dimanche 20 août 2017

"J'ai vu le genre humain en vacances…"

C'est une phrase de Chateaubriand que Muray citait souvent : dans les années qui suivent la Révolution, pendant une phase où il ne se passe rien, les gens errent, n'ont plus de but, sont désoeuvrés. Vacances, cela veut dire vide, et Muray joue bien sûr avec le sens contemporain du mot, les vacanciers, les touristes, sont vides, ils ne sont des zombies arpentant et détruisant, par leur simple présence comme par les effets collatéraux de cette présence, ce qu'ils visitent…

Plus simplement, c'est ma façon de vous dire que je pars moi-même en vacances, et que ce comptoir sera donc vide quelques jours. Je décompterai scrupuleusement les jours manqués et les rattraperai en début d'année prochaine. Il faudra bien cela pour digérer les premiers voeux aux Français du Président Macron et les commentaires qu'en feront les éditorialistes.

A bientôt et bon courage à tous en ces temps appelés à devenir de plus en plus difficiles...

samedi 19 août 2017

P. Muray cite une lettre de Baudelaire à Monet, 28 octobre 1865.

Baudelaire "vient de recevoir le dernier volume de Hugo agrémenté d'une dédicace : jungamus dextras... Il commente férocement : « Cela, je crois, ne veut pas dire seulement : donnons-nous une mutuelle poignée de main. Je connais les sous-entendus du latin de V. Hugo. Cela veut dire aussi : unissons nos mains, POUR SAUVER LE GENRE HUMAIN. Mais je me fous du genre humain, et il ne s'en est pas aperçu. » C'est évidemment tout le problème. C'est toujours et encore la question. L'objet de tout désaccord fondamental."

Moralement parlant, on ne peut sauver un groupe, c'est déjà beau d'aider quelqu'un à se sauver lui-même. Alors sauver l'espèce elle-même... Sans compter que cela nous ramène aux dérives meurtrières et génocidaires évoquées il y a quelques jours.

vendredi 18 août 2017

Même pas envie de dire du mal de l'Islam ou du Grand Remplacement ce matin.

D'Anne Hidalgo déjà plus... C'est la mobilité moderne, les Espagnols nous envoient une écoeurante humaniste tout juste bonne à se masturber avec la tour Eiffel, comme maire de Paris, nous leur renvoyons une racaille musulmane marseillaise qui vient leur dégommer des touristes dont ils prennent l'argent mais dont par ailleurs ils se plaignent. Et ainsi de suite.

Mais je m'étais promis de ne pas être polémique aujourd'hui. Je laisse donc la parole à Jean Madiran. Si l'importance mise sur la vie chrétienne dans ce qui suit vous chatouille, concentrez-vous sur l'état d'esprit global du texte.

"Saint Thomas d'Aquin l'avait déjà dit à sa manière quand il remarquait que la loi civile et l'organisation de la cité qu'elle détermine ont une influence morale décisive sur la plupart des citoyens. Mais à l'heure actuelle, la petite élite capable d'entraîner les autres en leur construisant un cadre de vie où la vertu soit relativement facilitée au lieu d'être mise pratiquement hors la loi, cette petite élite doit d'abord faire la preuve qu'elle existe. Tout le monde parle de changer le régime politique et social, mais chacun attend que ce soient les autres qui le changent effectivement, parce que chacun sent bien à quelle exigence pratique il se heurte : pour la mise en oeuvre du christianisme dans l'organisation temporelle, il faut des hommes qui aient commencé par le mettre en oeuvre en eux. Et ces hommes seront les Chevaliers du XXIe siècle.

Pour montrer que le christianisme intégral peut encore être vécu aujourd'hui par un homme moderne, il faut des hommes qui commencent par le vivre. La possibilité du mouvement se prouve en marchant ; la possibilité d'une vie chrétienne malgré l'effroyable désordre du monde présent se prouve par la réalité de certaines vies chrétiennes. On suivra non point les chefs qui proposeront le but, mais ceux qui auront déjà commencé à le réaliser en eux-mêmes. Et c'est peut-être pour ça que dans notre société croulante l'on ne suit durablement personne."

