vendredi 30 juin 2017

Là encore, il ne s'agit pas de « gauche » ou de « droite ».

"La question de l’identité est-elle un «faux débat» comme le suggère Xavier Bertrand ou une angoisse réelle qui traverse la société française ?

- Il faut un certain culot pour décréter que la question identitaire est un faux débat, alors qu’elle canalise une angoisse de dépossession partout présente en Occident, et qui transforme en profondeur la vie politique. Qu’on le veuille ou non, la peur de devenir étranger chez soi hante notre époque et elle n’a rien d’une panique identitaire, pour reprendre le dernier slogan à la mode qu’on veut nous faire prendre pour un concept. Elle est fondée. Une certaine sociologie militante entend pourtant faire barrage au réel : pour elle, la question identitaire ne serait qu’une thématique propre à l’extrême droite, comme on le dit dans la novlangue progressiste. Autrement dit, celui qui aborde cette question ne s’intéresse pas aux inquiétudes qui façonnent la société contemporaine non plus qu’aux effets terribles de la décomposition culturelle d’une communauté politique : il signe son allégeance au camp des proscrits, ceux dont on ne parle qu’en nous mettant en garde contre eux. Il faut pourtant revenir aux choses simples : une société qui voit ses grands symboles historiques discrédités, qui pousse l’hétérogénéité identitaire jusqu’à l’éclatement culturel, qui voit ses mœurs moquées et même agressées, qui connaît une mutation démographique significative, qui voit ses frontières moquées, qui voit sa souveraineté de plus en plus corsetée, est en droit de se questionner sur son identité et sur les transformations de ce qu’on appellera son être historique. Le système médiatique est parvenu à neutraliser politiquement cette question ces derniers mois, à la chasser de la présidentielle, mais elle resurgira. En fait, elle resurgit déjà."

M. Bock-Coté.

jeudi 29 juin 2017

"Les étrangers le savent bien, eux, que tout ce qui a été fait de grand en France depuis deux siècles a été fait contre la Révolution française !"

Un guide au château de Versailles, il y a longtemps. J'y repensais en découvrant ce matin cette tirade de l'auteur du Petit prince, plus best-seller international tu meurs :

"J'ai eu raison, je crois, dans tout ce que j'ai pensé depuis deux ans sur les affaires de mon pays. Je n'aime pas plus aujourd'hui le général De Gaulle. C'est ça, la menace de dictature. C'est ça, le national-socialisme. Je n'aime pas la dictature, la haine politique, le credo du parti unique. Quand le national-socialisme meurt ailleurs, ce n'est vraiment pas raisonnable de le réinventer pour la France. Je suis très impressionné par cette bande de fous. Leur appétit de massacre entre Français, leurs souhaits en ce qui concerne la politique d'après-guerre (bloc européen) conduira une France aussi affaiblie que l'Espagne à ne plus être qu'un satellite de la Russie ou de l'Allemagne. Ce n'est pas dans cette direction que loge pour moi la vérité."

Inutile je pense d'insister sur l'actualité de ces phrases. Plus généralement, et même si je les ai trouvées sur un site de droite anti-gaullien, il ne faut pas analyser l'antipathie du militaire Saint-Exupéry pour le militaire de Gaulle (qui connaissait son Barrès et son Maurras) en termes de gauche ou de droite, de « plus à droite » ou de « moins à gauche » : parce qu'on s'y emmêlerait les pinceaux et parce que ce n'est justement pas la question première. Celle-ci est plus je crois de l'ordre du ressenti, du ressenti de ce que la démocratie fait des Français - "des veaux", on connaît la formule du Général, mais des veaux que l'on dresse en permanence les uns contre les autres, ajoute Saint-Ex, et on n'en voit pas le bout.

On le voit d'autant moins que la logique motrice intrinsèque des « droits » n'a pas de limite en elle-même : il n'y a pas de raison que ça s'arrête : on peut toujours trouver de nouveaux « droits » et faire chier tout le monde avec. En Marche ! En Marche !

mercredi 28 juin 2017

"Il faudra donc ordonner, contraindre et punir."

"Mais jusqu'à quel point la sévérité est-elle permise, et quel est celui où elle devient crime ? Ce qu'on peut dire de certain, c'est que toute sévérité est innocente si elle est nécessaire. Ce qu'on peut avancer encore avec une pleine certitude, c'est que la réaction de la souveraineté qui se défend doit être proportionnée à l'action de l'ennemi qui l'attaque. Sur ce principe, qui ne peut être contesté, on est forcé de s'apitoyer beaucoup moins sur de grands actes de rigueur qui ne furent réellement [en réalité, note de AMG] que des malheurs. Voyez ce cadavre étendu sur le grand chemin : le meurtrier est à côté ; il excite toute votre indignation, mais dès que vous apprenez que ce meurtrier est un voyageur tranquille et que l'autre était un brigand qui est tombé victime d'une juste défense, la pitié disparaît. Le droit, en s'agrandissant, est toujours le même. Ce n'est point par leur sévérité mais par leur nécessité qu'il faut juger la moralité des exécutions par lesquelles une souveraineté attaquée se défend. Tout ce qui n'est pas indispensable est criminel, mais tout ce qu'on peut imaginer de plus terrible est licite s'il n'y avait pas moyen de se défendre autrement. Qu'on ne vienne point nous dire : J'ai vu des deux côtés la fourbe et la fureur [citation de Voltaire, note de AMG]. Eh ! sans doute les passions humaines sont indestructibles, et les hommes, même pour le bon droit, se battent comme des hommes ; mais il n'y a point de comparaison à faire. Si dans une guerre excitée par des rebelles, il périt cent mille hommes de part et d'autre, du côté de la souveraineté on a donné cent mille morts, et de l'autre on a commis cent mille meurtres. Des vérités aussi simples ne peuvent échapper à personne."

Joseph de Maistre. Envoyé directement sur le « Mur des cons » des juges qui confondent la proportion et l'égalité, qui identifient un affrontement entre rebelles (que ceux-ci aient ou non raison, c'est une autre histoire) et forces de l'ordre (que l'ordre en question soit juste ou non, c'est une autre histoire) avec un duel à armes égales entre deux personnes de force à peu près comparable, et que le meilleur gagne. Pour reprendre la formule de Maistre : entre ces deux types de combat, "il n'y a point de comparaison à faire."

mardi 27 juin 2017

L'incendie du Reichstag, ou de l'amalgame à géométrie variable.

