jeudi 31 janvier 2019

"Sinon la disparition totale, du moins l’évanouissement graduel de cette chose admirable…"

Deux extraits de la préface par Léon Bertrand à son livre sur saint Augustin, 1913, veille d’une certaine Grande guerre, livrée à certain ennemi (en ce temps on livrait une guerre à l’Allemand, on ne lui livrait pas le pays) : 

"Nous sommes tout près de conclure qu’à l’heure présente, il n’est pas de sujet plus actuel que saint Augustin.

Il est au moins un des plus intéressants. Quoi de romanesque, en effet, comme cette existence errante de rhéteur et d’étudiant, que le jeune Augustin promena de Thagaste à Carthage, de Carthage à Milan et Rome, et qui, commencée dans les plaisirs et le tumulte des grandes villes, s’acheva dans la pénitence, le silence et le recueillement d’un monastère ? Et d’autre part, quel drame plus haut en couleurs et plus utile à méditer que cette agonie de l’Empire à laquelle Augustin assista et que, de tout coeur fidèle à Rome, il aurait voulu conjurer ? Quelle tragédie enfin plus émouvante et plus douloureuse que cette crise d’âme et de conscience qui déchira sa vie ? A l’envisager dans son ensemble, on peut dire que la vie d’Augustin ne fut qu’une lutte spirituelle, un combat d’âme. C’est le combat de tous les instants, l’incessante psychomachie que dramatisaient les poètes d’alors, et qui est l’histoire du chrétien de tous les temps. L’enjeu du combat, c’est une âme. Le dénouement, c’est le triomphe final, la rédemption d’une âme. 

Ce qui rend la vie d’Augustin si complète et si réellement exemplaire, c’est qu’il soutint le bon combat non seulement contre lui-même, mais contre tous les ennemis de l’Église et de l’Empire. S’il fut un docteur et un saint, il fut aussi le type de l’homme d’action à une des époques les plus découragées. Qu’il ait triomphé de ses passions, cela, en somme, ne regarde que Dieu et lui. Qu’il ait prêché, écrit, remué les foules, agité les esprits, cela peut paraître indifférent à ceux qui rejettent sa doctrine. Mais qu’à travers les siècles son âme brûlante de charité échauffe encore les nôtres, qu’à notre insu, il continue de nous former, et que, d’une façon plus ou moins lointaine, il soit encore le maître de nos coeurs, et, à de certains égards, de nos esprits, voilà qui nous touche les uns et les autres, indistinctement. Non seulement Augustin a toujours sa grande place dans la communion vivante de tous les baptisés, mais l’âme occidentale est marquée à l’empreinte de la sienne. 

D’abord, sa destinée se confond avec celle de l’Empire finissant. Il a vu sinon la disparition totale, du moins l’évanouissement graduel de cette chose admirable que fut l’Empire romain, image de l’unité catholique. Or, nous sommes les débris de l’Empire. D’ordinaire, nous nous détournons avec dédain de ces siècles pitoyables qui subirent les invasions barbares. Pour nous, c’est le Bas-Empire, une époque de honteuse décadence, qui ne mérite que nos mépris. Cependant, c’est de ce chaos et de cette abjection que nous sommes sortis. Les guerres de la République romaine nous touchent moins que les brigandages des chefs barbares qui détachèrent notre Gaule de l’Empire et qui, sans le savoir, préparèrent l’avènement de la France. Que nous font, en définitive, les rivalités de Marius et de Sylla ? La victoire d’Aetius sur les Huns dans les plaines catalauniques nous intéresse bien davantage. (…)

Par sa fidélité à l’Empire, Augustin se manifeste déjà l’un des nôtres, un Latin d’Occitanie. Mais des analogies plus étroites le rapprochent de nous. Son siècle ressemble beaucoup à celui-ci. Pour peu que nous entrions dans la familiarité de ses livres, nous reconnaissons en lui une âme fraternelle, qui a souffert, senti, pensé à peu près comme nous. Il est venu dans un monde finissant, à la veille du grand cataclysme qui allait emporter toute une civilisation : tournant tragique de l’histoire, période troublée et souvent atroce, qui dut être bien dure à vivre pour tous, et qui dut paraître désespérée aux esprits les plus fermes. La paix de l’Église n’était pas encore établie, les consciences étaient divisées. On hésitait entre la croyance d’hier et la croyance de demain. Augustin fut un de ceux qui eurent le courage de choisir et qui, ayant choisi leur foi, la proclamèrent sans faiblir. Un culte millénaire allait s’éteindre, dépossédé par un culte jeune, à qui l’éternité est promise. Combien d’âmes délicates eurent à souffrir de cette scission, qui les détachait de leurs origines et qui les obligeait, pensaient-elles, à trahir leurs morts avec la religion des ancêtres ! Tous les froissements que les sectaires d’aujourd’hui infligent aux âmes croyantes, beaucoup durent les éprouver alors. Les sceptiques souffraient de l’intransigeance des autres. Mais le pire, - comme aujourd’hui, - ce dut être d’assister au débordement de sottises qui, sous le couvert de la philosophie, de la religion ou de la thaumaturgie, prétendaient à la conquête des esprits et des volontés. Dans cette mêlée des doctrines et des hérésies les plus extravagantes, dans cette orgie d’intellectualisme creux, ils eurent la tête solide, ceux qui surent résister à l’ivresse publique. Au milieu de tous ces gens qui divaguent, Augustin nous apparaît admirable de bon sens."


