vendredi 30 novembre 2018

Marie-Antoinette et "le plus beau royaume d’Europe".

Quelques remarques et rappels d’Emmanuel de Waresquiel : 

"Sa vie est extraordinaire depuis ses commencements. Après tout, elle est la fille de Marie-Thérèse d’Autriche. Elle est née archiduchesse et qui plus est, on a fait d’elle la reine de l’une des premières puissances du monde. (…)

En arrivant à la cour de France, toutes ses certitudes s’effondrent une première fois. Elle était fière d’avoir été choisie entre toutes ses soeurs pour régner « sur le plus beau royaume d’Europe » et elle tombe de haut. Livrée aux intrigues, aux cabales et aux manoeuvres de Versailles, délaissée par un mari sans tendresse, mutique, négligé, maladroit et froid, sans personne pour la guider, elle ne se sent plus protégée. L’artisan de son mariage français, le duc de Choiseul, qui aurait pu l’aider, tombe en disgrâce et quitte la Cour quelques mois après son arrivée. Son mari n’est jamais là, ne lui dit rien. Elle devait être mère et elle ne le sera qu’en 1778, huit ans après son union. Je ne doute pas un instant qu’elle ait vécu cela douloureusement, comme une humiliation. Elle pensait vivre la vie de famille simple, affectueuse et entourée de son cocon de Schönbrunn et elle découvre un enfer. 

La Cour devient très vite pour elle un monde de contraintes, d’ambitions, de pièges, d’ennui et de mensonge. Un monde de vieux et elle est jeune. Un monde figé et elle déteste tout ce qui est triste, compassé, maussade. L’étiquette, cette machine à éduquer les princesses, surtout quand elles sont étrangères, l’assomme. (…) Elle mettra longtemps à comprendre que sans elle le roi est nu, que, pour faire tenir ensemble un édifice qui repose sur l’arbitraire de la naissance, tout doit être conventions, cérémonies, préséances, mystère et craintes. Elle n’est encore qu’enfance, rires et légèreté. De la Cour elle ne voit que la « mécanique minuscule », l’avidité et les masques. Élisabeth de Bavière, la princesse Palatine, allemande comme elle, marié au duc d’Orléans en 1671, avait déjà vécu la même chose sous le règne de Louis XIV : « Depuis que je suis ici, je suis accoutumée à voir de si vilaines choses que si jamais je me trouvais en un lieu où la fausseté ne régnât pas, où le mensonge ne fût pas favorisé et approuvé comme dans cette Cour, je croirais avoir trouvé un paradis. »

Versailles, c’est la mesure du monde tel qu’il est, ce sont ses rêves d’enfance qui se brisent. (…) L’exil, c’est laisser son corps derrière soi, et l’extraordinaire rite de passage qui lui avait été imposé à Strasbourg en mai 1770, lorsqu’on l’avait mise nue, qu’on l’avait déshabillée de ses vêtements de petite archiduchesse et habillée de ceux de sa nouvelle condition de dauphine, sonne comme un étrange conte allégorique. Goethe avait visité l’endroit peu avant qu’elle n’y passe. Une tente avait dressée pour l’occasion sur une île du Rhin. On l’avait décorée d’une série de tapisseries consacrées au cycle de Jason. La plus grande représentait le mariage de Jason avec Créuse, la fille du roi Créon, et la vengeance terrible de Médée, qu’il avait répudiée : le palais en flammes, les enfants égorgés. « L’exemple du mariage le plus épouvantable qui fut jamais consommé », commente Goethe. Comme si l’on avait voulu envoyer au-devant de la jeune princesse de 14 ans « le plus hideux des spectres »."


