jeudi 29 janvier 2015

Au Bonnard du jour... (I) La démocratie comme l'expression obscène des défauts que la France accepte sourdement de garder en elle.

Au diable l'Islam et ses relations avec la "France" ! Je vous développerai ça une autre fois, si Samuel Goebbels Padamalgame Valls nous le permet encore. Voici, ainsi que je l'évoquais avant que les frères Kouachi ne s'attaquent à la foi du Charbonnier, voici un extrait des Modérés d'Abel Bonnard, en l'occurrence les premières pages :

"Jamais la politique n'a autant pressé les Français : elle les harcèle et elle les mord ; elle distrait de leur labeur ceux qui vivaient hors de leur temps, mais qui ne sauraient travailler en paix dans une maison qui tremble ; elle émeut les généreux, elle inquiète les égoïstes ; les indifférents s'aperçoivent que rien ne peut plus durer par inertie et que laisser les choses aller, c'est accepter qu'elles n'aillent plus ; ceux à qui l'activité politique plaisait, à côté d'une vie dont elle ne troublait pas la routine, comme un débat où ils s'adonnaient à leur goût pour les idées creuses, et comme un combat où ils pouvaient détester agréablement leurs concitoyens, sont contraints de reconnaître que leur propre sort, maintenant, se décide en elle. Ceux qui ont été trop délicats pour s'en mêler doivent être assez courageux pour y intervenir. Elle marque l'endroit particulier où les Français de toutes les sortes doivent prouver leur valeur générale ; elle est le champ clos où se détermine leur destin.

Dans une conjoncture si difficile, il est naturel qu'il y ait beaucoup d'esprits effarés et de coeurs surpris. La réalité étreint un peuple qui a vécu sans se soucier de la saisir. La plupart répondent aux difficultés d'aujourd'hui avec leurs idées et leur personne d'hier. Les politiciens français, qui sont les plus arriérés de tous les hommes, recourent, pour se tirer d'affaire, aux antiques subterfuges qui leur ont si souvent servi ; mais, cette fois, tout est changé. (...) Çà et là, cependant, des âmes se lèvent, et il s'agit seulement de savoir si elles seront prêtes au moment fatal et si quelques hommes, chez nous, seront maîtres des événements, ou si les événements y seront les maîtres de tous les hommes.

Mais on n'a rien dit quand on a reconnu que les Français sont à présent forcés de se soucier de la politique. Tout est dans la façon dont ils s'y prendront. Si singulier que cela paraisse, s'intéresser à la politique, s'ils veulent le faire utilement, c'est d'abord, pour chacun d'eux, revenir à soi pour s'examiner ; c'est fixer en soi le principe des changements qu'on veut porter dans les choses ; c'est se rendre le citoyen d'un État qui n'existe pas encore ; ce n'est pas quitter une opinion pour une autre, c'est avoir déjà les qualités qu'on veut que la France acquière. Il faut reconnaître que peu d'entre eux prennent les choses de cette façon. Les meilleurs Français se trouvent aujourd'hui à la veille d'un grand effort et ils voudraient être au lendemain. La plupart croient rompre avec le régime dont ils se plaignent par quelques criailleries ; peu s'en faut qu'ils ne considèrent que cela suffit à le rejeter dans le passé : ils se trompent fort. Tout repoussé qu'il est par le coeur, tout condamné qu'il est par l'esprit, le régime actuel n'en reste pas moins implanté dans les choses, non seulement parce que ceux qui en profitent évoqueront tous les démons plutôt que de renoncer à leurs avantages, mais parce que beaucoup de ceux qui le critiquent sympathisent encore avec lui par toute une partie de leur nature. Il est fort bien de parler sans complaisance des politiciens, si la connaissance de ce qu'ils sont marque le point d'où l'on part vers ce qu'il faut être ; mais de les vilipender, sans qu'il en soit rien de plus, cela n'empêche pas de garder des défauts tout voisins des leurs, ni de partager avec eux la responsabilité dont on voudrait les accabler. (...) La France ne se sera rendue vraiment apte à se donner une meilleure organisation que lorsqu'elle regardera le régime dont elle se plaint comme l'expression obscène des défauts qu'elle a accepté de garder sourdement en elle, et comme la place visible où s'avoue un mal profond. Il la force à se voir dans ce qu'elle a de moins beau. Bien loin de nous plaire à opposer une nation pourvue de toutes les bonnes qualités à un régime chargé de toutes les mauvaises, fiction lâche et fausse qui ne mène à rien, nous ne devons pas craindre de connaître le régime et la nation l'un par l'autre. Assurément celle-ci déborde celui-là, par ce qu'elle a de plus haut et ce qu'elle garde de plus profond ; mais, entre ces extrêmes, il ne se peut pas qu'elle ne coïncide avec lui en beaucoup de points : même les plus vils des politiciens s'appuient sur une clientèle qu'ils ont, sans doute, contribué à corrompre, mais qui, par un touchant échange de bons offices, tend elle-même à les confirmer dans leurs vices ; d'autres députés, qui valent mieux sans valoir beaucoup, ne sont que l'expression trop fidèle de cette masse incertaine qui, loin de vouloir le bien, craint presque d'y aspirer. Seuls les plus nobles des Français seraient fondés à soutenir que, dans un pareil régime, ils n'ont pas de représentants ; encore peuvent-ils se reprocher de l'avoir trop facilement accepté, et se trouver liés à lui par tous les consentements inavoués de la mollesse et de la lassitude. Des hommes d'élite doivent toujours être plus portés à exagérer leur responsabilité qu'à la méconnaître et il leur sied d'être assez fiers pour se trouver coupables de tous les maux qu'ils ont permis. C'est par la critique d'un régime qu'elle ne peut pas conserver que la France doit connaître en elle les défauts qu'elle ne veut plus avoir." (Pp. 9-13 de l'édition Grasset de 1936 ; pp. 7-10 de l'édition Kontre Kulture).