Les parallèles avec l’actualité qui viennent à l’esprit à la lecture de ce texte vieux d’un peu plus d’un siècle sont nombreux, il ne me semble pas nécessaire de les énoncer à votre place. Je voudrais juste revenir sur les dernières phrases, plus importantes peut-être que l’on ne pourrait croire. 


Depuis que les Gilets Jaunes ont ouvert une séquence historique dont on ne sait pas sur quoi elle va déboucher, mais qui, depuis quelques semaines, de Marrakech à Aix-la-Chapelle (un beau parcours pour la 2e D.B....) en passant par les restrictions de droits et les énucléations d’État, semble conduire  le macronisme à assumer son caractère de dictature libérale-immigrationniste (pardonnez-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font… quand on voit la tronche et l’âge des députés LREM !), depuis les premières manifestations des Gilets Jaunes donc, j’essaie, derrière mon petit comptoir, de garder mon bon sens, de résister à l’ivresse publique - ce dernier mot pouvant aussi bien désigner la puissance du même nom que les mouvements populaires. Et c’est le conseil que je me permettrais de donner à mes amis lecteurs, sachant bien que même si la situation politique devait se calmer quelque peu dans les semaines à venir, ce qui n’a déjà rien de sûr, de bien plus fortes secousses sont de toutes façons à prévoir. - Sur ce, à demain pour d’autres extraits, scandaleusement incorrects par endroits, de cette préface ! 

mercredi 30 janvier 2019

L'ignorance n'excuse personne.

"« Celui qui ne connaît pas la volonté de son maître et qui a fait de quoi mériter des coups en recevra peu ; le serviteur qui connaissait la volonté de son maître et qui pourtant n’a rien préparé ni fait selon cette volonté recevra bien des coups [Luc, 12, 48]. » Voilà montrée ici la gravité plus grande du péché chez l’homme qui sait que chez l’homme ignorant. Et cependant, il ne faut pas pour autant se réfugier dans les ténèbres de l’ignorance de façon que chacun y cherche une excuse. C’est une chose de n’avoir pas su, c’en est une autre de ne pas avoir voulu savoir. La volonté est inculquée chez celui dont l’Écriture dit : « Il n’a pas voulu avoir l’intelligence de faire le bien. » Mais encore, cette ignorance qui n’est pas celle des hommes qui ne veulent pas savoir, mais celle de ceux qui tout simplement ne savent pas, n’excuse personne : il ne manquera pas d’être brûlé d’un feu éternel, celui qui n’a pas cru parce qu’il n’a absolument pas entendu ce qu’il aurait à croire ; mais peut-être le feu sera-t-il moins cuisant."


Saint Augustin. Évidemment, ça ne rigole pas beaucoup, et c’est moins sympa que Chesterton, mais ça fait aussi partie du lot. 

mardi 29 janvier 2019

Samizdat.

Victime encore une fois de ma légèreté et de mon optimisme, je me vois réduit, comme hier, à vous livrer un blog très court. J’avais pourtant trouvé une belle tirade de saint Augustin… - Fort heureusement, la citation est un domaine dans laquelle la brièveté peut n’être pas décevante, et c’est avec plaisir que je clôturerai ma séquence d’extraits du dernier numéro d’Éléments dans la dignité lapidaire de ce principe énoncé par le cinéaste Pascal Thomas : 


"Une maison sans livres n’est pas une véritable maison."

lundi 28 janvier 2019

La modernité : de fausses questions venant recouvrir l'oubli des bonnes réponses.

Saint Thomas ? J’aurais bien aimé, puisque c’est aujourd’hui sa fête. Pris par le temps et mon imprévoyance, je dois me replier, en lieu et place d’une belle démonstration aristotélicienne baignant dans une lumière surnaturelle, sur une sentence de Chesterton. Lequel, s’il a passé sa vie à écrire des tartines, a tout de même plus le sens de la formule lapidaire que son illustre maître, Dieu le bénisse : 

"I know of no question that Voltaire asked which St. Thomas Aquinas did not ask before him. Only St. Thomas not only asked, but answered the question."


Et si vous croisez J. B. Peterson, conseillez-lui de de lire Saint Thomas…

dimanche 27 janvier 2019

Macron, Juncker, Eltsine...



1990 : 

"Quand on dit que le capitalisme l’a emporté sur le communisme, on dit en fait que les techniques marchandes se sont révélées plus efficaces que les méthodes marxistes pour réaliser une société purement matérialiste. Cette victoire n’est donc jamais que celle d’un système industriel et financier. Ce n’est pas la victoire des cultures et des peuples. Or, je suis de ceux qui croient que l’âme des peuples est plus importante que le confort matériel. Il y a sans doute en Russie des gens qui s’imaginent qu’ils vont connaître le paradis sur terre parce qu’une succursale de McDonald s’est ouverte à Moscou. Mais derrière McDonald, il y a le saccage des forêts tropicales, il y a la désertification du Tiers-monde, il y a l’élimination des peuplades dites « archaïques ». Tout cela a des conséquences tragiques, sur lesquelles on n’a pas le droit de fermer les yeux. Le capitalisme tue l’âme des peuples. 

Nous croyons que l’Europe doit rompre avec un système qui s’identifie de plus en plus à la seule société de consommation, et qu’elle doit dénoncer un impérialisme culturel américain qui provoque, chez nous comme ailleurs, des phénomènes de déracinement et d’érosion de la mémoire historique."