Tout cela est frappant et n’appelle guère de commentaires, je me permets une nuance et une remarque. La nuance porte sur le rapport de nos princesses étrangères à la Cour, et notamment relativement à la Palatine, nature (et silhouette) carrée et franche, dont le dégoût envers l’hypocrisie, pour sain qu’il puisse être, était peut-être aussi lié à une certaine naïveté. (A quoi s’ajoute, dans son cas, E. de Waresquiel ne le rappelle pas, et ce n’est pas son sujet, les moeurs de son mari, sur lesquels Proust, citant régulièrement Saint-Simon, revient à satiété dans la Recherche, et qui devait donc la toucher encore moins que Louis XVI son Autrichienne…). Ce que je ferai remarquer, c’est, par-delà les critiques que l’on peut adresser à la Cour au XVIIe comme au XVIIIe, l’origine de ses critiques, à l’époque. Ceux qui dressent le même genre de constats que nos deux princesses étrangères, sous Louis XIV, sont de grands esprits, intégrés au système : Bossuet, Molière, La Fontaine, La Bruyère… Au XVIIIe, les esprits sont moins grands, et les reproches et blâmes viennent de gens qui pensent à mettre à bas le système - parfois pour devenir califes à la place du calife, si vous me passez l’expression. Au Grand Siècle, le système génère ses propres anticorps. Dans les années 1770-80… tout le monde connaît la suite.  Tchac ! 


jeudi 29 novembre 2018

"Un devoir de charité politique." Une bonne mise au point de Rémi Fontaine (entre autres).

"La question en politique n’est pas seulement celle du mal ou du bien, mais, dans un certain clair-obscur prudentiel, celle du meilleur cheminement et du meilleur milieu possible pour que le bien puisse prévaloir. C’est ce que Joseph Ratzinger appelait « le courage de l’imperfection » en politique. (…)

Le futur pape précisait clairement contre les moralistes : « Seuls sont moraux les programmes politiques qui suscitent ce courage [de l’imperfection]. En revanche, le moraliste apparent, qui ne veut se contenter que de ce qui est parfait, est immoral. » 

On saisit bien que la distinction et la rencontre entre morale et politique tiennent à la finalité profonde de l’homme qui n’est plus au niveau de l’espèce (bien commun), comme chez l’animal, mais au niveau individuel (bien personnel). C’est parce que l’homme est un animal rationnel, un esprit incarné - « Ni ange ni bête » -, qui ne correspond pas immédiatement avec sa fin ultime - comme chez l’ange par la vision béatifique ou chez la bête par l’instinct -, qu’il a besoin de la médiation spécifiquement politique, comme d’un tremplin éducatif auquel rien n’échappe mais que tout dépasse en morale. 

Le milieu politique, qui s’applique à l’espèce et la nature humaines, est comme un entre-deux, un intervalle - un metaxu en grec - pour le corps et l’âme de l’homme, l’instinct et l’esprit humain, la cité humaine de familles et la cité divine de personnes. Bien sûr, l’activité politique reste subordonnée à la morale ainsi qu’au reste toute activité humaine volontaire, qu’elle soit artistique ou spéculative. Maurras lui-même ne saurait nier la primauté du spirituel et l’influence capitale de la morale et de la religion sur la politique. Reprenant la parabole du semeur, il expliquait seulement qu’il ne suffit pas de mettre le bon grain en terre pour qu’il germe, si le terrain et les circonstances ne sont pas propices.

Parlant encore de la nécessité d’une médiation matérielle ou charnelle entre la volonté, le désir, le voeu de l’homme et leur réalisation concrète, réelle et vivante, il écrivait : « La pire erreur des romantiques me semble avoir été de confondre cette production naturelle avec une excitation toute cérébrale et subjective qui les conduisait à ne vivre que d’intentions et à s’en savoir gré. »

On pourrait en dire autant de nos jours des mondialistes ou des « immigrationnistes » qui vont à l’encontre du besoin d’enracinement que prônait Simone Weil : 

« Ne priver aucun être humain de ses metaxu [médiateurs naturels], c’est-à-dire de ces bien relatifs et mélangés (foyer, patrie, traditions, culture, etc.) qui réchauffent et nourrissent l’âme et sans lesquels, en dehors de sainteté, une vie humaine n’est pas possible. »

(…) Si la morale, dont la fin absolue est personnelle, est la cause formelle (déterminante) du salut humain, la politique, dont la dont la fin intermédiaire est une médiation commune, en est la cause matérielle (ce qui le conditionne). 

