jeudi 28 février 2019

On nous écrit...

Un ami, ayant lu la livraison récente (22 février) dans laquelle je citais Brasillach, m'envoie cet hommage à Chénier, qui fut le dernier modèle à qui put s'identifier l'auteur des Poèmes de Fresnes, hommage à Chénier dont je ne connais pas l'auteur. Vu le temps dont je dispose ce soir et la longueur du texte, je me permets exceptionnellement de me contenter d'insérer ici ce cliché. Tout rapprochement avec des virtualités inclues dans la situation actuelle, etc. 


mercredi 27 février 2019

La preuve et l'évidence.

Madiran encore, qu’il faut croire sur parole (ou pas) aujourd’hui, vous comprendrez ce que je veux dire à la lecture : 

"Depuis 1958 [au moins] (…) le Saint-Siège subit d’énormes pressions intérieures et extérieures, dont l’installation est assez incrustée pour pouvoir exercer le chantage de grabuges majeurs, et obtenir ainsi que l’on y « cède souvent ». On aperçoit l’existence d’un lobby fort puissant dans l’Église et dans le monde, diffusant partout les mêmes revendications, tantôt l’une tantôt l’autre ou les quatre ensemble : fin du célibat des prêtres, ordination des femmes, mariage homosexuel, élection populaire des évêques. Cette menace permanente d’une révolte ouverte pourrait bien être l’explication principale d’hésitations, d’incohérences, de ratages et même de sabotages non surmontés dans le gouvernement de l’Église. Quand on a le lourd privilège d’avoir attentivement vécu l’histoire des quatre-vingt dernières années, on n’en a pas la preuve, on en a l’évidence. Le roc inentamable de l’Église demeure toutefois dans la parole de Dieu et la pratique des sacrements, sous la lumière du Magistère quand il n’omet pas d’être clairement ce qu’il est."


(2011…)

mardi 26 février 2019

"Telle devient la France légale."

Cher Jean Madiran ! Je rouvre les Chroniques sous Benoît XVI, et tombe sur ce passage (janvier 2013) : 

"Récapitulons. Comme s’ils étaient verbalement enchaînés par une malédiction bien méritée, les promoteurs de la loi pour marier entre eux les homosexuels s’obstinent à lui donner l’appellation dont l’absurdité et la tromperie sont les plus évidentes : ils n’en démordent pas de prôner  « le mariage pour tous » alors que manifestement : 

  1. il ne sera pas pour tous (pas de mariage entre frères et soeurs, entre parents et enfants), 
  2. le mariage, union d’un homme et d’une femme, n’est nullement interdit aux homosexuels, beaucoup d’entre eux sont mariés, 
  3. mais la loi prévue transformera le mariage en un autre contrat, tout en gardant trompeusement le nom, et c’est un autre contrat, dénaturalisé, qui sera « ouvert » par la loi aux homosexuels.

Seul résultat, le mariage sera politiquement détruit, dans la société civile il n’en subsistera que le nom. Telle est la « supercherie » dont l’intentionnalité est d’effacer l’image de Dieu dans la nature humaine, car Dieu la créa homme et femme. 

Un soi-disant « ensemble d’associations de chrétiens progressistes » militant pour l’absurde et menteur « mariage pour tous » (qui ne sera ni pour tous, ni un mariage, mais elles s’en moquent) pétitionne au sein de l’Église notamment, en ces termes : 

« Les évêques n’ont aucun droit à parler au nom des catholiques, qu’ils n’ont jamais consultés. »

Attention : voilà le problème, exactement posé, mais à l’envers. 

Les évêques ont principalement le devoir (et donc le droit) de parler au nom de Dieu. Ils ne parlent pas « au nom des catholiques », si ce n’est exceptionnellement, subsdidiairement, et sans les avoir consultés. Car les évêques ne sont pas les représentants des catholiques et de leurs opinions changeantes. L’Église n’est pas une démocratie, elle n’est pas fondée sur la supposée « volonté générale ». Elle est fondée par Dieu, elle est fondée sur la parole de Dieu qui ne change pas. Elle est Jésus présent et communiqué. La démocratisation ne sera jamais autre chose qu’une maladie plus ou moins chronique depuis la Révolution française et sa Déclaration des droits de l’homme sans Dieu. 