Laissons parler notre côté Charlie et permettons-nous un seul commentaire, ou une seule paraphrase : "le régime..comme l'expression obscène des défauts que (la France) a accepté de garder sourdement en elle, et comme la place visible où s'avoue un mal profond" - l'anus du Président Hollande comme figure et symbole du sida du pays ?


A une prochaine fois mes amis, et bon courage à tous.

jeudi 15 janvier 2015

"Si vous trouvez un flic blessé, achevez-le."

Il y a des gifles qui se perdent


Cet article va être composite. J'ai commencé à prendre des notes sur Charlie-Hebdo le lendemain de la tuerie. "L'histoire s'accélère", voilà un lieu commun dont nous avons pu cette semaine éprouver la véracité : le cadavre de Charb avait à peine fini de fumer que Bibi Netanyahou venait donner un sens particulier à une manifestation (pardon, un « rassemblement ») qui avait peut-être trop de sens différents (et pas toujours beaux à voir). Les frères Kouachi n'étaient pas encore autopsiés et Wolinski n'était pas encore enterré que Manuel Walls fêtait la liberté d'expression en envoyant Dieudonné en garde à vue, pendant que ce qui reste de l'armée française était mis au service exclusif d'une minorité. Bref, pour qui souhaite écrire avec un peu de recul, les temps sont difficiles...

N'ayant "pas le temps de faire court", pour paraphraser un grand journaliste mort il y a longtemps, il me semble donc que la solution la moins pire, comme on le dit à tort de la démocratie, est de retranscrire mes notes en leur adjoignant éventuellement quelques commentaires en italiques. Cela permet au moins de fixer - hélas pas sur le papier (les paroles informatiques s'envolent, les écrits restent)... - certaines remarques. Je me permets de signaler qu'il m'arrive de réagir plus directement aux événements sur mon fil Twitter (@Acafeducommerce).



"Si vous trouvez un flic blessé, achevez-le."

C'est en repensant à cette phrase, lue durant ma jeunesse dans un bouquin déjà ancien de Wolinski, que j'ai compris ce que je pensais de l'événement d'hier. Je ne me souviens plus de quel bouquin il s'agissait, l'auteur y racontait une expédition en vélo pendant la guerre d'Algérie, à l'époque où lui et d'autres soutenaient le FLN. Un soir, donc - pendant un couvre-feu j'imagine -, Wolinski se fait contrôler par deux policiers. Moment d'angoisse, car dans sa sacoche se trouvent des tracts de Siné avec ce slogan peu charitable envers les forces de l'ordre, mais le dessinateur passe entre les gouttes, le contrôle est de pure routine, pas de fouille. "Si vous trouvez un flic blessé, achevez-le." : les tueurs d'hier n'ont fait en quelque sorte qu'appliquer ce principe, et c'est cette coïncidence, si le terme convient, qui m'a permis de démêler les fils de ce que je ressentais. J'avais un peu d'émotion, mais pas beaucoup. C'est en réalité parce que l'affaire, et sous réserve de révélations bouleversantes - je prends pour argent comptant ce qui nous est raconté sur les assaillants ; ce sont surtout de toutes façons les aspects psychologiques qui m'intéressent, et ceux-ci ne dépendent pas d'une éventuelle ou hypothétique manipulation -, l'affaire est intéressante par ses paradoxes, sans pourtant apporter pour l'heure quoi que ce soit de nouveau.