Autant il est nocif de séparer la condition ou le moyen (la matière politique) de la fin (la forme morale), comme le fait l’amoralisme politique (machiavélisme, positivisme, libéralisme, matérialisme…) en soustrayant l’ordination de la politique à la morale et en la réduisant à la seule activité artistique (le faire). Autant il peut être dangereux de les confondre totalement dans la seule activité volontaire (l’agir), comme ont pu y tendre des auteurs comme Emmanuel Mounier ou Marc Sangnier et plus généralement les démocrates chrétiens du Sillon, pourvus de bons sentiments et de bonnes intentions, et dont beaucoup de nos clercs universalistes apparaissent comme les dignes successeurs, en matière par exemple d’immigration ! « Ils ont les mains propres mais ils n’ont pas de mains ! », dénonçait Péguy à propos des post-kantiens. Contre le démocratisme abstrait de Sangnier, Maurras affirmait, pour sa part, que « l’Action française enracine ses théories dans l’amour de la patrie, l’amour de la religion, l’amour de la tradition, l’amour de l’ordre matériel, l’amour de l’ordre moral »

Qui dit « matière » (sociale et politique) dit quantité (et nombre). Qui dit quantité dit équilibre. « Si l’on sait par où la société est déséquilibrée, il faut faire ce que l’on peut pour ajouter du poids dans le plateau trop léger », écrivait Simone Weil. Laquelle ajoutait avec son genre de pessimisme : « Quoique ce poids soit le mal, en le maniant dans cette intention peut-être ne se souille-t-on pas. »

Peut-être et même sans doute ! Car le domaine politique, s’il est éminemment le domaine du moindre mal, de l’efficacité et du relatif, des tolérances et des répressions, de l’ordre précisément de la « pesanteur » et de la déficience, n’en demeure pas moins nécessaire pour ne pas étouffer la morale et la liberté personnelles, ne pas empêcher l’ordre de la « grâce » d’agir. Comme l’équilibre du corps - « mens sana in corpore sano » -, l’équilibre de la cité conditionne l’équilibre des individus en vue de leur harmonie morale, de leur accomplissement personnel et de leur salut éternel. 


« De l’économie terrestre des sociétés dépend l’élargissement des voies du ciel », disait déjà saint Grégoire. Et celui qui, dans cette intention droite, met délicatement et proprement les mains sur cette « balance » de l’économie terrestre ou de la politique exerce pour ainsi dire, en médecin, un devoir de soin sanitaire ou, en artiste, un devoir de charité politique."

mercredi 28 novembre 2018

Les musulmans font-ils partie du peuple ? Pas pour Égalité et Réconciliation...

Je lis sur E&R (https://www.egaliteetreconciliation.fr/Gilets-jaunes-arretez-tout-le-B-nai-B-rith-dit-que-la-Republique-risque-d-etre-incendiee-52966.html) ceci, au sujet des Gilets Jaunes : 

"À ce moment, et le pouvoir visible – Macron et ses sbires – et le pouvoir profond tremblent. Car cela veut dire que toutes les ingénieries sociales ont foiré, tous les écrans sont tombés : le peuple se retrouve face à l’élite, la vraie. Et le face-à-face dont parlait Gérard Collomb avant de se trisser à Lyon ne sera peut-être pas le face-à-face entre communautés dont rêve le pouvoir profond (la guerre civile chère à Zemmour) mais un face-à-face beaucoup plus embêtant entre le peuple et ce même pouvoir."