Cette maladie idéologique est à l’origine de cinquante années de divergences et d’oppositions entre l’épiscopat français et le Saint-Siège sur le catéchisme, sur la liturgie, sur la morale conjugale. L’Église qui est en France s’en est trouvée paralysée, ou endormie, quand est arrivé le droit à l’avortement libre et remboursé par l’État républicain. Mais maintenant on se trouve le dos au mur. La Bible va tomber, pour « homophobie », sous le coup de la loi, à moins de censurer Sodome et Gomorrhe. Aucun catéchisme ne peut plus déjà, sans risquer amendes et prison, dire comme le Catéchisme de Saint Pie X : 

« Il y a quatre péchés dont on dit qu’ils crient vengeance devant la face de Dieu : 1) l’homicide volontaire ; 2) le péché impur contre l’ordre de la nature ; 3) l’oppression des pauvres ; 4) le refus du salaire aux ouvriers. »

La morale catholique concernant le « péché impur contre l’ordre de la nature » est menacée d’être condamnée pour « homophobie » par la loi républicaine et la jurisprudence socialiste, comme elle l’est déjà par l’information dominante, par la culture officielle et par l’éducation dite nationale. Telle devient la France légale.


Quelle honte."

lundi 25 février 2019

Jünger, lapidaire.

"La vraie force est celle qui protège."

A bon entendeur !

dimanche 24 février 2019

"A dangerously large sacrificial debt." J.B., 4e lampée.

Jordan Peterson, 12 rules for life, quelque part entre Wittgenstein, la description teintée d’esprit prophétique de notre pays malade, et le diagnostic sur la psychologie folle de celui qui en est le Président en titre : 

"Every game has rules. Some of the most important are implicit. You accept them merely by deciding to play the game. The first of this rules is that the game is important. If it wasn’t important, you wouldn’t be playing it. Playing a game defines it as important. The second is that moves undertaken during the game are valid if they help you win. If you make a move and it isn’t helping you win, then, by definition, it’s a bad move. You need to try something different. You remember the old joke : insanity is doing the same thing over and over while expecting different results. 

If you’re lucky, and you fail, and you try something new, you move ahead. If that doesn’t work, you try something different again. A minor modification will suffice in fortunate circumstances. It is therefore prudent to begin with small changes, and see if they help. Sometimes, however, the entire hierarchy of values is faulty, and the whole edifice has to be abandoned. The whole game must be changed. That’s a revolution, with all the chaos and terror of a revolution. It’s not something to be engaged in lightly, but it’s sometimes necessary. Error necessitates sacrifice to correct it, and serious error necessitates serious sacrifice. To accept the truth means to sacrifice - and if you have rejected the truth for a long time, then you’ve run a dangerously large sacrificial debt."

Tu parles, Charles ! Comme je n’aurai peut-être pas le temps dans un avenir proche de revenir sur ce sujet et que j’ai peur d’oublier ensuite - ça s’est vu -, quelques remarques supplémentaires sur ce chapitre ("Tell the truth. Or at least, don’t lie.") du livre de J. B. P. :

 - on y trouve une analyse de la folie rationnelle, qui n’est pas sans évoquer la célèbre formule de Chesterton, que je ne prétends d’ailleurs pas comprendre complètement : "Le fou est celui qui a tout perdu sauf la raison." ; 

 - comme dans le passage que je viens de retranscrire, sa façon de montrer à quel point le mensonge est une gangrène qui s’installe progressivement et s’auto-nourrit, est aussi valable pour des individus que pour des collectivités - et au premier chef la France, le pays qui se ment à lui-même, de plus en plus et en s’en rendant (à certains niveaux de pouvoir) de moins en moins compte, tant il vit dans le fantasme, l’abstraction, les grands mots, la méthode Coué, etc. - autres noms du mensonge ; 

 - enfin, j’ai été frappé de son insistance, qui m’a tout de suite évoqué, rien moins, les noms de Charles Péguy et Simone Weil, sur l’attention, aux choses comme aux êtres. S. Weil fait d’ailleurs de la prière une forme particulièrement aiguë de l’attention - et je crois que Jean Madiran évoque aussi cela. Je fais passer le message…



On peut par ailleurs lire ceci, édifiant : https://www.contrepoints.org/2018/12/17/332670-jordan-peterson-interviewe-par-martin-weill-le-journalisme-au-plus-bas. On y verra que le mensonge a encore, ou pense encore avoir, de beaux jours devant lui…

samedi 23 février 2019

Protéger le pauvre de la misère...

Quelque temps après avoir évoqué - avant-hier - la différence entre pauvreté et misère, je tombe, dans le psaume 107 (106), sur cette remarque à propos du Seigneur : 

"Il protège le pauvre de la misère, 
et rend les familles aussi nombreuses que les troupeaux." (v. 41)

Comme quoi la problématique n’est pas nouvelle… Deux petites citations supplémentaires du psalmiste pour la route - au sujet cette fois de la distinction entre royauté et dictature, suivez mon regard. 

