lundi 31 octobre 2005

Je ne comprends pas.

Et ça m'énerve, bien sûr. Mais on dit d'un côté que la politique économique est tyrannisée par l'anti-inflationnisme, et d'un autre que depuis l'euro les prix augmentent - tout le monde est d'accord là-dessus. Dans la presse genre Politis ou Monde diplomatique, trouve-t-on une explication à ce contraste entre les faits et les principes ? A quoi sert Serge Halimi ?

Libellés :

dimanche 30 octobre 2005

Rions un peu avec Louis-Ferdinand.

- "L'Epoque est généreuse en rien, sauf en étals, brûleries, penderies, c'est rare que vous trouverez pas quelque chose !"

- "La dictature de l’épicier est la plus humiliante de toutes !"

- "Les vérités que l’on sait ne sont décidément rien, seules comptent les vérités payées, saignées personnellement. ”

- "Je vous le détruis le Café du commerce !"




Un ami et lecteur vient de perdre un proche, je ne m'appesantirai donc pas plus que nécessaire sur ce sujet, mais, dans la mesure où il est peu probable que je tombe sur le champ de bataille, notamment pour les raisons exposées il y a quelques jours (dans le post-scriptum, 7ème paragraphe) et aussi parce que je ne suis pas bien sûr d'être courageux ailleurs que devant mon ordinateur, je fais ici publiquement le vœu de mourir chez moi et non à l'hôpital.

Libellés :

jeudi 27 octobre 2005

Bon Samaritain.

(Note du 10.11. Ajout en post-scriptum d'une note sur le livre Les Penchants criminels de l'Europe démocratique. Cet ajout a conduit - problème technique - à la suppression totale du texte par Blogger.com. J'en avais heureusement une copie, mais il se peut qu'elle diffère, sur quelques questions de forme, du texte précédemment mis en ligne.)


J'ai acheté, autant par curiosité que pour soutenir un éditeur (La fabrique) et un libraire (Actualités, Paris, rue Dauphine) que j'aime bien, le dernier livre de Jacques Rancière, La haine de la démocratie. J'espérais y trouver un affrontement en bonne et due forme avec P. Muray - qui me tracasse beaucoup en ce moment, on l'aura compris -, j'y ai surtout vu des idées qui ne pourront que plaire à M. Chouard, sur le texte duquel j'ai récemment écrit. Comme cet homme est un bourreau de travail, que je peux ici lui mâcher la besogne, et que, bien sûr, ces idées me semblent dignes d'intérêt, je retranscris ici certains passages, avec quelques commentaires. J'ose espérer que l'audience limitée - mais certainement choisie - de ce blog dissuadera La fabrique de m'intenter des poursuites - achetez donc Au mépris des peuples de F.-X. Verschave, L'industrie de l'Holocauste de N. Finkelstein (un procès de plus perdu par le remarquable changeur de religion M. Goldnadel), Le moteur humain de A. Rabinbach...

Bref. La thèse principale de M. Rancière, et bien que je connaisse très peu cet auteur il me semble qu'il l'explore depuis déjà quelque temps, est que la démocratie n'est pas un régime politique stricto sensu, mais à la fois la preuve et le désir qu'aucun régime n'est plus légitime qu'un autre. Qu'il repose sur la naissance, l'argent, la parole de Dieu, un régime politique en effet ne peut faire l'économie de relations égalitaires dans la société, ne serait-ce que pour que les flics comprennent ce qu'on leur dit et pourquoi ils doivent obéir. Mais aussi pour que les scientifiques soient formés et travaillent correctement, pour que le clergé ou les professeurs soient compétents, etc... Même l'inégalité érigée en principe ne peut se passer d'une multitude de relations égalitaires de fait : la démocratie, ce serait d'une part cet impensé des théories inégalitaires et la volonté d'élargir concrètement le champ de l'égalité. M. Rancière confronte cette double théorie aux discours anti-démocratiques contemporains - et antiques, puisqu'il montre éloquemment que certains ponts-aux-ânes actuels ne sont que du sous-Renan, qui lui-même ne faisait que du sous-Platon. Je précise d'ailleurs, et n'y reviendrai pas, que je trouve M. Rancière bien imprécis quant aux intellectuels anti-démocratiques contre lesquels il entend réagir et qu'il se peut qu'il constitue lui-même la pensée qu'il désire combattre. Cela ne change pas grand-chose à que j'ai à écrire aujourd'hui.
Mes interventions sont en italiques, ou en caractères gras quand je souligne une expression dans le corps du texte cité.
Mais laissons la parole à l'auteur.

- p. 32 : "...Renan et (...) sa vision des élites savantes garantes des libertés dans un pays menacé par le despotisme inhérents au catholicisme. (...) Que cette thèse s'accompagne chez Renan d'une nostalgie sensible pour le peuple catholique médiéval, mettant son travail et sa foi au service de la grande œuvre des cathédrales, n'est pas une contradiction. Il faut que les élites soient "protestantes", c'est-à-dire individualistes et éclairées, et le peuple "catholique", c'est-à-dire compact et plus croyant que savant, telle est, de Guizot à Taine ou Renan, le noyau de la pensée des élites du XIXème siècle."
Le lien avec de peu estimables contemporains n'est pas malaisé à retracer. On notera que la vision du catholicisme médiéval attribuée ici (avec raison sans doute) à Renan est bien simpliste - le catholicisme n'est pas que soumission -, et que cette division sociale pourrait être un principe cohérent s'il était exprimé franchement et si les élites étaient à la hauteur de l'image qu'elles se donnent à elles-mêmes.

- p. 34 : une perle parmi d'autres du faisandé Finkielkraut : "le venin de la fraternité". ( L'imparfait du présent, 2002, p. 164).

- pp. 35-36 : "La dénonciation de l'"individualisme démocratique" opère en effet, à peu de frais, le recouvrement de deux thèses : la thèse classique des possédants (les pauvres en veulent toujours plus) et la thèse des élites raffinées : il y a trop d'individus, trop de gens qui prétendent au privilège de l'individualité. Le discours intellectuel dominant rejoint ainsi la pensée des élites censitaires et savantes du XIXème siècle : l'individualité est une bonne chose pour les élites, elle devient un désastre de la civilisation si tous y ont accès."

Bien vu - encore faudrait-il travailler cette notion d'individualité, dont on peut constater chaque jour qu'elle n'a pas que du bon.

- p. 48, après un détour par Platon, à qui il est fait allusion dans la première phrase : "La démocratie n'est pas le bon plaisir des enfants, des esclaves ou des animaux. Elle est le bon plaisir du dieu, celui du hasard, soit d'une nature qui se ruine elle-même comme principe de légitimité. La démesure démocratique n'a rien à voir avec quelque folie consommatrice. Elle est simplement la perte de la mesure selon laquelle la nature donnait sa loi à l'artifice communautaire à travers les relations d'autorité qui structurent le corps social. Le scandale est celui d'un titre à gouverner entièrement disjoint de toute analogie avec ceux qui ordonnent les relations sociales, de toute analogie entre la convention humaine et l'ordre de la nature. C'est celui d'une supériorité fondée sur aucun autre principe que l'absence même de supériorité."

(Je clarifie : J. Rancière montre que Platon, quand il fait la liste des principes de gouvernements - richesse, naissance, âge, capacités... - est obligé d'admettre le hasard parmi ces principes - rappelons que Platon travaille à la fin de l'âge d'or de la démocratie athénienne, précisément fondée sur la pratique du tirage au sort. Cette présence du hasard remettrait à leur juste place - c'est-à-dire arbitraire, conventionnelle - les autres principes prétendument fondés en nature.)

- pp. 49-56 : "Le tirage au sort a depuis lors fait l'objet d'un formidable travail d'oubli [en note, l'auteur recommande sur ce sujet : Bernard Manin, Principes du gouvernement représentatif, Flammarion, 1996]. Nous opposons tout naturellement la justice de la représentation et la compétence des gouvernants à son arbitraire et aux risques mortels de l'incompétence. Mais le tirage au sort n'a jamais favorisé les incompétents plus que les compétents [cela dépend tout de même de la proportion de "compétents" dans la population...]. S'il est devenu impensable pour nous, c'est que nous sommes habitués à considérer comme toute naturelle une idée qui ne l'était certainement pas pour Platon et qui ne l'était pas davantage pour les constituants français ou américains d'il y a deux siècles : que le premier titre sélectionnant ceux qui sont dignes d'occuper le pouvoir soit le fait de désirer l'exercer.