L'information vient du Monde, elle est donc forcément vraie :

"Pour la première fois, l’État est partenaire de la Marche des fiertés LGBT (lesbiennes, gays, bi et trans) de Paris, par le biais du soutien de la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah). Ce champ de compétences a été ajouté à la délégation après l’attentat homophobe d’Orlando, qui avait fait 49 morts le 12 juin 2016."

On ne donnera pas trop de portée à ce financement direct par l'État, puisque cela fait longtemps que des associations qu'il subventionne sont partie prenante de cet événement. On s'étonnera plus du raisonnement : un Américain de religion musulmane, plus ou moins « radicalisé », assez clairement pédé lui-même (Libération, expert en la matière, le dit, c'est donc forcément vrai), massacre des homos américains aux États-Unis - quel rapport avec la France ?

Quand un musulman tue un non-musulman en expliquant lui-même que c'est au nom de sa religion, on dit qu'il ne faut pas faire d'amalgame et que ce n'est pas l'Islam en soi (si cela existe) qui est responsable. Mais quand des homosexuels se font tuer, où que ce soit dans le monde, et même s'il semble que le meurtrier soit lui-même homosexuel, c'est la faute à l'HOMOPHOBIE, point barre, et tout le monde doit fermer sa gueule - et l'État français (je rigole) allonge la monnaie. (Et Édouard Louis nous explique que si des Arabes musulmans sont homophobes, c'est la faute de l'homme blanc hétérosexuel. Édouard Louis est (un) simple. Si simple qu'un esprit doué d'un peu de charité chrétienne n'arrive pas à le détester autant qu'il le faudrait.)

lundi 26 juin 2017

Parole d'expérience.

A Jean Cavaillès, philosophe et bientôt résistant (et bientôt résistant mort), un soldat allemand tout frais arrivé en France, fit remarquer, peu de temps après la débâcle et non sans surprise :

"Vous avez tenu moins longtemps que la Pologne."

dimanche 25 juin 2017

"Voici un autre mot, assez singulier pour nous, d'un théologien musulman.

Hallâj passait avec ses disciples dans une rue de Bagdad où ils surprennent le son d'une flûte exquise. Un de ses disciples lui demande : « Qu'est-ce que c'est ? » Il répond : « C'est la voix de Satan qui pleure sur le monde. »

Comment faut-il commenter ? « Pourquoi pleure-t-il sur le monde ? Satan pleure sur le monde parce qu'il veut le faire survivre à la destruction, il pleure sur les choses qui passent, il veut les ranimer tandis que Dieu seul reste. Satan a été condamné à s'attacher aux choses qui passent, et c'est pour ça qu'il pleure. »"

Et cela donne une « flûte exquise »... Massignon (et Hallâj).

samedi 24 juin 2017

"Tout misanthrope, si sincère soit-il...

..., rappelle par moments ce vieux poète cloué au lit et complètement oublié, qui, furieux contre ses contemporains, avait décrété qu'il ne voulait plus en recevoir aucun. Sa femme, par charité, allait sonner de temps en temps à la porte."

Cioran.

vendredi 23 juin 2017

Nietzsche personnage d'un roman de Dostoïevski.

"Si Nietzsche a poursuivi Socrate de sa haine (en épargnant Platon !) autant que le Crucifié, c'est qu'il les savait seuls imitables, réellement et noblement."

Et que ça lui faisait mal au cul, puisqu'il se savait incapable de les imiter, « réellement et noblement ». (Citation de P. Boutang, commentaire de votre serviteur.)

jeudi 22 juin 2017

"Mais force est de constater que tel n'était pas l'avis de Dieu..."

"En distinguant le contenu du dogme de la forme canonique que l'Église lui a donnée, nous n'entendons cautionner aucun principe d'une remise en cause permanente de cette forme, comme il est d'usage aujourd'hui. Au contraire, nous croyons que la forme canonique fixée par l'Église est en fait - sinon en droit - le seul moyen d'accéder à une intelligence certaine et objective de son contenu, pour autant que cela est possible. C'est pourquoi nous paraît à quelques égards inconsidérée la déclaration de Jean XXIII dans son discours d'ouverture du IIe Concile de Vatican (11 octobre 1962), concernant la doctrine catholique ; il affirme en effet sans rien plus : « Il importe que cette doctrine certaine et immuable, soit étudiée et exposée selon les méthodes qu'exige la conjoncture présente. Autre en effet est la substance de l'antique doctrine du dépôt de la foi, et autre est la formulation de son revêtement ». Propos inconsidérés parce que, sous une apparence classique, ils introduisent un principe révolutionnaire. La distinction de la substance de la foi et des formes qui l'expriment est traditionnelle. Les théologiens parlent de l'immutabilité substantielle du dogme ; en droit, l'Église garde le pouvoir, si besoin est, de modifier leur forme, alors même qu'elle a a été antérieurement et solennellement définie - bien qu'en fait cela ne se soit jamais produit. Mais encore faut-il qu'elle se propose effectivement de le faire et qu'elle en exprime publiquement l'intention. Or, Jean XXIII affirme explicitement le contraire : « Le punctum saliens de ce Concile n'est pas la discussion de tel ou tel thème de la doctrine fondamentale de l'Église ». On doit en conclure logiquement qu'aux yeux du pape, toucher à la forme des dogmes ne relève pas de la dogmatique : étonnante inconscience des problèmes philosophiques que posent les rapports de la forme et du fond. Car il devrait être évident que la distinction de la substance et de la forme d'un dogme, ne saurait être, quoad nos, c'est-à-dire du point de la vue de la connaissance humaine, envisagée de telle sorte que nous pourrions séparer réellement la substance du dépôt de la formulation dont elle est est dite être « revêtue ». L'image du « revêtement » est d'ailleurs discutable. La formulation dogmatique n'est pas un vêtement dont l'Église habillerait la nue vérité du dogme, comme une fillette habille et déshabille sa poupée. La formulation dogmatique, voulue et donc garantie par le Saint Esprit, est un signe d'orientation pour l'intelligence théologique, elle définit le mode selon lequel la Sagesse divine veut nous donner accès au mystère en tant que tel, parce qu'Elle seule sait ce qui est bon pour nous, et qu'ainsi nous sommes assurés, non de voir le mystère dans son essence - ce qui excède la capacité ordinaire de l'intelligence - mais au moins de regarder dans la bonne direction. A défaut de ce signe d'orientation, de ce symbole de la foi, ou nous ne savons pas où regarder, ou, ce qui est plus grave, nous ne regardons pas dans la bonne direction et nous théologisons (ou « métaphysiquons ») sur un objet qui, en réalité, n'est pas celui dont nous croyons parler. Tout ce que nous pouvons faire, relativement à ces symboles dogmatiques, c'est de les interpréter théologiquement, c'est-à-dire de les comprendre d'abord, de les expliquer ensuite selon les besoins des auditoires et des temps. Mais il n'est pas possible de les formuler au gré de ce qu'on pense être une compréhension plus profonde, laquelle, d'ailleurs, sous peine d'arbitraire - et donc d'illégitimité - ne saurait avoir d'autre point de départ que la formulation canonique elle-même.