"La force d’un roi, c’est d’aimer le droit." (99 (98), v. 4)

"Le regard hautain, le coeur ambitieux, 
je ne puis les tolérer." (101 (100), v. 5)



Pour combien de temps, Seigneur, pour combien de temps ?

vendredi 22 février 2019

Sous Hidalgo, plus de "murmure amical de la ville".

"Nous n’étions pas, Seigneur, tellement difficiles, 
Nous n’avions pas besoin de gloire ni d’argent, 
Seulement du murmure amical de la ville, 
Nous n’étions pas, Seigneur, tellement exigeants. 

Et maintenant qu’au bruit que fait le vent d’automne, 
Tout s’est évanoui de ce que nous aimions, 
Exilés sur le bord des eaux de Babylone, 
Vaut-il pas mieux se taire, ô captifs de Sion !"

Après le Comte de Paris proche de Marx, voici Robert Brasillach philosémite ! J’ai plus de goût, du seul point de vue littéraire, pour les six premiers vers que pour les deux derniers, mais il m’était difficile d’interrompre la citation avant cette surprenante allusion à Sion. Moins surprenante pour moi maintenant que je suis immergé dans la Bible, mais tout de même…


Je reste, ceci étant, quelque peu étonné, non par le retour de la question juive dans le débat public - elle finit toujours par revenir… -, mais par la confusion des débats des derniers jours à ce sujet. Je n’oserais pas dire que j’aborde le sujet maintenant de manière dépassionnée, mais j’essaie d’être le plus froid possible, et ce que j’entends et lis, de part et d’autre, me laisse pantois. D’une certaine façon, vue la façon dont cette question, qui n’a rien de négligeable en elle-même, pourrit le débat, j’espère ne pas avoir à y revenir. - A demain ! 

jeudi 21 février 2019

La gauche est morte, vive le Roi...

"Le problème n’est pas seulement, en effet, d’améliorer le sort du prolétariat, mais bien plus encore de supprimer la condition prolétarienne." 

Cette phrase, qui aurait pu être de Marx, est de Henri, Comte de Paris, dans son Essai sur le gouvernement de demain (1936). Notons que : 

1/ Le prétendant au trône n’a pas évoqué la suppression de la pauvreté, mais celle de la condition prolétarienne. Il sait bien qu’il y aura toujours des pauvres, ne serait-ce que parce que l’on est toujours le pauvre de quelqu’un, Heil René Girard ; 


2/ Cette phrase aurait pu être de Marx, mais pas de Mélenchon (ici pris comme un symbole de son parti et de ses compagnons de route). Non seulement lui et ses acolytes ont tendance à confondre misère et pauvreté, mais ils ne voient pas d’inconvénient à généraliser, via l’immigrationnisme, la misère, i.e. la condition prolétarienne. Ici et ailleurs, comme disait Godard, ou, pour détourner un slogan gauchiste : prolétarisation partout, frontières nulle part…

mercredi 20 février 2019

Plus j'aime la France, moins j'aime la République.





Si vous n’avez pas de citation préparée, rouvrez votre Bible, et… : 

"Pour combien de temps, Seigneur, ces impies ?
Combien de temps les impies vont-ils triompher ? 
Ils fanfaronnent, ils disent des insolences, 
Ils se vantent, tous ces malfaisants.

Ils écrasent ton peuple, Seigneur ! 
Ils humilient ceux de ton héritage ; 
Ils massacrent la veuve et l’immigré, 
Ils assassinent les orphelins."

Ils créent même des orphelins en supprimant leur père, et assassinent des bébés pas encore nés. - Quant à l’immigré, on sait que sa déportation en masse en nos contrées, même en partie volontaire, ne lui garantit pas une grande stabilité psychologique…


Pour combien de temps, Seigneur ? 

mardi 19 février 2019

Hommage à K. Lagerfeld.

Je n’avais pas spécialement d’intérêt pour ni d’avis sur M. Lagerfeld. Mais j’ai un bon souvenir de lui, ce sera ma citation du jour - de mémoire, peut-être la vidéo circule-t-elle sur le net. 

Il eut quelques ennuis avec le fisc français, pour des sommes que le commun des mortels est en bon droit de juger considérables. - Interrogé sur cette affaire au journal télévisé, il se voit demander par la journaliste de service combien d’argent il avait. Ce à quoi il répondit, avec son éventail, sa morgue et ses paradoxales manières de douairière prude, qu’il n’en avait aucune idée, que c’était une question pour les pauvres, que eux devaient savoir combien ils avaient sur leur compte, mais que lui l’ignorait et n’avait pas l’intention de se renseigner sur ce sujet. La journaliste, autant qu’il m’en souvienne, fut fort surprise de tant d’esprit politiquement incorrect. 