Pino Rauti, alors leader du MSI, j’ai aussi trouvé ça dans le dernier Éléments. Sur le début, où l’on reconnaît une vieille thèse de Bernanos, ajoutons, quitte à nous répéter, qu’avec la Chine actuelle, nous avons à la fois les « techniques marchandes » et les « méthodes marxistes », avec une force armée impressionnante en toile de fond. Il n’est vraiment pas illogique de se dire qu’entre la Chine et nous, il y a la Russie, laquelle est peut-être la seule grande puissance qui ne soit pas complètement gangrenée par l’impérialisme et le matérialisme - D. Trump a sans doute une vision moins providentielle et moins militarisée du rôle de son pays que certains de ses prédécesseurs et concurrents, il en défend les intérêts avec autant si ce n’est plus d’énergie. Plus l’Europe baisse, et plus une alliance entre elle et la Russie sera pour nous vitale ; plus nous attendons, et plus la Russie pourra nous imposer ses exigences. - Que dire de plus ? Si ce n’est, rappelons-le encore, que, à l’heure où nous écrivons, ce sont justement les Russes les plus forts (https://institutdeslibertes.org/les-etats-unis-deviennent-isolationnistes/ !!!!), et pas les Amerloques, le moment est donc bien choisi…

samedi 26 janvier 2019

"Aussi simplement, aussi nettement que possible..."

C’est ici surtout le quatrième et dernier paragraphe qui m’intéresse, mais je vous reproduis l’intégralité de ce petit texte : 

"Mon objet principal a été de me figurer aussi simplement, aussi nettement que possible, mon propre fonctionnement d’ensemble : je suis monde, corps, pensées. 

Ce n’est pas un but philosophique. 

La philosophie, dont j’ignore ce qu’elle est, - parle de tout - par ouï-dire. Je n’y vois point de permanence de point de vue, ni de pureté de moyens. 

Rien ne peut être plus faux que le mélange (par exemple) d’observations internes et de raisonnements, si ce mélange est fait sans précautions et sans qu’on puisse toujours distinguer le calculé de l’observé ; ce qui est perçu et ce qui est déduit, - ce qui est langage et ce qui fut immédiat."


Valéry, Tel quel

vendredi 25 janvier 2019

Back to the future...

Je lis dans le dernier numéro d’Éléments, au cours d’un entretien avec un horrible fasciste de la CasaPound, Adriano Scianca, cette remarque : 

"Très souvent, ce que nous voulons « conserver » n’est rien d’autre que ce monde d’hier qui a accouché du monde d’aujourd’hui. Il ne s’agit donc pas de faire quelques pas en arrière sur un chemin qui nous mène toujours au même but."


Tout à fait Thierry ! Ce sont les années 50 qui ont donné les années 60, et donc, in fine, Mai 68 et tout ce qui a suivi. On le voit aujourd’hui très nettement, tant à l’Éducation dite nationale que dans le personnel politique, ce qui compte, ce n’est pas tant l’année où vous êtes né que les années durant lesquelles ont été formés ceux qui vous ont formé. Les Français des années 50-60 étaient déjà bien matérialistes, mais ils avaient eu comme professeurs des gens qui avaient éduqués par des maîtres nés au XIXe… : l’équilibre entre l’éducation et le savoir-vivre reçus et la croissance économique de l’époque peut certes susciter quelque nostalgie, mais ce genre d’équilibre ne se recrée pas par un claquement de doigts. Que l’instruction que ces Français avaient reçue leur ait donné les outils rhétoriques pour donner une forme sinon convaincante sur le fond, en tout cas stimulante dans la forme, à leur matérialisme, lequel s’est d’abord et plus volontiers exprimé dans le domaine sexuel que dans le domaine mercantile, est en quelque sorte le drame des trente dites Glorieuses. - En rappelant une nouvelle fois qu’il s’est aussi agi, ce qui nous rapproche des problématiques actuelles sur le Grand Remplacement, d’une simple question de quantité : nous parlons ici des générations dites du baby-boom, qui ont aussi vaincu par la seule force du nombre.

jeudi 24 janvier 2019

"Le caractère et l’amplitude."

Saint Paul ? D’accord, saint Paul. 

Je tombe sur ces lignes à lui consacrées dans un petit livre d’analyse des « Épitres de la captivité », par le Père Joseph Huby, S. J., en 1935. Les italiques sont parfois des citations de saint Paul, ou des reprises de termes utilisés dans les épitres. S’intercalent - on est chez un jésuite, ça ne rigole pas - des commentaires d’autres auteurs ; j’en ai supprimé un, j’indique le nom de l’auteur des autres entre crochets :

"Comme il a été appelé à être ministre de l’Évangile, saint Paul a été constitué serviteur de l’Église : il a reçu de Dieu, à l’égard des Gentils, la charge de parfaire la parole de Dieu, c’est-à-dire de la prêcher dans sa plénitude, de l’annoncer tout entière et à tous. Cette parole de Dieu, saint Paul en définit le caractère et l’amplitude. Ce n’est pas seulement un mystère, un secret, entre autres vérités jusqu’alors cachées, mais le Mystère, le secret de Dieu relatif au salut des hommes par le Christ, et, conséquemment, l’objet par excellence de la révélation chrétienne et de la prédication de l’Apôtre. Mystère, pour saint Paul, ne signifie pas un enseignement ésotérique, réservé à un petit groupe d’initiés, mais une vérité qui ne peut être connue sans révélation divine. 