(Disons-le clairement : il n'est pour l'heure pas très palpitant de savoir si cette tuerie est un complot. Je ne crois pas trop à cette possibilité, sans l'exclure. Si elle se confirmait un jour, cela ne ferait que rendre encore plus triste et absurde une réalité qui l'est déjà beaucoup.)

Mais revenons à cette espèce de scène primitive qui m'est revenue à l'esprit. La génération dont l'un des deux derniers représentants, Wolinski, a été envoyé vite fait bien fait dans l'autre monde hier, alors que l'autre (Siné) agonise depuis des mois et des mois dans son fauteuil, cette génération a commencé sa vie politique en soutenant un pays étranger (admettons par facilité que le terme pays soit valide) contre le sien propre. Un pays arabo-musulman (dont il n'est en l'espèce pas complètement indifférent de noter qu'il est maintenant communément tenu pour responsable des derniers grands attentats terroristes en France avant celui d'hier, principalement celui dit du RER saint-Michel).

Vinrent les années 60, les querelles avec le pouvoir gaulliste, Mai 68, le bal tragique, les itinéraires plus ou moins divergents, Cabu à RécréA2, où je le découvrai vers 4-5 ans, la reformation du mythe et du groupe - sans Choron - après la première guerre du Golfe, l'évolution éditoriale vers une islamophobie de plus en plus proche des manoeuvres de l'impérialisme américano-(franco-)sioniste… Jusqu'au brutal clap de fin d'hier. Et, sauf preuve du contraire, la fin de partie a été sifflée par des arabo-musulmans, Français d'une certaine façon, mais pas beaucoup plus francophiles que les terroristes / résistants du FLN d'il y a plus de cinquante ans, que les futurs participants à Charlie-Hebdo soutenaient et dont ils - les tueurs - sont les enfants ou petits-enfants (Ajout du 15 janvier : ceci reste vrai, et est même peut-être encore plus vrai, si les Kouachi Brothers, comme les Blues du même nom, étaient orphelins, beauté du détail...).

Si j'insiste sur cet effet de boucle bouclée, c'est qu'il me semble que la vie politique de cette génération n'a été réelle que deux fois : au tout début - et quoi que l'on pense du fait de porter des valises pour le FLN, il y a fallait un certain courage - et hier. Je parle de la génération des principaux membres fondateurs, ce n'est pas nécessairement vrai de tous : Cavanna en camp, Choron en Indochine ont eu leur part de réel. Mais, si l'on parle du groupe Charlie-Hebdo en tant qu'entité et symbole, c'est la guerre d'Algérie qui ouvre son combat politique… pour le refermer assez vite. Je reprends la thèse souvent citée ici de François Ricard dans sa Génération lyrique, un des grands malentendus de l'histoire récente de nombreux pays occidentaux est que la génération du baby-boom a vécu sur l'idée qu'elle avait remporté de nombreuses victoires, alors même que ses combats ont eu lieu dans des pays très pacifiés et où les générations précédentes lui laissèrent tout de même les coudées franches. Charlie-Hebdo a pu être à l'avant-garde de certains de ces combats et prendre plus de coups, cela ne change pas ce diagnostic global d'un décalage entre la gloire que ses participants ont cru pouvoir tirer de leurs différentes aventures et la réalité des dangers qu'ils ont encourus. Pour le dire clairement : ils ont eu la belle vie. Je ne dis pas qu'ils l'ont volée, mais ils en ont bien profité, quitte à subir quelques dommages collatéraux (on fait l'apologie de la drogue et on vient pleurnicher à la télévision que sa fille est morte d'overdose), ils en ont tellement profité, dans tous les sens du terme, qu'ils sont petit à petit devenus des dignitaires d'un régime qu'ils étaient supposés détester. Protection policière de la part de ses flics qu'il fallait « achever », et maintenant union nationale en hommage à des gens qui n'aimaient pas la nation (et de la part de gens qui ne l'aiment pas plus), deuil national pour finir, n'en jetez plus.