Car enfin, si être riche, c’est devoir se soucier de l’argent comme un pauvre, où est l’intérêt ? Je n’aurais garde d’oublier ou de contredire une sentence célèbre sur les riches, le chas d’une aiguille et le Royaume des cieux, mais avoir un peu de pognon peut permettre aux bonnes natures de penser à autre chose qu’au pognon, de se libérer un peu de l'argent... 

lundi 18 février 2019

Le simple attrait pour le sensible.

"Il est tout à fait vrai qu’à la veille de la Réforme nous pouvons trouver dans l’Église romaine de vrais torts, poussant à la révolte. Mais pas un seul de ces vrais torts n’a été réformé par la Réforme. Par exemple : c’est un abus abominable que la corruption de monastères permette parfois à un riche noble de jouer au mécène et même de devenir le père abbé, ou de puiser dans les revenus qui étaient censées appartenir à une communauté de pauvreté et de charité. Mais la Réforme n’a rien fait d’autre que de permettre au même riche noble de s’emparer de tout le revenu, de saisir le monastère entier et de le transformer en palais ou en porcherie, et d’éradiquer complètement le dernier souvenir de la légende des pauvres frères vivant en communauté. Les pires choses du catholicisme mondain ont encore été empirées par le protestantisme. Mais les meilleures choses ont perduré tant bien que mal à travers l’ère de corruption ; non, elles ont même survécu à l’ère de la Réforme. Elles survivent de nos jours dans les pays catholiques, non seulement dans la couleur, la poésie et la popularité de la religion, mais dans les leçons les plus profondes de psychologie pratique. Et elles sont si justifiées, avec le recul de quatre siècles, que chacune d’entre elles est maintenant copiée, même par ceux qui les ont condamnées, et bien qu’il s’agisse souvent de copies caricaturées. La psychanalyse est le confessionnal sans les garde-fous du confessionnal ; le communisme est le mouvement franciscain sans l’équilibre modérateur de l’Église ; et les sectes américaines, après avoir conspué pendant trois siècles la théâtralité et le simple attrait pour le sensible des papistes, « égayent » à présent leurs cérémonies avec des films grand écran et des rayons de lumière vermeille qui tombent sur la tête du pasteur. Si nous avions un rayon de lumière à projeter, nous ne l’aurions pas dirigé sur la tête du ministre du culte…"

Chesterton, vous l’aurez sans doute compris. 


dimanche 17 février 2019

Napoléon, droit au but.

"Les mots sont tout."

samedi 16 février 2019

"Dans la Loi, qui vient de Dieu, ils avaient établi leur propre justice..."

Saint Augustin continue à gloser saint Paul… Pour comprendre la deuxième partie de ce court extrait (le temps me manque pour tout retranscrire), il faut se rappeler la thèse paulinienne du rapport de la Loi au péché : d’une part on est plus pécheur lorsque l’on connaît la Loi que lorsqu’on l’ignore (je vous ai déjà cité un texte de saint Augustin sur ce thème), d’autre part, Paul et Augustin ont développé ce thème quelques siècles tout de même avant libertins, « Lumières » et autre « divin » marquis, la connaissance même de la Loi a tendance à susciter un désir de l’enfreindre.

"Tous ceux qui, avec le renfort de la Loi et sans l’aide de la grâce, se fiant à leur propre force, sont menés par leur propre esprit ne sont pas des fils de Dieu. Tels sont ceux dont le même apôtre dit : « Ne connaissant pas la justice de Dieu, et cherchant à établir leur propre justice, ils ne sont pas soumis à la justice de Dieu. » Il disait cela des Juifs qui, présumant trop d’eux-mêmes, repoussaient la grâce et par conséquent ne croyaient pas au Christ. Il dit qu’ils voulaient établir leur propre justice, la justice issue de la Loi. Non que la Loi ait été établie par eux ; mais dans la Loi, qui vient de Dieu, ils avaient établi leur propre justice, car ils croyaient pouvoir accomplir cette même Loi par leurs propres forces, « ne connaissant pas la justice de Dieu », non cette justice par laquelle Dieu est juste, mais celle qui est accordée à l’homme par Dieu. (…) 