Cela ne signifie évidemment pas que les formulations dogmatiques descendent du Ciel toutes formées. Comme le corps du Christ qui est tiré de la substance humaine de Marie, les formulations dogmatiques sont tirées des cultures humaines, particulièrement de la culture grecque. Elles sont donc marquées d'une certaine contingence et tributaires de la philosophie qui, formellement parlant, est chose grecque. Certains estimeront sans doute que tel autre langage spéculatif eût été mieux approprié : le langage du vedânta par exemple. Mais force est de constater que tel n'était pas l'avis de Dieu, puisque c'est Dieu Lui-même qui s'est incarné en un lieu et un temps où la révélation abrahamique se conjoignait à la tradition philosophique des Grecs, ce dont témoigne irréfutablement la décision johannique de nommer le Fils Logos. Il faut en conclure - Dieu sachant ce qu'Il fait - que nul autre langage n'était plus apte à exprimer les vérités de la foi que celui de la tradition philosophique. D'autre part, en assumant certains éléments de cette tradition, la foi chrétienne les a consacrés et rendus canoniques. Dès lors, ces formes culturelles, contingentes à quelques égards (tout ce qui se dit ainsi, pour cette raison même, pourrait se dire autrement), acquièrent une déterminité normative. Ces formes spéculatives furent d'abord, nous le reconnaissons, et l'histoire de leur élaboration hésitante nous le confirme, des manières de comprendre parmi d'autres également possibles ou même provisoirement retenues et finalement rejetées. Comment s'en étonner ? L'histoire de Dieu est écrite avec des hommes et des mots humains. On se représente parfois l'élaboration dogmatique de la doctrine chrétienne comme une histoire dirigée. Dans un centre caché, des Supérieurs plus ou moins inconnus, sachant ce qu'il faut dire et comment le dire, agissent en connaissance de cause et prennent chaque fois les décisions qu'impose le moment cyclique. Cette vue est imaginaire et ne satisfait que notre goût pour les “machinations ésotériques”. En réalité, mis à part les cas, assez rares, où le Saint Esprit « parle par ses prophètes », les hommes, fussent-ils évêques ou papes, ne savent pas a priori ce qu'il faut dire pour répondre aux questions qui se posent, ni comment il faut le dire. Ils ne connaissent, en toute certitude, que ce qui a été enseigné directement par le Christ ou par les Apôtres à qui a été confié le dépôt de toute la révélation et qui possèdent donc l'intégralité de la science dogmatique. Mais le mode selon lequel cette science est communiquée comporte toujours une part d'implicite, puisque, par définition, aucune forme n'épuise son objet. Par conséquent se présentera toujours également la nécessité, lorsque cet implicite n'est plus entendu et que surgissent les incompréhensions, d'avoir à expliciter avec autorité les points litigieux et restés latents du dépôt de la foi. L'Église alors entre en recherche, s'efforçant d'entendre la foi commune, c'est-à-dire universelle ou catholique, et de l'exprimer à l'aide des ressources des cultures humaines, celles du moins dont elle a l'expérience.

Il y a donc une genèse historique des formulations conciliaires : d'abord « manières de comprendre », elles deviennent « modes canoniques d'exposition », et Dieu ne dicte pas aux Père conciliaires ce qu'ils doivent décider. De même celui qui aurait pu, de l'extérieur, observer la grossesse de Marie et la formation de l'Enfant dans son sein n'y eût rien vu que de naturel : un développement semblable à celui de toutes les grossesses humaines ; et cependant c'était le fruit du Saint Esprit. Une fois paru, cet homme Jésus, en tout semblable aux hommes, était pourtant unique : nouvel Adam, son humanité devient normative et révélatrice. Ainsi, mutatis mutandis, des décisions conciliaires. Et c'est pourquoi, dans leur forme même, elles doivent être regardées comme pratiquement immuables.

Nous résumerons notre pensée en disant qu'en matière dogmatique, il faut distinguer le mystère en soi qui se ramène, en fin de compte, à tel “aspect” de la Réalité divine, la formulation dogmatique, élaborée par l'Église, qui donne à contempler le mystère selon le mode humain d'expression voulu par le Saint Esprit, et l'interprétation développée par l'intelligence théologique sur la base consacrée de sa formulation dogmatique. Sans doute y a-t-il une part d'interprétation dans toute formulation, puisqu'elle est d'origine humaine. Mais cette part est minimale dans la mesure même où son élection par le Magistère ecclésial au titre de forme dogmatique, l'arrache à sa contingence culturelle, à son enracinement dans le terreau d'un langage particulier, lui confère une sorte de virginité sémantique et, finalement, en la consacrant, la transfigure."

Jean Borella (on peut être à la fois anti-Vatican II et anti-complotiste.)

mercredi 21 juin 2017

La promotion de l'homosexualité est synonyme de décadence, mais la promotion de la « virilité » aussi.

