mercredi 29 mai 2019

Baudelaire, encore et toujours.

"Il faut travailler, sinon par goût, au moins par désespoir, puisque, tout bien vérifié, travailler est moins ennuyeux que s’amuser."

"Il y a dans tout homme, à toute heure, deux postulations simultanées, l’une vers Dieu, l’autre vers Satan. L’invocation à Dieu, ou spiritualité, est un désir de monter en grade ; celle de Satan, ou animalité, est une joie de descendre. C’est à cette dernière que doivent être rapportés les amours pour les femmes et les conversations intimes avec les animaux, chiens, chats, etc." - que dirait-il maintenant, à l’âge des justifications progressistes en tous genres pour justifier les joies de descendre les plus incongrues, sinistres, contre-nature, ignobles, liste non exhaustive…

"La peine de Mort est le résultat d’une idée mystique, totalement incomprise aujourd’hui. La peine de Mort n’a pas pour but de sauver la société, matériellement du moins. Elle a pour but de sauver (spirituellement) la société et le coupable. Pour que le sacrifice soit parfait, il faut qu’il y ait assentiment et joie de la part de la victime. Donner du chloroforme à un condamné à mort serait une impiété, car ce serait lui enlever la conscience de sa grandeur comme victime et lui supprimer les chances de gagner le Paradis."

"Il n’existe que trois êtres respectables : 
Le prêtre, le guerrier, le poète. Savoir, tuer, créer.
Les autres hommes sont taillables et corvéables, faits pour l’écurie, c’est-à-dire pour exercer ce qu’on appelle des professions."

Quitte à vous surprendre, je pensais à part moi que le marchand pouvait aussi avoir sa dignité, inférieure certes à celle de ces trois ordres, mais réelle : il n’exerce pas une profession ; il met de l’huile dans les rouages des relations entre les différents membres de la société. Je découvre quelques pages plus loin que Baudelaire a rejeté cette hypothèse : "Le commerce est, par son essence, satanique." Révérence gardée, il me semble ceci dit, et depuis des années, puisque j’ai formulé clairement cette idée au moins en 2009 (ici : http://cafeducommerce.blogspot.com/2009/09/election-piege-c-ii.html), que c’est la généralisation du commerce comme modèle et horizon des sociétés humaines qui est satanique, pas son existence même. 

Ceci étant, encore quelques sentences baudelairiennes. Je passe pour aujourd’hui les méchancetés sur George Sand, pour me concentrer sur celles qui ont pour cible Arouet : 

"Je m’ennuie en France, surtout parce que tout le monde y ressemble à Voltaire. 
Emerson a oublié Voltaire dans ses Représentants de l’humanité. Il aurait pu faire un joli chapitre intitulé : Voltaire, ou l’anti-poète, le roi des badauds, le prince des superficiels, l’anti-artiste, le prédicateur des concierges, le père Gigogne des rédacteurs du Siècle

Dans Les oreilles du comte de Chesterfield, Voltaire plaisante sur cette âme immortelle qui a résidé pendant neuf mois entre les excréments et des urines. Voltaire, comme tous les paresseux, haïssait le mystère.

[Ici, une note de Baudelaire : "Au moins aurait-il pu deviner dans cette localisation une malice ou une satire de la providence contre l’amour, et, dans le mode de la génération, un signe du péché originel. De fait, nous ne pouvons faire l’amour qu’avec des organes excrémentiels."]

Ne pouvant pas supprimer l’amour, l’Église a voulu au moins le désinfecter, et elle a fait le mariage."


Où l’on retrouve saint Paul… A bientôt !

mardi 28 mai 2019

Baudelaire, c'est bon pour le moral.

Ah, l’incipit d’Assommons les pauvres ! J’avais oublié à quel point Baudelaire y règle ses comptes avec son passé de gauchiste…

"Pendant quinze jours je m’étais confiné dans ma chambre, et je m’étais entouré des livres à la mode dans ce temps-là (il y a seize ou dix-sept ans) ; je veux parler des livres où il est traité de l’art de rendre les peuples heureux, sages et riches, en vingt-quatre heures. J’avais donc digéré, — avalé, veux-je dire, — toutes les élucubrations de tous ces entrepreneurs de bonheur public, — de ceux qui conseillent à tous les pauvres de se faire esclaves, et de ceux qui leur persuadent qu’ils sont tous des rois détrônés. — On ne trouvera pas surprenant que je fusse alors dans un état d’esprit avoisinant le vertige ou la stupidité."

Le reste est bien évidemment délectable, je vous encourage à le relire, d’autant qu’il y a là quelque chose de très contemporain et de très fondamental, pas tellement éloigné des citations de ces deux derniers jours - comment rendre à certaines gens un certain sens de la dignité ? - A quel point les Français méritent-ils de souffrir ? 



(Pour Abellio, j’ai commencé à mettre au point ce que je voulais vous dire, mais ce ne sera peut-être pas pour tout de suite. J’essaie…)

lundi 27 mai 2019

Claudel, c'est bon pour le moral.