C'est écrit en 1949, et Madiran bien sûr parle de Chevaliers du XXe siècle, mais la société française a depuis pris une autre direction, "dont nous goûtons aujourd'hui les fruits amers" (Foucault, dans un autre contexte, je cite de mémoire. Je voyais il y a quelques semaines une évangéliste protestante noire haranguant le quai du métro de la Gare du Nord avec micro et ampli, s'il vous plaît, sur l'importance de Jésus-Christ, et ne pouvais me retenir de penser que c'était là la conséquence de Mai 68. Que ce ne fût pas l'intention de départ n'y change rien). - Comme disait Jean-Pierre Voyer, seul ce qui a un sens est réel. Si l'Europe n'a plus de sens, elle n'a plus de réalité. Argumenter sur la qualité de ce qui la détruit ou la remplace n'est pas futile en soi mais ne risque pas de suffire : il est même tout à fait logique qu'elle soit de plus en plus à la merci de racailles « islamisées » (malgré les guillemets, ce n'est pas loin d'être un pléonasme) et d'Africains opportunistes et prédateurs. Si ce n'est pas un compliment, c'est qu'elle n'en mérite pas. Quoi de plus pathétique qu'un esclave salarié, quoi de plus remplaçable qu'un touriste ?

jeudi 17 août 2017

La parole à un énarque, tout arrive.

"Un islamiste fait 200 morts en France ? Pas d'amalgame ! Un suprémaciste fait un mort à 5000 km d'ici ? Il y a 11 millions de nazis en France." (Jean Messiha).

C'est le processus que je décrivais au sujet de l'attentat d'Orlando, qui avait de plus l'avantage comique d'être perpétré par un islamiste : on culpabilise et instrumentalise dans le monde entier des gens qui ne sont pour rien dans ce qui a été commis. Là, pas de nuance, pas de mise en contexte, on amalgame à fond, on essore, on fait tout bouillir, etc.

Il paraît qu'Alain Soral vit dans la hantise qu'un gars d'E&R se montre coupable d'un acte de violence. Il a raison : c'est lui qui se retrouverait en tôle dans l'année.

mercredi 16 août 2017

"La drogue est de gauche, l'alcool est de droite",

disait P. Cormary dans le temps. Ce à quoi il lui fut répondu que les militants CGT levaient le coude à qui mieux mieux. Ce à quoi un soralien répondrait que tout cela prouve qu'ils sont « droite des valeurs »...

Bref : je repensais à ce petit débat en tombant sur cette phrase de Muray (j'ai bientôt fini le livre, rassurez-vous...) :

"…ou comme tout militantisme fait advenir hallucinatoirement à la place du monde présent ce fantôme des fantômes qu'est l'« avenir »…"

phrase qui fait tout de même nettement ressortir la nature fantasmatique de l'avenir, dans la bouche de ceux qui en parlent. Le Paradis sur terre, quoi. Et pendant que je suis sur cette terre, tant qu'à faire. Ce doit être un droit de l'homme.

Puisqu'on parle de fantasmes, et que cela m'a fait songer à la prophétie d'Aragon : "La femme est l'avenir de l'homme", j'en profite pour noter, toujours d'après Muray, que la silhouette de la femme fragile, vierge, innocente, souvent morte jeune et revenant sous forme de fantôme bienveillant (romantiques allemands, Nerval, préraphaélites...), apparaît au XIXe au même moment que les mouvements d'« égalités des droits » surgissent. Les plus rêveurs et les plus fragiles des écrivains poétisent immédiatement, pour reprendre l'expression de Flaubert, la femme, afin de ne plus affronter les femmes. Lesquelles, comme en ce moment, sentent le champ libre et l'investissent, non sans continuer à râler sur la « domination masculine », vous connaissez le sketch. L'intéressant est sa généalogie.   

mardi 15 août 2017

Suite du précédent. La masturbation donne une petite bite. Le socialisme un petit cerveau.


