samedi 28 juillet 2012

Sexe mon beau souci. (Érotique de la crise du monde moderne, II.)

batesmotel


Érotique de la crise du monde moderne, I.


"Au commencement était l'émotion", disait Céline - disait, c'est-à-dire, si j'ose dire (etc.), qu'il recourait au Verbe dont il essayait de minimiser l'importance. Révérence gardée, et sans prétendre qu'un écrivain tel que Ferdinand pouvait ne pas être conscient d'un tel paradoxe au coeur de son projet, il s'agit là d'une forme de retour en arrière. Et bien sûr, ceci écrit sans jugement de valeur, de paganisme. Mais laissons Jean Borella nous l'expliquer :

"On ne peut qu'être frappé par le fait que le fameux discours de saint Paul devant les Grecs réunis à l'Aéropage renferme certains des éléments les plus élevés de la prédication chrétienne : le Dieu qu'adorent les chrétiens et dont saint Paul vient apporter la révélation est le « Dieu inconnu », le Principe ineffable ; « en Lui, nous avons la vie, le mouvement et l'être » ; plus encore, « nous sommes de sa race » ; enfin, ce Dieu, transcendant à toute chose, on ne peut L'adorer qu'en esprit et en vérité.

Langage philosophique, adapté à un auditoire de philosophes ? Sans doute. Mais aussi parole fondatrice, qui scelle à la fois le destin du christianisme et celui de la culture grecque. Saint Paul ne vient pas seulement inviter les Grecs à la conversion ; il vient aussi et par là même apporter à Athènes la possibilité d'une revivification de la philosophie grecque, et principalement de la gnose platonicienne, en la rattachant directement à la lumière vibrante du Verbe incarné, en même temps que, par cette greffe, la lumière christique trouve la possibilité d'une formulation métaphysique universelle que ne pouvait lui offrir la tradition abrahamique. Bref, nous assistons, en ce moment solennel, à la rencontre, voulue par Dieu, entre la fleur intellectuelle du rameau occidental de la grande tradition indo-européenne, et la fleur vivifiante et salvatrice de la tradition sémitique, le Christ. Par cette rencontre - et déjà dans le Prologue de l'évangile de saint Jean [Au commencement était le verbe...] - les chrétiens sont institués non en judéo-chrétiens ou en helléno-chrétiens, mais en judéo-héllènes. Fait capital dans l'histoire culturelle de l'Europe. C'est principalement dans le christianisme, et d'abord dans la « manifestation christique », qui, étant celle du Verbe incarné, transcende aussi bien le « théorétisme » de la tradition grecque que l'« existentiélisme » de la tradition juive, que s'opère la conjonction de l'une avec l'autre [les Grecs sont trop abstraits, les Juifs trop flous, pour le dire vite. Suit ici un appel de note, je vous la reproduis ci-après.]. En le nommant Logos, saint Jean le désigne comme Vérité et contenu principiel de toute métaphysique et de toute gnose : ce Logos dépasse par conséquent la fonction proprement cosmologique que lui assigne Philon. En nommant « Logos » Celui qui « est dans le Principe », qui « est Dieu » (l'Essence divine), et tourné vers le Dieu, « pros ton Théon » (le Père), et en nous apprenant qu'Il s'est incarné en Jésus-Christ, le Fils de la promesse abrahamique, saint Jean nous fait comprendre que l'essence subjectivo-concrète du judaïsme vient de trouver son accomplissement « pour tous les hommes ».

Cette possibilité d'universalisation qu'offre l'hellénisation du message évangélique n'est pourtant pas sans risque, principalement celui d'une désacralisation de toutes ses formes d'expression. Ce risque majeur, inséparable d'une perspective qui privilégie la transcendance de l'intériorité spirituelle sur toutes ses formulations extérieures, ce risque, disons-nous, atteint aujourd'hui les formes rituelles elles-mêmes. Mais ce sont les formes intellectuelles qui s'y trouvaient naturellement les plus exposées : désacralisation de la doctrine, transformée en spéculation purement profane - ce qui rend compte, en partie, de la naissance de la philosophie moderne.

[Façon de retrouver la célèbre formule de M. Gauchet du christianisme comme « religion de la sortie de la religion ».]

On voit aussi pourquoi, dans ces conditions, la première hérésie chrétienne devait concerner la connaissance sacrée, que saint Paul appelle la gnose, et dont il dénonce déjà la falsification profanatrice. Le remède à cette déviation s'imposait de lui-même : il fallait soustraire la gnose à l'arbitraire et à l'inconscience spirituelle de la raison individuelle, et soumettre son exercice au régime de la Tradition sacrée. La connaissance sacrée n'est pas le fruit d'une pensée profane, mais la méditation d'un dépôt qui remonte au Christ." (Lumières de la théologie mystique, L'Age d'Homme, 2002, pp. 32-34.)