Platon sait donc que le sort ne se laisse pas si aisément écarter. (...) Il y a à cela deux raisons. (...) La première est que le procédé du tirage au sort est en accord avec le principe du pouvoir des savants sur un point, qui est essentiel : le bon gouvernement, c'est le gouvernement de ceux qui ne désirent pas gouverner. S'il y a une catégorie à exclure de la liste de ceux qui sont aptes à gouverner, c'est en tout cas ceux qui briguent pour obtenir le pouvoir. (...)

[La deuxième raison :]Platon sait parfaitement ce qu'Aristote énoncera dans la Politique : ceux qu'on appelle les "meilleurs" dans les cités sont simplement les plus riches, et l'aristocratie n'est jamais qu'une oligarchie, soit un gouvernement de la richesse. La politique, de fait, commence là où l'on touche à la naissance, où la puissance des bien nés qui se réclamait de quelque dieu fondateur de tribu est déclarée pour ce qu'elle est : la puissance des propriétaires. Et c'est bien ce qu'a mis en lumière la réforme de Clisthène institutrice de la démocratie athénienne. Clisthèse a recomposé les tribus d'Athènes en assemblant artificiellement, par un procédé contre-nature, des dèmes - c'est-à-dire des circonscriptions territoriales - géographiquement séparés. Ce faisant, il a détruit le pouvoir indistinct des aristocrates-propriétaires-héritiers du dieu du lieu. C'est très exactement cette dissociation que le mot de démocratie signifie. Le critique [Il s'agit de Jean-Claude Milner, j'en reparlerai en conclusion] des "penchants criminels" de la démocratie a donc raison sur un point : la démocratie signifie une rupture dans l'ordre de la filiation. (...) La démocratie n'est pas pas l'"illimitation" moderne qui détruirait l'hétérotopie nécessaire à la politique. Elle est au contraire la puissance fondatrice de cette hétérotopie, la limitation première du pouvoir des formes d'autorité qui régissent le corps social. (...)

Si politique veut dire quelque chose, cela veut dire quelque chose qui s'ajoute à tous ces gouvernements de la paternité, de l'âge, de la richesse, de la force ou de la science qui ont cours dans les familles, les tribus, les ateliers ou les écoles et proposent leurs modèles pour l'édification des formes plus larges et plus complexes de communautés humaines. Il y faut quelque chose de plus, un pouvoir qui vienne du ciel, dit Platon. Mais du ciel ne sont jamais venues que deux sortes de gouvernements : le gouvernement des temps mythiques, le règne direct du pasteur divin paissant le troupeau humain, ou des daimones commis par Cronos à la direction des tribus ; et le gouvernement du hasard divin, le tirage au sort des gouvernants, soit la démocratie. Le philosophe veut supprimer le désordre démocratique pour fonder la vraie politique, mais il ne le peut que sur la base de ce désordre lui-même, qui a tranché le lien entre les chefs des tribus de la cité et les daimones serviteurs de Cronos.(...)

L'histoire a connu deux grands titres à gouverner les hommes : l'un qui tient à la filiation humaine ou divine, soit la supériorité dans la naissance ; l'autre qui tient à l'organisation des activités productrices et reproductrices de la société, soit le pouvoir de la richesse. Les sociétés sont habituellement gouvernées par une combinaison de ces deux puissances auxquelles force et science portent, en des proportions diverses, leur renfort. Mais si les anciens doivent gouverner non seulement les jeunes mais aussi les savants et les ignorants, si les savants doivent gouverner non seulement les ignorants mais les riches et les pauvres, s'ils doivent se faire obéir des détenteurs de la force et comprendre des ignorants, il y faut quelque chose de plus, un titre supplémentaire, commun à ceux qui possèdent tous ces titres mais aussi commun à ceux qui les possèdent et à ceux qui ne les possèdent pas. Or le seul qui reste, c'est le titre anarchique, le titre propre à ceux qui n'ont pas plus de titre à gouverner qu'à être gouvernés.

C'est cela d'abord que démocratie veut dire. La démocratie n'est ni un type de constitution, ni une forme de société. Le pouvoir du peuple n'est pas celui de la population réunie, de sa majorité ou des classes laborieuses. Il est simplement le pouvoir propre à ceux qui n'ont pas plus de titre à gouverner qu'à être gouvernés. De ce pouvoir-là on ne peut pas se débarrasser en dénonçant la tyrannie des majorités, la bêtise du gros animal ou la frivolité des individus consommateurs. Car il faut alors se débarrasser de la politique elle-même. Celle-ci n'existe que s'il y a un titre supplémentaire à ceux qui fonctionnent dans l'ordinaire des relations sociales. Le scandale de la démocratie, et du tirage au sort qui en est l'essence, est de révéler que ce titre ne peut être que l'absence de titre, que le gouvernement des sociétés ne peut reposer en dernière essence que sur sa propre contingence. [Il y a du Mauss dans cette dernière idée, j'y reviendrai à l'occasion.] (...)
C'est le paradoxe que Platon rencontre avec le gouvernement du hasard et que, dans sa récusation furieuse ou plaisante de la démocratie, il doit néanmoins prendre en compte en faisant du gouvernant un homme sans propriété que seul un heureux hasard a appelé à cette place. C'est celui que Hobbes, Rousseau et tous les penseurs modernes du contrat et de la souveraineté rencontrent tour à tour à travers les questions du consentement et de la légitimité. L'égalité n'est pas une fiction. Tout supérieur l'éprouve, au contraire, comme la plus banale des réalités. Pas de maître qui ne s'endorme et ne risque ainsi de laisser filer son esclave, pas d'homme qui ne soit capable d'en tuer un autre, pas de force qui s'impose sans avoir à se légitimer, à reconnaître donc, pour que l'inégalité puisse fonctionner, une égalité irréductible. Dès que l'obéissance doit passer pour un principe de légitimité, qu'il doit y avoir des lois qui s'imposent en tant que lois et des institutions qui incarnent le commun de la communauté, le commandement doit supposer une égalité entre celui qui commande et celui qui est commandé. Ceux qui se croient malins et réalistes peuvent toujours dire que l'égalité n'est que le doux rêve angélique des imbéciles et des âmes tendres. Malheureusement pour eux, elle est une réalité sans cesse et partout attestée. Pas de service qui s'exécute, pas de savoir qui se transmette, pas d'autorité qui s'établisse sans que le maître ait, si peu que ce soit, à parler "d'égal à égal" avec celui qu'il commande ou instruit. La société inégalitaire ne peut fonctionner que grâce à une multitude de relations égalitaires. C'est cette intrication de l'égalité dans l'inégalité que le scandale démocratique vient manifester pour en faire le fondement même du pouvoir commun. (...)

[J'aime bien tout ce passage, j'en approuve l'idée principale et même la reconnais comme quelque chose "su-sans-avoir-été-formulé", mais je note tout de même que l'on pourrait en tirer une conclusion que J. Rancière évite d'évoquer : à quoi bon l'égalité constitutionnelle s'il y a égalité de fait, même "si peu que ce soit" ? Ou encore : l'égalité de fait ne peut-elle pas être plus assurée dans certains régimes inégalitaires que dans certains régimes égalitaires ? Ceci appellerait d'autres développements : revenons à cette longue citation et laissons l'auteur conclure :]

Mais ce fondement est en fait aussi bien une contradiction : la politique, c'est le fondement du pouvoir de gouverner dans son absence de fondement. (...) Les plaintes ordinaires sur la démocratie ingouvernable renvoient en dernière instance à ceci : la démocratie n'est ni une société à gouverner, ni un gouvernement de la société, elle est proprement cet ingouvernable sur quoi tout gouvernement doit en définitive se découvrir fondé."