Le Mystère, ce dessein providentiel, « qui admet les Gentils, sans stage préalable et sur un pied d’égalité parfaite avec les fils d’Israël, à la participation totale du don divin, dans le Christ Jésus [L. de Grandmaison] », a été tenu caché depuis l’origine des siècles et des générations qui les composent. Dans l’épître aux Romains saint Paul avait de même parlé du mystère « tu aux jours éternels ». (…) Saint Paul ne nie pas l’idée d’une révélation commencée dans l’Ancien Testament, de promesses de salut proclamées par les prophètes ; tout au contraire, il nous montre la Loi et les Prophètes, annonçant et préparant l’Évangile. Mais l’Ancien Testament ne contenait pas la « manifestation » du salut promis. Cette manifestation dans le Nouveau Testament a été si lumineuse, si éclatante, que tous les temps qui ont précédé peuvent être considérés comme des temps de pénombre, de silence. 

Maintenant une nouvelle ère a commencé ; le mystère du salut a été manifesté par Dieu à ses saints, c’est-à-dire à tous les chrétiens. Dieu a voulu leur faire connaître quelle est la richesse de la gloire de ce mystère parmi les Gentils, combien magnifique est la manifestation du plan divin du salut, se réalisant parmi les païens. 

Comme on a pu dire en raccourci que « le Royaume de Dieu, c’est Jésus, connu, goûté, possédé [L. de Grandmaison] », saint Paul, en quelques mots, a exprimé le contenu essentiel du Mystère : « C’est le Christ en vous, païens, vous apportant le salut par l’union avec Lui en un seul corps, le Christ, espérance de la gloire, c’est-à-dire auteur et garant de la félicité glorieuse que vous espérez. » Avant leur conversion, les païens étaient « ceux qui n’avaient pas d’espérance » ; maintenant, unis au Christ, ils ont ouvert leur âme à un espoir qui ne saurait les tromper. 

En conformité avec le dessein providentiel qui veut le salut de tous les hommes, des païens comme des Juifs, saint Paul annonce le Christ, sans se laisser arrêter par aucune barrière de caste ou de race. A l’égard de tous ceux qu’il peut atteindre, il exerce un double office : les reprendre pour les amener à la pénitence et à la réforme de leur vie, les instruire de toute sagesse, en leur communiquant la pleine connaissance de Dieu et de la doctrine chrétienne, afin de rendre tout homme accompli dans le Christ, incorporé à Lui, vivant de sa vie et par là atteignant la perfection à laquelle Dieu l’a appelé."


Rien moins. Rien moins ! 

mercredi 23 janvier 2019

La répétition est l'âme de l'enseignement.

Saint Augustin ? D’accord, saint Augustin : 

"Face à ceux qui prônent et défendent le libre arbitre de l’homme au point d’oser nier et tenter d’éliminer la grâce de Dieu, qui nous appelle à lui, nous délivre de nos démérites, et nous fait assembler des mérites pour parvenir à la vie éternelle, j’ai déjà fait bien des exposés et rédigé bien des lettres, dans la mesure où Dieu a bien voulu me l’accorder. Mais puisqu’il en est qui défendent la grâce de Dieu au point de nier le libre arbitre de l’homme ou, en défendant la grâce, de juger bon de nier le libre arbitre, j’ai pris soin, poussé par notre charité mutuelle, d’écrire à votre Charité, frère Valentin et vous autres qui servez ensemble Dieu."


Incipit délicieux d’un texte intitulé, ce n’est pas compliqué, La grâce et le libre arbitre. Je n’ai pas lu la démonstration, il n’y a qu’à espérer qu’elle soit convaincante…

mardi 22 janvier 2019

Opéra, crépuscule et veillée d’armes... Regard russe.




"Vol des Walkyries et chant des archets - 
L’encombrant opéra s’achève presque.
Aux escaliers de marbre les laquais, 
Chargés de pelisses, attendent leurs maîtres.

Déjà vers le sol le rideau s’élance, 
Au poulailler un sot frappe des mains, 
Tout autour des brasiers les cochers dansent…
La voiture d’un tel ! Tous partent. Fin."


Ossip Mandelstam, 1914. 

lundi 21 janvier 2019

Les évêques sont progressistes, pas réactionnaires.

Jean Madiran (1994) nous en dit quelques mots : 

"Plus ou moins consciemment, l'épiscopat français croit à une constante évolution à gauche. Il regarde toute « droite » politique ou religieuse comme négligeable non point parce qu'il l'imagine minoritaire, mais parce qu'il la tient pour une survivance destinée à disparaître tôt ou tard. Et tant qu'elle n'a pas disparu, il la tient pour un obstacle et une gêne dans sa politique d'amitié avec « la gauche » : elle fait suspecter son « ouverture à gauche » (appelée « ouverture au monde ») de n'être ni sincère ni définitive.

L'effondrement du communisme à Moscou serait bien de nature à ébranler une croyance aussi absurde que celle en la pérénnité de l'évolution à gauche. Mais les croyances sont dans la volonté."


On connaît la suite, Pacte de Marrakech approuvé par l'Église, etc.

dimanche 20 janvier 2019

"C’est aux non-chrétiens à expliquer..."

Pierre Boutang, interrogé par Éric Vatré, 1994 : 

" - La référence habituelle de Jean-Paul II aux « droits de l’homme » s’inscrit-elle naturellement dans la Tradition de l’Église ?

