Cadeau.
Ayant récemment achevé de faire mon deuil de toute velléité d'originalité, je n'ai aucun scrupule à enfoncer quelques portes ouvertes, et pour commencer à citer un livre de Gilles Gaston Granger remontant à 1969, prévoyant déjà pour quelles raisons la philosophie de Wittgenstein allait devenir aussi populaire qu'elle l'est aujourd'hui. Son attrait vient bien en effet "de l'exceptionnelle conjonction d'un rationalisme radical et dévastateur, et d'un sentiment vif et profond des limites de la pensée".
De même, Wittgenstein détruit toute idée de fondement, mais il le fait d'un pas assuré. Il rabat les prétentions de la raison sans le moindre anti-intellectualisme. Il ne philosophe pas à coups de marteau, mais dévisse méthodiquement et comme tout simplement la plupart des attaches et des jointures de la philosophie. Il place la morale très haut mais sait que l'on n'en peut quasiment rien dire. Il a des accents "durkheimiens" ou "maussiens" pour critiquer l'optique platement rationaliste du Rameau d'or de Frazer, mais, comme le grand philosophe Emile et son neveu le grand moraliste Marcel, il sait trop bien que cette critique du rationalisme par lui-même ne peut se substituer à l'évolution du monde, telle qu'elle débouche ou non sur l'établissement par elle-même d'une communauté viable et sensée.
Bref, Wittgenstein n'apporte rien d'autre que des repères, mais parmi les meilleurs. Consolation relative pour qui voit le monde s'enfoncer chaque jour un peu plus dans la tyrannie de l'argent ou des fausses identités. Debord cite quelque part je ne sais plus quel auteur, selon lequel il ne faut pas plaindre le monde d'aller mal, car cela lui arrive périodiquement, il y a de bons et de mauvais cycles ; on peut en revanche se plaindre soi-même d'avoir eu la malchance de naître au mauvais moment. Ça fait un peu pleureuse, mais je ne suis pas loin d'être sur la même longueur d'ondes.
Joyeux Noël ! Que Dieu éviscère tous les matons !
PS : Je me promets depuis longtemps d'écrire un commentaire d'un texte admirable de Durkheim, "L'individualisme et les intellectuels" (1898, en pleine Affaire Dreyfus, moment fondateur, comme on dit : Durkheim voit ce qui manque aux fondations, manque dont nous subissons toujours les effets). Il se peut que je vienne de le faire au cours de ce petit bilan en forme d'éloge. Quoi qu'il en soit, rien ne vous interdit de lire ce texte, bien au contraire. On peut le trouver gratuitement, et tant pis pour les PUF, sur un fort utile site canadien, section Les auteurs classiques ; une fois dans la rubrique Durkheim, se diriger vers le recueil La science sociale et l'action.
PS 2 : Tout de suite après la rédaction de ce texte, je tombe sur une critique d'un célèbre "tâcheron de l'originalité", que je viens d'ailleurs de citer. Le monde est petit et certaines influences fortes. (Deuxième paragraphe).
J'apprends de plus que certains Café du commerce sont fréquentés par des bourgeois. Ach, ce sont des lieux publics !
Je renvoie, dans un ajout à un message précédent, à un autre passage tiré du même texte.
De même, Wittgenstein détruit toute idée de fondement, mais il le fait d'un pas assuré. Il rabat les prétentions de la raison sans le moindre anti-intellectualisme. Il ne philosophe pas à coups de marteau, mais dévisse méthodiquement et comme tout simplement la plupart des attaches et des jointures de la philosophie. Il place la morale très haut mais sait que l'on n'en peut quasiment rien dire. Il a des accents "durkheimiens" ou "maussiens" pour critiquer l'optique platement rationaliste du Rameau d'or de Frazer, mais, comme le grand philosophe Emile et son neveu le grand moraliste Marcel, il sait trop bien que cette critique du rationalisme par lui-même ne peut se substituer à l'évolution du monde, telle qu'elle débouche ou non sur l'établissement par elle-même d'une communauté viable et sensée.
Bref, Wittgenstein n'apporte rien d'autre que des repères, mais parmi les meilleurs. Consolation relative pour qui voit le monde s'enfoncer chaque jour un peu plus dans la tyrannie de l'argent ou des fausses identités. Debord cite quelque part je ne sais plus quel auteur, selon lequel il ne faut pas plaindre le monde d'aller mal, car cela lui arrive périodiquement, il y a de bons et de mauvais cycles ; on peut en revanche se plaindre soi-même d'avoir eu la malchance de naître au mauvais moment. Ça fait un peu pleureuse, mais je ne suis pas loin d'être sur la même longueur d'ondes.
Joyeux Noël ! Que Dieu éviscère tous les matons !
PS : Je me promets depuis longtemps d'écrire un commentaire d'un texte admirable de Durkheim, "L'individualisme et les intellectuels" (1898, en pleine Affaire Dreyfus, moment fondateur, comme on dit : Durkheim voit ce qui manque aux fondations, manque dont nous subissons toujours les effets). Il se peut que je vienne de le faire au cours de ce petit bilan en forme d'éloge. Quoi qu'il en soit, rien ne vous interdit de lire ce texte, bien au contraire. On peut le trouver gratuitement, et tant pis pour les PUF, sur un fort utile site canadien, section Les auteurs classiques ; une fois dans la rubrique Durkheim, se diriger vers le recueil La science sociale et l'action.
PS 2 : Tout de suite après la rédaction de ce texte, je tombe sur une critique d'un célèbre "tâcheron de l'originalité", que je viens d'ailleurs de citer. Le monde est petit et certaines influences fortes. (Deuxième paragraphe).
J'apprends de plus que certains Café du commerce sont fréquentés par des bourgeois. Ach, ce sont des lieux publics !
Je renvoie, dans un ajout à un message précédent, à un autre passage tiré du même texte.
Libellés : Debord, Dreyfus, Durkheim, Frazer, Granger, Mauss, Voyer, Wittgenstein
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