Dans L’annonce faite à Marie, texte dense et peu humoristique, Jacques Hury représente, pour faire vite, le gars fiable, terrien, qui malgré sa franchise, son sérieux, sa probité, bute le plus souvent devant le surnaturel et ses pièges (ses paradoxes, si l'on veut faire un clin d'oeil à Chesterton), qu’admettent la plupart des autres personnages de la pièce. Ce qui fait que Claudel s’autorise, aux dépens de ce personnage, quelques mises au point prosaïques assez amusantes, comme celle que lui envoie Violaine - personnage à la fois christique et marial, rien de moins -, alors même qu’elle est amoureuse de lui et qu’elle va bientôt mourir dans ses bras (au sens figuré, elle refuse d’être touchée par lui, pour des raisons que vous connaîtrez en lisant cette belle pièce) : 

"Jacques Hury : Le bonheur est fini pour moi.

Violaine : Il est fini, qu’est-ce que ça fait ? on ne t’a point promis le bonheur. Travaille, c’est tout ce qu’on te demande."


Il n’y a aucun droit au bonheur - et c'est une bonne nouvelle.  

dimanche 26 mai 2019

La Bible, c'est bon pour le moral.

"Tu t'effondres au jour de la détresse ? 
Ton énergie est donc bien mince !"

(Proverbes, 24, 10)

La portée de ce verset est évidemment plus générale, mais je poste ça une heure avant les résultats des élections européennes, ça peut toujours servir...

samedi 25 mai 2019

"La dignité est ce qui reste quand on a perdu toutes les raisons d’être traité avec dignité."

J’avais prévu aujourd’hui, avant de revenir à Abellio et au concept d’extrême-Occident, une citation biblique très courte, mais, pour des raisons bassement matérielles, cela se révèle un peu compliqué. En lieu et place, cette citation d’Alain Sériaux, provenant d’un article de Vivien Hoch : 

"Cette dignité intrinsèque apparaît surtout avec force face à une personne qui, par ailleurs, a tout fait pour perdre sa dignité. Malgré ses actions déplorables elle reste ce qu’elle est : une personne. L’agir suit l’être, l’existence prolonge l’essence, mais le contraire n’est pas vrai : de défaillances, même très graves, dans l’action ou l’existence d’une personne, il n’est pas licite d’en induire la disqualification de totale de son être ou de son essence."

Ce qui est l’exact opposé la conscience de gauche ou du politiquement correct : une fois que cette conscience primitive a décrété que vous étiez tabou, tout ce que vous ferez sera interprété soit comme une hypocrisie, soit comme une faiblesse. Il n'y a pas d'échappatoire. - A chacun de voir ce qui est le plus humain…

(Bon article par ailleurs de Guillaume de Thieulloy ici : https://www.lesalonbeige.fr/homophobie-ne-comprenez-vous-donc-pas-que-cest-le-vocabulaire-de-ladversaire/, à lire en son entier.)

vendredi 24 mai 2019

"Jamais occidental, mais justement universel..."

Je reprend les méditations d’Abellio sur le Portugal, quelques lignes plus loin : 

"Il faut bien sûr s’interroger sur la signification du nouveau combat qui, depuis 1974 et venant d’Europe, a pris en quelque sorte le Portugal à revers, sur sa face de terre, en essayant d’installer le moteur de la dialectique marxiste en ce lieu immobile qui fut toujours, par excellence, celui de la non-dialectique. C’est assurément un combat ultime, celui du perpétuel contre l’éternel, et c’est là que le livre de Dominique de Roux, transcendant le roman en même temps que l’histoire, prend sa dimension prophétique. Et peut-être sommes-nous alors invités à méditer sur la vocation dernière de ce pays de l’Extrême-Occident qui ne se voulut jamais occidental, mais justement universel, et que convoite aujourd’hui la Bête de la Terre. Ici s’ouvre la tentation de l’espace sans horizon. Point d’étapes marquées ou de retours prévisibles dans ce vertige qui a saisi le Portugal devant l’étendue illimitée de cette surface liquide où toute trace se perd et sur laquelle aucun mouvement ne s’inscrit. On est ici dans le tout ou rien. Au contraire de la Castille, et de tous les pays d’Europe, successivement, qui furent impérialistes, le Portugal se voulut universaliste, mais il n’a joué de cette vocation planétaire, multi-raciale, pluricontinentale, que sur le mode de la dispersion. Toujours il a voulu (et comment eût-il pu faire autrement ?) que tout se passât à la fois, et Dominique de Roux met alors en relief, en grand poète, cet éternel côté naufragé des Portugais qui ont choisi le large pour découvrir au bout, quelque part, une île Fortunée, leur nouveau centre du monde, et qu’on voit alors bâtir aux antipodes leur éternel fort de pierres armé d’un canon pointé à son tour vers le large, un large qui n’en finit pas. Quel peut donc être le sens de cet Extrême-Occident déjà sorti du temps et qui se perd aussi dans l’espace ? Sous d’autres longitudes, le symbolisme de la Californie, dont l’homologie géographique avec le Portugal est assez frappante, peut cependant nous éclairer. Et, en effet, de même que le Portugal, sur l’Atlantique, n’appartient pas à l’Europe, pas davantage la mince ligne californienne, sur le Pacifique, ne s’incorpore à l’aire américaine. Là aussi, l’homme de l’Extrême-Ouest se voit privé, devant l’Océan, de tout horizon matériel. Repoussé vers le vide comme le Portugais, mais ne pouvant plus naviguer, car là la boucle est bouclée, il rencontre l’Extrême-Orient et les mers ne sont plus libres, le Californien a pourtant trouvé lui aussi ses refuges mythiques dans l’irréalité d’un autre monde, et ce fut en jouant sa propre vision universelle dans la fiction du cinéma ou de la pseudo-spiritualité de ses sectes. Est-ce là une loi ? Ces terres de l’Extrême-Occident sont-elles des terres de fiction ? Et le Cinquième Empire est-il le « cinéma » du Portugal ?"