Bien sûr, si les hommes ont des droits, c’est bien dans Saint Thomas ; si l’homme a des droits, c’est bien dans le point de vue traditionnaliste. Si ce n’est pas traditionnaliste, comment l’idée même de ces droits pourrait-elle être transmise ? S’il n’y a pas Tradition, rien n’existe pour ce qui est des droits de l’homme. 

C’est aux non-chrétiens à expliquer une évolution très curieuse dans l’histoire, en particulier depuis la Révolution française. La proclamation de la mort de Dieu a conduit progressivement et invinciblement à la mort effective de l’idée de l’homme et de son droit ; l’évidence est apparue que le droit de l’homme ne pouvait avoir de sens hors de la garantie divine. 

C’est la question du génocide qui pose à sa limite extrême le problème des droits de l’homme, et de ce premier droit, fondé sur la création de l’homme par Dieu, pour tout ensemble humain de survivre. Ce droit de l’homme est dans la Bible celui qui entraîne le châtiment de la loi d’Égypte qui condamne à mort toute une espèce du genre humain. A ce point de vue, a-t-on assez médité sur le cas du premier « révisionniste » du génocide décrit par la Thora judaïque, qui est Sigmund Freud, niant la réalité de la condamnation à mort portée par l’Égypte sur tous les petits enfants juifs. Révisionnisme poussé jusqu’à l’hypothèse folle d’un Moïse qui aurait été en réalité égyptien…

Lorsque Jean-Paul II parle des droits de l’homme, il entend : de l’homme à l’intérieur du projet divin de la création et du salut. Si le projet « démocratique » ou le projet des « Lumières » a été de laïciser le concept des droits de l’homme, la suite des horreurs des deux derniers siècles, jusqu’au génocide nazi qui en est la conclusion la plus énorme, prouve assez que c’était une folie."


Une nuance sur la fin : "qui en est à ce jour la conclusion la plus énorme…"

samedi 19 janvier 2019

"More than any other force…" Femmes et évolution, 3e rasade de J. B.

Les femmes et les guenons, donc, comme promis hier, avec J. B. Peterson en maître d’oeuvre : 

"Chaos (…) is also the crushing force of social selection. Women are choosy matters (unlike female chimps, their closest animal counterparts). Most men do not meet female human standards. It is for this reason that women on dating sites rate 85 percent of men as below average in attractiveness. (…) It is Woman as Nature who looks at half of all men, and says « No ! » For the men, that’s direct encounter with Chaos, and it occurs with devastating force every time they are turned down for a date. Human female choosiness is also why we are very different from the common ancestor we shared with our chimpanzee cousins, while the latter are very much the same. Women’s proclivity to say no, more than any other force, has shaped our evolution into the creative, industrious, upright, large-brained (competitive, aggressive, domineering) creatures that we are."

Autrement dit et rapidement : la femelle humaine, la femme donc, discrimine, j’allais écrire comme une bête, mais non, justement : la femme prouve son humanité en discriminant très sévèrement les hommes qui se présentent à elle, contrairement à la guenon. Et c’est une des raisons principales qui a permis à l’espèce humaine d’évoluer, pendant que les singes continuent à se gratter placidement les couilles. 

Par conséquent et bien évidemment, lutter contre toutes les discriminations, c’est bien gentil, mais celle-ci, fondamentale, primordiale, ne risque pas de disparaître. Ce qui peut engendrer de la schizophrénie chez certain-e-s militant-e-s, c’est le moment ou jamais d’utiliser de façon ironique l’écriture inclusive. 


En revanche, et peut-être moins évidemment, il ne faut pas en déduire trop rapidement que la femme qui couche beaucoup trahit l’espèce (ce qui ne veut pas dire que cette idée soit complètement erronée) : ce genre de comportement est aussi rendu possible du fait de la dissociation du sexe et de la procréation qui est à l’oeuvre depuis, disons, la généralisation de la pilule. Et de cette dissociation, les deux sexes sont responsables, de cette dissociation ils subissent tous deux les conséquences. 

vendredi 18 janvier 2019

Le Baron Evola cité par Cheyenne Carron sur Twitter.





J'ai découvert cette formule, que je ne connaissais pas, ce matin. Double plaisir ! J'ai rigolé un bon coup, tout en étant soulagé d'avoir trouvé ma citation du jour : 


"La femme ne peut être supérieure à l'homme que comme femme, mais à partir du moment où elle veut égaler l'homme, elle n'est qu'une guenon."


jeudi 17 janvier 2019

A bon entendeur...

C’est une phrase de Péguy, citée par R. Fontaine, elle s’applique dans l’esprit de son auteur aux catholiques qui ne veulent pas se mêler de politique, ou qui, par souci du spirituel, fuient par trop le temporel. On pourrait l’appliquer à d’autres, pas catholiques du tout, suivez mes regards : 

"Parce qu’ils n’ont pas la force d’être de la nature ils croient qu’ils sont de la grâce. Parce qu’ils n’ont pas le courage temporel ils croient qu’ils sont entrés dans la pénétration de l’éternel. Parce qu’ils n’ont pas le courage d’être du monde ils croient qu’ils sont de Dieu."