[Saint Augustin n’évoque plus maintenant les Juifs qui ont rejeté le Christ et la grâce, mais les convertis à qui Paul s’adressait.] Ils étaient sous la Loi, non sous l’empire du péché dont l’homme n’est pas libéré par la loi, mais par la grâce. Voilà pourquoi [Paul] dit ailleurs : « Le péché n’aura pas d’emprise sur vous, parce que vous n’êtes pas sous la Loi, mais sous la grâce. » Non que la Loi soit mauvaise, mais parce que se trouvent sous elle ceux que la Loi rend coupables en leur donnant des commandements et non une aide. La grâce en effet apporte une aide pour que chacun soit un pratiquant de la Loi ; placé sous la Loi sans la grâce, il ne sera qu’auditeur de la Loi. C’est à de tels auditeurs que l’Apôtre dit : « Si vous placez votre justice dans la Loi, vous serez dépossédés de la grâce. »"

vendredi 15 février 2019

L'Américafrance.

Un ami monarchiste me disait récemment avoir pris un abonnement à Mediapart et repris la lecture du Canard enchaîné ; amusés, nous sommes tombés d’accord pour reconnaître le savoir-faire de la presse de gauche lorsqu’il s’agit de traiter de violences policières, de magouilles ou d’affaires d’État. Le livre de Juan Branco, proche de la France insoumise, sur l’installation du système Macron, en est probablement un bon exemple. Mais, dans son interview par L’Incorrect, l’auteur de Crépuscule livre aussi un tableau d’ensemble auquel n’importe quel Français un peu Gilet jaune et lucide, ne peut hélas que souscrire. Évoquant la façon dont M. Macron a utilisé des réseaux (DSK, Descoings, Moscovici, Arnault) qui se sont vite ralliés à lui, J. Branco généralise : 

"Il n’y a pas de présupposé idéologique là-dedans : l’idéologie est subordonnée à une logique d’intérêts, en un système économique plus général qui, dans les grandes lignes, en faisant de l’intégration à la mondialisation libérale son seul credo, nous a de fait amenés à fonctionner comme une sorte de néo-colonie américaine, intégrés dans un système économique et culturel où les vassaux - nos dirigeants - en échange de leur asservissement conscient ou inconscient maintiennent un pouvoir d’apparat. C’est ce qui explique la mise en scène piteuse d’une pseudo-opposition de Macron à Trump qui ne trompait personne, sinon les élites de la côte Est qu’il s’agissait de rassurer et nos élites intermédiaires, inquiètes de la rupture dans la chaîne de valeur que cet outsider provoquait avec leurs dominants. Ce système apporte suffisamment de bénéfices aux élites mais aussi aux individus au sein de la société, la France étant en position de force au sein de la mondialisation, mais impose une politique économique et une acculturation qui atteignent violemment les fondements de notre société. (…) Nos élites ont pris acte de la transformation de la France en l’un de ces potentats africains qu’elles ont si longtemps nourris, un fonctionnement par lequel elles s’inféodent à un système dévastateur au long terme, mais qui leur permet de conserver leur prébende et une apparence de domination."


Ce n’est pas qu’une apparence, les Gilets jaunes énucléés peuvent témoigner du caractère concret de cette domination, même si elle s’effectue pour des gens plus haut placés que les dirigeants français… Cette nuance faite, j’ai suffisamment pu déplorer à ce comptoir que la France soit devenue une république bananière sous contrôle américain, pour ne pas approuver ce qui précède. Et quand on a lu, comme votre serviteur le faisait au moment même où il a ouvert son café, il y a plus de treize ans, les livres de François-Xavier Verschave sur la Françafrique, on sait, quitte à avoir pris du recul sur certaines des analyses que l’on peut y trouver, que les domestiques de l’Empire sont prêts à beaucoup de choses, à beaucoup de saloperies envers le peuple qu’ils devraient pourtant protéger et incarner, pour garder leur place et leur sale boulot…

jeudi 14 février 2019

Un anti-antiraciste n'est pas la même chose qu'un raciste.

Je rouvre l’autre soir Voyage au centre du malaise français, le livre mythique de Paul Yonnet, écrit en 1993 et à ma connaissance jamais réédité depuis. Les premières pages du livre ne peuvent que frapper par leur clarté et par leur lucidité prophétique. Et ça ne remonte pas le moral !

"A première vue, l’antiracisme est une cause simple, une exigence morale minimale devant bénéficier d’une attention maximale, et qui déclenche de fait presque par réflexe civique une sympathie de principe. Sympathie affirmée avec d’autant plus de force et d’empressement qu’elle compense anachroniquement, c’est-à-dire sans pouvoir, hélas ! y remédier, une carence de bons réflexes de masse durant la période de l’Occupation et du régime pétainiste. L’évidence est telle que la volonté de combattre l’emporte contre le devoir de réflexion - immunisation de la pensée qui explique l’extrême pauvreté théorique, sauf exception, le caractère stéréotypé des analyses et la rareté des tentatives d’objectivation. En matière de racisme et d’antiracisme, l’approfondissement des stéréotypes obéit à la loi d’airain de l’accumulation. 