Plein d'enthousiasme pour la prose de Flaubert et les conclusions que je me permettais d'en tirer, j'ai hier soir complètement oublié que j'avais d'abord prévu de citer un deuxième passage. Extrait d'une lettre adressée à sa maîtresse Louise Colet, qui semble avoir été, si l'on suit P. Muray, un beau brin de chieuse arriviste, quelque part entre S. Royal et C. Angot, une certaine éducation début XIXe en plus, tout de même. Je rappelle que l'époque se passionnait pour le spiritisme, et quand on dit l'époque, on entend les milieux à la mode, les prescripteurs d'opinion, les bobos ou hipsters de ce temps :

"Avoue que c'est fort, les tables tournantes. Ô lumières ! Ô progrès ! Ô humanité ! Et on se moque du Moyen Âge, de l'Antiquité, du diacre Pâris, de Marie Alacoque, et de la Pythonisse ! Quelle éternelle horloge de bêtises que le cours des âges ! (…, coupure de P. Muray.) C'est une chose curieuse comme l'humanité, à mesure qu'elle se fait autolâtre, devient stupide. Les inepties qui excitent maintenant son enthousiasme compensent par leur quantité, le peu d'inepties, mais plus sérieuses, devant lesquelles elle se prosternait jadis. Ô socialistes, c'est là votre ulcère ; l'idéal vous manque. Et cette matière même, que vous poursuivez (comme Onfray, note de AMG), vous échappe des mains comme une onde. L'adoration de l'humanité pour elle-même et par elle-même (ce qui conduit à la doctrine de l'utile dans l'art, aux théories de salut public et de raison d'État, à toutes les injustices et tous les rétrécissements, à l'immolation du droit, au nivellement du Beau), ce culte du ventre, dis-je, engendre du vent (passez-moi le calembour). Et il n'y a sorte de sottises que ne fasse et qui ne charme cette époque si sage."

Ce qui m'intéresse le plus ici, c'est un fragment de la parenthèse : l'adoration de l'humanité par elle-même conduit aux théories de salut public et de raison d'État. On a déjà sacrifié des individus à la collectivité bien avant les socialistes et les révolutionnaires, mais l'idée de Flaubert (et de Muray) est celle-ci : si l'on pense que l'humanité peut être sauvée par elle-même, cela légitime toutes sortes de sacrifices, d'autant que ceux qui se mettent au travers de ce salut (eh oui, terme religieux) peuvent être vus - et l'ont été - comme des traitres à la cause, et donc à la cause de l'humanité, et donc des traîtres à l'humanité, qui par conséquent s'en excluent eux-mêmes, etc. Hélas, avec l'esprit missionnaire du transhumanisme, cela semble toujours actuel.

(L'hypothèse inverse est nettement plus réconfortante : l'humanité, avec ses qualités et ses défauts, est irrécupérable, elle ne fera jamais mieux que ce qu'elle a déjà fait. Ce qu'on peut (et doit) améliorer, ce sont de petites choses au regard de l'histoire, mais qui, mises bout à bout, et si chacun y met du sien en pensant d'abord à se corriger soi-même, amélioreront, difficile de ne pas utiliser l'expression, le vivre-ensemble. Le péché originel, c'est grave cool. Pour un peu, ce serait de gauche.)

lundi 14 août 2017

La masturbation rend sourd. Le socialisme rend aveugle.


Il s'agit ici de la masturbation de l'« humanité » par elle-même : on se branle sur une certaine idée de l'espèce humaine, de ses droits, de son avenir, etc., et on finit avachi comme un vieux branleur, sourd et aveugle à tout ce qui est autour de soi. Flaubert :  

"La torpeur moderne vient du respect illimité que l'homme a pour lui-même. Quand je dis respect, non, culte fétichisme. Le rêve du socialisme, n'est-ce pas de pouvoir faire asseoir l'humanité, monstrueuse d'obésité, dans une niche toute peinte en jaune, comme les gares de chemin de fer, et qu'elle soit là à se dandiner sur ses couilles, ivre, béate, les yeux clos, digérant son déjeuner, attendant son dîner, et faisant sous elle ?"

