Plus belle la vie.
J'avais dans l'idée d'utiliser Maurras pour dire du mal de BHL et de sa 28000e erreur, tant les prophéties de L'avenir de l'Intelligence trouvent ici une application exemplaire, qui au surplus nous permettrait de progresser dans notre enquête sur l'« Intelligence », ou sur le monde intellectuel français depuis l'Affaire Dreyfus et notamment sous la Ve République...
- ce sera pour une autre fois. "Qu'un type comme moi soit au courant de l'existence d'un type comme Bernard-Henri Lévy, c'est déjà un problème", disait en substance J.-P. Voyer il y a bien, foutre !, vingt ans. Avec le Lévy, comme d'ailleurs avec le Sarkozy, j'ai le même problème : il y a me semble-t-il des choses intéressantes à dire sur eux, sur ce qu'ils symbolisent, sur ce que leur existence même dit de nous (du mal...), ce n'est pas tomber-dans-le-piège-de-la-personnification-du-pouvoir que d'essayer de comprendre ça
- simplement, on peut aussi avoir envie de parler d'autre chose. Nous ne quitterons d'ailleurs pas totalement notre sujet, puisqu'il va être question de Sartre, pierre de touche s'il en fut de l'histoire de l'« Intelligence » française au XXe siècle, Sartre que finalement, pour l'avoir lu à 15 ans et jamais relu depuis (à peu près donc en même temps que cette édition des Possédés,
dont je ne pouvais guère me douter « retrouver » le préfacier plus de vingt ans après), je connais mal : la citation qui suit, pour percutante qu'elle me semble être, n'a pas tant pour but de le disqualifier purement et simplement, que d'exprimer des vérités générales : si ce n'est toi, c'est donc ton frère, si ce n'est pas vraiment Sartre, c'est donc quelqu'un d'autre, regardez autour de vous.
Place quoi qu'il en soit à Pierre Boutang et sa question en partie rhétorique, Sartre est-il un possédé ? (1946 ; j'utilise l'édition de La table ronde, 1950) :
"Nous arrivons au point le plus important, qui est aussi le point le plus bas de la chute, comme le ravissement dans la musique est le point le plus haut de la contemplation : l'absence de tout lyrisme, de toute capacité de chant chez un homme tel que Sartre. Ce Socrate du néant ne rencontre jamais Apollon qui lui demande de chanter. Sa laideur (phénomène important dont il faut tenir compte si on veut comprendre quelque chose à la séduction de son enseignement) est d'ailleurs d'une autre espèce que celle de Socrate. Socrate était repoussant en quelque sorte, mais d'une manière toute mécanique ; la laideur de Sartre, qui ne tient pas au seul visage, ni à ce qu'il y a en lui de contrefait, inquiète toute l'âme et signifie vraiment la transcendance vers le bas.
L'âme contemplative chante à ravir ; la relation à Dieu s'exprime finalement dans un chant, car il faut encore être au monde, et le seul monde qui demeure est alors celui du chant. Il faudrait ici - mais nous n'en avons pas le loisir - développer notre idée de la musique, comme celle de la transcendance ; nous pouvons cependant en dégager l'essentiel. L'essence de la musique et son point d'origine est pour nous dans le chant. L'homme chante un certain (un incertain) bonheur, et c'est pour cela qu'il arrive très souvent à l'enfant de chanter ; chanter c'est se rapporter au monde non pas comme présent, mais comme à la fois présent et absent. Je suis là et je ne suis pas là ; je suis là comme chanteur et tout ce qui m'arrive perd de son sens, sa détermination, et se trouve recouvert par cette marée sûre du chant. Il se saisit de tout événement, il le répète musicalement, le fonde en musique, et toute la vie y passe, à mesure qu'elle se présente, comme dans la forme musicale de l'opéra. Cela peut être ridicule, comme encore l'opéra, pour le spectateur qui ne sait pas que tout langage a ainsi sa limite naturelle dans le chant, qu'il n'y a pas de