(Et qui veut faire l’ange…)

mercredi 16 janvier 2019

"Un juif converti, ça fait un chrétien de plus, mais ça ne fait pas un juif de moins." (Paul Morand)

Qu’en peu de mots… J.-F. Poisson, toujours dans L’Incorrect

"L’Islam est devant une contradiction à mon avis insoluble : soit il reste ce qu’il est, et on va à l’affrontement ; soit il se réforme et il disparaît. C’est aussi simple que ça. Il ne peut pas survivre à une démarche critique qui viserait à en vérifier l’historicité et la cohérence. (…) Soit l’Islam est fractionné en tant que tout, et il disparaît purement et simplement, soit il demeure. (…) Nous pouvons conduire un certain nombre de musulmans à ne pas faire le choix de l’Islam. (…) La puissance d’attraction d’une civilisation qui serait redevenue ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être est de nature à faire s’interroger les musulmans sur la réalité de leur civilisation."


La réalité et l'intérêt ! - Ceci dans un contexte général qui voit des musulmans du monde entier se convertir, certes pas en masse mais en nombre, à d’autres religions qui leur semblent un rien moins pénibles et meurtrières que la leur… Tout ceci ne présageant bien sûr aucunement de ce qui va se passer en France dans les décennies à venir. - Bon, après tout, les Espagnols ont fini par se remettre de quelques siècles de domination musulmane, l’Espagne n’en est pas morte ! 

mardi 15 janvier 2019

Francis Blanche et Jacqueline Maillan.

(J'avais envie de les citer, comme ça). - Est-ce un hasard je l’ignore, mais nous restons dans l’univers anglo-saxon, avec Will Franken, interviewé par L’incorrect

"Bien sûr que la comédie souffre d’une forme de censure. Il suffit de voir la mélasse insipide qui dégouline sur nos scènes et nos écrans, pour s’en convaincre. Notre culture occidentale tremble devant la propagande trans, les lubies victimaires et les dogmes de l’Islam."

Bonne synthèse. Mais c’est la suite qui m’intéresse plus. Franken a été marginalisé par ses collègues après avoir organisé une parodie de cérémonie, en décernant les Prix du Conformisme : 

"Deux ans après, je continue à payer pour cette blague. Je figure sur une liste noire. (…) Le nombre de mes représentations a diminué de 80%. Cette expérience confirme ce que je craignais : le meilleur moyen de s’attirer des ennuis n’est pas de s’attaquer aux gangs de violeurs, de condamner l’excision ou les atrocités des terroristes, c’est d’informer les comiques qu’ils ne sont pas drôles."

J’ignore si ce monsieur est lui-même drôle, je n’ai pas pris le temps de regarder quelques-uns de ses sketches, mais il me semble saisir ici un trait de psychologie caractéristique, qui aurait pu figurer dans un livre de René Girard. - Une dernière pour la route, au sujet du trop grand nombre actuel de comiques : 

"Jusque-là, la vocation d’humoriste obéissait au principe darwinien selon lequel les plus talentueux survivent. Ceux qui avaient cette vocation, un authentique talent, progressaient dans la profession en repoussant les limites à force d’inventivité et d’audace, tandis que les bureaucrates de l’humour ou pire, ceux nous infligent leur logorrhée thérapeutique à longueur de sketches, étaient éliminés et avec un peu de chance retrouvaient un travail honnête. Malheureusement, le politiquement correct a institué son obsession pathologique de n’offenser personne." 


Cela peut bien sûr être transposé dans de nombreux domaines… A demain ! 

lundi 14 janvier 2019

"They believed just as strongly in money." Deuxième ration de J.B., coupée à l’Orwell et au Voyer.

Une nouvelle citation de 12 rules for life, l’auteur évoque une époque de doute dans sa vie, il y a une bonne trentaine d’années : 

"I was truly plagued with doubt. I had outgrown the shallow Christianity of my youth by the time I could understand the fundamentals of Darwinian theory. After that, I could not distinguish the basic elements of Christian belief from wishful thinking. The socialism that soon afterwards became so attractive to me as an alternative proved equally insubstantial ; with time, I came to understand, through the great George Orwell, that much of such thinking found its motivation in hatred of the rich and successful, instead of true regard for the poor. Besides, the socialists were more intrinsically capitalists than the capitalists. They believed just as strongly in money. They just thought that if different people had the money, the problems plaguing humanity would vanish. This is simply untrue. There are many problems that money does not solve, and others that it makes worse." 


Elementary, my dear Mélenchon ! 

dimanche 13 janvier 2019

"Un peuple anesthésié et une société désintégrée..."

Vaclav Havel, époque dissidence, aux membres du Parti Communiste : 

"Derrière une apparence de normalisation, vous avez installé le règne de la peur, du mensonge et de la corruption à tous les niveaux. Vous assurez la ruine du pays en étouffant la création et en voulant, à terme, abolir toute mémoire collective, toute vie sociale autonome, pour régner sur un peuple anesthésié et une société désintégrée. Cela, nous le refusons."

samedi 12 janvier 2019

"Suspects et comploteurs..."

Je blogue dès le matin. C’est souvent le cas le week-end - et aujourd’hui, nous ne savons pas de quoi l’après-midi sera faite…

A la fin de son dernier article (https://blog.mondediplo.net/les-forcenes - je n’en ai lu pour l’heure que les extraits publiés par Le Salon beige), Frédéric Lordon évoque, au sujet des poursuites judiciaires contre les initiateurs d’une guillotine en carton, « l’histoire populaire des effigies », ajoutant, à juste titre : "Au mépris surtout de ce qu’à fermer jusqu’aux formes symboliques de l’expression de la colère, après en avoir fermé toutes les formes politiques, [les médias] devraient se demander quelles solutions d’expression ils lui laissent."