- p. 58 : "Les sociétés, aujourd'hui comme hier, sont organisées par le jeu des oligarchies. Et il n'y a pas à proprement parler de gouvernement démocratique. Les gouvernements s'exercent toujours de la minorité sur la majorité."

- pp. 60-62 : "La représentation n'a jamais été un système inventé pour pallier l'accroissement des populations. Elle n'est pas une forme d'adaptation de la démocratie aux temps modernes et aux vastes espaces. Elle est, de plein droit, une forme oligarchique, une représentation des minorités qui ont titre à s'occuper des affaires communes. (...) L'évidence qui assimile la démocratie à la forme du gouvernement représentatif, issu de l'élection, est toute récente dans l'histoire. La représentation est dans son origine l'exact opposé de la démocratie. Nul ne l'ignore au temps des révolutions américaine et française. Les Pères fondateurs et nombre de leurs émules français y voient justement le moyen pour l'élite d'exercer en fait, au nom du peuple, le pouvoir qu'elle est obligée de lui reconnaître mais qu'il ne saurait exercer sans ruiner le principe même du gouvernement. (...) La "démocratie représentative" peut sembler aujourd'hui un plénoasme. Mais cela a d'abord été un oxymore. [La démonstration historique sur la représentation, qui précède ce passage, n'est pas très convaincante.] (...)

Le suffrage universel n'est en rien une conséquence naturelle de la démocratie. La démocratie n'a pas de conséquence naturelle précisément parce qu'elle est la division de la "nature", le lien rompu entre propriétés naturelles et formes de gouvernement. Le suffrage universel est une forme mixte, née de l'oligarchie, détournée par le combat démocratique et perpétuellement reconquise par l'oligarchie qui propose ses candidats et quelquefois ses décisions au choix du corps électoral sans jamais pouvoir exclure le risque que le corps électoral se comporte comme une population de tirage au sort."

- pp. 79-82 : "Tout Etat est oligarchique. (...) Mais l'oligarchie donne à la démocratie plus ou moins de place, elle est plus ou moins mordue par son activité. En ce sens, les formes constitutionnelles et les pratiques des gouvernements oligarchiques peuvent être dites plus ou moins démocratiques. On prend habituellement l'existence d'un système représentatif comme critère pertinent de la démocratie. Mais ce système est lui-même un compromis instable, une résultante de forces contraires. Il tend vers la démocratie [abus de langage si l'on suit le raisonnement même de l'auteur] dans la mesure où il se rapproche du pouvoir de n'importe qui. De ce point de vue, on peut énumérer les règles définissant le minimum permettant à un système représentatif de se déclarer démocratique. [Suit un catalogue de principes que l'on croirait extraits du texte de Etienne Chouard : non-cumul, réduction des dépenses de campagne, "contrôle de l'ingérence des puissances économiques dans les processus électoraux"...]. De telles règles n'ont rien d'extravagant et, dans le passé, bien des penseurs ou des législateurs, peu portés à l'amour inconsidéré du peuple [Des noms, des noms !], les ont examinées avec attention comme des moyens d'assurer l'équilibre des pouvoirs, de dissocier la représentation de la volonté générale de celle des intérêts particuliers et d'éviter ce qu'ils considéraient comme le pire des gouvernements : le gouvernement de ceux qui aiment le pouvoir et sont adroits à s'en emparer. Il suffit pourtant aujourd'hui de les énumérer pour susciter l'hilarité. A bon droit : ce que nous appellons démocratie est un fonctionnement étatique et gouvernemental exactement inverse. (...) En bref : l'accaparement de la chose publique par une solide alliance de l'oligarchie étatique et de l'oligarchie économique. (...) Les maux dont souffrent nos démocraties sont d'abord les maux liés à l'insatiable appétit des oligarques. [Merci de le rappeler.]

Nous ne vivons pas dans des démocraties. (...) Nous vivons dans des Etats de droits oligarchiques, c'est-à-dire dans des Etats où le pouvoir de l'Etat est limité par la double reconnaissance de la souveraineté populaire et des libertés individuelles. [J. Rancière enchaîne sur un tableau assez sarcastique de ce qui reste de ces "libertés", pour conclure :] Les "droits de l'homme et du citoyen sont [avant tout] les droits de ceux qui leur donnent réalité."

- les pp. 87-88 évoquent le référendum relatif au TCE (sur un ton assez Politis).

- p. 89 : "Si l'on peut établir par comparaisons statistiques que certaines formes de flexibilisation du droit du travail créent à moyen terme plus d'emplois qu'elles n'en suppriment, il est plus difficile de démontrer que la libre circulation de capitaux exigeant une rentabilité toujours plus rapide soit la loi providentielle conduisant l'humanité tout entière vers un avenir meilleur. Il y faut une foi. L'"ignorance" reprochée au peuple est simplement son manque de foi. De fait, la foi historique a simplement changé de camp. Elle semble aujourdhui l'apanage des gouvernants et de leurs experts."
Pour ce qu'il faut peut-être en conclure, je me permets de renvoyer à mon Illumination du 22 août dernier.

- p. 95, Jacques Rancière note que le concept de "populisme" tel qu'il est utilisé à tire-larigot actuellement est "emprunté à l'arsenal léniniste", ce que j'ignorais.

- pp. 105-106, on en arrive à la conclusion : "La démocratie n'est ni cette forme de gouvernement qui permet à l'oligarchie de régner au nom du peuple, ni cette forme de société que règle le pouvoir de la marchandise. Elle est l'action qui sans cesse arrache aux gouvernements oligarchiques le monopole de la vie publique et à la richesse la toute-puissance sur les vies. Elle est la puissance qui doit, aujourd'hui plus que jamais, se battre contre la confusion de ces pouvoirs en une seule et même loi de la domination. (...) La société inégale ne porte en son flanc aucune société égale [ C'est une critique de Marx et de T. Negri.]. La société égale n'est que l'ensemble des relations égalitaires qui se tracent ici et maintenant à travers des actes singuliers et précaires. La démocratie est nue dans son rapport au pouvoir de la richesse comme au pouvoir de la filiation qui vient aujourd'hui le seconder [reproduction à la Bourdieu ; "judaïsme", évangélisme américain...] ou le défier ["islamisme radical"]. Elle n'est fondée dans aucune nature des choses et garantie par aucune forme institutionnelle. Elle n'est portée par aucune nécessité historique et n'en porte aucune. Elle n'est confiée qu'à la constance de ses propres actes [Tiens ! du Badiou...]. La chose a de quoi susciter de la peur, donc de la haine, chez ceux qui sont habitués à exercer le magistère de la pensée. Mais chez ceux qui savent partager avec n'importe qui le pouvoir égal de l'intelligence, elle peut susciter à l'inverse du courage, donc de la joie."



Telles sont certaines des principales idées de ce livre parfois dynamique parfois un rien pompeux et que l'on aimerait plus fouillé historiquement. Il me semble néanmoins que ces idées valaient d'être diffusées dans la faible mesure des moyens d'un bloggeur.

On aura peut-être remarqué que j'ai laissé de côté de nombreux pans de ce texte : c'est qu'ils concernent notamment un livre de Jean-Claude Milner, Les penchants criminels de l'Europe démocratique, qui pose avec virulence le problème du rapport entre la démocratie et les Juifs. Comme cela me rapproche de ce que je veux écrire sur Muray, et que de surcroît j'ai appris que dans un livre à paraître prochainement, Alain Badiou répondait lui aussi à J.-C. Milner, il m'a paru plus approprié de me concentrer ici sur ce qui relevait le plus directement d'une problématique proche de celle de M. Chouard - ce qui ne doit pas signifier que je crois résolue le moins du monde la question de la filiation. Mais qui le croit sérieusement ?


Post-scriptum du 10.11. J'ai lu ce jour le livre de Jean-Claude Milner, Les penchants criminels de l'Europe démocratique. Il contient trop d'abus, et même de malhonnêteté intellectuelle (je peux le prouver), pour que je prenne la peine d'en faire une recension, ce qui est d'autant plus regrettable que l'on y trouve aussi, notamment dans l'annexe "Eclaircissements", d'intéressants aperçus sur la notion de majorité ou sur les différences entre Europe et Etats-Unis, aperçus sur lesquels il se peut que je revienne dans le grand œuvre maintes fois annoncé déjà. J'en ferai alors état, références et révérences à l'appui, cela va de soi.