réalité humaine « objective » et qui ne puisse être chantée. C'est même l'événement en soi, la pure possibilité qu'ont les choses de m'arriver que chante le chant ; par là, il chante l'âme autant que le monde, et justement cette relation originelle de l'âme au monde, cette vocation. Ainsi je m'absente du monde vers le chant, mais c'est vers le monde que se développe cette absence : le sens de l'événement se trouvera converti par le chant, mais ce sens « converti » me transformera moi-même. La musique a donc pour objet le pur gouvernement de l'âme en tant seulement que quelque chose peut lui arriver ; mais cette possibilité ne serait que choc et retentissement soudain, le chant s'épuiserait dans un cri, si l'événement n'était pas pour une âme qui se peut ressaisir et maintenir dans cette imminence redoutable : quand le pire se produit, dit Hécube, il ne reste plus qu'à chanter, et la tragédie abolit le dialogue dans l'absente présence des choeurs. Que l'âme se retienne ainsi dans la possibilité de tout événement qu'est le chant, qu'est-ce d'autre que l'appropriation de soi par l'âme qui ne se refuse pourtant ni au monde, ni à Dieu ? Voilà pourquoi le possédé ne chante pas, pourquoi il est l'ennemi juré de tout chant ; cette appropriation lui est interdite, car il est la possession d'un autre [le diable, NDLR]. Cette sécurité originelle de l'enfant qui chante son bonheur, qui chante tout ce qu'il pense, tout ce qui lui arrive, qui pourrait même chanter sa souffrance, c'est dans la vie du Muichkine de Dostoïevski que nous pourrions la trouver. « Le chevalier pauvre » va de cette manière, vers le monde, en chantant. Sartre est, lui, l'antipoète ; il le sait et s'en fait gloire : le possédé a peur du ridicule et le poème est aussi vulnérable que l'opéra. Le ton de ses romans et de ses pièces est celui du « c'est ainsi », comme s'il y avait une nature, un donné qui serait l'objet de la prose. Le paradoxe désespéré c'est que, justement, pour lui, il n'y a pas de nature, et qu'il n'y a pas d'ainsi. Le prosaïsme, la froideur, chaîne de puits ou tranchant de guillotine, n'expriment donc pas une exigence positive, mais seulement l'impuissance du possédé à chanter." (pp. 55-59)
Et il serait regrettable de ne pas retranscrire ce qui suit immédiatement :
"Nulle part, mieux que dans l'oeuvre de Dostoïevski, l'opposition de la contemplation et de l'action n'a été mise à jour. Les contemplatifs de Dostoïevski vivent une solitude qui s'oriente vers les autres : les possédés s'assemblent au contraire, ils forment même des sociétés secrètes et transportent dans les cités leur désert intérieur. La clandestinité est un des signes de la possession, une certaine forme du secret est l'inverse démoniaque du mystère sacramentel. Que les cités menacées soient contraintes d'organiser leur résistance clandestine, voilà un effet du malheur et de la défaite, et les hommes peuvent s'y adapter... mais qu'ils attendent de cette clandestinité la révélation de leur relation à la patrie ou à la cité, voilà qui ne serait guère sérieux, si ce n'était diabolique." (pp. 59-60)
Pas de long commentaire, juste trois pistes :
- est-ce la récurrence du mot « événement », ce texte m'a fait penser à Alain Badiou, lequel d'une part a toujours proclamé sa dette envers Sartre, d'autre part me paraît manquer du sens du tragique ici évoqué : cela ne suffit certes pas à en faire un « possédé », mais il vaudrait peut-être la peine d'analyser son oeuvre au prisme de ces considérations de Boutang. On pourrait ainsi mettre en rapport l'injonction de Badiou à « devenir des fils » - sans père, donc, et le constat de Boutang sur "l'absence, dans l'anthropologie de Sartre, de la relation du fils au père" (p. 70) ;
