Qu'est-ce qu'il faut pour être heureux ?
On trouve régulièrement employé, dans les canards d'État, le terme « viral » au sujet de la propagation de la quenelle. Eh oui, ça se développe, mais ce n'est pas parce que l'on désigne cette contagion par un terme péjoratif que l'on met un frein au phénomène.
Soyons clairs, la quenelle, c'est comme les Bonnets rouges, Marine Le Pen, certains aspects du soralisme, il ne s'agit pas de crier à l'extase. On se contente d'enregistrer ce qui peut nuire au monde en place, et de se réjouir lorsque ces nuisances augmentent. On rappellera aux amateurs de mythologies politiques, tendance nostalgie gauchisante, que les mouvements sociaux ont et ont eu des débuts et des évolutions, que le présent n'est pas le temps du mythe. On ajoutera pour les hégéliens-kojéviens anti-Dieudonné ou anti patrons de PME que le Bien peut être produit par le Mal. (Ou que Dieu écrit droit avec des lignes courbes…)
Mais revenons à la quenelle. Son grand atout est d'être incontrôlable. D'Anelka au pékin moyen, tout le monde peut s'y mettre, et je suis le premier à le souhaiter, avec quelques restrictions que ce billet de changement d'année va détailler.
S'il est hors de doute qu'il y a dans l'esprit de son créateur une dimension antijuive - laquelle mériterait d'être étudiée, mais je connais trop mal Dieudonné pour le faire -, il est tout aussi évident que pour la majorité (je n'ai pas écrit pour tous) des quenelliers qui postent sur Facebook les photos de leurs exploits, c'est le fist-fucking anal au « Système » qui compte, pas les Juifs. De la part de ceux-ci, je veux dire de ceux parmi les Juifs qui ces dernières semaines réagissent au « virus », tout englober dans le cadre de l'antisémitisme est au mieux une réaction émotionnelle exagérée et naïve, au pire une manipulation consciente.
Et une manipulation révélatrice, quand même : on pense à ceux qui accusent d'antisémitisme ou de négationnisme les personnes qui remettent en cause la version officielle des attentats du 11 septembre, créant ainsi un rapport entre ces attentats et Israël, ou admettant implicitement un tel rapport, que l'Américain ou le Français qui se pose des questions n'avait peut-être pas en tête. - En faisant semblant de croire que tout quenellier est un farouche antisémite, que le virus de la quenelle est une résurgence de l'éternel antisémitisme français combiné à l'indécrottable antijudaïsme des Arabes, en faisant mine de croire, contre l'évidence, que la quenelle se réduit à cela, on finit par admettre que s'attaquer au « Système », c'est s'attaquer aux Juifs. Voilà qui est manifestement antisémite, désolé.
(Ce n'est pas étonnant, puisque les Juifs ont toujours été les plus grands antisémites. Qu'ils veuillent avoir le monopole de l'antisémitisme, comme d'autres auraient souhaité avoir celui du coeur, ceci est une autre histoire. - Une histoire d'élection, évidemment : les Juifs sont aussi le peuple élu de l'antisémitisme, qui chez les goys ne peut être qu'une passion vulgaire et dégradante. Sinon, le goy serait à égalité avec le juif - et, comme dit Brassens dans un autre contexte, tout serait à recommencer.)
On remarquera de surcroît la ténacité des Jakubowicz et autres à imposer leur vision, masochiste, antisémite et teintée d'un pincée de Zyklon-B, de la quenelle, la conception que s'en fait l'auteur (récemment détaillée dans cet intéressant entretien) étant comptée pour rien. Comme disait Badiou un jour, au : "C'est nous qui décidons qui est Juif et qui ne l'est pas" de Goebbels (à l'adresse de Fritz Lang) a succédé le "C'est nous qui décidons qui est antisémite et qui ne l'est pas" des sionistes, dans les deux cas l'intéressé n'a qu'à fermer sa gueule.
Par-delà cette courte analyse de l'inconscient des uns et des autres, ne soyons pas faux culs. Tout cela est aussi une lutte de pouvoir. Les « élites » juives sionistes se sentent menacées par la quenelle, elles ripostent, c'est de bonne guerre, et elles ripostent à leur manière - ce n'est pas d'aujourd'hui que ces « élites », comme les élites en général, sont cyniques et hypocrites. Certains rebeus un peu névrosés (pléonasme ?) en profitent pour régler des comptes, Soral et Dieudonné inventorient leurs troupes et doivent bien avoir quelques rêves de prises de pouvoir et de purges - ce qui là aussi est de bonne guerre. (Et Nabe va bientôt tirer dans le tas, passons, ce n'est pas encore d'actualité.)
Mais pour nous qui n'avons aucune ambition de pouvoir, nous exprimons ce voeu pour la nouvelle année : un développement exponentiel de la quenelle partout en France, ce qui rendra fous Cukierman et Cie, mais d'une quenelle déjudaïsée. Accentuer la dimension « anti-système », laisser l'autre à ceux que ça intéresse, vrais antisémites (il y en a...) et activistes sionistes. - Histoire de forcer ceux-ci à admettre l'équivalence dénoncée par ceux-là, Juifs sionistes = pouvoir, histoire qu'ils continuent à la revendiquer, qu'il soient même quasiment les seuls à le faire - sauf à devoir fermer leur gueule. Une quenelle devant une synagogue de temps à autre, je veux bien, mais aussi devant les mosquées (la religion la plus con, c'est quand même, comme disait l'autre…), les ministères, les préfectures, la Bourse (aïe, c'est antisémite, on n'en sort pas), etc. Même les églises si ça vous fait plaisir et ferait plutôt mal au coeur à l'agnostique chrétien - ou au croyant d'un strict point de vue logique - que je suis.
Et bien sûr devant tout homme politique autre qu'un brave maire qui essaie de faire survivre sa localité : si la quenelle est un salut nazi inversé, rêvons au prochain 14 juillet, nouveau Nuremberg, où toute la France Black-Blanc-Beur - militaires du défilé compris, allons-y - saluera le collabo Hollande d'une quenelle de masse, en un ordonnancement à faire mouiller dans sa culotte et sa tombe Leni Riefenstahl, mais dans un esprit anarchiste et paillard. Notre Président n'aura plus qu'à déporter tous ces antisémites dans la chambre de Gaza, et la boucle sera bouclée !
On rigole, mais par-delà ces intéressants aspects métaphysiques et pratiques, il y a quelque chose d'un peu bouffon et dérisoire, au regard de ce que peut parfois avoir de désespérant l'humaine condition, avec la question juive, et il n'est pas malsain de le mettre en relief de temps à autre. Woody Allen a toujours plus fait contre l'antisémitisme que Bernard-Henri Lévy. Et c'est quand on commence à prendre tout ça trop au sérieux, "à bloquer les comptes et compter les Bloch", comme disait son lointain prédécesseur français Tristan Bernard, que le paysage s'assombrit.
Pour finir, en guise de meilleurs voeux, la réconciliation nationale d'un pédé d'origine juive (Reynaldo Hahn) et d'une Parisienne au « coeur français et au cul international » :
Bonne année !