Une niche comme une gare de chemin de fer, n'est-ce pas la famille dans son petit appartement de merde, avec internet et télé pour voyager sans bouger ? De toutes façons, avec le tourisme de masse et ses effets d'uniformisation, on peut aussi (on peut encore faire autrement…) bouger sans voyager. On rappellera par ailleurs que si les Français ont toujours eu un rapport affectif au vin, l'alcoolisme de masse, lui, est contemporain de l'enracinement de la IIIe République.

Et puis : à partir du moment où on ne pense qu'à bouffer (au sens : du pain, des jeux, et du cul - du cul - du cul, comme disaient les Guignols de l'Info dans le temps), comment s'étonner que les barbares viennent prendre leur part ? Comment leur reprocher leur avidité et leur matérialisme ? Au nom de quoi ? Ils imitent leurs maîtres, ça ne change pas, mais en profitent pour leur niquer la gueule et leur baiser leurs femmes, ça peut se comprendre. Qui a vécu par la bouffe périra en faisant sous soi…

dimanche 13 août 2017

De la servitude masculine volontaire.

Je ne m'en souvenais plus, mais on trouve dans Le 19e siècle à travers les âges l'un des plus beaux textes de P. Muray, une analyse brillante et émouvante de l'oeuvre de Flaubert. J'en extrais la citation du jour - c'est Flaubert qui écrit, cela vient de sa correspondance, Muray ne donne aucune référence :

"La femme me semble une chose impossible. Et plus je l'étudie, et moins je la comprends. Je m'en suis toujours écarté le plus que j'ai pu. C'est un abîme qui attire et qui me fait peur ! Je crois, du reste, qu'une des causes de la faiblesse morale du 19e siècle vient de sa poétisation exagérée. Aussi le dogme de l'Immaculée Conception me semble un coup de génie politique de la part de l'Église. Elle a formulé et annulé à son profit toutes les opérations féminines du temps. Il n'est pas un écrivain qui n'ait exalté la mère, l'épouse ou l'amante. La génération, endolorie, larmoie sur les genoux des femmes comme un enfant malade. On n'a pas idée de la lâcheté des hommes envers elles."

Et à l'époque, les hommes n'avaient même pas l'excuse des lois anti-discrimination de plus en plus inquisitrices et liberticides : ils se sont mis à genoux volontairement devant les femmes - en des proportions certes moindres que de nos jours. J'imagine d'ailleurs la Marche des fiertés décrite par Flaubert... Il se reprendrait un procès, comme pour Madame Bovary, mais on rigolerait. Quoi qu'il en soit, cette tirade et les réflexions qu'elle suscitent le confirment encore : quand on a le pouvoir et qu'on le perd, on y est forcément pour quelque chose.


samedi 12 août 2017

Michel Onfray bat le record mondial de conneries au paragraphe.

Éléments toujours, cet homme bien sûr de lui y explique en quoi son matérialisme inspiré de Lucrèce met à bas l'ignoble christianisme. Ça dure une colonne entière de bêtises, contresens, généralisations abusives et intempestives, je cite dans son intégralité le passage le plus dense en absurdités :

"Quatrième leçon : l'hédonisme. Le souverain bien n'est pas dans l'imitation de la passion du Christ et le désir de la mort, ce qui génère masochisme et névrose, goût de la souffrance et plaisir pris au cadavre, mais dans le plaisir pris à vivre sa vie. Parmi les plaisirs : la frugalité, autrement dit une vie simple débarrassée de la consommation ou de l'accumulation, du luxe ou du superfétatoire. Mais aussi l'amitié à laquelle je donne une place importante. Elle est le sentiment électif et aristocratique païen qui permet de combattre la fiction chrétienne d'un amour du prochain universel pour réaliser son salut."