Si je mets des guillemets à virilité et pas à homosexualité, c'est d'une part que le second concept est nettement plus établi et clair que le premier ; d'autre part que ce n'est pas d'aujourd'hui que j'ai quelque réserve à l'égard de ceux qui parlent de virilité à tout bout de champ.

Quoi qu'il en soit, je retombe dans mes fichiers sur des remarques de Pierre Boutang relatives au Banquet de Platon, qu'il a très clairement traduit. Il y évoque le personnage de Pausanias, qu'il compare à l'un de ses contemporains, Roger Peyrefitte : des pédés mondains et cultivés, intelligents et sympathiques, qui testent et comparent les garçons de tous pays, dans une optique de raffinement érotique non exempte, il s'en faut, de misogynie. Il se trouve que Pausanias est aussi un contempteur de la décadence, et P. Boutang n'a pas de mal à montrer la part de cohérence de ces actes et discours :

"Son cas n'est pas rare : toutes les décadences sont misogynes, remontent, en un histrionisme héroïque, vers l'âge d'or purement viril ; au début il ne s'agit que d'une réaction contre les abus de la maternité ou féminité reine : Proudhon contre les « femmelins » ; puis les obstacles sont levés, lentement, et l'Éros ouranien, selon Pausanias ou Peyrefitte, se déclare et corrompt la société à tous ses niveaux. Le Banquet, bien que les intéressés s'y soient trompés très souvent, réagit contre cette misère, sans prétendre la déshonorer absolument ni l'extirper : il n'y a pas trace de misogynie, au contraire, chez Platon, et l'invincible résistance de Socrate aux provocations d'Alcibiade, autant que le principe, posé et révélé par Diotime, d'une liaison nécessaire d'Éros avec la fécondité naturelle ou spirituelle, sont le signe d'une attitude assez rare, contraire à l'esprit de son temps et qui, en cela aussi, comme le pensait Simone Weil, prophétise le christianisme."

C'est un point sur lequel Boutang et votre humble serviteur sont assez nabiens : la féminisation et l'homosexualisation de la société sont allées de pair, et il arrive que pour réagir à l'une de ces tendances (et pour suggérer au passage qu'on a une grosse bite ; rien que de poser le problème en ces termes est un problème) l'on encourage l'autre. - C'est des homosexuels et non des Juifs que l'Abbé Grégoire aurait dû écrire qu'il faut les considérer en tant que personnes et ne rien leur céder en tant que peuple, ni même en tant que couple, et je fais exprès de corriger sa formulation.

mardi 20 juin 2017

S. Giocanti cite Boutang qui cite Maurras.

Dans une lettre à Boutang (alors en pleine déprime), Maurras "revient à sa conception entropique de la démocratie, comme force consommatrice de la civilisation. « Même si cet optimisme était en défaut, et si, comme je ne crois pas tout à fait absurde de le redouter, la démocratie (…) étant devenue irrésistible, c'est la mort, c'est le mal qui doivent l'emporter, et qu'elle ait eu pour fonction historique de fermer l'histoire et de finir le monde, même en ce cas apocalyptique il faut que cette arche franco-catholique soit construite et mise à l'eau face au triomphe du Pire et des pires. Ce qu'il y a de bien et de beau dans l'homme ne se sera pas laissé faire. »

Cité par Boutang dans son Maurras, p. 647, je ne sais pas si la coupure est de Boutang ou de Giocanti. Il se peut que j'aie déjà aussi cité cette phrase, je ne m'en souviens plus, mais comme en ce moment plus on voit Macron et plus on repense à Maurras...

lundi 19 juin 2017

Rappel de quelques fondamentaux de l'universalisme chrétien. "Pacifiant par Lui, dans le sang de sa croix..."

C'est un texte un rien touffu, mais pas confus, du grand Jean Borella. J'avais prévu d'ailleurs quelque chose de sensiblement plus dense et de plus important du même Borella, mais ce sera j'espère pour une autre fois. Bons Champs-Élysées, bon ramadan, bon Jupiter... Saint Paul, c'est une autre bière.

"L'universalité de l'annonce (kerygma) du mystèrion ne répond donc pas essentiellement à un désir de prosélytisme, au besoin qu'éprouverait l'Apôtre Paul de voir le tout le monde “faire comme lui”, par une sorte de volonté hégémonique d'éliminer les différences. Encore moins s'agit-il d'une exigence extrinsèque ou quasi-accidentelle du genre : “il se trouve que le christianisme est une religion universaliste”. Mais, ce que nous dit S. Paul, c'est qu'il a pris conscience de la véritable dimension de ce mystèrion christique, de sa véritable nature. Et il y a là quelque chose de tellement extraordinaire, de tellement inouï, que le Juif hellénisé qu'est Saül, savant parmi les savants ès sciences religieuses, en a été bouleversé de fond en comble, terrassé de lumière, empli d'une révélation stupéfiante : si le kérygme du Christ Jésus est « pour tous les hommes », c'est parce que dans ce Christ réside le mystèrion de la religio universalis, le secret de l'Alliance universelle de toute chose avec toute chose et avec Dieu. En Lui « ceux qui étaient loin » sont devenus « proches », car c'est « Lui qui des deux mondes en a fait un seul, renversant le mur qui les séparait » (Ep., II, 13-15), si bien qu'en Lui « il n'y a ni Juif ni Grec, ni esclave ni homme libre, ni masculin ni féminin » (Gal., III, 28). Et cette religio universalis, cette alliance universelle à laquelle sont appelés tous les hommes, découle de la nature même du Christ, et constitue l'essence même de sa fonction dans l'histoire universelle du salut. Si c'est par le Christ « qu'il a plu à Dieu de réconcilier toutes choses en les menant vers Lui, pacifiant par Lui, dans le sang de sa croix, ce qui est de la terre comme ce qui est des cieux » (Col., I, 20), c'est parce que « en Lui habite corporellement le plérôme de la Déité » (ibid., II, 9). Voilà « le mystèrion tenu caché aux siècles et aux générations et qui maintenant a été manifesté », le mystèrion dont Paul est « le ministre » (ibid., I, 25-26) et qu'il a mission de faire connaître."

dimanche 18 juin 2017

"Ils parlaient de la Shoah qui avait été sanctifiée, mais eux ils sanctifiaient la liberté d'expression, c'était pas mieux."