Libellés : , , , , , , , , , ,

mercredi 26 octobre 2005

Grand principe d'une bonne constitution.

Puisque j'ai critiqué les constitutionnalistes amateurs, il serait de bonne guerre que moi-même je propose un projet. Je tombe sur ces lignes chez Durkheim (Les formes élémentaires de la vie religieuse, PUF, p. 87), à propos de certaines tribus australiennes :

"Il est des peuples où l'on ne rend pas de devoirs funéraires aux hommes qui sont arrivés à la sénilité ; on les traite comme si leur âme, elle aussi, était devenue sénile. Il arrive même qu'on mette régulièrement à mort, avant qu'ils ne soient parvenus à la vieillesse, les personnages privilégiés, rois ou prêtres, qui passent pour être les détenteurs de quelque puissant esprit dont la société tient à conserver la protection. On veut éviter ainsi que cet esprit ne soit atteint par la décadence physique de ceux qui en sont les dépositaires momentanés ; pour cela, on le retire de l'organisme où il réside avant que l'âge ne l'ait affaibli, et on le transporte, tandis qu'il n'a rien encore perdu de sa vigueur, dans un corps plus jeune où il pourra garder intacte sa vitalité."

Je pense que les "sauvages" font ici encore preuve d'une sagesse que nous devrions leur envier. Et pour qui est sensible à la dimension symbolique du pouvoir, un acte aussi symbolique et concret que la mise à mort du chef de l'Etat, avant qu'il ne s'empiffre d'ortolans ou ne mette sur écoute toute actrice point trop laide, avant qu'il ne fasse des référendums pour un oui ou pour un non ou ne perde son temps à contempler d'asiatiques lardons s'astiquer mutuellement la graisse ; un acte aussi symbolique et concret, disais-je, en même temps qu'il mettra à l'épreuve les vocations, ce qui devrait plaire à M. Chouard - voilà un vrai contre-pouvoir -, un tel acte, vais-je y arriver, ne peut que paraître plein d'attraits. Un RIP sur le sujet me semble s'imposer.

Libellés : ,

samedi 22 octobre 2005

Commissaire Bourrel.

Je vais encore donner à certains l'impression de découvrir la lune, mais :

- y a-t-il un mouvement idéologique avant le libéralisme - avant le capitalisme industriel - qui ait réclamé la liberté illimitée, qui en ait fait une valeur suprême ? Pas que je sache. On a au contraire toujours (j'accueille les exceptions avec intérêt) cherché à fixer des règles, on s'est toujours engueulé sur les règles ;

- l'anarchisme est apparu après la révolution industrielle, comme par hasard - et depuis, malgré et via la fameuse formule d'Anselme de Bellegarrigues, "L'anarchie, c'est l'ordre.", il cherche à se débarrasser de cette manière de péché originel - dans la réalité comme dans la théorie, l'anarchisme n'a jamais donné grand-chose. Dans la chanson (Brassens, Ferré...), déjà un peu plus.

"La liberté", ce n'est donc finalement que la liberté de changer de religion, de communier sous les deux espèces, de loyoliser, de mahométiser, de crever l'œil, d'embestialiser, de baiser à la riche..., bref : d'enculer. Sympa.

Libellés : , , ,

Après l'Europe, la France.

(24.10. Ayant informé les intéressés de l'existence de ce texte, j'ai reçu quelques remarques de la part de Etienne Chouard. J'y réponds dans le post-scriptum. M. de la Hosseraye m'a de son côté fait savoir qu'il me ferait part de ses impressions d'ici quelque temps. 27.10. Compléments actualisés en fin de post-scriptum. Prolongements dans une note ultérieure).








"Je suis libre, délivrez-moi de la liberté !" (Claudel).







MM. Etienne Chouard et Thibaud de la Hosseraye ont été, sur Internet, les héros de la campagne référendaire. Ils se complétaient à cette époque presque parfaitement. Le premier, « citoyen de base », vous-et-moi, avait démarré un combat auquel rien ne semblait l’avoir préparé, qu’en tout cas il ne se doutait pas avoir à livrer quelques semaines auparavant et qui, ce n’est pas le moindre de ses mérites, ne l’a démonté ni découragé, au contraire. Le second, arrivé dans les dernières semaines de la bataille, apportait une lecture plus polémique et plus informée des enjeux proprement politiciens du référendum. Ce qui ne l’empêchait certes pas de se référer à quelques grands principes, de même que de son côté Etienne Chouard se mettait petit à petit à durcir le ton (il n’a pas cessé depuis). Mais enfin il y avait une vraie complémentarité. A travers des itinéraires et des tempéraments différents, E. Chouard et T. de la Hosseraye parvenaient au même résultat et vivaient les mêmes mésaventures de confrontation au mépris et au stalinisme du milieu politico-médiatique – subissant de la part de celui-ci ce que J.P. Voyer appela poétiquement un « si-je-t’attrape-je-t’encule » ; mésaventures qu’ils nous ont alors avec conviction fait partager.

Tous deux ont emporté la victoire que l’on sait le 29 mai. Tous deux, pour employer le vocabulaire d’Alain Badiou ont tenu à rester fidèles à l’événement de leur découverte de l’infamie de la classe politique française actuelle. A un mois d’intervalle – le 11 septembre pour M. de la Hosseraye, le 9 octobre pour M. Chouard – ils nous livrent des interventions plus constructives, respectivement : La voie française dans le monde qui vient et Les grands principes d’une bonne constitution. C'est bien le moins pour qui les a lus avec intérêt avant le référendum de leur être fidèle aujourd'hui, de continuer à les lire, et, pour qui a le temps, de leur répondre.

Prenant acte de ce que l'on ne peut plus désormais parler de complémentarité entre ces deux apprentis philosophes (l'expression n'a rien de péjoratif, dois-je le préciser), j'ai d'abord pensé bâtir mon analyse sur le modèle, toutes proportions gardées, d'un couple comme je les affectionne : Bossuet-Fénelon, Hegel-Marx, Durkheim-Mauss, Voyer-Badiou (quoique concernant ce tout dernier nom et même si je viens d’utiliser l'un de ses concepts j’ai peine à me séparer du soupçon, que j’espère injustifié, qu’il s’agisse d’un charlatan – talentueux et intéressant, mais tout de même un charlatan) [1]... L’intérêt de ces figures (on pourrait aussi remonter à saint Jean et saint Paul, voire aux rapports entre les deux Testaments, d'un point de vue chrétien tout au moins) est que chaque fois que l’on a l’impression que l’un des protagonistes a résolu le problème, l’autre pointe le bout de son nez pour faire surgir une difficulté – et réciproquement. Je me suis aperçu qu'une confrontation des deux textes de ce point de vue tournait court. Mais comme elle n'est pas néanmoins sans enseignement, c'est par elle que je commencerai. J'ai vite découvert aussi qu'à de nombreux niveaux je me situais résolument du côté de Thibaud de la Hosseraye : c'est donc depuis ce que je crois comprendre à son texte que je critiquerai certains aspects de celui d'Etienne Chouard - ce qui ne m'empêchera d'ailleurs pas de montrer que sur de nombreux autres aspects les deux hommes sont très proches.


M'a quelque peu induit en erreur sur la nature des rapports entre ces deux textes non tant le fait que MM. Chouard et de la Hosseraye ne sont pas d’accord sur de nombreux points et qu'ils ont manifestement, quoique plus ou moins explicitement, rédigé ces textes comme un dialogue entre eux, mais le fait que la confrontation de ces deux textes permet au moins de dresser le tableau non vraiment des solutions qui s’offrent à nous, que des problèmes que ces solutions posent ; et qu'à ce titre ils nous obligent à un va-et-vient de l'un à l'autre.