Avec l’entrée en scène de la Californie - dont je rappelle, pour aller dans le sens d’Abellio, que de vieilles cartes géographiques du XIXe la représentent séparée du reste des États-Unis… -, on approche de ce que je cherchais de mon côté, en rouvrant Guénon puis Abellio. Je vous mets ça tout à plat la prochaine fois - si ce n’est ce week-end, du moins très bientôt. Après quoi je ferai peut-être une petite pause de quelques jours, je ne sais pas encore. A demain en tout cas !




jeudi 23 mai 2019

"Sur le Tage, un jour de brouillard..."



Un peu dans la même lignée que la citation du Règne de la Quantité de Guénon vendredi dernier - je vous explique plus précisément ce qui me taraude d’ici peu -, quelques lignes extraites de la préface qu’Abellio écrivit pour le livre de Dominique de Roux sur la révolution des Oeillets, Le cinquième Empire (1977) : 

"Dominique de Roux nous présente ici une vision romancée de la récente révolution portugaise telle qu’il l’a vécue, dans l’étrange climat d’irréalité où elle baigna. Toute révolution est un théâtre d’ombres, et celle-ci plus que toute autre abonda en personnages fantastiques et passagers, à l’imagination ardente et folle, qui crurent transformer en destin leur illusion du moment. Cette irréalité pourtant ne fut pas de leur seul fait, elle naquit de leur rencontre avec le lieu paradoxal de leur action, un Portugal immuable, fondamental, définitif, que cette modernité révolutionnaire de simple importation ne concernait pas. C’est en visionnaire transcendant l’histoire que Dominique de Roux oppose à ces constructions nouvelles et instables ce mythe du « Cinquième Empire » qui naquit en même temps que le Portugal indépendant, lorsque son premier roi, don Alfonso Henrique, fut proclamé sur le champ de bataille d’Ourique après sa victoire sur les Maures, en 1139, et que le Christ lui promit à cette occasion que son pays recevrait le royaume de la mer afin de transmettre le message universel de son Dieu. Cinquième Empire, mythe de ce Portugal lui-même universel, missionné pour l’éternité et désormais comme fondu dans l’immense étendue océanique de son rêve, non point pays de conquérants ou de bâtisseurs, mais de découvreurs, de messagers, de navigateurs sans fin tenant leur raison d’être et leur force de cette absence de fin. (…)

Toute l’histoire du Portugal témoigne de cette projection dans un futur aussi indéfini que les grandes navigations où ce peuple se chercha, ouvert sur la mer, non sur la terre, et comme parti pour un grand retour au plus lointain et pourtant au plus intime de soi. A la fin du XVe siècle, ce sont les Portugais de Jean II qui s’en allèrent en Éthiopie à la recherche du fabuleux royaume du Prêtre Jean, ce gardien du Graal venu d’Asie, roi caché et empereur du dernier jour, dont toute la chrétienté rêvait.


 


Eux encore - et ce « sébastianisme » est presque une religion populaire - qui attendent le retour glorieux de don Sébastian, le roi disparu dans la bataille d’Alcazar-Quivir contre les Maures en 1578, et dont on sait qu’il doit réapparaître sur le Tage un jour de brouillard. Personne n’a assisté à sa mort. On sait seulement qu’il a dit : « Mourir, oui, mais lentement. » Quant au Père Antonio Vieira, noble figure de missionnaire, un des plus grands écrivains portugais, il se mit, après la mort de Jean IV, en plein XVIIe siècle, à annoncer la résurrection de ce roi qui devait selon lui revenir pour fonder une monarchie chrétienne universelle sous l’égide du Portugal."


La suite de ce beau texte demain…



mercredi 22 mai 2019

Le ver dans le spermatozoïde.

Il va falloir que je relise le livre de F. Ricard, La génération lyrique (1992, ça commence à faire). Je me disais ce matin que si les Français faisaient autant la fête alors que la France s’effondre, c’était finalement normal (mais pas rassurant) : ils font la fête parce que le monde s’effondre et que c’est la dernière chose que l’on puisse encore faire en attendant, comme ce fut le cas pour les Romains. Et voilà que je constate, en ouvrant un vieux dossier de notes sur ce livre que Muray avait découvert et conseillé, que le diagnostic de l’auteur sur les parents de la génération du baby-boom n’est pas très éloigné : 

"C'est pourquoi, contrairement à l'habitude voulant que l'on ait des enfants pour transmettre ce qu'on a reçu ou pour que dure le monde où l'on est, ces parents-là ont eu les leurs précisément parce qu'ils savaient ou sentaient que ce monde n'allait pas durer, mieux encore : afin que ce monde ne dure pas. Pour eux, l'époque qui commençait ne devait rien avoir de commun avec la crise et la guerre ni avec le passé plus ancien. Et je veux croire que c'est le besoin de faire advenir ce monde nouveau, c'est-à-dire la volonté d'un changement et non celle de perpétuer quoi que ce soit, qui les a poussés à faire naître des enfants en si grand nombre et sans tarder."