Et je me dis que c’est un bel aveu, puisque les musulmans, du quotidien ou pas (j’ironise, mais soyons sérieux : les musulmans pas racailles et les musulmans racailles) sont justement absents, en tout cas pour l’instant, de ce « peuple qui se retrouve face à l’élite, la vraie ». Le raisonnement que j’ai cité fait l’impasse - et Dieu sait que ce n’est pas la première fois ces dernières années chez E&R - sur ce point, pour nous entraîner vers un choix binaire : tous ensemble contre Macron, ou la guerre civile voulue par les Juifs sionistes. Dit comme ça, évidemment, le choix est simple, mais précisément, nous ne sommes pas tous ensemble - de même qu’il n’y a pas de vivre ensemble… 


Pourquoi ces précisions ? Parce que l’angle mort du raisonnement de ce texte, à savoir le comportement effectif des musulmans qui vivent en France si la situation venait à empirer, est une inconnue, et qu’il n’y pas qu’à E&R que l’on oublie cette dimension, nouvelle il est vrai dans l’histoire des grandes révoltes françaises. En raison des positions d’Alain Soral sur ce thème, cela se voit plus facilement sur son site qu’ailleurs, l’angle mort y apparaît en tant que tel. Mais la question surgira à un moment ou un autre, cela ne fait pas de doute. 

mardi 27 novembre 2018

"La faire raccourcir."

Deux remarques issues du livre d’Emmanuel de Waresquiel, Juger la reine, consacré, vous l’aurez compris, au procès de Marie-Antoinette. Je ne veux pas leur faire dire plus que ce qu’elles disent, mais…

Le greffier avait pris, c'était la mode de l'époque, le nom antique de Fabricius. Macron a joué les Jupiter, cela semble déjà loin…

"Fabricius a dû lire les quatre pages manuscrites du réquisitoire de Fouquier [-Tinville] d’une voix terne et monocorde, comme il est d’usage de lire dans un tribunal. On en oublierait presque le mauvais style, les répétitions, les références savantes, les grandiloquences si goûtées de la Révolution, qui au passage bouleverse aussi la langue française dans sa simplicité classique."

Il faut toujours se méfier des grandiloquences et de l’absence de simplicité, il n’est pas innocent que l’on ait à la fois guillotiné en masse, génocidé sur les bords et changé le langage… - Un qui est simple, ceci dit, c’est Hébert, le Père Duchesne, un bon exemple de gauchiste tolérant, un bon esprit que l’on a pu retrouver, non sans émotion, il y a quelques mois dans un tweet fameux de Mme Clémentine Autain : 

"[Marie-Antoinette] est coupable parce qu’elle est reine. Peu importe les preuves puisque toutes les reines, surtout les reines étrangères, sont impures et scélérates. Hébert s’en félicitera bientôt dans son journal avec sa brutalité habituelle : « Je suppose (…) qu’elle ne fut pas coupable de tous ses crimes ; n’a-t-elle pas été reine ? Ce crime-là suffit pour la faire raccourcir. »"

lundi 26 novembre 2018

L'enfant n'est pas une "partie corporelle" de la femme.

Plus clair tu meurs, comme disait J.-P. Voyer. Laurent Fidès rappelle une distinction basique : 

"Par exemple, l'avortement est présenté comme un « droit fondamental » : ce droit, c'est celui qu'a la femme de disposer de son corps. Il est vrai que c'est un droit fondamental incontestable, mais il concerne essentiellement la contraception. Quand la femme est enceinte, la relation à son corps se complique d'une relation à autrui, autrui étant ce petit être qui est dans son corps mais qui n'y est pas comme une partie corporelle (un organe). C'est là qu'on attend les experts : leur rôle devrait être de poser les problèmes éthiques correctement, rationnellement, pour apporter aux citoyens l'éclairage nécessaire."



Ceci étant, cela ne veut pas dire qu’aucun débat ne peut avoir lieu sur la contraception elle-même. Laquelle ne concerne pas seulement la femme et son droit à disposer de son corps, mais le couple. Restons-en là pour ce soir…

dimanche 25 novembre 2018

Eh oui Léon, on a les mêmes à la maison.