M.-É. Nabe, « ils » étant en l'occurrence Dieudonné et B. Gaccio. On peut même se demander si les deux « sanctifications » n'ont pas été contemporaines. Liberté d'expression pour tout le monde, sauf pour les révisionnistes. Liberté d'expression pour tout le monde, surtout pour mettre en doute les chambres à gaz. C'est souvent comme ça avec les principes, plus ils sont généraux et moins on les énonce sans arrière-pensées. - Dans les premières années de ce blog je remarquais que l'existence de R. Faurisson n'était pas sans rendre quelque service à C. Lanzmann, et réciproquement.

samedi 17 juin 2017

Ma coiffeuse et Simone Weil rendent hommage à Helmut Kohl.

"Si les Le Pen sont fascistes de père en fille et pour toujours, pourquoi est-ce que nous discutons avec les Allemands ? Ils ont été nazis une fois, ils doivent donc l'être toujours. Pourquoi une réconciliation ici, et aucune possibilité de réconciliation là ?" (2017)

"La force de l'Allemagne dans l'Europe contemporaine est incontestable et date déjà de loin. Si le sens de l'organisation, du travail efficace et de l'État, possédé à un degré supérieur, implique un droit surnaturel à coloniser autrui - et a-t-on jamais justifié autrement la colonisation ? - une grande partie du territoire européen peut être regardée comme surnaturellement destinée à une colonisation allemande ; notamment l'Italie, l'Espagne, l'Europe centrale, la Russie ; le cas de la France est différent, mais moins que nous n'aimerions le croire. De ces territoires, l'Italie et l'Espagne semblent bien déjà être à peu près réduites à cette situation, restituant ainsi à Hitler, la Flandre et l'Amérique exceptées, l'empire de Charles Quint. Un pays si méthodique et si dévoué, une fois pris par l'exaltation mystique de la volonté de puissance, conduit par un chef qui joint les avantages d'une demi-hystérie à tous ceux d'une intelligence politique au plus haut point lucide et audacieuse, peut aller loin." (1939)

vendredi 16 juin 2017

Après 847 pp. de lecture du dernier livre de M.-É. Nabe,

mon subconscient me demande expressément de le citer : "Tout me dégoûte dans ce livre ! Tout ! Ce monde, Moix, Blanrue, les Arabes, Dieudonné, Laïbi, les Israéliens, Soral, l'auteur, ses stratégies littéraires, tout !"

Dans un second temps, répliquerai-je audit subconscient, il faut faire le tri entre le dégoût et la déception. On peut guère être déçu par Y. Moix. Et le dégoût ressenti envers l'auteur/narrateur/personnage ou envers A. Soral n'est pas le tout du jugement que je peux porter sur eux. Et de plus, cher subconscient, tu as bien aimé tout de même la petite tunisienne qui couche avec l'auteur tout en se prenant des coups dans la gueule à la place de MM. Soral et Dieudonné.

Certes, admet le subconscient. Mais ce livre pue quand même la merde. - Et là, ma foi, je n'ai rien à objecter.

jeudi 15 juin 2017

Celle-là je l'ai sans doute déjà citée, mais je retombe dessus et elle est toujours vraie.

"C'est par dévouement aux libertés réelles que nous excluons absolument tout libéralisme : comme c'est par respect et amour du peuple que nous excluons toute démocratie."

L'abbé Garnier.

mercredi 14 juin 2017

"On peut seulement se demander pourquoi les Français, livrés à eux-mêmes..."

En 1988, Jacques Laurent publie Le français en cage, ouvrage dans lequel il s'efforce de défendre une conception libérale de l'évolution de l'usage de la langue, contre les fétichistes du détail qui prennent le Littré pour un dogme et l'usage de par contre ou de se rappeler de comme une hérésie digne du bûcher. L'auteur doit pourtant vite constater que certaines évolutions sont aussi inattendues que difficiles à contrôler.

"J'aime bien avérer transitif direct dans un sens voisin de vérifier, de prouver, mais le lecteur a peu à peu perdu la pratique de cette forme qui le déconcerte et la défendre héroïquement serait assez oiseux. Cependant le participe passé est accepté par nos contemporains sans difficulté. Stendhal écrivait : « Il fut bientôt avéré que les Français ne guillotinaient personne », et l'on pourrait écrire cette phrase de nos jours sans troubler le public. C'est s'avérer qui pose un problème empoisonnant. Cette forme est récente ; elle ne figure pas dans le Littré et je me demande quels maladroits l'ont introduite ou réintroduite dans l'usage, car elle a entraîné ce verbe à sa perte. Alors que s'avérer devrait signifier « se faire reconnaître pour vrai », l'obscur génie qui ne demande qu'à pervertir la langue a décidé d'en faire un synonyme de se révéler, de sorte que de bons auteurs n'hésitent pas à écrire qu' « une hypothèse s'est avérée fausse » et que s'avérer employé stupidement supplante se révéler en vertu d'une loi analogue à celle qui constate que la mauvaise monnaie chasse la bonne.

Dans les années cinquante, la jeunesse qui fréquentait les ciné-clubs tentait d'acclimater c'est terrible dans le sens de « c'est merveilleux ». Ce qui avait réussi avec formidable, qui a définitivement perdu son ancien pouvoir, a échoué avec terrible. On peut seulement se demander pourquoi les Français, livrés à eux-mêmes, éprouvent le besoin de confondre la peur et l'admiration.

Génial et débile utilisés à tort sans nécessité demeurent dans le langage parlé. Se borner à éviter leur irruption dans le langage écrit. Évident employé négativement a pris le sens de « difficile ». Exemplaire : « Gravir l'Everest en plein hiver ce n'est pas évident. » Tout se passe comme si le mot juste, parce qu'il est trop juste, soulevait le coeur des jeunes qui, pressés de s'approprier la langue en la modifiant pour le plaisir, la saccagent innocemment - imités aussitôt par les moins jeunes - et réussissent à la fois à exterminer difficile et à faire oublier la portée pourtant unique et irremplaçable d'évident. Voilà un cas où le laxisme serait insupportable. Par la radio et la télévision, à travers les colloques et les interviews, ce n'est pas évident, qui est un danger public, risque actuellement de passer dans l'écriture et certains dictionnaires, s'ils ne l'ont pas encore fait, sont sur le point de l'avaliser. Il n'est pas trop tard pour tenter, en la ridiculisant, d'éliminer cette impardonnable nouveauté. Moralité de cet examen : il y a du neuf utile et (ou) agréable et du neuf qui est malheureux.