Or l’antiracisme n’est pas une cause simple puisqu’il s’attaque au problème le plus délicat auquel les sociétés se trouvent confrontées : gérer la diversité humaine. D’autre part, et de tout temps, l’antiracisme ne s’est jamais contenté de lutter contre des préjudices ou des sévices subis en fonction de l’origine raciale ou ethnique - s’il en avait été ainsi, notre propos serait sans objet -, mais il a toujours inscrit cette lutte, en elle-même indispensable - et c’est justement là le problème et notre sujet -, dans des projets sociétaux : autrefois, le projet égalitaire et individualiste lorsqu’il s’agissait d’abolir l’esclavage des Noirs, la promotion des ethnitudes s’il fallait décoloniser, aujourd’hui, la promesse d’une harmonie panraciale et multiculturelle à la française. Il est déjà moins simple d’obtenir le résultat dont l’action antiraciste se réclame - réduire le préjugé racial, les conduites d’agressivité groupale et les hantises de l’étranger -, tout en propageant fébrilement une vision panraciale des rapports sociaux reposant sur l’abandon du principe d’assimilation ; il est déjà moins simple, en un mot, de lutter contre le racisme tout en propageant le racialisme dans un ensemble qui avait trouvé son unité sans lui et, d’une certaine manière, contre lui. Le paradoxe absolu de l’antiracisme constitué dans la décennie 1980, la contradiction intérieure qui mine son efficacité est qu’il prétend lutter contre le racisme français en détruisant le principe de l’assimilation républicaine, qui avait doté la France - à parler comparativement - d’une remarquable mécanique d’absorption des étrangers qu’elle voulait inclure ou qui souhaitaient s’inclure, mécanique non sans reproches ni ratés sans doute, mais qui avait mis le pays à l’abri des déchirures et des autarcies communautaires à l’américaine, et qui lui avait permis - non sans durs mouvements en retour - d’être à la fois un pays champion de l’immigration et, malgré ces circonstances a priori handicapantes, l’un des moins racistes du monde, pour s’exprimer a minima."

En 1993, l’épouvantable Rokhaya Diallo n’existait pas, ou presque pas (elle avait 15 ans), et nous n’en étions certes pas à nous demander si la France devait accepter comme un moindre mal de devenir une société à l’américaine, ou si c’est précisément et fort paradoxalement ce qu’il peut y avoir de sain dans l’universalisme français qui allait nous pousser à rejeter cette greffe - et cela ne pourrait, au moins à court terme, mais un court terme qui durerait des années, que provoquer encore plus de violences que l’acceptation d’une situation de guerre civile larvée permanente - c'était la définition qu’Alain Badiou donnait avec à-propos de la société américaine…

Ce qui frappe néanmoins et finalement le plus dans ces lignes, c’est la conclusion que l’on en tire si aisément, que leur auteur l’ait voulu ou non : la fonction de l’antiracisme n’était pas de lutter contre le racisme, mais de lutter contre le modèle assimilationniste français. Avec Mme Diallo, payée par les États-Unis, c’est devenu explicite, mais le projet était déjà le même à l’époque. Il s’agissait de faire par les idées (avec des guillemets bien sûr, et ce que dit P. Yonnet sur la pauvreté de ce discours est, nous le savons tous, encore plus vrai aujourd’hui) ce qui se faisait par les actes : 1993, c’est presque vingt ans après le regroupement familial, l’immigration devient suffisamment massive pour que l’assimilation devienne de plus en plus difficile, on ne connaît que trop le processus, toujours en cours, toujours amplifié par sa logique propre. Au point que l’on en vient à admirer ceux qui cherchent vraiment et encore à s’assimiler, alors que ni la France officielle ni les logiques de groupes des migrations actuelles ne les y poussent actuellement le moins du monde !