(Note prise le 11 janvier au matin, trois jours donc après la rédaction du reste de ce texte, quelques heures avant la manifestation : de ce point de vue les pauvres juifs du magasin casher de la porte de Vincennes, plus « innocents » sans doute que les gens de Charlie-Hebdo, sont venus trop tard, médiatiquement parlant : pour une fois qu'il semble qu'il y ait de vraies raisons de crier à l'antisémitisme, les sionistes ne peuvent se faire entendre tant il y a déjà de bruit, c'est un comble ! - Ajout du 15 janvier : nos braves amis sionistes ont vite entrepris de corriger cette écoeurante anomalie.)

La France d'aujourd'hui, si cette expression a un sens, est bien fille de 68 pour ce qui est de l'État et du gouvernement, c'est vrai de Nicolas Sarkozy comme de François Hollande, il est tout à fait logique qu'elle honore ses anciens combattants.

Je me moque, mais je ne suis pas indifférent : je garde un souvenir ému de certains dessins de Wolinski, lorsqu'il évoquait ses rapports avec ces dames et avec sa femme, et si je n'ai aucune envie de rouvrir des livres de lui il faut respecter ses propres souvenirs. J'ai beaucoup plus de mal avec Cabu et son personnage du Beauf, qui est, sinon l'acte de naissance de ce que l'on appellerait aujourd'hui, hélas, le racisme anti-français, du moins un des grands moments de la cristallisation dans l'imaginaire français du Français comme un gros salaud alcoolique et colonialiste. Auquel on ne pouvait que préférer le gentil immigré opprimé.

- La vérité étant que ces gens qui ont aimé ou voulu aimer les immigrés et qui ont dit du mal des Français ont été abattus non par des Français mais par des Français-d'origine-immigrée. Tout cela est tragi-comique : ils ont soutenu il y a cinquante ans des Arabes contre des Français, ont gagné (confortablement, au moins à partir d'un certain stade, et surtout quand ils ont commencé à le souhaiter) leur vie en disant du mal des Français - et notamment des Français qui n'aimaient pas les Arabes ou ne voulaient pas trop d'Arabes en France - et à l'arrivée ce sont des Arabes qui les tuent, et des Français qui les pleurent…

- « Qui les pleurent » ? Mais qui lisait Charlie-Hebdo ? Pas grand-monde… Je ne vais pas perdre trop de temps à épiloguer sur le slogan "Je suis Charlie", mais s'il faut avouer que nous avons été nombreux à avoir été un peu Charlie à une époque, ne serait-ce que parce qu'il est sain d'être, ou de savoir parfois être, irrévérencieux et insolent, et de ce point de vue il y a effectivement une charge émotionnelle dans la tuerie d'hier, il faut aussi admettre, dans la droite ligne des paradoxes énoncés dans le paragraphe précédent, qu'il y a là beaucoup de chiqué.

(Ici je prie le lecteur d'avoir la force mentale de se figurer qu'au lendemain de la tuerie on pouvait encore faire trois pas dans la rue sans lire "Je suis Charlie" partout, que l'hystérie collective n'en était qu'à ses débuts. "Il faut bien reconnaître... beaucoup de chiqué...", voilà des formulations bien pâles en regard de la pornographie émotionnelle, merci Dieudonné, qui a suivi.)

