mardi 31 décembre 2019

De l'amour.

Nous finirons cette drôle d’année 2019 par une citation biblique. Commentaires, bilans, projets éventuels, tout cela attendra une prochaine ouverture de ce comptoir : 

"Voici ce qu’est l’amour : 
ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, 
c’est lui qui nous a aimés 
et qui a envoyé son Fils en victime d’expiation pour nos péchés."


(1 Jean, 4, 10). Dieu fait le premier pas. - Bien à vous ! 

vendredi 27 décembre 2019

Jean-Pierre Voyer, 1982.

"En demeurant pauvres, les pauvres ne font de tort qu’à eux-mêmes. Donc personne ne viendra à leur secours, personne ne les fera riches à leur place. Donc, si les pauvres deviennent riches, il ne le devront qu’à eux-mêmes. Des générations de putes intellectuelles ont voulu et veulent encore faire de cette simple vérité mise en évidence par Marx un prétendu messianisme d’une prétendue classe élue. Imbéciles. Si les pauvres se révoltent, c’est seulement parce qu’ils sont pauvres. Rien ne prouve d’ailleurs que les pauvres puissent devenir riches un jour. Mais en revanche il est certain, puisque les pauvres se révoltent depuis plusieurs millénaires, qu’ils se révolteront tant qu’ils seront pauvres. L’histoire récente prouve également que tout adoucissement apparent de leur pauvreté les incite à la révolte car les hommes sont séparés par la communication et tout accroissement de la communication telle qu’elle existe constitue un accroissement de leur séparation. Aujourd’hui les pauvres sont pauvres au milieu d’un océan de richesse, le spectateur est toujours seul mais au milieu d’un océan de communication. La richesse et elle seule est donc messianique. Or la bourgeoisie a pour but la richesse infinie. Voilà un malheur de la pensée bourgeoise. En attendant, les pauvres sont punis exactement par où ils pèchent, par leur pauvreté. Il y a donc une justice dans ce monde."

mardi 24 décembre 2019

Joyeux Noël...

"La foi est une manière de posséder déjà ce qu’on espère, un moyen de connaître des réalités qu’on ne voit pas." (Hébreux, 11, 1.)










lundi 9 décembre 2019

"La vie est une cérémonie."

C’est la formule qui m’a le plus marqué dans l’oeuvre de Jean-Pierre Voyer. Ce blog a débuté il y a 14 sous son influence, j’ai continué au fil du temps, tout en m’éloignant de certaines de mes positions de départ, à dialoguer, de façon plus ou moins explicite, avec lui et ses idées. Et je considère toujours ses livres, ainsi que les grandes pages de son blog (sur lequel, soit dit en passant, il inventa Twitter avant Twitter, avec des sentences très brèves et percutantes), comme faisant partie des textes les plus importants publiés en France depuis quarante ans. 

Je reviendrai sur tous ces sujets. 

Sa cérémonie à lui s’est achevée il y a quelques jours, je l’ai moi-même appris ce matin et voulais vous en avertir. 




(Pour les profanes, je conseille la visite de son site, et bien sûr ses livres, Hécatombe entre autres. Les premiers paragraphes de sa fiche Wikipedia sont de moi, mais ont été modifiés par d’autres, amis ou ennemis… on peut je crois s’en passer et aller directement aux textes). 

dimanche 8 décembre 2019

"Des règles toujours plus liberticides…"




Le grand écrivain de rugby Denis Lalanne est mort à 93 ans, le grand journaliste de rugby Pierre Michel Bonnot lui rend hommage dans L’Équipe de ce jour. Et quand il est vraiment question de rugby, il est question de beaucoup d’autres choses : 

"Denis Lalanne était de la race, largement majoritaire alors, des journalistes sportifs de bonne fortune et de passion d’enfance. (…) On ne fait pas meilleur carburant pour conserver jusqu’à la retraite, et au-delà, une passion d’enfance, même si, reconnaissait-il il y a peu, il lui arrivait parfois de s’endormir devant le spectacle du rugby d’aujourd’hui, bercé par l’impression « de voir toujours le même match ». Quand on est entré dans la carrière dans la foulée de Jean Dauger et Yves Bergougnan et qu’on a tiré sa révérence internationale en même temps que Serge Blanco, on est en droit de trouver le rugby pro un peu lisse. 