Un peu de Bloy sur les francs-maçons, suite à une encyclique de Léon XIII rappelant certains fondamentaux :

"Il est… parfaitement établi qu’on ne peut être, en même temps, franc-maçon et catholique. Il paraît que c’est une chose terriblement difficile à comprendre, puisque non seulement les imbéciles qui forment l’immense majorité de toute nation, mais encore bon nombre de gens d’esprit, ne sont pas encore parvenus à s’en pénétrer. 

Aujourd’hui, l’infortuné successeur de Pie IX renouvelle l’objurgation. Encore une fois qui l’écoutera et qui voudra le croire ? L’infaillibilité doctrinale du Saint Père est une simple facétie pour les quatre-vingt-dix-neuf centièmes de l’humanité civilisée, et c’est même une question pour beaucoup de catholiques ruineux (…), qui n’ont pas assez de virilité pour opter entre une franche apostasie et la parfaite adhésion du coeur. 

Quelle sorte d’accueil voulez-vous que fasse une société aussi foncièrement médiocre à des propositions de cet absolu et de cette rigueur ? - « Dieu est l’auteur de la souveraineté et de la société civile ; - ceux qui sont revêtus de la souveraineté doivent être regardés comme les coopérateurs ou les ministres de Dieu ; - il est absolument faux que les peuples aient le droit de secouer l’obéissance selon leur bon plaisir. »

A coup sûr, un haussement d’épaules national sera tout l’effet de cette clameur paternelle sur notre république de gâteux superbes et l’antique honneur de la France, nullement réconforté, continuera de gir et d’agoniser par terre, assassiné par des banquiers et des Vénérables


La franc-maçonnerie visée par l’Encylique et la vieille hérésie janséniste ont ceci de commun qu’elles ne se démasquent dans aucun cas et n’ont jamais consenti à triompher par l’ostentation de leur puissance. Au contraire, l’une et l’autre ont toujours aimé le secret et l’argot du mystère. 

Le victorieux procédé du jansénisme consistait à se nier lui-même, à protester sans cesse de sa parfaite soumission à l’autorité ecclésiastique et à toujours considérer comme s’adressant à d’autres les blâmes ou les condamnations dont l’accablait directement cette autorité bafouée. 

Les francs-maçons à leur tour, protestent invariablement de leur inaltérable simplicité. Ils ne sont rien de plus qu’une inoffensive pincée d’honnêtes gens associés dans un but de philanthropie, aimant à rire et sans aucune intention d’agir directement ou indirectement sur quoi que ce soit. Ainsi parlait, il y a quelques jours, le journal Le Temps, organe accrédité de toutes les sottises mitoyennes, après la lecture du résumé de l’Encyclique. « Dans la pensée de Léon XIII, disait-il, tout le mal vient de la franc-maçonnerie… Il y a là une notion évidemment exagérée de l’action de la franc-maçonnerie à notre époque et il nous semble que Léon XIII, malgré son habituelle lucidité d’esprit, confond les temps et les situations… Elle est simplement un moyen de rapprochement pacifique entre un certain nombre d’hommes. Elle est comme un vaste cercle où les causeries, les allocutions, les cérémonies traditionnelles, remplacent les cartes et le billard. Elle est surtout une institution de bienfaisance, contre laquelle il n’y a vraiment pas raison, aujourd’hui, de se mettre en campagne. Si le Pape veut trouver les causes des maux dont il se plaint, c’est ailleurs qu’il doit les chercher. »


C’est le constant sophisme de ces Tartufes de sérénité. Les plus atroces démentis historiques ont beau les souffleter, ils ne perdent pas contenance et ne se mettent jamais en frais de nouveaux mensonges. Ils supposent toujours une humanité bonasse et modeste, satisfaite de progresser avec lenteur et dédaigneuse des souterraines intrigues dont on l’accuse. Les révolutions, suivant eux, sont les fruits naturels du terroir social ensemencé par le vent des philosophies et mûries au soleil de la raison…"

samedi 24 novembre 2018

Il y a des cuites joyeuses, mais pas d'alcooliques heureux.