Deux intellectuels assis vont moins loin qu'un con qui marche, mais un intellectuel con qui bat la campagne, ça va loin. Dois-je répondre, sachant que l'intéressé insiste  - sans complètement convaincre… - sur le fait qu'il se moque bien de ce qu'on dit de lui ? Très brièvement :

 - il n'y a pas de « désir de la mort »  dans le christianisme. Il est précisé depuis longtemps à ceux qui aimeraient rejoindre le Christ trop tôt que ce n'est pas comme ça que ça marche ;

 - on imite le Christ globalement, pas sa passion en particulier. Sur ce point, j'ai dû me renseigner auprès d'un spécialiste - sachant que justement, je n'en suis pas un, et que cela aggrave le cas de M. Onfray : même quelqu'un qui n'y connaît pas grand-chose voit qu'il délire. Bref : l'imitation peut effectivement aller jusqu'au sacrifice,  et on l'a vu au fil de l'histoire de nombreux saints et martyrs, mais le sacrifice n'est pas une fin en soi. Lier un fantasmé « désir de la mort » avec une « imitation de la passion» présentée comme un devoir, cela relève du braquage intellectuel ;

 - « plaisir pris au cadavre »  : l'expression d'une part est maladroite et peu claire, d'autre part ne s'applique absolument pas au christianisme - laissez les morts enterrer les morts, bordel ! Ajoutons rapidement que lorsqu'on relit Muray comme je le fais en ce moment et qu'on est de ce fait abreuvé quotidiennement de citations antichrétiennes et nécrophiles d'auteurs souvent socialistes du XIXe, on éclate de rire en lisant une telle bêtise ;

 - je passe directement à la dernière formule : « amour du prochain universel pour réaliser son salut » , ça ne veut rien dire et c'est faux, belle conjugaison de deux défauts peu aisés à concilier. On doit commencer par aimer son prochain comme soi-même, personne n'a dit que c'était facile, c'est au contraire déjà une forme d'ascèse ;

 - un mot sur la deuxième partie du paragraphe. Imaginons que c'est par simple maladresse que M. Onfray semble reprocher au christianisme une négation de la frugalité, un rôle dans la société de consommation ou un mépris de l'amitié (laquelle il est vrai n'est pas spécialement valorisée par la théologie chrétienne), et signalons qu'il y a d'importantes distinctions à faire entre « la consommation », « l'accumulation », « le luxe » et « le superfétatoire ». Il y avait, et c'est heureux, du luxe avant que la société ne devienne de consommation, il est même possible qu'à terme celle-ci tue celui-là (ou ne le vide de sens) - et il n'y a aucune honte à aimer le luxe, tant qu'on sait ne pas en dépendre plus que de raison. Si l'on enlève « le superfétatoire », il ne reste que le nécessaire… comme pour les animaux. Un grand progrès !

Je m'arrête là, sauf demande du public, le reste de l'interview contient d'autres perles.  

(Pourquoi Alain de Benoist, qui interroge notre sommité athée, est-il si indulgent, voire flagorneur ? Sympathie personnelle, anticléricalisme fraternel ? Il est vrai que de même que l'intelligence d'Alain Finkielkraut semble se figer lorsqu'il est question d'Israël, celle du père fondateur d'Éléments se fait moins rigoureuse dès que le mot « païen » point le bout de son défunt nez. On peut en dire autant d'Alain Soral quand il évoque l'Islam ou de Marc-Édouard Nabe avec les Arabes de France. - Chacun sa faiblesse !)  

vendredi 11 août 2017

Thomas Hennetier paraphrase le dernier livre de Régis Debray.

C'est dans Éléments :

"Quel chef d'État européen pourrait affirmer aujourd'hui, comme le général de Gaulle le faisait encore en 1965, que l'Europe est « la mère de la civilisation moderne », et l'Amérique « sa fille » ? En considérant comme Régis Debray qu'une civilisation est offensive, conquiert et convertit, alors qu'une culture est défensive, résiste et survit, force est de constater qu'il ne subsiste plus en effet aujourd'hui qu'une civilisation américaine, avec des variantes culturelles européennes.

Une inversion s'est produite au XXe siècle : alors qu'en 1919 Paul Valéry, s'il pressent la sénescence européenne, voit encore l'Amérique comme une projection de l'Europe ou une adolescente en voie d'émancipation, Samuel Huntington, en 1996 (Le choc des civilisations), réunit les deux continents sous un même leadership américain, et sous la même bannière civilisationnelle, l'Occident. Celui-ci joue parfaitement son rôle de mythe, qui est de « changer une histoire en nature et la contingence en évidence. » La périphérie est devenue le centre : « (…) Cela s'appelle une défaite »."