J'ai parlé de "réel" à propos de la guerre d'Algérie et de la tuerie d'hier - là, les gars de Charlie-Hebdo ont pris du réel plein la gueule, certes. Il est temps de clarifier ce point. Le concept est casse-gueule, dans la mesure où, à part Dieu, personne ne peut embrasser tout le réel - d'où la tentation du coup de force théorique revenant à qualifier de réel ce qui vous arrange et à en exclure ce qui n'entre pas dans votre système théologico-politique. C'est une forme d'excommunication comme une autre… Essayons de ne pas tomber dans ce piège, et précisons donc notre propos. Sans aller jusqu'à faire de la mise en danger de sa vie un critère de réalité de l'activité, voire de la vie, justement, de tel ou tel, ce qui serait une forme de réductionnisme hégéliano-kojévien (laquelle reviendrait d'ailleurs à réduire la politique au fait de donner ou menacer de donner la mort, ce qui est un sous-texte commun à des gens dont les positions par ailleurs s'opposent), nous dirons qu'il y a pratique politique réelle lorsqu'il y a adversité réelle - ou, lorsque le réel vous résiste. Quand dans le réel il y a de l'altérité. Plus simplement : pour un combat, il faut au moins deux vrais combattants, entre qui les jeux ne sont pas faits à l'avance. - Sinon, comme disent les enfants, c'est trop facile. Aller jusqu'à écrire que les pontes de Charlie-Hebdo n'ont été confrontés au réel que par deux fois, lors de la guerre d'Algérie et quand ils se sont fait tuer, outre que ce ne serait factuellement vrai que pour Wolinski, et, par procuration, pour Siné, est donc abusif, mais a l'avantage de ramener les choses à des proportions plus justes tout en nous donnant un cadre d'analyse plus large.


J'ai arrêté ces notes, prises à la fois pour moi-même et pour vous, en ce point. La suite devait porter sur l'altérité musulmane par rapport à la société française. Ce n'est pas que ce sujet ne soit plus d'actualité quelques jours après, il s'en faut, mais je n'imaginais pas que le « Rassemblement » du 11 janvier allait produire l'image symbolique sidérante de plusieurs millions de gens de bonne volonté mais de peu d'intelligence politique en train de donner une sorte de blanc-seing, aux yeux du monde entier, à la dictature de l'UE et de la bien-pensance « mémorielle »... (Alors qu'il suffisait de prendre tous ces chefs d'État en otage, ils étaient devant, à portée de main, la Révolution n'a jamais été aussi proche, camarade !) Les Musulmans et les petits blancs dans mon genre sont dans la même galère, alors même que les dénominateurs communs entre eux et nous, n'en déplaise à Alain Soral, sont peu nombreux.

Difficile enfin de ne pas être quelque peu polémique, ou tout au moins de ne pas marquer pour finir quelque déception. A. Soral qui « balance » M.-É. Nabe comme un dérisoire contre-feu et comme si cela avait quelque importance par rapport aux événements en cours, M.-É. Nabe qui se tait... mais ne peut rien dire, après la publication de
Patience, qui ait quelque cohérence, sauf à se convertir à l'Islam, ou à avouer l'avoir fait ; Jacques Sapir qui va manifester en précisant bien qu'un jour-tu verras-n'importe où-guidés par le hasard les ignobles Hollande et Juncker paieront ; le vieux Siné, qui s'est enorgueilli toute sa vie d'être méchant et féroce et se trouve bien désarmé, et même quelque peu retombé en enfance ("C'est trop horrible, c'est trop inhumain...") devant des gens vraiment méchants et féroces, eux... Personne n'est certes parfait, mais on aurait souhaité - et je ne parle ici que des gens connus - un peu plus de lucidité et de sang-froid. Bibi Netanyahou s'est-il laissé emporter par ses émotions, lui ? Il a réagi en politique, comme c'était son devoir de le faire.

vendredi 2 janvier 2015

Bonne année, année Bonnard...

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(Celui dont je vais vous parler se situe à l'extrême-droite de cette photo d'écrivains de droite. Je découvre que Drieu a des faux airs du libraire-éditeur le Dilettante, ou l'inverse, le monde des écrivains et libraires est petit.)


Si vous saviez à quel point le temps m'est compté, chers amis, vous me feriez une pension, afin que je puisse travailler dans mon coin au lieu de m'épuiser à gagner de l'argent. L'argent, c'est amusant mais fatigant. A 43 ans depuis quelques jours je sens bien qu'il ne me reste plus beaucoup de temps, un vieillissement précoce m'a atteint, que seule une couche de graisse autour du menton dénonce, pour l'heure. Dans ma profession je suis un des jeunes qui montent, intérieurement je balance entre le fantôme et le pantin.

Bouffé par le pognon, AMG ? Dire le contraire serait mensonge, même si, en réalité, le moral est toujours là, c'est plus une forme de physique qui lâche. J'ai découvert un auteur important, cela n'arrive pas tous les jours, Abel Bonnard, l'enthousiasme que je peux éprouver à la lecture de ses livres étant hélas aussitôt connoté de mélancolie : cet homme avait raison il y a 70 ans et a été oublié depuis, et qu'il ait si j'ose dire encore plus raison maintenant n'est pas une bonne nouvelle pour le pays.