- plus loin dans le livre (p. 96), au détour d'une comparaison entre Sartre et le personnages des Possédés Kirilov, Boutang se permet cette incise : "...sauf que Kirilo[v] est capable de jouer avec un enfant et que nous ne croyons pas que Sartre en soit capable" : quoi qu'il en soit de la véracité de cette supposition, on a appris depuis que Sartre était en tout cas parfaitement capable de « jouer » avec des jeunes filles, qu'il avait son côté Polanski (cf. notamment ici) - il figura rappelons-le parmi les signataires de pétitions sur ce thème dans les années 70. Je ne suis pas spécialiste de la vie sexuelle de Sartre et ne m'aventurerai pas à relier les considérations éthiques de Boutang à ce domaine, mais il m'était difficile de ne pas l'évoquer pour mémoire ;
- vous aurez enfin noté la parenté structurelle du contemplatif dostoïesvkien ainsi présenté, avec le renonçant indien chez Dumont : "Ainsi le renonçant indien est à la fois « hors du monde » et point-clé de l'harmonie de la société indienne (Homo Hierachicus, § 92 : « On peut même se demander si le système des castes aurait pu exister et durer indépendamment du renoncement qui le contredit »)", écrivais-je dans ce long texte. Les moines du Moyen Age, les contemplatifs chez Dostoïevski (qui pour certains ne sont plus que des individus esseulés), maintiennent, et notamment donc via le chant, un rapport au monde qui finalement « profite » à tous. Il suffit d'ailleurs de voir ce que devient une société quand elle badine trop avec le chant, quand elle substitue trop l'ascétisme intra-mondain à l'ascétisme ultra-mondain (explications ici, avec la figure transitoire de l'artiste proustien au début du XXe siècle : le mystique mondain) : c'est finalement toute la société, ou ce qu'il en reste, qui perd un rapport au monde.
Et l'opéra notamment ne devient plus que ridicule, au lieu d'être sublime et à la limite du ridicule. J'ai souvent hésité à déposer ici des extraits d'opéra, tant je craignais que le profane, c'est bien le mot, ne s'en retrouve conforté dans son indifférence ou son mépris envers cette forme d'art. Pour me venger de cette frustration, voici une séquence aussi longue que kitsch, mais, de même, aussi merveilleuse qu'adaptée à notre propos : le chant de la sortie de l'enfance et de l'entrée dans l'âge de l'amour, le chant aussi de la sortie de l'âge de l'amour et de l'entrée dans la vieillesse ("Quand le pire se produit, il ne reste plus qu'à chanter..."), avec un lesbianisme délicieux, et des chanteuses extraordinaires... Avis aux amateurs !
- ce sera pour une autre fois. "Qu'un type comme moi soit au courant de l'existence d'un type comme Bernard-Henri Lévy, c'est déjà un problème", disait en substance J.-P. Voyer il y a bien, foutre !, vingt ans. Avec le Lévy, comme d'ailleurs avec le Sarkozy, j'ai le même problème : il y a me semble-t-il des choses intéressantes à dire sur eux, sur ce qu'ils symbolisent, sur ce que leur existence même dit de nous (du mal...), ce n'est pas tomber-dans-le-piège-de-la-personnification-du-pouvoir que d'essayer de comprendre ça
- simplement, on peut aussi avoir envie de parler d'autre chose. Nous ne quitterons d'ailleurs pas totalement notre sujet, puisqu'il va être question de Sartre, pierre de touche s'il en fut de l'histoire de l'« Intelligence » française au XXe siècle, Sartre que finalement, pour l'avoir lu à 15 ans et jamais relu depuis (à peu près donc en même temps que cette édition des Possédés,
dont je ne pouvais guère me douter « retrouver » le préfacier plus de vingt ans après), je connais mal : la citation qui suit, pour percutante qu'elle me semble être, n'a pas tant pour but de le disqualifier purement et simplement, que d'exprimer des vérités générales : si ce n'est toi, c'est donc ton frère, si ce n'est pas vraiment Sartre, c'est donc quelqu'un d'autre, regardez autour de vous.