Je rappelle par ailleurs que j’ai souvent noté ici que les années 50 ont mené - logiquement, pas seulement chronologiquement - aux années 60…

mardi 21 mai 2019

"Le combat pour la vie, le respect de la mort, la protection de chacun..."

Je viens de relire la déclaration de M. Macron concernant Vincent Lambert, un extrait sera notre citation du jour : 

"Derrière les déchirements, j’entends une angoisse : celle qu’en France, on puisse décider de manière arbitraire de la mort d’un citoyen. C’est précisément parce que ce n’est pas le cas, parce qu’il n’y a pas, dans notre pays, de place pour l’arbitraire, que je n’ai pas à m’immiscer dans la décision de soin et de droit qui a été prise dans le cas de Vincent Lambert. Juste à réaffirmer les principes fondamentaux qui tiennent notre Nation et prévalent sur toute autre considération : le combat pour la vie, le respect de la mort, la protection de chacun."

C’est du Jarry, du Ionesco, du Tardieu, je ne sais plus. Invoquer le combat pour la vie   - qui prévaut sur toute autre considération… - pour justifier une mise à mort, il fallait oser. Quant au refus en soi louable de l’arbitraire - il n’y a pas dans notre pays de place pour l’arbitraire : les gilets jaunes envoyés en prison plus rapidement que les racailles de banlieue apprécieront… -, on pourrait comprendre l’argument s’il n’était pas typique de la République manoeuvrière, justement, d’être de plus en plus sophistiquée dans l’arbitraire, de toujours trouver une justification juridique à ce qui l’arrange, a posteriori et au mépris du principe de non-rétroactivité des lois si besoin est. Il faut traduire ainsi les propos de M. Macron : "C’est précisément parce qu’il y a dans notre pays beaucoup de place pour l’arbitraire que dans ce dossier je décide arbitrairement (pas tout à fait, j’y reviens après) de ne pas faire ce que je ferais dans d’autres cas, je décide de rester à ma place et de laisser les autorités compétentes tuer Vincent Lambert."


Il est tout à fait compréhensible et humain que des gens qui aiment Vincent Lambert ou des personnes dans une situation comparable pensent qu’une telle souffrance, pendant des années, n’en vaut pas la peine - même s’il faut tout de même rappeler à tous ceux qui ont un avis sur le sujet, et si j’en crois ce que j’ai lu aujourd’hui, cela fait du monde, que seul Vincent Lambert sait ce que Vincent Lambert éprouve, seul le Vincent Lambert d’aujourd’hui sait ce que le Vincent Lambert d’aujourd’hui pense de cette question. Ce qui est moins compréhensible et beaucoup moins humain, c’est l’insistance de certains à vouloir faire mourir Vincent Lambert. Je ne prétends pas que cela résolve toute la question, je sais bien que l’on pourra toujours me reprocher de généraliser à partir d’un seul exemple, mais le fait qu’un compte Twitter aussi emblématique de la propagande LGBT que @Parispasrose se mêle avec constance d’une question dont on pourrait penser qu’elle n’a pas grand rapport avec l’homophobie (et les LGBT ont aussi le plus souvent un avis tranché comme une guillotine sur l’avortement, alors que s’il y a une question qui ne concerne pas les homosexuels, c’est bien celle-là) suggère assez nettement qu’il s’agit ici d’un affrontement entre deux visions de la vie (c'est de ce point de vue qu'il n'est pas arbitraire que M. Macron ait pris la décision de ne pas prendre de décision qui l'engage personnellement). Aux catholiques il n’est certes pas besoin de l’expliquer ; d’autres peuvent voir et comprendre, dans des crises comme celle d’hier, qu’il est tout de même quelque peu cocasse, si le mot convient à la situation, que des gens qui veulent toujours protéger les minorités, les animaux, la planète, etc., s’acharnent autant à demander la mort de quelqu’un. Ils peuvent voir, ils peuvent y réfléchir, ils peuvent peut-être du coup prendre du recul par rapport à certaines propagandes soi-disant généreuses. 

Je ne demande que ça. Mais il faut bien regarder la question en face : si la défense de la vie de Vincent Lambert veut dire quelque chose, cette défense implique d’assumer qu’il doive rester en vie même s’il souffre atrocement jusqu’à sa mort. Je ne prétends aucunement que les catholiques partisans de la vie veuillent qu’il souffre, puisqu’ils sont les premiers à demander pour Vincent Lambert des soins palliatifs, mais on ne peut tourner ici autour du pot. Dans le cas de l’avortement, peut se produire le cas de la mise en danger de la vie de la mère par l’enfant, il peut y avoir différentes manières d'appliquer le même principe ; dans le cas de l’euthanasie, une seule personne est en jeu, il ne peut pas y avoir d’exception au principe, si l’on accepte qu’un trop-plein de souffrance puisse justifier la mise à mort, on ouvre tout grand la porte. Et quand on sait que des personnes atteintes d’une longue maladie, laquelle a parfois pour seul nom la vieillesse, rêvent d’en finir, ou sont soulagées quand la fin arrive, il est bien évident qu’il est dur de décréter que ceux qui sont dans un état analogue à celui de Vincent Lambert doivent coûte que coûte rester en vie. Au moins voit-on, je l’espère, la différence avec l’arbitraire !

lundi 20 mai 2019

"Le monde n'a pas besoin de l'Église pour prêcher la paix ou les droits de l'homme..."

