"Capitalisme et mondialisation, au fond, c’est la même chose..."
Je me tue à le dire ! Je l'ai d'ailleurs écrit très tôt sur ce site, en précisant déjà que cela n'était pas d'aujourd'hui que je le pensais.
Ceci en fait pour vous signaler, si vous ne les avez pas déjà lues - ce qui tendrait incidemment à prouver que vous ne tenez pas assez compte de ma section « Liens » -, les thèses de François Fourquet sur le capitalisme, que l'on peut consulter sur le blog de P. Jorion ou sur le site du maître. Tout est à lire, mais j'ai particulièrement été frappé par cette séquence :
"19. La crise des subprimes annonce (...) une crise de civilisation ; déjà la crise de 1929 était l’ultime soubresaut d’une longue agonie de la « civilisation du XIXe siècle », comme la nommait Polanyi, ou de la « civilisation libérale », comme dit Hobsbawm (L’âge des extrêmes) ; la civilisation en crise aujourd’hui serait née dans les années 70, ce serait la civilisation de l’âge néo-libéral, dont les promoteurs prétendaient annuler les effets de la « grande transformation » décrite par Polanyi, prohiber les pratiques interventionnistes des États et revenir au marché autorégulateur d’avant 1914, c’est-à-dire au capitalisme libéral ;
20. Il n’y a pas deux civilisations, d’une part la civilisation libérale ou néolibérale, et d’autre part une civilisation interventionniste, dirigiste ou « fordiste », comme la nommeraient nos amis régulationnistes (s’ils adoptaient la notion de civilisation), qui a fonctionné de la première guerre mondiale aux années 1970 ;
21. Il n’y a qu’une seule civilisation, la nôtre, tantôt libérale et tantôt dirigiste ; libéralisme et dirigisme sont deux formes d’organisation que la civilisation occidentale contient en puissance depuis le Moyen Age ; tantôt l’une s’actualise plus que l’autre, tantôt l’inverse : elles ne s’opposent pas comme deux entités fermées et séparées, mais sont deux formes sociales complices qui ont besoin l’une de l’autre pour exister ;
(donc : il est certainement plus agréable pour l'ensemble de la population de vivre sous la forme d'organisation « dirigiste », mais, comme j'ai essayé de le montrer ici sur l'exemple des « Trente Glorieuses », cette forme ne peut être éternelle, et certains de ses caractères se dissolvent vite dès que des problèmes surgissent, au profit de la forme « libérale ». Plus généralement, F. Fourquet soutient une thèse sur l'instabilité de la modernité que j'ai, sous divers angles, maintes fois proposée : le problème serait de savoir quand le « en puissance depuis le Moyen Age » est vraiment devenu « en acte ». Je prends habituellement pour repères les Révolutions française et industrielle, mais il est vrai qu'avec la Renaissance comme avec La crise de la conscience européenne (titre d'un ouvrage classique de P. Hazard que je dois lire depuis des mois) de la fin du XVIIe siècle, il y avait de quoi se sentir instable. Bon, je me tais.)