Précisons d'abord que M. Chouard pose les grands principes d’une constitution à mettre sur pied, si ce n’est par tous, du moins par de vrais représentants du peuple – ce pourquoi d’ailleurs on ne lui cherchera pas ici trop querelle sur des points de détails : il ne s’agit pas encore d’un projet systématique et abouti. M. de la Hosseraye, quant à lui rappelle les principes de la constitution existante, estimant que non seulement elle est parfaitement à même de nous guider encore longtemps, mais même qu’elle le sera de plus en plus, si du moins tout le monde, politiques et surtout citoyens, prend ses responsabilités.
Beaucoup des principes énoncés par Etienne Chouard me semblent discutables, les contre-pouvoirs qu’il appelle de ses vœux parfois illusoires, parfois certainement appelés à ne pas être plus efficaces que les garde-fous du même type qui existent dans la constitution actuelle [2] ; par rapport à ces insuffisances dont je ne sois pas sûr qu’elles soient seulement momentanées, Thibaud de la Hosseraye montre une grande cohérence dans le texte de Debré et de Gaulle – mais que l’on soit convaincu ou non par sa vision, l’on ne peut s’empêcher de penser que ce n’est pas un hasard s’il n’a pas un mot pour la façon dont on peut combler le gouffre entre ce qu’il dit de la constitution et la manière actuelle dont elle est appliquée (et par qui !). M. Chouard parle pour ses projets de réforme d’un "petit côté insurrectionnel" : il suffit de voir à quel point le régime actuel est pratiquement et intellectuellement verrouillé pour conclure que même dans l’optique de M. de la Hosseraye. seul quelque chose comme une "insurrection" peut sauver le régime qui le séduit tant – une sorte de restauration par le peuple d’une constitution gaullienne, sans Général ni qui que ce soit qui semble en mesure d’en jouer le rôle (Fabius, tout de même, bof…) : une mobilisation populaire a plus de chances d’être motivée par un changement de régime. Il est vrai que dès que j’écris ces lignes je me sens moins sûr de moi sur ce point : en réalité, le révolutionnaire, c’est peut-être Thibaud de la Hosseraye ! Car il est finalement plus imaginable que le peuple se mobilise en douceur pour une nouvelle constitution, dans laquelle on peut être sûr que les politiciens actuels, ou du moins dans un premier temps certains d’entre eux, parviendront à retrouver une bonne place, ne serait-ce qu’en avançant l’argument de leur compétence, ce qui signifie qu'ils peuvent encourager, et certains ont commencé à le faire, cette mobilisation en douceur ; mais si on veut les vider pour mettre de meilleurs hommes à leur place, puisque dans le régime actuel ils ont eu tout le temps de faire la preuve de leur incompétence, alors il faudra le faire manu militari (et même là il en restera toujours quelques-uns)… Peut-être que Thibaud de la Hosseraye l’a senti et n’a pas voulu en dire trop sur ce sujet.

Certes, dès que l’on fait des prévisions, on peut dire tout et son contraire. Revenons un peu en arrière. Je cherchais à montrer que M. Chouard montre une conscience plus aiguë que M. de la Hosseraye de la crise de régime qui est la nôtre, quitte à ce que ce que celui-là propose pour l’instant soit moins cohérent que ce que celui-ci voit dans la constitution gaullienne.
(J’ouvre ici une parenthèse. Je n’entrerai qu’exceptionnellement dans les détails juridiques. Non qu’ils soient inintéressants ou que je les maîtrise particulièrement mal, mais parce je les crois secondaires, que certainement ces thèmes nourriront la plupart des commentaires que ces auteurs se sont vus ou se verront adresser, et parce qu’il me semble qu’en réalité les deux auteurs, à ce niveau, tombent d’accord sur de nombreux sujets).

Tenons encore un peu l'hypothèse du "couple". Il est un point sur lequel Thibaud de la Hosseraye ne manque pas de pertinence, c’est quand il montre, dans une optique qui rappelle le Tocqueville de L'Ancien Régime et la Révolution, de quelle manière la Vème République s’inscrit dans une certaine histoire centralisatrice française, et comment ce centralisme colbertiste-jacobin-gaullien peut constituer un rempart contre l’indifférenciation capitaliste au niveau mondial. On n’en déduira pas pour autant, je crois que M. de la Hosseraye va un peu trop vite dans sa démonstration de ce point (section II.4), que le type de constitution auquel pense M. Chouard sera fatalement un cheval de Troie du capitalisme, et ce n’est certes pas sa volonté, mais M. de la Hosseraye pointe néanmoins avec acuité les dangers, dans le contexte actuel, d’un pouvoir uniquement parlementaire. S’inscrivant dans une certains histoire française, le régime actuel est peut-être plus générateur d’union nationale (mais l'est-il en ce moment ?) que ne le serait un régime parlementaire, dans lequel notre propension, par ailleurs louable, à nous disputer trouverait un terrain d’expression par trop fertile. Précisons d’ailleurs, pour aborder un peu le domaine juridique, que Etienne Chouard, qui est toujours à la louable recherche de contre-pouvoirs, confie un pouvoir presque exclusif au Parlement – et se garde bien de dire qui peut le dissoudre, et comment (section III-C). Thibaud de la Hosseraye a beau jeu de lui faire remarquer que dans la constitution actuelle, le fait que le président soit lui aussi élu au suffrage universel forme un contrepoids démocratique au Parlement – mais il peut sembler minimiser les problèmes posés par l’inféodation du Parlement à la présidence. Il est vrai que c’est aux députés à régler ce problème, s’ils y tiennent.
Certes M. de la Hosseraye, qui revendique le droit de ne pas se préoccuper de la genèse de la Vème République, fait l’impasse sur le poids des Etats-Unis dans l’histoire de la France depuis 1944, ainsi que dans le retour du Général au pouvoir en 1958. Mais il est en droit d’estimer que dans ces conditions de Gaulle a mis au point des institutions respectueuses des réflexes culturels français. Quoi qu’il en soit, à mon sens la question n’est pas tellement entre Vème et VIème République mais dans le fait de réussir à déterminer ce qui peut être le plus français en ce moment. Français, ce n’est pas une qualité en soi, oh non, mais c’est ce sur quoi il faut insister en ce moment, comme je le fais de temps à autre sur ce blog, parce que ce qui attaque ce qui reste de l’identité française est très clairement ce contre quoi il faut lutter – l’impérialisme culturel et financier capitaliste. Que "choisir" alors entre des institutions imparfaites mais « françaises » - mais aussi noyautées très tôt par l’atlantisme, dont le moins que l’on puisse dire est qu’il n’est guère affaibli dans les rangs des hommes politiques ; et une nouvelle constitution peut-être voulue directement par le peuple mais (je passe sur la faisabilité) qui risque de noyer l’universel français dans un syncrétisme finalement très capitaliste, ou qui profiterait fatalement, par défaut, au capitalisme.
Je n’ai pas de religion faite sur cette question, mais il me semble que la formuler ainsi est plus pertinent que l’alternative Vème-VIème République. D'un point de vue très général, la question du bon régime, tant que l’on ne dépasse pas certaines limites, me semble assez accessoire, moins importante en tout cas que l’efficacité de ce régime. Mais quoi qu'il en soit, dans le cas présent, il serait bien sûr d'un réductionnisme éminemment médiatique de ne poser le problème qu'en termes de numéro de république, l'éventuelle impossibilité de changer de régime pouvant conduire à légitimer un statu quo qui n'a pas fait ses preuves (j'ai déjà cité cette phrase de Karl Kraus : "L'état dans lequel nous vivons signifie vraiment que le monde sombre : il est stable.").


Ceci dit, revenons à nos deux moutons, et abandonnons ici notre fil conducteur d’une tension entre eux. Ce qui suit ne sera plus va-et-vient, mais constats de différences et de ressemblances.

Les différences. Je l'ai annoncé en introduction, peut-être est-ce sensible dans ce qui précède, à de nombreux égards je me sens plus proche de l'état d'esprit de Thibaud de la Hosseraye que de celui d'Etienne Chouard. Que l'on n'y lise pas en creux un portrait perfide ce celui-ci, mais j'apprécie notamment chez celui-là sa façon de lier souci de la continuité (historique, politique...) et volonté d'ouverture aux autres et à l'avenir. Je vais m'efforcer d'expliciter cela en critiquant certains aperçus de M. Chouard - qui certes propose (ou semble proposer ?) plus de choses que son alter ego - du point de vue de Thibaud de la Hosseraye (rappelons que la mise en ligne des Grands principes... est postérieure d'un mois à celle de Quel avenir...).