Peut-être que si, d'ailleurs, rappelons-nous la fin du Plaisir de Max Ophüls ("Ils ont l'air triste. - Qui vous dit que le bonheur doit être gai ?".) Quoi qu'il en soit, j'aime bien cette phrase de Fitzgerald, qui avait une expérience certaine en matière, sinon de bonheur, en tout cas d'alcoolisme : 

"Quand je ne bois pas, le monde m'est insupportable ; quand j'ai bu, le monde ne peut plus me supporter."


A la vôtre !

vendredi 23 novembre 2018

Lapidaire Gustave.

"Tout le rêve de la démocratie est d’élever le prolétaire au niveau de la bêtise du bourgeois."

(Flaubert). Peut-être est-ce d'ailleurs injuste pour le bourgeois... Mais si l'idée est que, tel qu'il se développe sous nos yeux, le projet démocrate est de rendre le petit peuple aussi matérialiste que les grands capitalistes - ce qui je le rappelle est la définition du concept forgé par J.-P. Voyer de l'enculisme : le pauvre veut, comme le riche, enculer tout le monde -, comment, en ce Black friday, ne pas lui donner raison ? 

jeudi 22 novembre 2018

La loi du rempart. Joue gauche tendue et fouet du temple.





Un extrait un peu plus long que ces jours-ci des Itinéraires de chrétienté de Rémi Fontaine. C’est aussi une forme de réponse aux approximations - pas nouvelles - d’Alain de Benoist au sujet du catholicisme dans l’éditorial du tout frais numéro d’Éléments, sur le thème le-catholicisme-nous-rend-faibles-et-nous-empêche-de-nous-défendre… R. Fontaine : 

"En dépit de ses déficiences intrinsèques, la foi islamique, elle, ne s’est pas encore trop laissée ronger par le laïcisme du monde moderne, avec le relativisme et l’hédonisme qui en découlent. L’islam est ainsi fort de la faiblesse de notre foi dénaturée et de ses vertus chrétiennes devenues folles. Sous l’effet d’un (néo)modernisme inspiré de ce sécularisme, on laisse penser, par exemple, que la liberté religieuse exempterait de la loi du rempart temporel qui fut celle du Moyen Age et des croisades : « Cette loi qui paraît dure, les modernes la réapprennent à leurs dépens et la nomment légitime défense… Il s’agit en réalité d’une loi de protection et d’amour en faveur de ce que l’homme chérit plus que tout au monde et qu’il désire de toutes ses forces transmettre à sa descendance », rappelait Dom Gérard dans Demain la chrétienté

La douceur évangélique n’empêche pas la vertu cardinale de force : « La grâce suppose la nature ». Certes, par sa civilisation de l’amour, le christianisme s’oppose (sur)naturellement au choc des cultures. Son esprit missionnaire procède à la fois par inculturation et acculturation, pouvant bénir ou baptiser tout ce qu’il y a de bon, conforme à la loi naturelle, dans les cultures rencontrées, respectant aussi, dans certaines limites, la liberté d’expression en matière intellectuelle et religieuse. Il rejette a priori l’affrontement ou l’apartheid, proposant la concorde sous le soleil de Dieu, sans pour autant ignorer le péché originel et l’éclipse qu’entend lui faire « le soleil de Satan » jusqu’à la fin du monde. 

On ne peut que souligner à cet égard la différence spécifique entre le catholicisme et l’islam : deux religions prosélytes (zélées pour répandre leur foi), dont le prosélytisme de l’une consiste à tout faire par amour et rien par haine ni violence pour annoncer Jésus-Christ, celui de l’autre n’hésitant pas à recourir théocratiquement à la violence pour imposer son Dieu par hégémonie et exculturation. On saisit, au reste, en quoi la « religion » (négative) de la République (selon l’expression même de certains laïcistes) ressemble à l’islam comme théocratie ou totalitarisme inversés dans son irrespect des (autres) croyants. C’est ici qu’intervient précisément la loi politique du rempart, sans rien retrancher au principe évangélique d’aimer son ennemi. 