Je me demande parfois, comme d’autres, ce qui peut pousser les maîtres du monde, disons les atlantistes, ou l’État profond américain, à s’attaquer autant à l’Europe, qui certes pourrait être un concurrent, mais qui est aussi un marché et des débouchés, qui n’est pas dangereuse militairement (au contraire de la Russie…), et que l’on ne peut tout de même impunément laisser s’affaiblir trop longtemps et trop fortement - sinon, justement, à l’arrivée, on prend le risque qu’elle ne crée trop de liens, parce qu’elle n’aura plus d’autre choix, avec ladite Russie. La logique d’islamisation des Saoudiens, Frères musulmans, musulmans du quotidien, algériens amoureux de nos allocs, on la comprend ; la logique de désintégration par l’Empire, à ce point là, c’est un peu plus difficile. Il y a au moins deux types d’explication : 

 - la bêtise, l’imprévoyance, l’ubris, etc., tout ce qui permet naturellement d’expliquer quelque chose que l’on ne comprend pas. Les maîtres du monde font aussi des conneries ou se la racontent trop, ce n’est pas nouveau, et il n’y a vraiment aucune raison qu’ils soient exempts du péché d’orgueil ; 

 - l’impossibilité pour les idéologies conquérantes d’accepter la différence, même à titre d’exception. Ceux qui comme moi, à bientôt la cinquantaine, ont vu la mutation de la télévision française en quelques décennies et le souci obsessionnel de ceux qui voulaient la convertir à une logique marchande de supprimer tout ilot non pas même de résistance ou d’anticonformisme, mais seulement et même peut-être plus encore d’indifférence à cette logique marchande, tout simplement parce que ces émissions prouvaient qu’il n’y avait en soi aucune fatalité naturelle à ne faire que de la merde à audimat, ceux de ma génération comprendront facilement, par cette comparaison, ce que j’ai en tête. 

Il y avait beaucoup de raisons, historiques, stratégiques, culturelles, à son honneur et à son déshonneur, pour que la France soit une cible privilégiée de l’ordre américano-mondialiste. Mais de ce point de vue de la psychologie du dominant, il y avait, et il y a toujours (peut-être plus dans l’esprit du dominant en question que dans la réalité d’ailleurs), cette raison si ce n’est principale du moins fort importante : il existait un modèle qui faisait concurrence au modèle américain, il existait un contre-exemple. Et c’est bien cela qu’une idéologie expansionniste, a fortiori si elle est mâtinée de messianisme et/ou de providentialisme, ne peut en aucune manière accepter…


Mais peut-être l’explication par l’erreur, la bêtise, l’orgueil, est-elle meilleure. 

mercredi 13 février 2019

Parent 1. Parent 2.

J’ai eu la tentation de me contenter de ce titre comme citation du jour, mais il y a plus intéressant à faire qu’à s’indigner une nouvelle fois de l’infamie de la Raie publique en marche, essayons donc d’être un peu plus constructif ce soir. 

Dans le dossier sur le libéralisme paru dans L’incorrect, je retrouve, sous la plume de Thibaud Collin, une idée que j’avais dans le temps piquée chez Braudel je crois, et qui ne prend pas assez de place me semble-t-il dans l’inconscient et la conscience de ceux qui parlent de libéralisme : 

"Désarmée de son assise théologique et ontologique, la liberté humaine va se structurer dans la division entre deux pôles rivaux, c’est-à-dire opposés et complémentaires : l’État et l’individu. Ainsi à la souveraineté de l’État chez Hobbes va répondre la souveraineté de l’individu propriétaire de lui-même chez Locke. Toute la rhétorique libérale se nourrit de son refus de l’étatisme mais la notion libérale de l’individu ne se constitue que dans la matrice théologico-politique de l’État moderne."

Le point de vue de Braudel, autant qu’il m’en souvienne, était, on ne s’en étonnera pas, un point de vue d’historien : lors de la première mondialisation, c’est-à-dire lorsque l’Europe a découvert l’Amérique, mis au point le commerce triangulaire, etc., les États modernes qui alors naissaient, ont fourni un appui logistique et financier important. Il y eut alliance de fait entre États et entrepreneurs. 

(C’est d’ailleurs, rappelons-le ici, une grande différence, plus tard, à l’époque de la naissance du capitalisme puis de la révolution industrielle, entre la France et l’Angleterre : chez nos voisins, les deux classes dirigeantes, l’ancienne aristocratique et la nouvelle bourgeoise, avaient des intérêts convergents et ont pu passer alliance, alors que chez nous le nouveau pouvoir a dû neutraliser l’autre, ou essayer de le faire - et c’est toute l’histoire de la Révolution, du régicide, des changements de régimes au XIXe, cette histoire heurtée continuant bien sûr à nous hanter et nous constituer.) 