Une précision tout de même : je vais ici prendre pour acquis certains points en réalité sujets à discussion, de même d'ailleurs que "l'identité française" évoquée plus haut sans autre forme de précaution. Je réserve à un texte ultérieur une discussion sur ces notions - cela tournera autour de l'égalitarisme et confrontera notamment Thibaud de la Hosseraye et Philippe Muray. Mais chaque chose en son temps : pour le niveau d'analyse où je me situe ici, je peux rester approximatif sur ces points pour moi si difficiles.

Rien ne peut plus donner raison aux déclarations patriotiques de Thibaud de la Hosseraye, rien ne peut plus accréditer ses doutes sur la possibilité d'une constitution universellement valable, objectif déclaré d'Etienne Chouard, au moins au niveau des principes généraux, que ce que l'on peut déceler d'idéologique dans certaines des idées de celui-ci. Je vais évoquer ici la section IV : "Autres principes", dans laquelle l'auteur s'éloigne de l'univers juridique. M. Chouard n'aime pas la guerre. Moi non plus. Il a lu les descriptions d'Arnaud Montebourg sur la façon dont notre Président peut en Afrique nous engager dans des guerres sans même nous en informer - marqué par la découverte de la Françafrique, ce n'est pas moi qui vais le contredire sur ce sujet. Mais de ces deux points inférer que la guerre est toujours une chose négative et qu'elle ne peut se faire qu'après un accord du peuple obtenu par référendum, c'est à la fois méconnaître qu'on ne peut toujours choisir de faire la guerre et qu'il faut parfois se décider très vite. Etienne Chouard avait été jusqu'à prévoir que dans ces référendums, les femmes, "moins va-t-en-guerre que les hommes, plus respectueuses de la vie" pourraient disposer de deux voix chacune - il a depuis retiré cette idée de son texte, aussi ne m'acharnerai-je pas outre mesure à ce sujet, mais cela dénotait tout de même une curieuse conception de la démocratie, d'autant plus étonnante chez un homme qui a démarré sa croisade parce qu'il sentait à quel point le TCE le dépossédait de son pouvoir de choix au profit d'options décidées par avance.
On en dira autant du principe 6 : "Aucun marchand de canons ne devrait pouvoir être candidat à des fonctions électives ni avoir de responsabilité politique." Outre que cela n'empêche en rien, on le sait bien, la corruption des politiciens par ces marchands de canon, c'est de la pure et simple discrimination, une forme d'apartheid.

Et presque autant de l'idée d'"institutionnaliser la beauté des villes et des campagnes". Qu'est-ce que "la beauté" ? Protéger l'environnement est une chose, dont on est libre d'ailleurs de discuter l'importance, mais décréter quelque chose sur la beauté en est une autre. Je n'aime pas les grandes tours et les clapiers, c'est entendu, mais M. Chouard me semble ici aller trop loin.

Je reviens un instant sur le principe des deux votes par femme en cas de possibilité de guerre - où Etienne Chouard a-t-il appris que les femmes n'aimaient pas la guerre ? En est-il si sûr ? Est-ce scientifiquement prouvé, est-ce vrai de toute éternité et pour toujours ? Il y a chez lui une tendance à croire trop aisément universalisables ses propres vérités qui ne peut que gêner.

Le principe 7, relatif à la laïcité, le montre encore : était-il vraiment nécessaire de le faire précéder d'une déclaration tenant "les trois religions monothéistes pour largement responsables des malheurs de l'humanité" ? Outre que ceci est bien injuste à l'égard des Juifs, qui jusqu'à la naissance d'Israël (et encore la part de la religion ici, je ne parle pas de la confession, est-elle difficile à évaluer précisément) n'ont pas vraiment eu la possibilité de "martyriser" grand-monde, M. Chouard, qui aime tant la beauté des villes et des campagnes, devrait se demander si ces trois religions n'ont pas aussi quelque peu contribué, au moins, à l'histoire de la beauté artistique...

Le cas de Thibaud de la Hosseraye, qui justifie le principe de laïcité par la liberté d'aborder les gens sans rien savoir d'intime à propos d'eux et donc par la liberté qu'on a de les découvrir et qu'ils ont de nous donner à savoir de telles choses, cette façon de voir montre que l'on peut très bien légitimer la laïcité sans tomber dans la dévalorisation de la religion ni légitimer le bellicisme fanatique.

Ici comme ailleurs, par des chemins différents les deux utopistes revendiqués arrivent à des conclusions analogues.
Sur le sujet le plus à la mode, le Référendum d'initiative populaire (ou citoyenne) - dont, quant à moi, je ne pense strictement rien -, M. de la Hosseraye ne fait que mettre en garde contre ses dangers comme clé qui ouvre toutes les portes, montre qu'il y a déjà à l'heure actuelle d'autres clés. Il ne s'oppose pas au principe en tant que tel.

Sur la représentativité, MM. Chouard et de la Hosseraye butent, comme toute la philosophie politique avant eux (et là encore ce n'est pas un commentaire dépréciatif) sur ses apories, que je résumerai à la truelle : la représentation, ça ne veut rien dire, c'est la porte ouverte à la dépossession de soi, mais on ne peut faire sans. Thibaud de la Hosseraye note néanmoins que c'est un signe de maturité de se laisser représenter par quelqu'un d'autre, de même lui faire confiance au point qu'il puisse être en désaccord avec vous. Cette conception, qu'il me semble découvrir, n'élimine pas pour autant la possibilité que le représentant ne trahisse purement et simplement le représenté. Mais elle évite de partir à la recherche d'une transparence absolue dans leurs rapports. M. Chouard soulève de son côté la possibilité d'un tirage au sort des représentants politiques - mais s'ils sont incompétents, ne trouvera-t-on pas toujours des éminences grises pour les "aider" ?

Sur l'égalité, on notera avec intérêt que les deux hommes, là encore dans la lignée d'un Tocqueville, évitent la dichotomie artificielle avec la liberté - dichotomie dont il n'est pas difficile de repérer l'origine. M. Chouard place l'égalité en premier, M. de la Hosseraye élabore des liens plus dialectiques, mais cette différence me semble d'autant moins importante que les deux se rejoignent pour célébrer aussi, dans ce contexte, la fraternité et le respect mutuel.

Les points communs entre les deux textes se sont encore accentués depuis que, dans la version datée du 20 octobre, M. Chouard a présenté une théorie du droit de propriété qui n'est pas sans analogie avec celle que l'on trouve chez M. de la Hosseraye, même si celui-ci insiste plus sur le partage. Je me permets d'ailleurs de noter que cela fait penser au texte de Marx dans le Manifeste, où il précise qu'il ne s'agit pas pour les communistes de détruire la propriété en tant que telle, mais la propriété bourgeoise. A ma connaissance, Marx n'est pas beaucoup plus précis que cela, mais on peut trouver un écho à ces préoccupations dans ces textes.

Finalement, à part la question (cardinale, évidemment) de l'élection du Président au suffrage universel, déjà évoquée plus haut, le véritable point de désaccord explicite sur les questions purement constitutionnelles entre les deux hommes réside dans l'estimation de l'importance du mode de scrutin aux élections législatives : M. Chouard estime qu'un scrutin majoritaire mâtiné de proportionnelle peut assurer à la fois un Parlement représentatif et une majorité stable, M. de la Hosseraye estime qu'en absence de Président élu sur un programme le Parlement, quel que soit le mode de scrutin et la majorité, pourra toujours trouver à se déchirer entre partis, alliances et trahisons. Il se peut qu'il ait raison, mais, répétons-le, il n'explique pas pour autant l'actuelle domination du Parlement par le Président.