Place quoi qu'il en soit à Pierre Boutang et sa question en partie rhétorique, Sartre est-il un possédé ? (1946 ; j'utilise l'édition de La table ronde, 1950) :
"Nous arrivons au point le plus important, qui est aussi le point le plus bas de la chute, comme le ravissement dans la musique est le point le plus haut de la contemplation : l'absence de tout lyrisme, de toute capacité de chant chez un homme tel que Sartre. Ce Socrate du néant ne rencontre jamais Apollon qui lui demande de chanter. Sa laideur (phénomène important dont il faut tenir compte si on veut comprendre quelque chose à la séduction de son enseignement) est d'ailleurs d'une autre espèce que celle de Socrate. Socrate était repoussant en quelque sorte, mais d'une manière toute mécanique ; la laideur de Sartre, qui ne tient pas au seul visage, ni à ce qu'il y a en lui de contrefait, inquiète toute l'âme et signifie vraiment la transcendance vers le bas.
L'âme contemplative chante à ravir ; la relation à Dieu s'exprime finalement dans un chant, car il faut encore être au monde, et le seul monde qui demeure est alors celui du chant. Il faudrait ici - mais nous n'en avons pas le loisir - développer notre idée de la musique, comme celle de la transcendance ; nous pouvons cependant en dégager l'essentiel. L'essence de la musique et son point d'origine est pour nous dans le chant. L'homme chante un certain (un incertain) bonheur, et c'est pour cela qu'il arrive très souvent à l'enfant de chanter ; chanter c'est se rapporter au monde non pas comme présent, mais comme à la fois présent et absent. Je suis là et je ne suis pas là ; je suis là comme chanteur et tout ce qui m'arrive perd de son sens, sa détermination, et se trouve recouvert par cette marée sûre du chant. Il se saisit de tout événement, il le répète musicalement, le fonde en musique, et toute la vie y passe, à mesure qu'elle se présente, comme dans la forme musicale de l'opéra. Cela peut être ridicule, comme encore l'opéra, pour le spectateur qui ne sait pas que tout langage a ainsi sa limite naturelle dans le chant, qu'il n'y a pas de réalité humaine « objective » et qui ne puisse être chantée. C'est même l'événement en soi, la pure possibilité qu'ont les choses de m'arriver que chante le chant ; par là, il chante l'âme autant que le monde, et justement cette relation originelle de l'âme au monde, cette vocation. Ainsi je m'absente du monde vers le chant, mais c'est vers le monde que se développe cette absence : le sens de l'événement se trouvera converti par le chant, mais ce sens « converti » me transformera moi-même. La musique a donc pour objet le pur gouvernement de l'âme en tant seulement que quelque chose peut lui arriver ; mais cette possibilité ne serait que choc et retentissement soudain, le chant s'épuiserait dans un cri, si l'événement n'était pas pour une âme qui se peut ressaisir et maintenir dans cette imminence redoutable : quand le pire se produit, dit Hécube, il ne reste plus qu'à chanter, et la tragédie abolit le dialogue dans l'absente présence des choeurs. Que l'âme se retienne ainsi dans la possibilité de tout événement qu'est le chant, qu'est-ce d'autre que l'appropriation de soi par l'âme qui ne se refuse pourtant ni au monde, ni à Dieu ? Voilà pourquoi le possédé ne chante pas, pourquoi il est l'ennemi juré de tout chant ; cette appropriation lui est interdite, car il est la possession d'un autre [le diable, NDLR]. Cette sécurité originelle de l'enfant qui chante son bonheur, qui chante tout ce qu'il pense, tout ce qui lui arrive, qui pourrait même chanter sa souffrance, c'est dans la vie du Muichkine de Dostoïevski que nous pourrions la trouver. « Le chevalier pauvre » va de cette manière, vers le monde, en chantant. Sartre est, lui, l'antipoète ; il le sait et s'en fait gloire : le possédé a peur du ridicule et le poème est aussi vulnérable que l'opéra. Le ton de ses romans et de ses pièces est celui du « c'est ainsi », comme s'il y avait une nature, un donné qui serait l'objet de la prose. Le paradoxe désespéré c'est que, justement, pour lui, il n'y a pas de nature, et qu'il n'y a pas d'ainsi. Le prosaïsme, la froideur, chaîne de puits ou tranchant de guillotine, n'expriment donc pas une exigence positive, mais seulement l'impuissance du possédé à chanter." (pp. 55-59)