22. La civilisation mondiale en gestation est dominée par la civilisation occidentale qui a subjugué les autres mais sans les détruire : elle les attire, les influence, les fascine ou au contraire les repousse et suscite leur refus, mais les opposants font en quelque manière partie de ce à quoi ils s’opposent (développe, bon sang de bois !) ; elle répand sa culture (l’utilitarisme, l’appétit de gain, le « toujours plus », l’individualisme [i.e. l'enculisme]) et sa religion (la religion laïque occidentale, caractérisée par le culte de la démocratie, des droits de l’homme (et de l’individu), de la propriété privée (fondement du marché), et de la raison (source de la science)) ;
23. Il n’y a qu’une seule société mondiale, plurinationale, qui en ce moment même brasse et mélange les sociétés nationales dont les parois sont de plus en plus poreuses ; le capitalisme, mondial de naissance il y a mille ans en Europe occidentale, n’est qu’un mot pour désigner l’aspect économique de cette société mondiale ; au XIXe siècle, l’économie-monde européenne a absorbé les autres économies-mondes pour former l’économie mondiale tout court ; au XXe siècle, le socialisme a bloqué pendant 75 ans l’achèvement de cette absorption, mais s’est finalement dissous en elle entre 1978 (ouverture de la Chine) et 1989 (chute du mur de Berlin) ; depuis lors, l’unification de l’économie mondiale s’accélère jusqu’à ce qu’un jour, peut-être, une nouvelle division l’arrête ;
24. Le système capitaliste ne s’effondrera jamais du fait de l’absence de régulation ; car il y aura toujours une institution politique pour réguler une crise financière, si grave soit-elle ; et quel autre système pourrait le remplacer, après l’échec du socialisme ? D’ailleurs, à ce jour, il n’y a pas de candidat, pas de prétendant crédible. (...)" (et il n'est pas du tout sûr qu'en époque individualiste (au sens de Dumont), il est possible qu'il y en ait un.)
Evidemment, lorsque quelqu'un, plus compétent que vous, écrit à peu près la même chose que vous (en mieux), vous avez toujours l'impression d'avoir raison, même si en réalité et en toute rigueur, ce n'est pas prouvé. Aussi bien n'ai-je pas grand-chose à ajouter aujourd'hui - sans vouloir faire d'effet d'annonce, j'ai quelques idées sur les thèses 22 et 23, mais elle sont intégrées à un texte en cours de rédaction, et je préfère ne pas les en dissocier. Je tenais simplement à relayer ces idées et à prendre date.
Je vous laisse avec la 25e thèse, ce serait quand même trahir l'esprit de l'auteur que de ne pas la citer ici :
"Par contre la société mondiale, elle, peut s’effondrer, si elle ne répond pas au principal défi de notre époque, qui est écologique ; sa forme la plus urgente est le défi du réchauffement climatique ; et si la réponse juste n’est pas donnée à temps, la société mondiale disparaîtra, et avec elle l’humanité tout entière, c’est-à-dire : nous."
Le bonheur !
Ceci en fait pour vous signaler, si vous ne les avez pas déjà lues - ce qui tendrait incidemment à prouver que vous ne tenez pas assez compte de ma section « Liens » -, les thèses de François Fourquet sur le capitalisme, que l'on peut consulter sur le blog de P. Jorion ou sur le site du maître. Tout est à lire, mais j'ai particulièrement été frappé par cette séquence :
"19. La crise des subprimes annonce (...) une crise de civilisation ; déjà la crise de 1929 était l’ultime soubresaut d’une longue agonie de la « civilisation du XIXe siècle », comme la nommait Polanyi, ou de la « civilisation libérale », comme dit Hobsbawm (L’âge des extrêmes) ; la civilisation en crise aujourd’hui serait née dans les années 70, ce serait la civilisation de l’âge néo-libéral, dont les promoteurs prétendaient annuler les effets de la « grande transformation » décrite par Polanyi, prohiber les pratiques interventionnistes des États et revenir au marché autorégulateur d’avant 1914, c’est-à-dire au capitalisme libéral ;
20. Il n’y a pas deux civilisations, d’une part la civilisation libérale ou néolibérale, et d’autre part une civilisation interventionniste, dirigiste ou « fordiste », comme la nommeraient nos amis régulationnistes (s’ils adoptaient la notion de civilisation), qui a fonctionné de la première guerre mondiale aux années 1970 ;
21. Il n’y a qu’une seule civilisation, la nôtre, tantôt libérale et tantôt dirigiste ; libéralisme et dirigisme sont deux formes d’organisation que la civilisation occidentale contient en puissance depuis le Moyen Age ; tantôt l’une s’actualise plus que l’autre, tantôt l’inverse : elles ne s’opposent pas comme deux entités fermées et séparées, mais sont deux formes sociales complices qui ont besoin l’une de l’autre pour exister ;
(donc : il est certainement plus agréable pour l'ensemble de la population de vivre sous la forme d'organisation « dirigiste », mais, comme j'ai essayé de le montrer ici sur l'exemple des « Trente Glorieuses », cette forme ne peut être éternelle, et certains de ses caractères se dissolvent vite dès que des problèmes surgissent, au profit de la forme « libérale ». Plus généralement, F. Fourquet soutient une thèse sur l'instabilité de la modernité que j'ai, sous divers angles, maintes fois proposée : le problème serait de savoir quand le « en puissance depuis le Moyen Age » est vraiment devenu « en acte ». Je prends habituellement pour repères les Révolutions française et industrielle, mais il est vrai qu'avec la Renaissance comme avec La crise de la conscience européenne (titre d'un ouvrage classique de P. Hazard que je dois lire depuis des mois) de la fin du XVIIe siècle, il y avait de quoi se sentir instable. Bon, je me tais.)