Evoquer deux textes relatifs à des problèmes constitutionnels sans aborder réellement les questions juridiques a pu laisser le lecteur sur sa faim ; mais c'est tout simplement qu'il m'a semblé que malgré les déclarations de ces deux auteurs sur l'importance de l'organisation politique, l'essentiel à la fois en général et de ce qui les sépare n'est pas d'ordre institutionnel. Thibaud de la Hosseraye est-il catholique ? Je l'ignore, cela ne me regarde pas, mais outre qu'il cite Pascal, Péguy, évoque Bernanos, sa vision d'un achèvement mutuel et réciproque de chacun par chacun, sa conscience du poids de l'histoire, son ambition pour le futur, tout cela m'évoque parmi le meilleur du catholicisme. Quoi qu'il en soit, je crois surtout que Thibaud de la Hosseraye a plus le sens de la communauté qu'Etienne Chouard, qui d'ailleurs, par son insistance sur le respect et sa réflexion sur les limites du droit de propriété dans la seconde version de son texte, semble décidé à combler cette lacune. Ceci n'enlève d'ailleurs rien au fait que M. de la Hosseraye ne propose rien de bien concret - mais moi non plus -, ni qu'il soit peut-être, hélas, trop optimiste sur la persistance d'un "être-français" lorsqu'il claironne - en son propre nom ou au nom des autres ?-, dans sa conclusion : "Nos politiques n'ont aucune idée des sacrifices, y compris financiers, auxquels nous sommes disposés, nous le peuple tout entier de France. pourvu que la raison en soit claire et conforme, jusque dans leurs modalités d'application, à l'incroyable défi d'une République pour le monde qui est le nôtre."

Je viens d'évoquer "le poids de l'histoire" : le catholicisme a une longue histoire que je ne prétends pas bien connaître. Mais j'espère, dans le texte que j'ai déjà annoncé, l'explorer du point de vue si important de l'égalitarisme - ce qui veut dire aussi étudier l'égalitarisme d'un point de vue catholique. Car enfin - je pense entre autres à l'allusion de M. de la Hosseraye aux Français venus du Maghreb -, est-il si nécessaire de se tourner vers l'Islam pour trouver trace d'une communauté d'égaux ?










1.
Résumons de manière très lapidaire ces oppositions : foi collective - foi individuelle ; "idéalisme absolu" - "matérialisme historique" ; la société expliquée par la société - la société expliquée pas seulement par la société ; lutte politique individuelle - lutte politique minoritaire mais collective.


2.
En particulier, on pourrait développer l'histoire du Conseil Constitutionnel, qui a sans doute joué bien plus un rôle de contre-pouvoir que ne le dit Etienne Chouard, du moins jusqu'à ce que le libidineux mitterandien (pléonasme ?) Roland Dumas n'en prenne la présidence et ne ruine la légitimité de cette institution.







PS du 24.10.
D'abord, je signale à M. de la Hosseraye qu'il ne cite pas ses sources concernant les propos du Général.

Mais venons-en tout de suite aux remarques et objections que me fait M. Chouard.

Il précise tout d'abord qu'il n'a rien contre la Vème République si l'on parvient à la réformer "en profondeur" - possibilité à laquelle il ne semble pas donner grand crédit.

Sur ma critique de sa discrimination des marchands d'armes, il est choqué par le terme d'apartheid. Je le crois pourtant juste si on le prend dans un sens large, et cela ne signifie nullement que j'aie le moindre respect pour des gens qui gagnent leur vie de cette manière. Mais encore une fois, je ne vois pas ce que les interdire d'éligibilité peut changer aux possibilités de pots-de-vins, de prévarication, d'hommes de pailles... Et il vaut toujours mieux ne pas donner à ses adversaires des raisons de jouer les martyrs. Ceci posé, cette querelle, qui ne concerne qu'un détail, peut amener à rappeler que ces marchands d'armes jouent un rôle important dans la richesse française et qu'il faudra peut-être un jour que cela change. Ce sera à coup sûr un heureux événement.

Ensuite, si je comprends bien M. Chouard, je me serais emballé dans ma critique de son "institutionnalisation" de la beauté. Il évoque en effet les obligations actuelles des architectes d'être "cohérents avec l'existant" et y voit une possible définition "minimaliste" de la beauté. Si l'on en reste là, très bien. Je rappelle néanmoins que les zones industrielles n'ont pas grand-chose à faire avec la beauté et que l'on sera encore longtemps obligé de faire avec. Cela ne justifie pas tous les abus, mais bon, s'il y a des coins moches ici et là, cela ne me semble pas bien grave - et qui sait s'ils n'acquéreront pas du charme avec le temps ?

Sur l'idée de M. de la Hosseraye selon laquelle laisser une responsabilité aux élus est un signe de maturité, Etienne Chouard insiste fortement sur la nécessité de les contrôler - je n'ai pas dit le contraire, et je ne pense pas que ce soit le cas de M. de la Hosseraye. Il reste qu'il faut se méfier des contrôles permanents et que les élus doivent tout de même avoir une marge d'action.

Venons-en maintenant aux vrais et importants points de désaccord.
La guerre. M. Chouard me rappelle qu'il avait insisté dans son texte sur l'exception à l'obligation d'un référendum avant toute guerre, exception prévue dans le cas d'une agression. J'aurais dû préciser que je n'étais pas d'accord avec cette restriction : il y a des cas où il faut se décider rapidement même sans agression directe (dois-je préciser que je ne pense pas à l'Irak ?). Attaquer l'Allemagne en 1938 ou au début 1939 n'aurait pas donné les mêmes événements que d'avoir attendu qu'elle nous agresse (mais probablement plus de morts du côté français). Et ce que pense le peuple en la matière n'est pas nécessairement le bon choix : sans doute les Français auraient-ils refusé de se battre en 1938. De même et a contrario nos ancêtres furent-ils ravis d'aller se coltiner avec les Allemands en 1914. Je ne cite pas ses exemples dans le but de démontrer qu'il ne sert à rien de demander leur avis aux gens avant une guerre, mais parce que je crois que ce qu'ils pensent alors n'est pas nécessairement le bon choix. M. Chouard n'apprécie pas que je parle de "guerre positive" - cela ne m'enchante pas non plus à dire vrai, et bien sûr ces guerres sont rares, mais je maintiens que c'est un cas envisageable.
Plus généralement, il faut prendre conscience que la guerre n'est pas la même chose pour tout le monde. Il est bien évident que, en Europe, personne n'a très envie d'aller se faire trouer la peau sans une très bonne raison, mais un pays riche comme le nôtre ne fait pas la guerre comme avant ou comme un pays pauvre : il bombarde. Il me semble que si la guerre a pu être quelque chose de tragique certes, mais aussi parfois de grand, cela a cessé le jour où certains des combattants (et ceux qui les commandent) n'ont plus pris les mêmes risques que leurs ennemis - donc quand une supériorité aérienne manifeste permettait de massacrer - comme par hasard, souvent des civils - sans trop de danger. Il n'y a pas à s'étonner que les Américains soient va-t-en-guerre, puisque dans leur histoire ils n'ont que peu vécu de "vrais" conflits (et s'ils se sont montrés victorieux sur les rochers du pacifique contre les Japonais, avant d'employer la plus grande arme de destruction massive jamais inventée, ils se sont pris une belle rouste dans les forêts vietnamiennes). Ce qui signifie que ces gens-là, et certains Européens, peuvent très bien être pour une guerre, puisque justement ils n'en subiront pas les conséquences (cf. le Kosovo). Après, évidemment, quand des métros explosent, on râle - mais là n'est pas tout à fait le sujet.
Tout ceci, je le répète, non pas vraiment contre Etienne Chouard, mais pour apporter d'importantes nuances à son discours.

La religion. D'abord, concernant l'Etat d'Israël, M. Chouard me rappelle ses méfaits envers les Palestiniens. Loin de moi l'idée de les nier, je constatais juste que du point de vue de "l'histoire universelle", les Juifs ont tout de même très largement moins massacré de gens que les Chrétiens et les Musulmans, et encore au début n'était-ce sans doute pas par fanatisme religieux. Il est vrai que chaque jour ils se rattrapent un peu plus.