Les modérés, son livre le plus connu, a été récemment réédité par A. Soral. C'est un chef-d'oeuvre dont je pense - mais aurai-je / prendrai-je le temps ? - vous distiller quelques passages au fil des mois, une rubrique que l'on pourrait appeler "Le Bonnard du jour". J'ai régulièrement cité cette formule de Jean-Pierre Voyer, Dieu le bénisse, selon laquelle le fait même d'être au courant, pour quelqu'un comme lui, de l'existence de BHL, en disait long sur l'état des choses : on peut faire le même raisonnement, a contrario, sur le peu de reconnaissance dont jouit pour l'heure le travail de Bonnard. Je n'ai pas revu encore la présentation des Modérés par Alain Soral, mais il n'est pas sans intérêt de noter que ce livre est le moins « complotiste » qui soit, en ce sens que, d'une certaine façon, Bonnard n'y a pas besoin de l'hypothèse du complot pour expliquer pourquoi, depuis la Révolution dite française, les Français se font si facilement berner. - Par des minorités agissantes : la démocratie est la dictature des minorités, c'est tout simple, les mots en politique cachent ou disent le contraire de ce qu'ils prétendent. On retrouve là tout de suite du complot, si l'on veut, mais les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent, ou, plus prosaïquement encore, si les Français se font si souvent et depuis si longtemps enculer c'est bien qu'ils ont le cul trop facile, qu'ils ne cessent de tendre l'autre fesse.

Quelque part dans ce livre, Bonnard parle de l'histoire de France comme interrompue, suspendue, par la Révolution. Je vous retrouverai ça, mais il est difficile de ne pas interpréter les XIXe et XXe siècles comme un cycle de luttes plus ou moins conscientes - et les minorités agissantes sont toujours plus conscientes que les majorités silencieuses, Simone Weil la sainte vierge l'a très bien expliqué - pour mettre fin ou au contraire entériner définitivement cette solution de continuité. De ce point de vue, les thématiques telles que celles du Grand Remplacement - que pourrait nous expliquer très bien la très peu sainte avorteuse Simone Veil, cheville ouvrière qui plus est du regroupement familial, on a les Juives que l'on mérite, passons... - prennent logiquement place dans cette sorte d'histoire de l'interruption de l'histoire de France. On en arrive au point où comprendre l'histoire de son pays revient presque à s'exclure de son présent, alors que ce devrait être le contraire !

(Une incise sur MM. Nabe et Soral, puisque ce fut l'un de mes thèmes récurrents. Je les suis toujours, ai notamment lu Patience, et ne suis pas du genre à oublier ou trop critiquer ceux envers qui j'estime avoir une dette intellectuelle. J'aimerais tout de même savoir pourquoi ils éprouvent le besoin, chacun à sa façon, de se dire catholiques, alors qu'ils le sont si peu. Personne ne les oblige à l'être, mais ne voient-ils pas qu'ils y perdent en crédibilité ?)

Bref, je vais essayer de vous détailler tout ça dans les mois qui viennent. Et pour commencer, je vais citer... un autre livre, mais dont le début m'a particulièrement touché. Il s'agit de la biographie de Maurras par Stéphane Giocanti :

"Comme ses aînés Taine et Renan, ou son ami Barrès, Maurras est hanté par le constat de la fragilité des choses humaines. La défaite de 1870, la Commune, l'occupation d'un tiers de la France par les troupes prussiennes, la perte de deux provinces lui font voir combien les civilisations sont mortelles, et à quel point les mauvaises décisions politiques se paient. Ébranlé dans sa jeunesse par l'image des catastrophes et des divisions, il a l'intuition de la nécessité, de la bonté et de la beauté de l'ordre, lorsque le génie humain y parvient." (Flammarion, 2007, p. 12). "L'ordre est le nom social de la beauté", surenchérit et synthétise Bonnard (Les modérés, Grasset, 1936, p. 263). Si le Vrai, le Beau et le Bien doivent s'unir, il est logique qu'en plus de tout l'erreur et François Hollande soient laids, ajoute en catimini votre serviteur.

2015, année où les mauvaises décisions politiques vont se payer ? Bises à tous !