Instinctivement, chaque génération veut apposer sa marque sur son époque, proclamer son existence et son pouvoir ; les vieux, au contraire, considèrent tout nouveau mot ou même tout sens nouveau accordé à un terme ancien comme des agressions qui visent à les expulser du monde auquel ils sont habitués, à les exiler avant de les effacer. Ils freinent avec ressentiment alors que les jeunes accélèrent en toute gaieté, d'où le conflit d'une résistance et d'un mouvement qui pourrait aboutir à un heureux équilibre."

Je ne ferai qu'un seul commentaire, pour regretter une nouvelle fois que le ridicule ne tue plus, même les expressions fautives, grotesques, paradoxales, nuisibles.

mardi 13 juin 2017

Les valeurs de la raie publique.

"Même en ne comptant que les inscrits, avec une abstention historique de 51,29 %, En Marche ! n’engrange que 13,43 %. Moins de la moitié des électeurs participent : il est des assemblées, dans la vie civile, où l’on jugerait ce quorum trop faible pour prendre des décisions. C’est pourtant bien ce qui va se passer dans « l’Assemblée suprême ». Et, mode de scrutin oblige, Emmanuel Macron va, in fine, très probablement rafler 75 % des sièges… avec moins de 14 % des voix. Tout est normal."

G. Cluzel, ici.

lundi 12 juin 2017

"Violente même lorsqu'elle semble douce…" - Pierre Boutang, suite encore.

Ou plutôt flashback, car ce texte se situe, dans l'Ontologie du secret, tout de suite avant la phrase que j'ai citée il y a deux jours :

"Le troisième moment, celui de la « substitution », serait celui que Vico appelle âge humain. Ce mot de substitution nous a paru utile en ce qu'il indique un projet jamais complètement réalisé, où l'homme, qui soumet et « commet » les énergies du monde, se substitue au Créateur, et cesse d'adorer pour attendre et exiger. (…) Dans la vie personnelle, il coïnciderait avec l' « ingratitude », l'âge ingrat, qui revient plusieurs fois dans la vie, après les années de croissance et de création. L'homme, ou l'adolescent, se situe au centre du monde, et cesse d'adorer, et, simultanément, cessant de créer et de rejoindre, il instaure ou accepte des procédés de substitution dans les choses mêmes ; c'est aussi le moment de la liberté formelle, de la généralisation, et de l'usage spontané du fonctionnel.

Après la substitution se trouverait nécessairement le « châtiment » - nous préférons ce mot à celui de décadence, et le prenons en son sens, non seulement éthique, de préparation, violente même lorsqu'elle semble douce, à un nouveau cycle du devenir. En lui se décompose le mixte institué dans la période de substitution ; l'homme y devient « même pas ainsi », doutant de sa propre nature et niant son origine divine, pure fonction de fonctions. C'est dans une telle direction que, par exemple, Josef Schumpeter a décrit une dissolution concevable du capitalisme industriel : non, comme chez Marx, sous le poids de ses contradictions, mais parce que sa partie cachée - les vertus précapitalistes et chrétiennes qui le sous-tendaient secrètement - se dissiperait sans retour.

Sans retour, du moins, si le capitalisme n'était qu'un accident ou élément d'une totalité sociale appelée à se réformer ou réinventer dans un nouvel âge héroïque."

dimanche 11 juin 2017

Boutang, suite.

"La civilisation en train de se construire consacre l'image en sacrifiant l'écrit, la parole et le secret."

Mixons cette phrase et celle d'hier. La civilisation capitaliste (oxymore), telle qu'elle s'exprime dans le candidat Macron du "manifeste et de l'actuel purs", "sans appartenances", est un civilisation sans secret, sans intimité, sans vie intérieure, pour reprendre les termes de Bernanos. Et c'est aussi une civilisation qui détruit le secret, la parole et l'écrit, par l'image. C'est là ce qu'il faut comprendre : si cette civilisation est aussi, en plus de cela et avec cela, protestante, ce n'est pas par amour de l'image (le protestantisme a vite prouvé qu'il n'aimait pas les images), mais par haine du secret et obsession du visible. Notre civilisation, ou société, avec les guillemets de rigueur, n'est pas une société de l'image, elle est une société du visible - ce qui va d'ailleurs très bien avec son côté exhibitionniste. Et pour revenir à Macron : exhibition, transparence, même combat.

Si encore cela rendait les rapports entre personnes plus vrais ! Je ne fais pas l'apologie du secret en tant que tel, je rappelle l'importance de la possibilité d'avoir des secrets - au sujet desquels on peut ou non nourrir de la culpabilité. La vérité ne s'oppose pas au secret, mais au mensonge, la transparence s'oppose au secret, pas au mensonge ; transparence et vérité ne sont pas sur la même ligne logique.

samedi 10 juin 2017

"Il n'est pas exclu que l'on puisse vivre, ou tenter de vivre, sans appartenances, dans le manifeste et l'actuel purs : simplement ce serait une vie sans secret."

Pierre Boutang. Le temps me manque pour vous dévider les conséquences d'une telle phrase, ce sera pour demain. Si Dieu me prête vie.

vendredi 9 juin 2017

"L'enfer est pavé de bonnes intentions, surtout quand ces pavés sont ceux de 68 !"

M.-É. Nabe, dans son dernier opus (magnum ?), Les porcs, et dans un des meilleurs chapitres, consacré à la fois aux conneries sionistes sur le Darfour et au scandale de « L'arche de Zoé », le kidnapping adoptif de petits tchadiens, dix ans déjà, personne ne rajeunit.

