèses, limites et ambiguïtés du « soralisme », III.
La Mauvaise Éducation, ou Le Juif sadique essaie en vain de dresser Alain Soral et Marc-Édouard Nabe.
Première partie.
Deuxième partie.
Deuxième partie, bis.
La saillie avait fait parler chez les amateurs plus ou moins fans d'Alain Soral : le « Che » d'Égalité et Réconciliation s'était permis de dire que, pour la décennie que nous venons de traverser et éventuellement la précédente, seuls ses livres resteraient, passeraient à la postérité, évoquant au passage avec commisération, pour ne pas dire plus, M.-É. Nabe et M. Dantec.
(J'avoue ma flemme à retrouver la source, ce qui, soit dit en passant, et sans que cela soit une excuse à cette flemme, est un problème des archives audiovisuelles telles que les "Entretiens du Président" : si on ne note pas tout de suite le minutage de tel ou tel propos, il est assez laborieux de le retrouver après. - Ceci posé, il ne me semble pas avoir besoin ici d'être d'une précision bénédictine ; ceci posé, bis ou par-dessus, en cas de demande expresse, je vous indiquerai ce que A. S. a effectivement dit ce jour-là.)
La mégalomanie ne m'a jamais gêné, au moins chez les gens que j'estime : elle vient presque naturellement à ceux qui ont quelque chose en plus que les autres, dans quelque domaine que ce soit. Elle est plus ou moins envahissante ou ridicule, mais tant qu'elle aide ces personnes à réaliser ce qu'elles estiment devoir réaliser, tant qu'elle est partie intégrante d'un mode de fonctionnement, il faut faire avec. C'est un peu comme la « rage de vaincre » chez le sportif ou « l'amour du pouvoir » chez l'homme politique : cela ne les rend pas toujours sympathiques, mais si cela les pousse à faire de grandes choses... La sainteté est par définition rare !
Évidemment, ce jour-là Alain Soral a dit une connerie. Laissons tomber Maurice Dantec, qui se laisse d'ailleurs très bien tomber tout seul : je ne sais pas à quel point les livres de Nabe resteront ni lesquels, mais ils resteront à coup sûr plus que ceux d'A.S., dont le peu de clarté dans l'exposition se fera au fil du temps d'autant plus gênant que l'on ne saura plus trop de qui il parle. - Et il n'est pas dans mes habitudes de faire des paris sur le futur.
Ceci posé (ça commence à faire un tas), il n'est peut-être pas inutile d'essayer d'interpréter cette « connerie ». Sans doute y a-t-il ici une part de provocation, une volonté d'aller défier les fans de MEN et de M. Dantec sur leur terrain, de ne pas leur laisser le « monopole de la littérature », pour paraphraser la formule mitterrandienne. Mais revenons à notre préambule sur la mégalomanie : j'ai évoqué "ceux qui ont quelque chose en plus que les autres". Dans le cas d'Alain Soral, il faudrait parler de quelques choses en plus que les autres : notre lepénomarxiste n'a pas une qualité primordiale, ce qui en soi est une limite, mais il a beaucoup de qualités. Il n'est pas le plus intelligent, il n'est pas le plus courageux, il n'est pas le plus talentueux dans l'expression écrite, il n'est pas le plus sage, au sens fort du mot... mais il comprend beaucoup de choses, a le courage, notamment, de continuer à essayer d'en comprendre d'autres et de ne pas reculer devant certaines conséquences de ce qu'il pense, il a quand même un vrai talent d'expression orale, et a su jusqu'ici à peu près reprendre la main après certains excès verbaux. (Bien évidemment, ceux qui ne l'aiment pas seraient, surtout sur ce dernier point, moins indulgents que moi.)
Je vous parle de ça pour deux raisons, toutes deux liées à ce projet des Genèses, limites..., lequel consiste à essayer de situer les options et idées politiques d'A.S. dans une perspective plus vaste qu'on ne le fait d'habitude. Et il faut bien pour cela, étant donnée la façon dont il travaille et promeut son action, évoquer ce que l'on pense comprendre de l'individu Alain Soral lui-même.
La première de ces raisons, donc, ou le premier des résultats auxquels on parviendrait aujourd'hui, c'est qu'A.S. est un homme ordinaire, mais en mieux, ou qu'il se situe dans la fourchette supérieure des hommes ordinaires, ce qui répond, encore une fois, à la définition du « premier venu » par Paulhan (je sais, je vous le retranscris un jour...). Ce qui explique d'ailleurs pourquoi ses côtés mégalos font autant parler, aussi bien les admirateurs que les détracteurs : parce que tout le monde sait que ce n'est pas un génie, qu'il n'est pas exceptionnel. - Ce qui, peut-être faut-il le préciser, et sans que cela par ailleurs ne remette en cause les critiques que je peux moi-même porter à son endroit, ce qui ne fait que rendre plus méritoire ce qu'il fait, ou, à tout le moins, ne fait que montrer à ceux qui ne font rien ou beaucoup moins, qu'il était tout à fait possible de faire plus.
La seconde raison, ou l'autre idée qui m'a fait prendre le clavier ce matin (alors que je ne pense qu'à France-Angleterre dans trois heures...), c'est l'analogie qui m'est venue entre Alain Soral et quelqu'un comme Laurent Tailhade. Je n'ai jamais lu Tailhade, et ne voudrais pas être injuste à son égard, mais précisément, plus beaucoup de monde ne le lit encore, et certains ne le connaissent que par ses démêlés avec Bloy. C'était, comme on dit, une figure de son époque, et il est bien possible, comme me le disait un ami fin lettré, que son épaisse biographie (Laurent Tailhade ou la provocation considérée comme un art de vivre, Maisonneuve et Larose, 2001, 828 pp.) soit nettement plus intéressante que ses propres livres. Tailhade a beaucoup parlé et fait parler de lui, il a en fait suer plus d'un, a asséné un certain nombre de vérités, a fait scandale... Vous comprenez le parallèle, et mon idée qu'il est bien possible qu'une biographie d'Alain Soral parue dans X années, soit un livre plus fort sur notre temps que Comprendre l'Empire ou Misères du désir.
Ceci posé (avant que tout ne s'écroule), je précise que malgré peut-être les apparences, il n'y a ici aucune condescendance de ma part - d'autant que le film n'est pas fini... Simplement une volonté de mieux cerner ce personnage, ses idées, ses possibilités et ses limites.
- J'ai parlé de Bloy, dont on lit encore les livres, et pour un certain temps sans doute. L'analogie est tentante de voir dans le bloyen Nabe le Bloy de Tailhade-Soral. Je mentirais si je ne disais pas qu'elle m'est venue naturellement à l'esprit, mais il faut se méfier des comparaisons et des facilités qu'elles peuvent induire. Il vous est néanmoins loisible de voir dans ce que j'ai pu écrire aujourd'hui sur Alain Soral certaines remarques en creux sur M.-É. N...
...dont j'avoue pour finir qu'il m'a bien énervé avec son livre sur DSK : j'aurais dû deviner, lorsque fleurissaient les rumeurs dans les cercles nabiens qu'il travaillait à quelque chose sur le « printemps arabe », que c'était du vent et qu'il préparait un autre coup. On croit commencer à connaître la bête, on se fait tout de même avoir. Enculé toi-même, va ! (écrit avec l'accent chantant du sud...)
Ceci posé (badaboum ?), je vous laisse, Irlande-Galles est commencé, et bien commencé...
Libellés : Bloy, Dantec, Harry Potter, Mitterrand, Nabe, Paulhan, rugby, Soral, Strauss-Kahn, Tailhade, Un ami
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