Avant quelques éclaircissements, non pas sur ce texte, qui s'en passe très bien, mais sur ce que j'ai en tête en vous le soumettant, voici la note à laquelle j'ai fait allusion :

"L'hellénisation du judaïsme est relativement tardive et partielle. Celle de l'islam, moins tardive, est plus partielle encore et n'a jamais touché le Coran dont le texte demeure purement sémitique, alors que la version grecque de la Bible, dite des Septante, fut révérée dans la diaspora, et même peut-être en Palestine, preque à l'égal de la version hébraïque - du moins avant la réaction « judaïsante » et anti-chrétienne des deux premiers siècles ap. J.-C. Au contraire, le message chrétien nous est le plus anciennement transmis dans la langue grecque de l'époque, la koïnê, qui, rappelons-le, servait d'idiome véhiculaire dans tout le Bassin méditerranéen : Plotin, à Rome, enseignait en grec. On sait qu'il a existé une version sémitique de l'évangile de S. Matthieu. Pour les autres évangiles, après les travaux du P. Carmignac et de Claude Tresmontant, la chose nous paraît hautement probable, voire certaine. Reste que les plus anciens manuscrits sont écrits en grec, dans une langue teintée d'aramaïsmes, populaire sans aucun doute, mais simple et belle, et très maîtrisée. Compte tenu de toutes ces données, il nous semble que les tentatives visant à « restaurer » un « judéo-christianisme » sont incompatibles avec la catholicité, c'est-à-dire l'universalité essentielle du message du Christ.


psycho0336

People always mean well...


Comme le dit Soeur Jeanne d'Arc : « L'Évangile invite à la traduction » ; il a d'ailleurs été traduit, dès le début, dans toutes les langues méditerranéennes. C'est pourquoi, s'il y a des langues liturgiques dans le christianisme, il n'y a pas de langue sacrée, tel l'hébreu pour les Juifs ou l'arabe pour l'islam : la seule langue divine, c'est le Christ Lui-même, Logos incarné, source et modèle de toutes les langues humaines." (Ici comme dans le texte principal, je me suis livré à de très légères coupures dans les références données par l'auteur.)


- J'arrêterais bien là pour aujourd'hui, mais, dans la mesure où on m'a encore dit récemment que mon blog était intéressant mais incompréhensible, je vais faire un petit effort de « garniture ». Il s'agit d'abord, ainsi que j'en énonçais récemment le projet, d'utiliser, petit à petit, les textes de Jean Borella afin d'essayer d'approcher cette zone « mystique », pour parler comme Musil, que l'on sait ne pouvoir atteindre par les mots mais que rien n'interdit d'essayer de verbaliser autant que faire se peut. Attendez-vous donc à bouffer du Borella dans les semaines à venir.

Dans cette optique, une première approche de la notion de Verbe pouvait paraître opportune. Chacun aura d'ailleurs peut-être remarqué, selon ses préoccupations propres, que ce texte permettait de retrouver des thèmes et des auteurs souvent évoqués ici : Chesterton et le dogme, Abellio et la Gnose, les rapports du judaïsme et du christianisme, Paul et Jean, et même notre ami Nabsoral. - Je ne vais pas non plus tout expliquer ou tenter de tout expliquer, comme le dit justement A. Soral non sans un brin de démagogie, si vous êtes ici c'est déjà que vous n'êtes pas complètement stupides.

- Quoi qu'il m'arrive de constater que certains débarquent à mon comptoir à partir de recherches Google que je ne répèterai pas, mais qui tournent parfois autour de sévices extrêmes subies par des femmes de la confession d'Abraham... Cette salace incise me permettant, pour en finir par une pirouette avec cet esprit scolaire, de ne pas vous dire aujourd'hui pourquoi j'ai tenu à inclure ce thème dans la série "Érotique de la crise du monde moderne". Patience, comme le dit le (biblique ?) proverbe, plus les préliminaires sont longs...


psycho

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mercredi 18 juillet 2012

Carte postale.

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Cherchant l'autre jour des photographies d'Ernest Borgnine, Dieu veuille bien l'accueillir en Son Sein, je suis tombé sur ce délicieux plan « volé » à Vera Cruz. Vous le faire partager est à peu près le seul effort intellectuel que je me sens capable de produire ces jours-ci, tant je profite de mes vacances comme un vulgaire esclave salarié. Je n'ai même pas la force de commenter le dernier entretien d'Alain Soral (le but de la sexualité, c'est la reproduction... n'importe quoi ! indécrottable matérialiste ! le sexe est métaphysique, il faut le répéter combien de fois ?), de vous communiquer les quelques belles sentences trouvées dans le livre de Léon Bloy que j'arrive à traîner à la plage, ou, donc, de rendre un petit hommage au cher Ernest. - Il n'y a d'ailleurs rien d'étonnant à ce que le décès de celui-ci ait ému les blogueurs cinéphiles : nous avons tous découvert un Borgnine alors que nous étions enfant, pour le retrouver plus tard, une fois devenus, justement, cinéphiles, et, notamment, pour le retrouver filmé par des réalisateurs cinéphiles (Carpenter), ou cinéphiles-de-réalisateurs-cinéphiles (Jan Kounen). Ce vieux « salopard » nous aura suivi toute notre vie, avec l'aide de tonton Aldrich notamment, que Dieu éternellement le bénisse.


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J'essaie de me résoudre à arrêter de fumer et de mettre des femmes nues à la fin de mes blogs. Ce n'est pas gagné. Passons.

- A bientôt, bonne métaphysique à tous !



Vacancesjoublietout

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