Une autre du même livre et du même chapitre, mais pas du même auteur. Pour des raisons que j'ignore et que MEN ne précise pas, Gilbert Collard fut l'avocat des voleurs d'enfants, ce qui provoqua, mort aux avocats, ce morceau de bravoure :

"Cette affaire relève d'une maladroite folie d'amour pour tirer les enfants du malheur du Darfour. Il n'y a pas eu d'enlèvements. [Et pour cause, les voleurs se sont fait choper avant d'avoir complètement réussi à voler (les enfants, et par avion), note de AMG.] Ce qu'on peut concéder, c'est qu'il y a eu un irrespect anarchique d'un formalisme humanitaire."

Ce qu'on peut aussi concéder, c'est qu'il faut un drôle de cerveau pour accoucher d'un telle formule.

jeudi 8 juin 2017

Une bénédiction pour les peuples...

"Que la question fondamentale concernant l'Être soit historique, cela signifie que son fondement est déjà posé avec notre réalité-humaine historique, jusqu'ici advenue et encore à advenir. A-t-on la volonté de cette Histoire, a-t-on assez de force pour la porter et en accomplir la destinée, ce sera chaque fois dans la mesure respective de cette volonté et de cette force, que la première et ultime question de la philosophie assurera sa veille, répandant l'éclat du feu et y faisant transparaître la figure de toutes choses.

Par la traduction, le travail de la pensée se trouve transposé dans l'esprit d'une autre langue, et subit ainsi une transformation inévitable. Mais cette transformation peut devenir féconde, car elle fait apparaître en une lumière nouvelle la position fondamentale de la question ; elle fournit ainsi l'occasion de devenir soi-même plus clairvoyant et d'en discerner plus nettement les limites.

C'est pourquoi une traduction ne consiste pas simplement à faciliter la communication avec le monde d'une autre langue, mais elle est en soi un défrichement de la question posée en commun. Elle sert à la compréhension réciproque en un sens supérieur. Et chaque pas dans cette voie est une bénédiction pour les peuples."

Heidegger. A noter que dans cette traduction par le phénoménologue-islamologue Henry Corbin, c'est l'expression « réalité-humaine » qui exprime le fameux Dasein, que l'on traduit plus habituellement désormais par être-là, ou qu'on ne traduit plus du tout, tant pis pour la clairvoyance et la bénédiction des peuples. M. Beaussart a pourtant depuis longtemps prévenu des dangers de confusion mentale et psychologique autour de la notion de Dasein, de perte de sens de cette expression dans la bouillie cosmopolite qui répugnait à juste titre à Heidegger.

mercredi 7 juin 2017

"Rappelons un peu les événements...

"Rappelons un peu les événements : Monsieur Gide en était encore à se demander tout éperdu de réticences, de sinueux scrupules, de fragilités syntaxiques, s’il fallait ou ne fallait pas enculer le petit Bédouin, que déjà depuis belle lurette le Voyage avait fait des siennes… J’ai pas attendu mes 80 ans pour la découvrir l’inégalité sociale. A 14 ans, j’étais fixé une bonne fois pour toutes. J’avais dégusté la chose…"

"Ils se régalent plus qu’en falsifis… Ils prennent l’eau de Javel pour de l’eau de source… et ils la trouvent bien préférable ! infiniment supérieure ! Ils sont rythmés à l’imposture. Évidemment, en conséquence, malheur ! bordel ! à l’indigène qui pourrait se faire remarquer par quelque don original, par une petite musique à lui… un petit souffle de tentative ! il deviendra tout de suite suspect, détesté, honni parfaitement par ses frères de race. C'est la loi des pays conquis que rien ne doit jamais secouer la torpeur de la horde esclave… Tout doit retomber au plus tôt… dans les ruminations d'esclaves…"

"La France matérialisée, parfaitement mufflisée, parfaitement subjuguée, par la bassesse juive, alcoolisée jusqu’aux moelles, mesquinement resquilleuse, vénale, absolument stérilisée de tout lyrisme, malthusienne par surcroît, est vouée la destruction, au massacre enthousiaste par les Juifs."

"Jusqu’à la fin des âges le Juif nous crucifiera pour venger son prépuce. C’est écrit… C’est gai !…"

mardi 6 juin 2017

Honni soit qui mal y pense...

"S'éloigner ainsi du corporel doit certainement être bon, puisque tant de spirituels le disent ; mais, à mon avis, il faut que l'âme soit très avancée ; car, jusque-là, c'est clair, il faut chercher le Créateur par les créatures."

Thérèse d'Avila, Livre de la vie.

lundi 5 juin 2017

Rebatet cite Maurras (de manière apocryphe ?).

"La sottise est sans honneur", phrase mise en exergue aux Décombres, non certes sans moquerie vis-à-vis du vieux chef sourd de l'A.F. Je rêvassais tout à l'heure à ce que pourrait être l'équivalent en 2017 desdites Décombres, cette citation, si adaptée à l'arrogance stupide et à la trahison tranquille de nos « élites » (Anne Hidalgo, merde !!!!), m'est vite revenue à l'esprit. - Après, il est possible que ces dites et redites Décombres, ce soient les Arabes qui les composent, et que cela ne relève plus de la littérature. Il est possible que, au moins pour un temps, la littérature soit trop petite par rapport aux événements. Nous cherchons trop, vieux réflexe français et scolaire, la grandeur de notre époque dans ses reflets littéraires.

dimanche 4 juin 2017

"La solution, si solution il y a...

...réside probablement dans un retour aux sources du christianisme. J'entends par là, aussi, les sources païennes du christianisme. Ce qui fait que le christianisme se définit en s'opposant à quelque chose de fort. Vider le christianisme de ses formes modernes de mièvrerie, lui injecter un certain vitalisme, païen, nietzschéen, spenglérien, etc. Et dans le même temps, retourner à la composante sacrificielle du christianisme, religion du sacrifice altruiste et suprême, religion de tout ce qui est difficile : l'espérance quand tout semble perdu, le pardon à ceux à ceux que l'on souhaiterait plutôt tuer ou envoyer en prison, etc. Si l'on n'est que païen, on peut retomber dans le cycle éternel de la vendetta ; si l'on persiste dans la voie du catholicisme post-conciliaire, on flotte dans la trompeuse irréalité de l'irénisme - plus dure sera la chute ! - sans par ailleurs faire montre du moindre courage ; enfin, si l'on ne se remet pas soi-même en question, ses croyances, ses actions, son mode de vie, comment peut-on être sûr d'avoir correctement analysé la situation ? En matière théologico-politique plus que dans d'autres, l'observateur fait partie du diagnostic."