(La coupure sur la dernière phrase est de moi). La distinction civilisation / culture comme la brève synthèse de l'inversion des rôles au XXe siècle me semblent pertinentes. On rappellera que les Américains investissement énormément de temps, d'énergie - et parfois de talent - dans leur domination culturelle (j'emploie ce mot sans vouloir créer de confusion avec la distinction précédente), ce qui n'est pas franchement le cas de la France. On ajoutera que depuis quelques années la culture anglaise parvient à être régulièrement présente dans les productions audio-visuelles américaines et/ou occidentales : il se produit là comme un rapprochement des deux visages anglo-saxons de l'« Occident », rappelant le fameux avertissement de Churchill à de Gaulle - quand elle doit choisir entre l'Europe et le grand large (les États-Unis), l'Angleterre choisit toujours le grand large. En ces temps de Brexit et de subversion migratoire (Brexit notamment provoqué par des forces politiques économiquement libérales, ne l'oublions pas), ce rapprochement n'a rien d'innocent : l'Angleterre sait par quelles voies elle a le plus de chances de survivre et de s'exprimer. On ne peut que souhaiter que se produise maintenant un rapprochement entre pays latins, et que l'invasion dont ils sont victimes leur permette de redécouvrir leur cousinage ancien comme leurs solidarités de fait. Mais comme cela va devoir se faire contre leurs gouvernants propres - lesquels ont tout de même été élus, mal élus peut-être (comme Freud disait que les Allemands avaient été « mal baptisés »), mais élus, et donc un peu voulus par une partie des populations -, ce n'est pas gagné. 

jeudi 10 août 2017

"Voilà ce qui me scandalise."

"Les optimistes sont redoutables ; ils entreprennent des guerres qui ne finissent pas ou s'achèvent par des victoires désastreuses ; ils prônent de gigantesques oeuvres de bienfaisance qui ruinent tout le monde ; ils ont un langage fier. Les pessimistes ne peuvent jamais dire ce qu'ils pensent : ils feraient moins de mal, mais ils sont tristes ; c'est leur seul défaut. Je recommande un pessimisme gaillard, plein d'allant. Le principal est de voir au bon moment ce qui est possible et ce qui ne l'est pas."

"La politique intéresse toujours les écrivains. Pourquoi écrire un volume sur des matières si volatiles ? L'histoire fera bouillir ces choses dans sa marmite de sorcière, et ce qui en ressortira n'aura point de ressemblance avec l'objet de nos soucis. Nos opinions signifient que nous sommes faits ainsi ; voilà tout.

Quant à l'opinion littéraire, elle dépend de vingt personnes à Paris.

En général, les critiques n'ont pas le goût plus mauvais que le premier venu ; ils sont gênés par leurs préjugés politiques. On m'a montré la lettre d'un critique qui ose dire (…) qu'il ne parle jamais de X., parce que X. a écrit un ouvrage politique (lequel ouvrage est fort connu) qui lui a déplu.

Ainsi un homme qui a des lettres, puisqu'il est critique, attache de l'importance à sa propre opinion politique et à celle des autres ; voilà ce qui me scandalise. On a vu jadis les Français du Nord et les Français du Sud s'entr'égorger pendant quatre siècles autour d'Albi et Toulouse et l'on n'a pas décidé encore lesquels servaient la bonne cause. Je regarde mes propres opinions et celles des autres comme des enfantillages ; c'est à quoi m'ont conduit mes études. Présentement les opinions politiques du Français sont les opinions d'une femme nerveuse ; les idées d'une femme nerveuse, je sais d'où elles viennent. Je n'aime pas ça."

Jacques Chardonne.

mercredi 9 août 2017

"A la racine de toutes choses et de lui-même Dieu a mis la paternité."

Paul Claudel. Plus simple tu meurs. Dieu n'est pas une femme, une femme n'est pas un père, Dieu n'est pas LGBT. Allah, en revanche...