Or, je découvre dans le livre de J.-C. Martin un intéressant complément d’information, qui donnerait à penser que dans l’espèce de république chimiquement pure (et moralement impure) qu’est le régime LREM, il n’y a rien d’étonnant à ce que l’on s’en prenne aux effigies, comme si on assimilait symbolique et réel : 

"L’affichage des opinions est rapidement répandu dans le pays, notamment par la cocarde, que les voyageurs qui veulent traverser le pays sans heurt sont, de fait, obligés de porter dès la fin de 1789. Ce qui est demandé, au-delà de l’uniformité apparente, est plus profond : il s’agit de participer à la vie de la nation sans restriction. La Chronique de Paris de l’été 1790 mène campagne contre les marques distinctives qui peuvent différencier les individus, mêlant la suppression des titres sur les tombes des nobles, à l’abandon de la pratique de la poudre chez les hommes pour avoir une tête « à la romaine » ! La finesse de la peau des mains signale, dès 1790, suspects et comploteurs. L’Ami du peuple dénonce les « hommes travestis en femmes », les « jolis messieurs bien frisés et gentilles donzelles bien coiffées ». La crainte que l’habit soit un masque s’inscrit dans la vie sociale. Le 31 janvier 1790, les processions carnavalesques sont interdites à Paris, considérées comme indigne d’un peuple « libre » qui n’a pas besoin de se cacher pour exprimer ses idées et ses convictions. Le travestissement, notamment celui des femmes en hommes, qui avait toujours inquiété les autorités, devient hors la loi. La transparence des attitudes ainsi attendue…"

Par-delà cette histoire d’effigie et cette interdiction républicaine précoce de ce qui relève du carnavalesque, on rappellera les propositions et remarques de certains, cette semaine, suite à l’affaire de la cagnotte, d’une transparence absolue des noms des donateurs, voire, plus généralement, de la disparition des pseudonymes sur Twitter et autres réseaux sociaux - l’état d’esprit quant à ce que l’on peut et doit exiger d’un peuple « libre » (les guillemets sont de J.-C. Martin, qui ne m’apparaît pas comme un contre-révolutionnaire fanatique, loin de là) est le même. Et indifférenciation pour indifférenciation, on en profitera pour rappeler que nos amis les LGBT sont loin de faire l’éloge du secret : vous pouvez faire ce que vous voulez de votre corps, mais il ne faut pas que ce soit caché, ni fugace, et encore moins amusant. On n’est pas là pour rigoler ! 

Ce qui est frappant d’ailleurs, dans les deux cas, c’est l’assimilation volontariste des actions à une identité, y compris, dans le cas des LGBT, pour des gens qui jouent quand ils le veulent sur le trouble dans le genre blablabla : si vous avez crié « Vive le Roi ! » il y a vingt ans, vous êtes suspect de royalisme pour toujours, quoique vous fassiez ; si vous avez de temps en temps un goût pour le travestissement ou si vous avez connu quelques expériences homosexuelles, vous êtes bi, la question est résolue - et dans ce cas, il faut l’assumer, le dire, le proclamer, etc. L'intimité et la discrétion sont suspectes


Bon samedi républicain à tous ! 

vendredi 11 janvier 2019

"La société française découvre ce type de questions..."



Suite directe du texte d’hier : 

"Dès les années 1760, le roi a favorisé les cours d’obstétrique et poussé à l’installation de matrones et de sages-femmes. Avec son appui, Mme Marguerite Boursin du Coudray dispense dans tout le pays un enseignement livresque et pratique, utilisant des mannequins. Entre 5000 et 10000 accoucheuses ainsi que 200 chirurgiens sont formés en vingt-cinq ans, médicalisant la naissance et créant un nouveau groupe social où des femmes acquièrent une spécialité reconnue. Même les paroisses rurales les moins susceptibles d’être touchées par l’esprit des Lumières sont influencées par cette laïcisation du rapport au corps et à la transmission de la vie. Dans le même temps, mais plutôt à destination des couches urbaines lettrées, l’allaitement maternel devient une véritable mode sociale. Dans ce phénomène surprenant à bien des égards et qui va prendre des significations nouvelles pendant la Révolution, se conjuguent de multiples causes directes et indirectes. L’attention portée aux enfants mais aussi l’espoir d’avoir des soldats se combinent avec le succès - pour partie de scandale - du livre Jean-Jacques Rousseau, L’Émile, qui, en 1762, prône cette alimentation « naturelle ». Nombre de particuliers s’en inspirent et élèvent leurs enfants « à l’Émile », tandis que l’administration (…) subventionne l’allaitement maternel, faisant chuter le nombre des enfants mis en nourrice. 


Il convient de comprendre ces discours dans leurs contradiction mêmes. La mécanique des femmes, pour emprunter l’expression à Louis Calaferte, est une de ces « machines célibataires » qui créent du désir, des inhibitions et des conflits, sans être liées stricto sensu à des valeurs sociales normatives ou prescriptives, et qui donc suscitent d’innombrables réactions. Il ne faut pas chercher de cohérence à ces réflexions, ces attitudes, ces prises de position qui témoignent simplement du fait que la société française découvre ce type de questions et qu’elle tente d’y répondre dans tous les domaines de la vie quotidienne. Rousseau illustre là encore la réalité de l’époque. Il a longtemps projeté de faire un ouvrage sur l’histoire des femmes. Mais, partagé entre l’envie d’insister sur leur place et celle de dénoncer leur rôle nocif, puisqu’elles féminiseraient la société par excès d’amour, il n’arrivera jamais à l’écrire."