Henry Montaigu, épisode 2 : 

" - La Tradition peut-elle être appelée à évoluer dans certaines circonstances ?

La Vérité peut-elle évoluer ? 
L’Église, c’est la pérennité, la pierre de certitude posée au milieu d’un monde mouvant, pour lui rappeler perpétuellement que le Royaume de Dieu n’est ni de ce monde ni dans ce monde, que ce monde périra comme tous ceux qui l’ont précédé et que Dieu seul Est. Elle porte le dépôt de l’intelligence divine au milieu de la tribulation. Elle est l’Arche dans la tempête - et le secours des naufragés. 
Si son dépôt est le doute, si elle se fait elle-même tribulation, quel secours peut-elle offrir, quelle pérennité, quelle certitude ? 

Par ailleurs, le monde n’a nul besoin de l’Église pour faire du social, il n’a pas besoin de l’Église pour prêcher la paix ou les droits de l’homme - car il n’a inventé tout ça que contre l’Église, pour accuser l’Église - et finalement pour la renverser."

dimanche 19 mai 2019

Ombre de Guénon...

Une claire mise au point de Henry Montaigu, que je qualifierai pour aller vite et parce que je n’en sais pas beaucoup plus, de chrétien guénonien, ce que l’on ne confondra pas avec un « catho tradi ». 

A propos de la messe de Paul VI remplaçant celle de Saint Pie V : 

"L’Ordo de Paul Vi part d’une erreur fondamentale. La Messe n’est pas un spectacle qui s’adresse aux sens, elle n’est pas un discours dont on devrait faire qu’il soit le plus lisible possible. La Messe est un mystère. La participation à ce mystère est d’ordre purement spirituel et supramental. La Messe est le fondement et le centre du christianisme. La théâtralisation de la Messe est un sacrilège. La perte, irréparable, de la langue liturgique est une tragédie. Le terme de « nouvelle messe » est en soi une aberration. S’il y a deux messes possibles c’est qu’il n’y a plus de Messe du tout. La Foi est basée sur l’adhésion et non sur le choix au nom de convenances personnelles, d’ailleurs parfaitement artificielles. Enfin, nous sommes passés du théâtre (le plus médiocre) au restaurant. La messe est donc à la carte et le pasteur compose son menu selon le public. L’Église se conduit comme une gargotière qui pense pouvoir contenter tout le monde. Elle ne rencontrera ni tout le monde ni son Père."


Une autre du même genre demain, ceci étant issu du livre d’entretiens avec Éric Vatré, La droite du père, dont j’ai déjà extrait quelques citations. 

samedi 18 mai 2019

La monnaie de la pièce (dans le cul).

Très intéressant article de Slobodan Despot dans le dernier Éléments, au sujet de la Chine et du contrôle de la population par la technologie numérique. Certes je ne connaissais rien au sujet avant de lire ces pages et suis donc bon public, mais j’ai une nouvelle fois pu apprécier le mélange de clarté, de fermeté et de mesure de l’auteur. - Je note au passage que certaines des remarques que lui adressent des Chinois sur le temps que nous perdons, nous Occidentaux, à parler politique, à nous intéresser à des sujets sur lesquels en réalité nous ne connaissons pas grand chose et sur lesquels nous avons fort peu d’influence, ne sont pas sans rappeler des réflexions de Chesterton ou le Bonnard de l’Éloge de l’ignorance

L’extrait que j’ai choisi comme citation du jour porte sur un autre thème. La scène se passe à Shenzen, près de Hong Kong, ville où les Chinois permettent aux Occidentaux de venir mettre au point de nouvelles technologies, en fournissant nombre d’avantages, de facilités, toute une logistique… pour récupérer illico le savoir dès que celui-ci est prêt à être exploité :

"La vraie fierté des Chinois, ici - qu’ils n’exprimeront jamais -, c’est d’avoir magistralement « rendu la monnaie de sa pièce » à l’Occident en le poussant à faire cadeau de ses précieuses technologies, pour ainsi dire à financer le retournement de ses propres armes contre lui-même. Avoir obligé les Chinois à se droguer et confisqué Hong Kong aura peut-être été la prévarication de trop des Occidentaux. La monnaie leur revient à un siècle de distance. 

Il y a ici un triste parallèle à faire avec la façon nous finançons avec nos allocations familiales la colonisation à rebours de nos pays par les musulmans, en espérant qu’ils nous « pardonnent » nos initiatives coloniales, ou qu’ils deviennent moins musulmans au fil du temps, la bonne blague. En ce qui concerne la Chine et son marché potentiel, Sahlins explique quelque part très bien que cela fait plus de deux siècles que les Occidentaux se bercent d’illusions à cet égard et se font rouler par les promesses des dignitaires chinois, jadis impériaux, aujourd’hui communistes. Prendre ses désirs pour des réalités n’est pas une grande preuve d’intelligence. - Mais je me tais.

Nous croyions que l’imitation, dont les Chinois sont des virtuoses, était sa propre fin. Elle n’était qu’une étape. Aujourd’hui, le monde a les yeux rivés sur l’innovation économique chinoise sans toujours comprendre la force politique qui la sous-tend. 