Enfant du jazz et fan d’Yves Montand, qu’il imitait joliment dans Battling Joe, Denis Lalanne n’eut pas son égal pour mettre cette passion en musique. Une petite musique très personnelle et des titres frisant l’alexandrin, sous lesquels perçait une animosité tenace pour la race des « gros pardessus » fédéraux - terme de son invention au même titre que « cadrage-débordement » ou « troisième mi-temps » -, et un dédain farouche pour des règles toujours plus liberticides et pour les arbitres qui les appliquaient sans discernement, à l’image de l’Irlandais David Burnett, devenu « Monsieur Casse-Burnett » sous sa plume acérée. 

Car, si Denis Lalanne fut d’abord un prince de l’épopée sportive, si ses comptes rendus des matches du Tournoi mêlaient au long cours la narration et l’analyse en un style enlevé, il savait se montrer sévère - « Il ne s’agit pas d’exercer le métier de journaliste comme on exerce la charité. Il faut des hommes à terre pour faire des héros debout », écrivait-il, et soucieux de son indépendance de pensée. (…)

On retrouve au fil du Temps des Boni, d’Un long dimanche à la campagne, de Rue du Bac un peu de son approche so british du sport et de sa nostalgie de l’innocence de temps plus amateurs, qui lui faisaient écrire, à l’aube de la première Coupe du monde de rugby en 1987, « nous sommes quelques-uns à nous interroger sur les bénéfices immédiats ou à long terme que peut retirer d’une Coupe du monde un sport qui se flatte justement de n’être pas universel et qui passe plutôt pour une manière d’être ». C’est encore cette « manière d’être », cette élégance, cette feinte désinvolture qu’il recherchait en suivant le golf et le tennis à la saison morte du rugby. 

De son premier US Open de tennis, en 1962 à Forest Hills, pour couvrir le premier grand chelem de Rod Laver, à son dernier passage à Augusta National 1997, pour l’éclosion de Tiger Woods, en passant par la livraison attendue chaque semaine de ses « Interceptions », Denis Lalanne n’a jamais cessé d’enrichir sa légende. Et d’embellir celle des sportifs qui eurent la chance d’exister sous sa plume. « Pour ça, reconnaissait-il dans un éclat de rire, le sport était plus beau avant l’invention du magnétoscope ! » Et on ne jurerait pas non plus que les propos des joueurs auxquels il fit dire qu’ « en rugby il y a ceux qui déménagent les pianos et ceux qui en jouent » ou « ils nous ont emmerdés pendant cent ans, vous allez bien encore tenir cinq minutes » en plein France-Angleterre n’aient pas été subrepticement sortis de leur contexte afin de recevoir un joli coup de Mirror verbal.  

« J’ai sûrement partagé avec beaucoup de confrères cette impression de mieux servir la vérité en brodant librement sur le canevas de l’événement. N’est-ce pas tout ce qu’il reste de supériorité à l’écrit en plein règne de l’image ? Une photo, pour qu’elle fasse entièrement foi de ce qu’elle représente, est accompagnée d’une légende. Eh bien ! Mon truc, c’était la légende. »"

Passons sur ce Français si français qui se nourrit d’un certain état d’esprit anglais, ou plutôt british - des échanges paradoxaux et dynamiques entre cultures… mais à petite échelle ! -, pour assouvir sa passion et son idéal, et restons sur ces dernières belle formules, qui font immanquablement penser à John Ford, L’homme qui tua Liberty Valance et sa célèbre sentence : "Quand la légende est plus belle que la réalité, il faut imprimer la légende." Lalanne disait mieux servir la vérité en s’éloignant de l’exactitude monotone des faits (version actuelle : le règne de la statistique), c’est la différence fondamentale, pour ténue qu’elle puisse parfois être dans un article, entre la nécessité de romancer quelque peu la prose du réel pour l’épurer de l’accessoire et atteindre à l’essentiel, et le storytelling, qui finit par faire croire que la réalité doit ressembler à un conte, doit être un conte - et qui fait bon marché au final de la notion de vérité. 