22. La civilisation mondiale en gestation est dominée par la civilisation occidentale qui a subjugué les autres mais sans les détruire : elle les attire, les influence, les fascine ou au contraire les repousse et suscite leur refus, mais les opposants font en quelque manière partie de ce à quoi ils s’opposent (développe, bon sang de bois !) ; elle répand sa culture (l’utilitarisme, l’appétit de gain, le « toujours plus », l’individualisme [i.e. l'enculisme]) et sa religion (la religion laïque occidentale, caractérisée par le culte de la démocratie, des droits de l’homme (et de l’individu), de la propriété privée (fondement du marché), et de la raison (source de la science)) ;
23. Il n’y a qu’une seule société mondiale, plurinationale, qui en ce moment même brasse et mélange les sociétés nationales dont les parois sont de plus en plus poreuses ; le capitalisme, mondial de naissance il y a mille ans en Europe occidentale, n’est qu’un mot pour désigner l’aspect économique de cette société mondiale ; au XIXe siècle, l’économie-monde européenne a absorbé les autres économies-mondes pour former l’économie mondiale tout court ; au XXe siècle, le socialisme a bloqué pendant 75 ans l’achèvement de cette absorption, mais s’est finalement dissous en elle entre 1978 (ouverture de la Chine) et 1989 (chute du mur de Berlin) ; depuis lors, l’unification de l’économie mondiale s’accélère jusqu’à ce qu’un jour, peut-être, une nouvelle division l’arrête ;
24. Le système capitaliste ne s’effondrera jamais du fait de l’absence de régulation ; car il y aura toujours une institution politique pour réguler une crise financière, si grave soit-elle ; et quel autre système pourrait le remplacer, après l’échec du socialisme ? D’ailleurs, à ce jour, il n’y a pas de candidat, pas de prétendant crédible. (...)" (et il n'est pas du tout sûr qu'en époque individualiste (au sens de Dumont), il est possible qu'il y en ait un.)
Evidemment, lorsque quelqu'un, plus compétent que vous, écrit à peu près la même chose que vous (en mieux), vous avez toujours l'impression d'avoir raison, même si en réalité et en toute rigueur, ce n'est pas prouvé. Aussi bien n'ai-je pas grand-chose à ajouter aujourd'hui - sans vouloir faire d'effet d'annonce, j'ai quelques idées sur les thèses 22 et 23, mais elle sont intégrées à un texte en cours de rédaction, et je préfère ne pas les en dissocier. Je tenais simplement à relayer ces idées et à prendre date.
Je vous laisse avec la 25e thèse, ce serait quand même trahir l'esprit de l'auteur que de ne pas la citer ici :
"Par contre la société mondiale, elle, peut s’effondrer, si elle ne répond pas au principal défi de notre époque, qui est écologique ; sa forme la plus urgente est le défi du réchauffement climatique ; et si la réponse juste n’est pas donnée à temps, la société mondiale disparaîtra, et avec elle l’humanité tout entière, c’est-à-dire : nous."
Le bonheur !
Libellés : Apocalypse, Dumont, Fourquet, Hazard, Hobsbawm, Jorion, Polanyi, Voyer
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