Passons. Un peu de Nimier pour que vous ne croyez pas que je suis devenu paresseux :

"On vit avec une imagination et une femme. Ce n'est pas toujours facile de les faire coexister, même si l'on est pourri de bon sens comme vous et moi. Ajoutez l'honneur (qui est une forme particulière de l'imagination, douloureuse en tout cas lorsqu'on ressent fortement l'humiliation) et tout se complique encore."

L'honneur que d'ailleurs des gens "pourris de bon sens comme vous et moi" redécouvrent par ses côtés holistes, comme j'écrivais dans le temps - lisez collectifs, pour faire vite : à défaut d'avoir aussi souvent honte à titre personnel que nous le devrions, nous retrouvons ce sentiment par la honte collective, quand nous voyons comment les autres nous considèrent en tant que collectivité, et parce que nous savons qu'ils n'ont pas tort.

mardi 8 août 2017

Chacun voit midi à la porte de l'autre.

"La pensée dominante du moment est un « cégétolepenisme » mâtiné de conspirationnisme et de déclinisme", lis-je dans Éléments sous la plume de Marc-Édouard Nabe. Non, je déconne, il s'agit d'une déclaration de Sébastien Le Fol, interviewé en compagnie de Daoud Boughezala et Alexandre Devecchio, dans Éléments, donc.

Sébastien Le Fol travaille au Point - il n'y a pas de sot métier -, ce qu'il dit n'est bien sûr pas faux, mais ce qui m'amuse est la permanence de cette figure de rhétorique consistant à gonfler l'importance ou l'influence de la doctrine que l'on entend combattre. Cette pensée supposée « dominante » s'est largement fait démolir au deuxième tour de l'élection présidentielle. Comme le dit un peu plus tôt dans le même article D. Boughezala, avec cette élection, "Emmanuel Macron prépare en toute quiétude la réforme du travail et l'extension du domaine de la reproduction artificielle. (...) Le dieu Progrès ne s'est jamais aussi bien porté à l'Élysée."

Certes on ne mettra pas sur le même plan les niveaux respectifs des débats intellectuels dans les revues et le vote des Français au deuxième tour d'une élection où l'on choisit souvent faute de mieux,  la ficelle utilisée par S. Le Fol n'en reste pas moins un peu grossière. Cela fait bientôt deux siècles que les libéraux en France se présentent comme minoritaires et persécutés, mais de Guizot à Macron en passant par Poincaré, Jean Monnet, Giscard d'Estaing ou Sarkozy, ils sont quand même souvent là pour nous faire chier. - Ce qui perturbe le débat ceci dit, c'est que l'importance historique de l'État en France fait que c'est souvent l'État qui nous force à être libéraux - cette formule paradoxale montre quel est le problème, d'un point de vue général comme du point de vue d'un libéral sincère et bien intentionné : en France, le libéralisme vient d'en haut, alors qu'en bonne logique il devrait venir en bonne partie d'en bas. Je ne dis d'ailleurs pas que la France soit le seul pays dans ce cas, mais cela s'y voit plus nettement qu'ailleurs.

lundi 7 août 2017

Chesterton nous explique que le transhumanisme est de gauche. Comme Jacques Attali et Bernard Shaw. Et ce n'est pas rassurant.

"Après avoir, pendant des années, malmené un grand nombre de gens parce qu'ils n'étaient pas progressistes, M. Shaw a découvert, avec son bon sens caractéristique, qu'il est très douteux qu'un être à deux jambes puisse réellement être progressiste. En étant arrivés à douter que l'humanité et le progrès soient compatibles, la plupart des gens faciles à satisfaire auraient choisi d'abandonner le progrès et de rester avec l'humanité. N'étant pas facilement satisfait, M. Shaw a décidé d'abandonner l'humanité, avec toutes ses limitations, et de prendre le parti du progrès pour le progrès en soi."

En Marche !

dimanche 6 août 2017

Tour de Babel.