Lalanne, Bonnot j’imagine, et moi-même aimant bien lever le coude, formulons cette même idée ainsi : c’est la différence entre la petite ivresse qui jette un léger et bienfaisant voile de poésie sur un réel en attente de regard poétique, et l'ébriété qui, par abus d’alcool ou d’autres substances, vous stupéfie et vous fait perdre tous vos repères, vous rend vulnérable.


Santé bonheur, santé bonne humeur, et gloire aux grands passionnés de rugby !



mardi 3 décembre 2019

"Des choses assez tragiques..."

En 1934 - la date est importante -, Céline écrit à un correspondant pour lui annoncer une guerre prochaine : 

"Il se passe en ce moment ici des choses assez tragiques. Tout cela finira comme vous savez dans cinq ou six ans - l’union européenne se fera dans le sang."

On peut admirer la précision de la datation, mais, après tout, à partir du moment où l’on avait senti le coup venir, la guerre aurait pu se produire en 37, 38, 42, la prédiction semblerait toujours vraie… Non, ce qui m’a vraiment frappé, c’est la formule : "L’union européenne se fera dans le sang." Céline n’écrit pas : « l’Europe », ou « l’union de l’Europe », il écrit « l’union européenne », et l’utilisation de cette formule abstraite, par son anticipation sur le langage des technocrates d’après-guerre, figure une sorte d’électrochoc straubien. Il faudrait faire entrer cet adjectif dans le langage courant - ce n’est pas gagné -, je m’explique donc : une partie du travail de cinéaste de Jean-Marie Straub a consisté à filmer des lieux qui ont été le cadre de drames sanglants, et d’essayer par divers dispositifs de montrer la vérité des drames advenus ici et pas ailleurs, par le contraste entre hier et maintenant (d’où un cinéma de la présence bazinienne de ce qui est devant la caméra à l’instant T, qui ne peut que me séduire). 

Cette formule de Céline, c’est un peu du Straub à l’envers ou rétroactif, c’est comme le pressentiment qu’après la prochaine guerre, "dans cinq ou six ans", on passera à autre chose,  « l’union européenne », qui se fera à partir du sang coulé dans la guerre, à partir d’un massacre inaugural. On répète toujours que « l’Europe » s’est faite pour éviter de nouvelles guerres entre peuples européens, il serait plus précis de dire que l’Union Européenne est née sur les décombres de la dernière guerre civile européenne. (J’ai souvent cité une phrase de Dominique de Roux, issue justement de son livre La mort de L.-F. Céline, qui va dans ce sens, mais je ne la retrouve pas...) L’Union Européenne n’a été possible que parce qu’il n’y avait déjà plus d’Europe, qu'à force de jouer au con elle s'était autodétruite - ce dont certes tous les pères fondateurs, comme on dit, ne devaient pas avoir conscience. Une fois disparus des hommes politiques anachroniques comme de Gaulle, ou des bizarreries anglaises et chestertoniennes (oui, elle a lu Chesterton, peut-être pas assez bien, mais quand même…) comme Margaret Thatcher, les politiciens de la plupart des pays européens se coulent  aisément dans cette coquille vide à la fois passive et dictatoriale, et comme par hasard si naturellement remplaciste. Bref, plagions Kundera, l'Union européenne n’est ni une union ni européenne. 


On pourrait d’ailleurs soulever l’hypothèse hégélienne, ou kojévienne, que l’Europe n’a été européenne que parce que, parmi les rapports que les peuples européens avaient entre eux (culturels, artistiques, économiques…), il y avait des rapports guerriers. La Révolution française et l’aventure napoléonienne auraient été alors les premiers vrais débordements par rapport à cet équilibre précaire mais intéressant. Le Congrès de Vienne accouche d'un schéma qui ressemble au vieil équilibre, puis l’Allemagne unifiée va lancer une autre mécanique, de 1870 à nos jours, mécanique toujours en cours… la politique migratoire de Mme Merkel étant à la fois une politique européenne logique, au sens de l’Union européenne, et un coup de poignard dans le dos, pour reprendre une formule de la guerre 14-18, pour l’impérialisme nationaliste allemand. A suivre…