Quand je lis un livre d’histoire, je me dis que les gens font des erreurs de bonne foi (c’est une généralité, pas une référence particulière à ce texte ou au précédent). Quand je vois mes contemporains commettre ce qui me semble être une erreur politique importante, je les trouve soit stupides, soit de mauvaise foi. Mais est-il vraiment possible d’échapper à ce deux poids deux mesures ? Les erreurs du présent, nous espérons encore pouvoir les empêcher, et nous n’en connaissons pas avec certitude ni distance les conséquences potentiellement tragiques pour nous et nos proches. 

jeudi 10 janvier 2019

Recherches et considérations sur la population de France...

Sur ma lancée, après (et pendant) les livres de MM. Waresquiel et Fumaroli, j’ai commencé un volume plus universitaire et synthétique, La révolte brisée. Femmes dans la Révolution française et l’Empire, de Jean-Clément Martin (2008). Comme j’ai malheureusement, lorsque j’emprunte des livres en bibliothèque, tendance à oublier qu’un livre de cinq cent pages ne se lit pas en dix minutes, comme par ailleurs il faut bien rendre ce que l’on vous a prêté, je n’aurai pas le temps de finir dans un futur proche ce bouquin qui contient pourtant son lot de renseignements et d’enseignements. En attendant donc que j’y revienne plus tard, quelques citations ces jours-ci, pendant que vous et moi avons encore ce passionnant sujet des rapports hommes-femmes avant et durant l’épisode révolutionnaire, en tête :

dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, "après deux ou trois enfants, les couples rompent les habitudes antérieures qui voyaient les enfants se succéder tous les deux ans, autant pour préserver la vie des femmes et leur propre unité, que pour mieux entourer les enfants. L’amour conjugal, le contrôle de la sexualité et la protection du patrimoine se confondent ainsi dans les alcôves. Cette diffusion des « funestes secrets » se réalise du haut en bas de la société, malgré les condamnations cléricales. Une des conséquences est d’écarter les hommes du confessionnal, leur évitant d’avouer le coïtus interruptus ; en résulte ce « dimorphisme sexuel » qui va concerner une bonne partie de la France dans les siècles suivants : les femmes à l’église, les hommes sur la place publique ou au cabaret [ce que Pierre Boutang, note de AMG, regrettait, car cela avait poussé le clergé à modifier son discours, ou en tout cas la tonalité de ce discours, pour s’adapter à la « clientèle » de femmes et d’enfants qui était devenue si capitale pour lui ; d’où, ajoutait-il, je vous en ai parlé dans le temps, un message catholique trop sentimental et mou par rapport à ce qu’il devrait être à et ce qu’il était auparavant]. (…)

L’État a d’autres raisons de s’occuper des alcôves. Depuis les statistiques de Vauban, la surveillance de la population est devenue une préoccupation politique (…). Entre affaiblissement et surpopulation, toute une école de pensée propose des théories autour de la « richesse des nations » pour trouver l’équilibre nécessaire. Entre Mirabeau père qui redoute le dépeuplement et, à la fin du siècle, Malthus qui estime nécessaire de limiter le nombre des convives au « banquet de la nature », l’État se retrouve dans une position de régulateur, dont la Révolution héritera. Un débat animé oppose théologiens et savants à propos de l’inégale répartition des garçons et des filles à la naissance. L’excédent de garçons résulte-t-il d’une volonté de la providence divine, est-il purement fortuit, sans signification, ou bien l’administration peut-elle s’en saisir comme le tente Auger de Monthyon (connu sous le pseudonyme de Moheau) dans ses Recherches et considérations sur la population de France, parues en 1778 ? (…) Condorcet, plus tard, applique les règles du calcul de probabilité, pour imaginer, dans une perspective purement scientifique l’intervention de l’État pour réguler le sex-ratio. La biologie entre ainsi dans la gestion publique."

La suite du texte demain, avant que vous ne tiriez trop de conclusions… 


(Je précise que l’on apprend par ailleurs dans cet ouvrage que la mode de l’habit noir, notamment chez les bourgeois aisés, est antérieure, certes de peu, à la Révolution. Quand Mme Vigée Le Brun, de retour à Paris à la fin du siècle, déplore la disparition des couleurs dans les fêtes, cela signifie que son propre milieu, ou ce qu’il en reste, ou ce qu’il est devenu, se met à appliquer les codes vestimentaires sobres de la bourgeoisie capitaliste en plein essor.)

mercredi 9 janvier 2019

Maurice Henry mélancolique.

mardi 8 janvier 2019

"Force éthique". Luc Ferry et Christophe Dettinger.



"La liberté d’action du bourgeois repose sur sa situation économique ; la liberté d’action du pauvre repose uniquement sur sa force éthique."


Ernest Ansermet, Les fondements de la musique dans la conscience humaine - 1961, d’où le vocabulaire marxisant, pour un auteur et chef d’orchestre chrétien (protestant, en l’occurrence). Sa version du Requiem de Fauré continue à me bouleverser, après combien d’écoutes !… J’avais espéré vous proposer un texte plus long ce soir, d’Ansermet et à son sujet, mais on ne fait pas toujours ce qu’on veut, C. Dettinger vous le dirait mieux que moi.