A Shenzen, le stade de l’imitation a débuté très tôt, avec la décision de faire barrage à la contagion capitaliste venue de Hong Kong en instaurant à ses portes un capitalisme encore plus efficace, plus décomplexé, plus enivrant - mais sous contrôle du Parti. Dans leur infinie sagesse, les maîtres de Pékin savaient ce que l’Occident dans son ensemble ne voulait pas entendre : que l’ultralibéralisme est parfaitement soluble dans l’État total. On ne peut que rêver du cours qu’aurait pris l’histoire si, à Berlin-Est, les Soviétiques avaient eu la même ruse."

Eh oui, si Staline avait lu Bernanos, qui dans les années 30 insistait sur les rapports entre capitalisme et communisme, il aurait pu avoir cette idée dont les perspectives sont il est vrai assez vertigineuses… Mais Staline prenait de haut les catholiques ("Le Vatican, combien de divisions ?") et n’eut pas cette force d’innovation que les Chinois, plus dans une logique de flux et d’acceptation du cours des choses, si l’on suit S. Despot, sont en train de développer avec tant d’ardeur. Deux remarques pour finir : 

 - puisque nous sommes dans ces thèmes de capitalisme, communisme, libéralisme, étatisme, je profite de l’occasion pour signaler qu’Alain de Benoist, dans son dernier ouvrage, si je suis la recension qui en a été faite dans le précédent numéro d’Éléments, utilise lui aussi l’idée que j’ai déjà exprimée ici, et dont nous trouvons une illustration pour le moins frappante dans l’article de S. Despot, que le libéralisme et l’étatisme ne sont pas des puissances contradictoires, en tout cas pas à tous les niveaux, elles peuvent très bien cohabiter (éventuellement cohabiter mal, d’ailleurs, comme en France, où tout se passe comme si nous cumulions les défauts des deux systèmes et pas leurs éventuels avantages, ceci sur fond de contraste hypocrite entre les discours et les actes de nombreux « responsables ») ; 


 - un des interlocuteurs de Slobodan Despot émet l’hypothèse que le transhumanisme pourrait rendre des services, par exemple s’il permettait à certains de vivre assez longtemps pour explorer l’espace et nous donner à terme la possibilité d’organiser des voyages et des colonisations de peuplement (décidément !) qui désengorgeraient notre planète. En faisant abstraction du fait que l’on retrouve ici - mais semble-t-il sans les messianismes et millénarismes habituels et pesants - une alliance de transhumanisme et d’écologie dont on sait qu’elle est à tout le moins suspecte, j’avoue que l’idée, d’une part m’a parue au moins amusante, d’autre part m’a fait repenser aux premiers personnages de la Bible, dont il est régulièrement précisé qu’ils mouraient extrêmement vieux. Comme on dit sur Twitter, "je pose ça là", au cas où ce rapprochement donnerait des idées à quelqu’un. Bonne soirée ! 

vendredi 17 mai 2019

(Du mal à trouver un titre. Tant pis.)

Feuilletant Le Règne de la Quantité, que j’ai lu il y a quelques années, je constate que mes sentiments à l’égard de Guénon ne semblent guère avoir de raisons d’évoluer. Il peut toujours m’intéresser et m’irriter au sein de la même page et parfois de la même phrase, je crois toujours aussi peu à sa fameuse et fumeuse Tradition primordiale ; et, bien que ce ne soit pas le sujet des passages que je viens de relire, je crains que ce si grand savant n’ait pas compris grand chose aux traditions occidentales. Ceci étant, il serait difficile de nier l’importance de certaines des analyses que l’on trouve dans ce livre, paru en 1945, analyses que l’évolution du monde a souvent confirmées. 

On pourrait néanmoins se demander si, avec le transhumanisme, ne se produit pas (au présent de l’indicatif, au futur de l’indicatif, au conditionnel ?) une sortie du règne de la quantité et l’apparition d’un nouveau régime de la quantité - qu’en ses délires kabbalistiques on peut juger sataniste, mais certes pas purement de l’ordre du quantitatif. - J’émets cette hypothèse et en arrive à la citation du jour, dont vous constaterez, si vous la lisez en entier, qu’elle n’est d’ailleurs pas tout à fait sans rapport avec ces remarques. Je nettoie, si vous me passez l’expression, le texte de Guénon de quelques considérations sur l’initiation et la Tradition qui ne me semblent pas centrales (mais que lui aurait bien sûr estimé primordiales), allons-y : 

"La vérité est que cet esprit moderne, chez tous ceux qui en sont affectés à un degré quelconque, implique une véritable haine du secret et de tout ce qui y ressemble de près ou de loin, dans quelque domaine que ce soit. (…) Au fond, le véritable secret, et d’ailleurs le seul qui ne puisse jamais être trahi d’aucune façon, réside uniquement dans l’inexprimable, qui est par là même incommunicable, et il y a nécessairement une part d’inexprimable dans toute vérité d’ordre transcendant. (…) Mais, bien entendu, ce sont là des choses dont le sens et la portée échappent entièrement à la mentalité moderne et à l’égard desquelles l’incompréhension engendre tout naturellement l’hostilité ; du reste, le vulgaire éprouve toujours une peur instinctive de tout ce qu’il ne comprend pas, et la peur n’engendre que trop facilement la haine, même quand on s’efforce en même temps d’y échapper par la négation pure et simple de la vérité incomprise ; il y a d’ailleurs des négations qui ressemblent elles-mêmes à de véritables cris de rage, comme par exemple celle des soi-disant « libres penseurs » à l’égard de tout ce qui se rapporte à la religion. 