Et il serait regrettable de ne pas retranscrire ce qui suit immédiatement :
"Nulle part, mieux que dans l'oeuvre de Dostoïevski, l'opposition de la contemplation et de l'action n'a été mise à jour. Les contemplatifs de Dostoïevski vivent une solitude qui s'oriente vers les autres : les possédés s'assemblent au contraire, ils forment même des sociétés secrètes et transportent dans les cités leur désert intérieur. La clandestinité est un des signes de la possession, une certaine forme du secret est l'inverse démoniaque du mystère sacramentel. Que les cités menacées soient contraintes d'organiser leur résistance clandestine, voilà un effet du malheur et de la défaite, et les hommes peuvent s'y adapter... mais qu'ils attendent de cette clandestinité la révélation de leur relation à la patrie ou à la cité, voilà qui ne serait guère sérieux, si ce n'était diabolique." (pp. 59-60)
Pas de long commentaire, juste trois pistes :
- est-ce la récurrence du mot « événement », ce texte m'a fait penser à Alain Badiou, lequel d'une part a toujours proclamé sa dette envers Sartre, d'autre part me paraît manquer du sens du tragique ici évoqué : cela ne suffit certes pas à en faire un « possédé », mais il vaudrait peut-être la peine d'analyser son oeuvre au prisme de ces considérations de Boutang. On pourrait ainsi mettre en rapport l'injonction de Badiou à « devenir des fils » - sans père, donc, et le constat de Boutang sur "l'absence, dans l'anthropologie de Sartre, de la relation du fils au père" (p. 70) ;
- plus loin dans le livre (p. 96), au détour d'une comparaison entre Sartre et le personnages des Possédés Kirilov, Boutang se permet cette incise : "...sauf que Kirilo[v] est capable de jouer avec un enfant et que nous ne croyons pas que Sartre en soit capable" : quoi qu'il en soit de la véracité de cette supposition, on a appris depuis que Sartre était en tout cas parfaitement capable de « jouer » avec des jeunes filles, qu'il avait son côté Polanski (cf. notamment ici) - il figura rappelons-le parmi les signataires de pétitions sur ce thème dans les années 70. Je ne suis pas spécialiste de la vie sexuelle de Sartre et ne m'aventurerai pas à relier les considérations éthiques de Boutang à ce domaine, mais il m'était difficile de ne pas l'évoquer pour mémoire ;
- vous aurez enfin noté la parenté structurelle du contemplatif dostoïesvkien ainsi présenté, avec le renonçant indien chez Dumont : "Ainsi le renonçant indien est à la fois « hors du monde » et point-clé de l'harmonie de la société indienne (Homo Hierachicus, § 92 : « On peut même se demander si le système des castes aurait pu exister et durer indépendamment du renoncement qui le contredit »)", écrivais-je dans ce long texte. Les moines du Moyen Age, les contemplatifs chez Dostoïevski (qui pour certains ne sont plus que des individus esseulés), maintiennent, et notamment donc via le chant, un rapport au monde qui finalement « profite » à tous. Il suffit d'ailleurs de voir ce que devient une société quand elle badine trop avec le chant, quand elle substitue trop l'ascétisme intra-mondain à l'ascétisme ultra-mondain (explications ici, avec la figure transitoire de l'artiste proustien au début du XXe siècle : le mystique mondain) : c'est finalement toute la société, ou ce qu'il en reste, qui perd un rapport au monde.
Et l'opéra notamment ne devient plus que ridicule, au lieu d'être sublime et à la limite du ridicule. J'ai souvent hésité à déposer ici des extraits d'opéra, tant je craignais que le profane, c'est bien le mot, ne s'en retrouve conforté dans son indifférence ou son mépris envers cette forme d'art. Pour me venger de cette frustration, voici une séquence aussi longue que kitsch, mais, de même, aussi merveilleuse qu'adaptée à notre propos : le chant de la sortie de l'enfance et de l'entrée dans l'âge de l'amour, le chant aussi de la sortie de l'âge de l'amour et de l'entrée dans la vieillesse ("Quand le pire se produit, il ne reste plus qu'à chanter..."), avec un lesbianisme délicieux, et des chanteuses extraordinaires... Avis aux amateurs !
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