Ensuite, il évoque à juste titre toutes les horreurs dont les religions se sont rendues coupables. Là encore, je ne les oublie pas - et j'aurais certainement dû les évoquer dans mon texte. Simplement, c'est du passé : d'une part il n'y a donc pas besoin de s'acharner sur ce qui est fait, d'autre part on ne peut vraiment y trier le bon grain de l'ivraie : la religion catholique est notre héritage, nous ne pouvons faire autrement que l'assumer. L'assumer, cela ne veut pas dire revenir en arrière, s'interdire de porter un jugement, répéter les erreurs de nos ancêtres : cela veut dire ne pas se croire si différents d'eux. Ce qu'à ma manière, certes en l'occurrence trop lapidaire, je faisais remarquer en notant que l'on peut aussi justifier le principe de laïcité du point de vue de gens religieux.

Enfin, M. Chouard ne comprend pas ma phrase : "une nouvelle constitution peut-être voulue directement par le peuple mais (...) qui risque de noyer l’universel français dans un syncrétisme finalement très capitaliste, ou qui profiterait fatalement, par défaut, au capitalisme." C'est effectivement un point nodal, et je ne prétends pas avoir résolu cette difficulté. J'ai d'ailleurs signalé qu'à ce sujet je trouvais la démonstration de M. de la Hosseraye trop rapide. Il reste que , d'une part, la voie française vers l'égalité passe peut-être par un président-roi (il faudrait d'ailleurs insister sur sa force symbolique... - une autre fois), et que d'autre part et surtout, si le système parlementaire qu'il cherche à mettre au point débouche sur du désordre, ce sont les forces dominantes de la société qui prendront le relais - et ces forces, en ce moment, ce sont notamment les grands groupes industriels - d'armement, de presse... certes encouragés par la façon dont fonctionne actuellement la Vème République. On voit que je ne crois pas cette question résolue. Et encore laisserai-je de côté la possibilité que les constituants populaires réunis pondent un très mauvais texte - qui sait ?

J'achève sur un point de détail : M. Chouard dans sa lettre précise les conditions de dissolution du Parlement, ce que je lui avais reproché de ne pas faire. J'avoue n'avoir pas bien réussi à comprendre ce qu'il m'écrit à ce sujet : dans la mesure où il m'annonce qu'il va y revenir dans ses Grands principes..., je signale ce point pour mémoire, en attendant d'y voir plus clair. (27.10) Dans la version la plus récente, M. Chouard prévoit la dissolution soit par RIP, ce qui est cohérent (mais pose toujours le même type de problème : avec cette épée de Damoclès, le Parlement peut-il prendre des risques ? Et ne visera-t-il pas toujours à satisfaire les catégories de population les plus influentes ?), soit par le premier ministre, ce qui me semble plus contradictoire, puisque la légitimité de celui-ci ne repose que sur sa désignation par le Parlement - d'où l'avantage d'un Président qui a lui aussi une légitimité populaire.

Autre sujet : je découvre dans une note qui doit dater du 20.10 l'idée de faire voter les adultes pour leurs enfants, "ce qui constituerait un argument de poids pour une politique nataliste." Après avoir rappelé pour mémoire que cette idée a traîné à une époque du côté de M. Le Pen - ce qui n'est pas suffisant à mes yeux pour la disqualifier, précisons-le -, dénonçons cette proposition scandaleusement discriminatoire à l'égard des laiderons, des impuissants et des misanthropes, de ceux qui n'ont pas les moyens de faire plus d'un enfant, de ceux qui font des enfants en nombre impair (si comme E. Chouard on a quatre enfants, il est aisé de se répartir les votes, mais si jamais il y avait tentation d'un cinquième... Qui prend le troisième vote pour lui ?)... Chassez le diable de la discrimination par la porte, il revient toujours par la fenêtre !


Voilà. A suivre ?

Libellés : , , , , , , , , ,

jeudi 20 octobre 2005

Problème philosophique.

Si la merde sentait autre chose que la merde, serait-elle encore de la merde ?


C'est aussi un problème théologique : on s'est beaucoup interrogé sur les excréments du Christ, et certaines traditions musulmanes attribuent au Prophète un caca d'un parfum somptueux et délectable. (Nous sommes bien peu de chose.)

dimanche 16 octobre 2005

Cherchez l'erreur.

Les journalistes ont décrété il y a longtemps qu'ils étaient nécessaires au bon fonctionnement d'une démocratie. Ceci a quelques apparences pour soi. Prenons-les donc au mot : étant donné le bas niveau intellectuel et moral de cette profession, cette "évidence" est-elle alors vraiment une bonne réclame pour le régime démocratique ?

samedi 15 octobre 2005

Stalinisme ordinaire et libéré.

Le site dont je tire cette histoire n'est pas toujours d'un très haut niveau, mais , il touche juste.

(Concernant les accusations de bidonnage contre C. Enderlin, je n'ai pas lu leur dossier).

Libellés : , ,

jeudi 13 octobre 2005

Concurrence déloyale.

Si le commenté se met à faire le travail du commentateur pendant les vacances de celui-ci, que va-t-il me rester pour m'occuper ?

Blague à part, ce texte, A reverse Sokal affair, est une introduction plus actuelle que ce que j'ai fait au travail de Jean-Pierre Voyer, et qui plus est elle est de l'intéressé lui-même. Que les éventuels lecteurs ne se laissent pas parasiter par l'environnement Sokal-Bogdanoff (oui, les frères) à l'origine de cette mise au point.

Libellés : , ,

mercredi 12 octobre 2005

Appel de fonds pour les enfants du Cachemire.

Comme le disait Marcel Mauss dans sa belle étude sur les villages esquimaux (in Sociologie et anthropologie), dans les sciences humaines, non expérimentales, non dures, une seule expérience bien menée suffit à prouver l'existence d'une loi.

Je ne peux que constater que la dernière fois que j'avais quitté la France, un tsunami avait décidé de s'attaquer aux populations d'extrême-orient. Et voilà que je ne peux m'absenter quelques semaines sans que la terre tremble et liquide d'autres Asiatiques. Certes, la concurrence de ces gens-là sur le marché du travail est terrible. Mais puisqu'il semble que mes compatriotes ont tout de même à cœur de s'émouvoir de leur misère, ou en tout cas de celle de leurs marmots, je leur suggère, plutôt que d'envoyer leurs dons à des gouvernants qui très certainement n'auront rien de plus pressé que de se les mettre dans la poche,

de me faire parvenir leurs promesses de dons pour m'empêcher de partir en vacances. Que l'on ne s'y trompe pas : je n'aime pas beaucoup les vacances. Mais enfin, de temps en temps, changer d'air... Si cela peut sauver la vie de quelques enfants d'Asie - puisqu'apparemment il n'est rien de plus important - je suis prêt, sous certaines conditions financières - ce n'est certes pas moi qui a décidé que tout devait se monnayer en ce bas monde -, je suis prêt, disais-je, à faire le sacrifice de mes changements d'air.

Je vous encourage donc à me laisser des commentaires assez spontanés et sincères pour que je vous fasse connaître mon e-mail et mes coordonnées bancaires.

Sur ce, et tout en faisant remarquer au surplus qu'il a suffi que je revienne dans l'hexagone pour que la France se qualifie pour la Coupe du monde en Allemagne (ainsi que le faisait remarquer un animateur radio dans le taxi sur le chemin du retour, avant le match : "rarement les Français ont autant eu envie de se rendre en Allemagne"), je vous laisse réfléchir à quel prix vous évaluez la vie d'un enfant d'Asie.

Libellés :

lundi 3 octobre 2005

Division sexuelle du travail.

L'"Homme" : la Loi.

Les femmes : la police.





Ce que l´on peut s´amuser à mettre en rapport avec cet échange que l´on entend à au moins deux reprises dans Nouvelle vague de Godard :

- "Les hommes sont solitaires, et les femmes sont amoureuses.

- Qu´est-ce qu´ils foutent toujours fourrés ensemble, alors ?

- Parce qu'ils se volent mutuellement la solitude et l´amour."

(NB : de qui est cette phrase ? J. Chardonne ?)


Voire avec ce premier compte-rendu de vacances :

Las chicas españolas era un poco petas.





Sinon, mon mélanome prospère, merci pour lui.

Libellés : ,