La mentalité moderne est donc ainsi faite qu’elle ne peut souffrir aucun secret ni même aucune réserve ; de telles choses, puisqu’elle en ignore les raisons, ne lui apparaissent d’ailleurs que comme des « privilèges » établis au profit de quelques-uns, et elle ne peut souffrir non plus aucune supériorité ; si on voulait entreprendre de lui expliquer que ces soi-disant « privilèges » ont en réalité leur fondement dans la nature même des êtres, ce serait peine perdue, car c’est précisément là ce que nie obstinément son « égalitarisme ». Non seulement elle se vante, bien à tort d’ailleurs, de supprimer tout « mystère » par sa science et sa philosophie exclusivement « rationnelles » et mises « à la portée de tout le monde » ; mais encore cette horreur du « mystère » va si loin, dans tous les domaines, qu’elle s’étend même jusqu’à ce qu’on est convenu d’appeler la « vie ordinaire ». Pourtant, un monde où tout serait devenu « public » aurait un caractère proprement monstrueux ; nous disons « serait », car, en fait, nous n’en sommes pas encore tout à fait là malgré tout, et peut-être même cela ne sera-t-il jamais complètement réalisable, car il s’agit encore ici d’une « limite » ; mais il est incontestable que, de tous les côtés, on vise actuellement à obtenir un tel résultat, et, à cet égard, on peut remarquer que nombre d’adversaires apparents de la « démocratie » ne font en somme qu’en pousser encore plus loin les conséquences s’il est possible, parce qu’ils sont, au fond, tout aussi pénétrés de l’esprit modernes, que ceux-là mêmes à qui ils veulent s’opposer. [Probable allusion aux différents totalitarismes. Guénon évoque ensuite l’architecture moderne, je coupe un peu.] Les hommes qui sont capables de se soumettre à une telle existence sont vraiment tombés à un niveau « infra-humain », au niveau, si l’on veut, d’insectes tels que les abeilles et les fourmis ; et on s’efforce du reste, par tous les moyens, de les « dresser » à n’être pas plus différents entre eux que ne le sont les individus de ces espèces animales, si ce n’est même moins encore. 

Comme nous n’avons nullement l’intention d’entrer dans le détail de certaines « anticipations » qui ne seraient peut-être que trop faciles et même trop vite dépassées par les événements, nous ne nous étendrons pas davantage sur ce sujet, et il nous suffit, en somme, d’avoir marqué, avec l’état auquel les choses en sont arrivées présentement, la tendance qu’elles ne peuvent pas manquer de continuer à suivre, au moins pendant un certain temps encore. La haine du secret, au fond, n’est pas autre chose qu’une des formes de la haine pour tout ce qui dépasse le niveau « moyen », et aussi pour tout ce qui s’écarte de l’uniformité qu’on veut imposer à tous ; et pourtant il y a, dans le monde moderne lui-même, un secret qui est mieux gardé que tout autre : c’est celui de la formidable entreprise de suggestion qui l’a produit et qui entretient la mentalité actuelle, et qui l’a constituée et, pourrait-on dire, « fabriquée » de telle façon qu’elle ne peut qu’en nier l’existence et même la possibilité, ce qui, assurément, est bien le meilleur moyen, et un moyen d’une habileté vraiment « diabolique », pour que ce secret ne puisse jamais être découvert." 

Les guénoniens sont souvent complotistes, et l’on peut faire de ces dernières remarques, à la vérité je pense discutables (que veulent vraiment dire ici « constituée » et « fabriquée » ?), des interprétations plus ou moins, justement, complotistes. J’irai au plus simple, me contentant de les rapprocher de la fameuse phrase de Baudelaire que je vous cite de temps à autre, une phrase qu’il est précisément utile, voire indispensable, de rappeler périodiquement : "La plus belle des ruses du Diable est de vous persuader qu'il n'existe pas.". Guénon retrouve ici à bon escient cette vérité - vérité au moins d’un point de vue psychologique et intellectuel : c’est souvent lorsque l’on ne voit pas "où est le problème", ou "quel est le problème", que cela pose problème et/ou prouve qu'il y a un vrai problème… 

Une remarque pour finir : peut-être aurez-vous été sensible à la tonalité "murayenne" de la première partie de ce texte, que ce soit le thème (la haine du secret) ou certaines formulations ("bien entendu, ce sont là des choses dont le sens et la portée échappent entièrement à la mentalité moderne…" : combien de fois Muray a-t-il écrit des phrases semblables ?). J’ignore si l’auteur du 19e siècle à travers les âges avait lu Guénon, et Muray me semble-t-il était du genre à ne pas étaler toutes ses influences, a fortiori si elles n’étaient pas politiquement correctes (il m’a fallu lire Maurras pour comprendre tout ce que Muray lui avait piqué, par exemple) ; il avait en tout cas lu Maistre, qui fut une influence très importante, bien qu’il ne l’ait pas crié sur les toits, pour Guénon ; Maistre dont Baudelaire, tiens donc, disait qu’il lui avait appris à raisonner… Voilà une petite galaxie intellectuelle réactionnaire amusante, non exempte d’ailleurs de franc-maçonnerie - Maistre a été maçon ; Guénon voyait dans la maçonnerie l’ésotérisme proprement occidental et avait un goût, que l’on retrouvera chez son héritier félon Abellio, pour les sociétés secrètes. - Si l’on veut continuer d’ailleurs ce petit jeu de rapprochements, on notera qu’Abellio a beaucoup écrit sur le rôle eschatologique de la Russie, qui fut la patrie d’exil de Maistre après une Révolution française que celui-ci jugeait diabolique. - Mais arrêtons-nous là : d’une part il ne faudrait pas diluer l’importance éventuelle de ces remarques et rapprochements dans des associations sans fin ; d’autre part continuer sur la Russie pourrait nous amener à d’autres sortes de considérations, pour utiliser un terme maistrien, qui mériteraient, au moins, une note à part. - A demain !

jeudi 16 mai 2019

"Cette demeure de Dieu dont chaque homme qui fait ce qu’il peut Avec son corps est comme un fondement secret..."

