dimanche 11 juin 2006

Pédagogie.

Ce que j'aime, entre autres, chez Vincent Descombes et Jean-Pierre Voyer, c'est leur effort pour tenir les deux bouts de la chaîne, c'est-à-dire pour prendre au sérieux les prémisses et les conséquences de la philosophie politique.

Lorsque l'on est philosophe, il vaut mieux ne pas faire de philosophie politique si l'on a rien de plus à dire qu'un non-philosophe à ce sujet. Il est bon cependant que certains tentent d'établir des ponts entre différents secteurs de la philosophie. Dans le cas de J.-P. Voyer à coup sûr, et probablement dans celui de V. Descombes, construire de telles passerelles est d'autant plus légitime que cela s'est fait dans le bon sens. Au lieu d'établir une théorie philosophique "pure" sur l'Etre, ou l'Existence, ou la venue au monde ou je ne sais quoi, pour en dériver ensuite, plus ou moins clairement, une théorie politique, dont on se demande toujours si tout n'était pas fait pour y parvenir, et qui est présentée comme la seule et unique possible - cette rigidité de principe entraînant de célèbres retournements de veste -, les deux auteurs que j'évoque ici sont partis du constat de problèmes politiques, puis se sont avisés qu'un domaine de la philosophie, en l'occurrence la philosophie analytique tendance Frege-Wittgenstein, apportait des concepts qui n'offrent certes pas de solutions miracles, mais permettent d'éviter de dire les mêmes conneries que d'illustres prédécesseurs.

Les analyses de Vincent Descombes, dans Grammaire d'objets en touts genres et Les institutions du sens (Minuit, 1983 et 1995) sur les malentendus du structuralisme, la récente analyse de Jean-Pierre Voyer sur Adam Smith sont de bons exemples de cette façon de procéder.

Ceci est d'autant plus remarquable qu'à ma connaissance peu de philosophes parviennent à tenir un front aussi étendu. Me viennent à l'esprit les noms de Hilary Putnam - mais il me semble moins novateur - et Richard Rorty - mais c'est pour parvenir à des conclusions bien décevantes, comme quoi finalement tout choix politique n'est que choix personnel impossible à motiver. Quant à Jacques Bouveresse, si l'on sent bien, par exemple dans son excellent petit livre sur Karl Kraus (Schmock ou le triomphe du journalisme, Seuil, 2001), à quel point la fréquentation de Wittgenstein ou Carnap lui a éclairci les idées, on ne saurait je crois trouver un rapport direct entre son activité de philosophe à proprement parler et ses idées politiques. (Ce qui n'empêche pas une affinité certaine avec les aspects sarcastiques ou pessimistes de Wittgenstein).

Il se peut qu'il y ait aussi Alain Badiou, mais je n'ai pas le bagage mathématique nécessaire pour m'attaquer sérieusement à ses deux opus magnum, L'être et l'événement et Logique des mondes (Seuil, 1988 et 2006). Certains effets de manche me font à dire vrai craindre le pire, mais des souçons ne valent pas preuve.


Que faire sans Zarkaoui ?

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