Fin de la parenthèse, revenons au sujet. Comme souvent avec le libéralisme, on est un peu obligé de se situer à un trop grand niveau de généralités, tant, dès que l’on se met à préciser des choses, le nombre de « détails » à prendre en compte devient important, voire inhibant. Je vais donc essayer pour aujourd’hui d’être le plus neutre possible dans mes formulations. Le libéral et l’État, c’est un couple qui ne peut divorcer - en tout cas, ce n’est pas le libéral qui peut en prendre l’initiative. Le libéral a besoin de l’État pour être libéral. Le libéral n’est pas nécessairement schizophrène ou hypocrite lorsqu’il demande moins d’État, ou mieux d’État, ou tout ce que vous voulez dans ce genre, mais il reste dépendant, pour être ce qu’il est (et faire ce qu’il fait, s’il est entrepreneur, par exemple), de cet État. De ce point de vue, on en est resté à Hobbes : sans État, c’est la loi de la jungle, que l’on ne confondra pas, même si dans la pratique on peut leur trouver des points communs, avec le libéralisme. « Sans État », si bien sûr il n’y a déjà plus d’Église (chrétienne ou autre), mais c’est justement là le processus de naissance et du libéralisme, et de l’État moderne. 


A suivre ! 

mardi 12 février 2019

Civilisation, peuple, marché commun...

Dans un intéressant entretien que l’on peut trouver ici : https://institutdeslibertes.org/entretien-demmanuelle-gave-dans-monde-et-vie-macron-un-liberal-a-lamericaine/, Emmanuelle Gave a cette formule synthétique définitive que je me fais un plaisir de répercuter : 

"l’Europe, qui est une civilisation, mais qui n’est pas un peuple et qui ne peut pas être une économie."

Certes, quand on n’est connu que de quelques dizaines de personnes, répercuter une phrase de l’étoile montante de la politique française, c’est un peu superfétatoire, mais je suis aussi là pour archiver ce qui me plaît et m’intéresse…


Par ailleurs, on ressort de cet entretien (je n’ai pas encore fini le dossier de L’Incorrect sur le sujet) en se disant qu’il y a tout de même quelque chose d’un peu trop simple dans l’idée d’Alain de Benoist que l’on ne peut être à la fois conservateur moralement et libéral économiquement. Que, dans la pratique, les exemples soient nombreux de bourgeois fortunés qui font peu de cas de leur convictions morales lorsqu’il s’agit de préserver leur patrimoine, c’est indéniable. Que, lorsqu’il s’agit de libre circulation des personnes comme des capitaux, il y ait un souci logique, j’en suis d’accord. Mais il me semble que ce n’est pas le dernier mot de l’histoire, moi qui deviens à la fois plus libéral sur certains points et plus conservateur sur d’autres, au fil du temps… L’amusant étant que cela, en tout cas le versant libéral, peut s’expliquer en partie pour des raisons marxistes, du fait de ma place dans les rapports de production. Comme quoi on peut aussi devenir plus libéral, plus conservateur, et (un peu) plus marxiste ! J’y reviendrai…

lundi 11 février 2019

Péguy ! "C’est des places, grand Dieu, qu’il faut qui soient tenues..."

"Ses trois enfants qui grandissent tellement.
Pourvu qu’ils ne soient pas malades.
Et qui seront certainement plus grands que lui.
(Comme il en est fier dans son cœur).
Et ses deux gars seront rudement forts.
Ses deux gars le remplaceront, ses enfants tiendront sa place sur la terre.
Quand il n’y sera plus.
Sa place dans la paroisse et sa place dans la forêt.
Sa place dans l’église et sa place dans la maison.
Sa place dans le bourg et sa place dans la vigne.
Et sur la plaine et sur le coteau et dans la vallée.
Sa place dans la chrétienté. Enfin. Quoi.
Sa place d’homme et de chrétien.
Sa place de paroissien, sa place de laboureur.
Sa place de paysan.
Sa place de père.
Sa place de Lorrain et de Français.
Car c’est des places, grand Dieu, qu’il faut qui soient tenues.
Et il faut que tout cela continue.
Quand il n’y sera plus comme à présent.
Sinon mieux.
Il faut que la paysannerie continue.
Et la vigne et le blé et la moisson et la vendange.
Et le labour de la terre.
Et le pâtour des bêtes.
Quand il n’y sera plus comme à présent.
Sinon mieux.
Il faut que la chrétienté continue.
L’Église militante.
Et pour cela il faut qu’il y ait des chrétiens.
Toujours.
Il faut que la paroisse continue.
Il faut que France et que Lorraine continue.
Longtemps après qu’il ne sera plus.
Aussi bien comme à présent.
Sinon mieux.
Il pense avec tendresse à ce temps où il ne sera plus et où ses enfants tiendront sa place.
Sur terre.

Devant Dieu."