Dans L’annonce faite à Marie, le personnage de l’apprenti, d’abord présenté comme un horrible pédant assumant le versant comique de la pièce, nous offre, à propos de son maître Pierre de Craon, bâtisseur de cathédrale du côté de Reims…, deux belles tirades : 

"Le maître cherche ses vitraux et c’est pourquoi il nous envoie ici prendre du sable ; 
Quoique ce ne soit pas son métier, 
Tout l’hiver il a travaillé au milieu de ses fourneaux. 
Faire de la lumière, pauvres gens, c’est plus difficile que de faire de l’or, 
Souffler sur cette lourde matière et la rendre transparente, « selon que nos corps de boue seront transmués en corps de gloire », 
Dit saint Paul.
Et de toutes couleurs il dit qu’il veut trouver
La couleur-mère, telle que Dieu même l’a faite. 
C’est pourquoi dans de grands vases purs emplis d’une eau éclatante
Il verse l’hyacinthe, l’outremer, l’or gras, le vermillon, 
Et regarde ces belles roses intérieures, ce que ça fait dans le soleil et la grâce de Dieu, et comment cela tourne et s’épanouit dans le matras. 
Et il dit qu’il n’y pas une couleur qu’il ne puisse faire tout seul avec son esprit. 
Comme son corps fait du rouge et du bleu.
Car il veut que la Justice de Rheims brille comme l’Aurore au jour de ces noces."

"Je me rappelle comment il a puni l’un de nous qui restait tout le temps dans son coin à dessiner : 
Il l’a envoyé toute la journée sur les échafauds avec les maçons pour les servir et leur passer leurs auges et leurs pierres, 
Disant qu’au bout de la journée il saurait deux choses ainsi mieux que par règle et par dessin : le poids qu’un homme peut porter et la hauteur de son corps. 
Et de même que la grâce de Dieu multiplie chacune de nos bonnes actions, 
C’est ainsi qu’il nous a enseigné ce qu’il appelle « le Sicle du Temple », et cette demeure de Dieu dont chaque homme qui fait ce qu’il peut 
Avec son corps est comme un fondement secret ; 
Ce que sont le pouce et la main et la coudée et notre envergure et le bras étendu et le cercle que l’on fait avec, 
Et le pied et le pas ;
Et comment rien de tout cela n’est le même jamais. 
Croyez-vous que le corps fût indifférent au père Noé quand il fit l’arche ? Est-ce qu’il est indifférent, 
Le nombre de pas qu’il y a de la porte à l’autel, et la hauteur à laquelle il est permis à l’oeil de s’élever, et le nombre d’âmes que les deux côtés de l’Église contiennent réservées ? 
Car l’artiste païen faisait tout du dehors, et nous faisons tout de par-dedans comme les abeilles, 
Et comme l’âme fait pour le corps : rien n’est inerte, tout vit. 
Tout est action de grâces."


Je me disais en recopiant ce dernier texte qu’il ne serait peut-être pas inutile de le faire connaître à ceux qui veulent nous rendre Notre-Dame « plus belle » qu’auparavant, mais pourraient-ils même le comprendre ? Le rapport chrétien au corps, eux qui sans vraiment sans rendre compte détestent le corps, comment pourraient-ils l’appréhender ? 

(Peut-être qu’il faudra reconstruire une autre Notre-Dame nous-mêmes.)

mercredi 15 mai 2019

"...lis esperanço / E li raive dou jóuvent."

Maurras, encore, à propos de Mistral : 

"En sauvant une langue, le poète a sauvé aussi une race. Ce poète, égal aux plus grands, aura été, comme eux, l’auteur non seulement de ses oeuvres, mais de nos âmes."

La suite en image, on m’a prêté une édition dont la typographie vaut le déplacement :




mardi 14 mai 2019

Défense du petit peuple : c'est toujours sur lui que retombent les erreurs des "élites".

Maurras et la démocratie telle qu’elle va, la dilution des responsabilités, ce n’est plus responsable mais pas coupable, c’est ni responsable ni coupable et allez-vous faire foutre 


"La plus immorale, la plus inique des choses : il n'y aura personne pour répondre de rien, et c'est alors que se vérifiera parfaitement la sentence de la sagesse antique : tout ce que les chefs feront d'absurde et de fou, ce sont les sujets qui le payeront. Ainsi moins la puissance aura été unifiée, plus les tristes et dures sanctions devront pleuvoir sur le pauvre monde."

Et quand on met un Gilet jaune et qu'on râle, on se prend des coups dans la gueule. - A l'époque d'Étienne Marcel, les Français étaient moins dociles. Qui accepte BHL pendant des décennies accepte sa décadence.