"Depuis mai 68, il y a eu une affirmation continue de la liberté individuelle contre le poids des institutions. Cela aboutit aujourd'hui à ce que Bourdieu appelait un «effet d'hystérésis», un décalage entre une disposition, individuelle ou collective, et un contexte social qui a changé : on continue à faire comme s'il fallait se battre pour davantage de liberté individuelle alors que celle-ci a été largement obtenue, et que ce sont plutôt ses effets pervers qui posent aujourd'hui problème."

Nathalie Heinich, ici. - Ce qui signifie, et votre serviteur, évoluant parfois dans des milieux sociaux dont il ne partage guère les valeurs, peut en témoigner, que sur certaines questions les positions de certains Français ne sont pas audibles pour d'autres Français. Ce n'est même pas qu'on n'est pas d'accord, ou qu'on ne peut pas s'encadrer (ces deux propositions sont vraies néanmoins), c'est qu'on ne parle pas de la même chose, que certains veulent aller plus loin dans une direction pour convaincre les autres, alors que ceux-ci jugent qu'on est déjà allé bien trop loin dans cette direction. Et il n'y a pour l'heure guère de raison que ça s'arrange, au contraire, la logique veut que ces décalages s'amplifient encore...

samedi 5 août 2017

"Alors que le matérialisme sévit..."

Voici une conversation entre les deux principaux personnages du roman de Huysmans, Là-bas, conversation dans laquelle se trouve exprimée la thèse principale du 19e siècle à travers les âges de Muray : occultisme et socialisme vont de pair, thèse qui permet d'aborder E. Macron sous un jour plus pertinent me semble-t-il que sous le seul angle de l'« ultra-libéralisme » ou du « jouet d'Attali ». Pour le dire clairement : notre président est mystique-socialiste avant d'être libéral-libertaire. J'essaie de vous faire partager cette conviction au fil des citations...  sachant que, notamment chez Soral, ceux qui critiquent le libéralisme de M. Macron sont parfois loin d'être exempts de tentations occultistes et millénaristes. - Mais je laisse la parole à Huysmans : 

"Quelle bizarre époque, reprit Durtal en le reconduisant. C'est juste au moment où le positivisme bat son plein, que le mysticisme s'éveille et que les folies de l'occulte commencent.

 - Mais il en a toujours été ainsi ; les queues de siècle se ressemblent. Toutes vacillent et toutes sont troublées. Alors que le matérialisme sévit, la magie se lève. Ce phénomène reparaît tous les cent ans. Pour ne pas remonter plus haut, vois le déclin du dernier siècle. A côté des rationalistes et des athées, tu trouves Saint-Germain, Cagliostro, Saint-Martin, Gabalis, Cazotte, les Sociétés des Rose-Croix, les cercles infernaux comme maintenant ! - Sur ce, adieu, bonne soirée et bonne chance."

Oui, bonne journée et bonne chance !

vendredi 4 août 2017

Brèves de riches.

"C'est quand on commence à payer des pensions alimentaires qu'on se rend compte à quel point un mois passe vite."

Jean Yanne. Bon, chez certains, le loyer, les factures EDF, etc., donnent le même sentiment. Une autre :

"On ne connaît pas vraiment une femme tant qu'on n'a pas été confronté à elle devant un juge."

Woody Allen. L'envie du pénal, en quelque sorte, pour évoquer encore une fois P. Muray.

jeudi 3 août 2017

Vivement les ordonnances !

"La forme des pyramides d'Égypte montre qu'à l'époque les ouvriers avaient déjà tendance à en faire le moins possible."

W. Cuppy.

mercredi 2 août 2017

"Tout ce qu'on raconte sur Hollywood est exact, même les mensonges."

Orson Welles. Une autre pour la route (service minimal en ce moment, je coupe de ma vie habituelle pendant trois jours) :

"A Hollywood, si vous n'allez pas voir un psychiatre, tout le monde croit que vous êtes fou." 

Bob Hope. A demain !

mardi 1 août 2017

Aux ambitieux d'aujourd'hui...

"Le meilleur moyen de changer le cours de l'histoire, c'est de devenir historien."

Paul Dickinson.