T. Dushebaiev (le philosophe, pas le handballeur). J'avais déjà prévu cette citation pour aujourd'hui, elle est malheureusement plus pertinente que je ne l'aurais souhaité. Quant à la phrase de J. Freund citée hier sur l'ennemi qui vous constitue comme ennemi, que vous le vouliez ou non...

samedi 3 juin 2017

Le rap de la Nouvelle Droite. - Je lis sur Twitter / Cet' phras' de Spengler...

"La vie nous laisse le choix entre victoire et défaite, jamais entre guerre et paix."

Un complément utile (apocryphe ?) au diagnostic de J. Freund que tout le monde cite en ce moment, y votre serviteur, "Comme tous les pacifistes, vous pensez que c’est vous qui désignez l’ennemi. Or c’est l’ennemi qui vous désigne."

Ceci étant et comme souvent avec la configuration Nouvelle Droite, ce n'est pas le dernier mot.

vendredi 2 juin 2017

"Dès que la vérité disparaît, l'utilité aussitôt prend sa place, car toujours l'homme dirige son effort vers quelque bien."

Simone Weil. Avec Simone, ça ne rigole pas :

"Dans la période peut-être fort longue de douleur et d'humiliation où nous sommes engagés, nous ne pouvons retrouver un jour ce qui nous manque que si nous sentons de toute notre âme à quel point nous avons mérité notre sort. Nous voyons la force des armes asservir de plus en plus l'intelligence, et la souffrance rend aujourd'hui cet asservissement sensible à tous ; mais l'intelligence s'était déjà abaissée jusqu'à l'état de servitude avant d'avoir personne à qui obéir. Si quelqu'un va s'exposer comme esclave sur le marché, quoi d'étonnant qu'il trouve un maître ?"

jeudi 1 juin 2017

"Le péché des péchés - le péché entre tous irrémissible : l'anachronisme."

Lucien Febvre, historien, écrit cela dans l'introduction à son livre sur Le problème de l'incroyance au XVIe siècle. Nous sommes en 1947. Et deux pages plus loin :

"Comment ne pas être étonné de la façon dont nos contemporains s'obstinent, sous prétexte de les justifier, à dégrader les grands hommes auxquels ils rattachent, non sans raison, la genèse du monde moderne ? Ils ne sont satisfaits que s'ils en font des pleutres. Les seuls pleutres d'un siècle peuplé de héros qui payèrent de leur vie, allègrement, leur attachement à des vérités d'ailleurs contradictoires. A étaler cette lâcheté supposée, à satisfaire ainsi leur haine de l'esprit et de sa grandeur - certains goûtent une joie qu'ils ne dissimulent guère. Il leur faut un Lefèvre retenu sur la pente glissante de l'hérésie par sa seule prudence de vieillard timoré. Il leur faut un Érasme refusant de rejoindre un homme et des doctrines [Luther et le protestantisme, note de AMG] contre quoi - nous le savons - s'insurgeait toute sa nature d'homme, uniquement - ils le disent - par amour de sa quiétude, et désir d'éviter de rudes persécutions [je crois me souvenir que L. Febvre était lui-même protestant, note de AMG]. Et de quel ton hautain tant d'hommes, qui semblent peu familiers avec les hardiesses de l'esprit, ne reprochent-ils point au protégé de Marguerite, à l'ami de Thomas More, ce qu'ils daignent, les jours d'indulgence, n'appeler que leurs « timidités » ? - A l'autre bout du siècle, il leur faut un Montaigne poltron, fuyant la peste et les dangers publics. Entre deux, un Rabelais claqué sur son Panurge : plaisantin, rusé, écornifleur cynique, total incrédule - mais dissimulant pour rendre à l'Église les politesses requises. Ou bien (c'est la version nouvelle) un Rabelais fanatique, violemment insurgé non seulement contre l'Église catholique mais contre la croyance chrétienne en tant que telle : d'ailleurs masqué, et par peur. Comme si la peur était, ici-bas, la compagne naturelle (et louable) de l'intelligence et de la raison ?"

Peut-être serez-vous comme moi sensible aux échos murayiens (avec ou sans i ?) d'un tel texte. Bonnard dans les années 20 et 30 déplorait cette tendance à diminuer rétrospectivement les grands hommes, cette façon qu'a l'individu démocratique, au sens anthropologique du terme, à projeter ses petitesses et ses peurs sur les hommes des âges non démocratiques. Muray quant à lui saura lier explicitement cette tendance et le goût de l'anachronisme - péché irrémissible… -, montrer et démontrer leur articulation, seulement suggérée par L. Febvre.

A qui nous redonnons la parole pour finir ; et si la formulation est un rien pompeuse, l'idée (je pense surtout à celle qui est exprimée entre parenthèses) me semble juste :

"A ces fantaisies d'une histoire médiocre, trop souvent dictées par des soucis personnels à des hommes perdus dans l'infini détail - substituer une conception plus vraiment humaine (la peur est de l'homme, mais plus encore le triomphe sur la peur) des conceptions spirituelles d'un siècle historique : l'ambition de ce livre."

La peur est humaine certes, mais en la dépassant on est encore plus humain. Ce qui me rappelle d'ailleurs la phrase que j'avais d'abord pensé citer aujourd'hui (pensé ou pensée ? l'accord se fait si le participe est suivi comme ici d'un infinitif ?), phrase lue dans l'Équipe de ce jour. Elle a pour cadre de départ le sport, mais on peut évidemment l'appliquer à d'autres activités humaines, la politique notamment :

"Tout le monde a un plan de jeu. Jusqu'au moment où vous vous prenez un pain dans la tronche." (Mike Tyson, cité par Mats Wilander, ce qui peut expliquer, la traduction aidant, le mélange entre les champs lexicaux du tennis et de la boxe.) Il y a la stratégie, et puis vous vous prenez, par exemple, de la « poudre de Perlimpinpin » dans la tronche...