Au regard du bien commun et du bien commun international, une nation chrétienne n’a pas le droit de se laisser envahir par un agresseur hostile à ses moeurs parce qu’elle doit maintenir son identité et sa culture, ne serait-ce que par une juste politique d’immigration, en sachant que c’est cette culture qui favorise l’épanouissement et le salut de ses habitants. 

Tenir pour vraie sa propre foi, avec la culture qui l’accompagne, ne conduit certainement pas à agresser le croyant de l’autre religion, mais à s’en protéger efficacement si ce dernier attente à notre liberté religieuse. Cela vaut aussi bien pour l’agression ouverte de l’islamisme que pour l’agression sournoise du laïcisme par son indifférence subjectiviste à la vérité et au bien. (…)

Sans précautions et protections temporelles dignes de ce nom, l’ordre spirituel et l’ordre de la grâce peuvent difficilement agir, et se font étouffer. Relisons encore la célèbre citation de Maurras : « Si les saints peuvent prier en paix et les sages travailler avec fruit, c’est que l’épée guerrière, menée par le sceptre des rois, a déterminé autour d’eux la zone où ces occupations sublimes restent possibles. » Ce n’est pas en répétant « plus jamais ça ! » et par le seul dialogue - débattre pour ne pas se battre ! - qu’on conjurera la barbarie, mais en alliant précisément église et rempart, douceur et force, joue gauche tendue et fouet du temple, grâce et pesanteur, grâce et nature, loi d’Amour et loi du rempart à son service. 

Face aux terroristes communistes ou islamiques d’aujourd’hui, la parole attribuée à Saint Louis - qu’il faudrait certes adapter à notre temps mais que rappelle justement Chesterton - reste par son alternative pratique d’une étonnante actualité : en sus de la grâce d’une conversion par la vertu notamment de notre exemple évangélique, nous n’avons que le choix de discuter avec les « mécréants » « comme d’authentiques philosophes », ou « de leur pousser l’épée dans le ventre si loin qu’elle peut aller » !"



Résumons : en l’absence d'une intervention surnaturelle de la grâce, si l’on ne peut pas discuter honnêtement, il n’y a plus qu’une solution, l’usage de la force. 

mercredi 21 novembre 2018

Seul en Europe.

Au début de l’année (http://cafeducommerce.blogspot.com/2018/01/a-la-fin-tu-es-la-de-ce-monde-ancien.html), je découvris l’éloge du christianisme qui suit l’incipit "A la fin tu es là…" de Zone, le premier des Alcools d’Apollinaire. Je lis en cette fin d'année dans l’introduction de la nouvelle édition en "Pléiade" des oeuvres poétiques et dramatiques de Péguy, sous la plume de Claire Daudin, un rapprochement entre ces deux auteurs, qui, mort l’un au début du conflit l’autre à la fin, sont un peu les bornes et les emblèmes littéraires français de la guerre 14-18, et que cette analyse rapproche à juste raison post mortem, puisque de leur vivant ces deux grands écrivains se sont « loupés » : 


"Sa [celle de Péguy] fraternité avec François Villon ressuscite la complainte du mauvais garçon qui se souvient de sa mère, celle de la terre et celle du Ciel, mais Péguy, dans ses Ballades, n’imite pas Villon ; il se reconnaît en lui et invente, avec son quatrain bancal (…), une strophe pour sa propre Épitaphe. En cela le Péguy des Ballades n’est pas si loin de l’Apollinaire de La Chanson du mal-aimé, bien qu’Ève n’ait suscité que sarcasmes dans Les Soirées de Paris, la revue du « flâneur des deux rives ». N’auraient-ils pas pu se croiser sur les bords de Seine, ces deux chantres du beau Paris ? Leurs odes à la capitale, en ce XXe siècle à son orée, mériteraient un parallèle. Si Apollinaire est « las de ce monde ancien », s’il en a « assez de vivre dans l’Antiquité grecque et romaine », pour ne guère partager ce dégoût Péguy n’aurait-il pas bondi d’allégresse en lisant l’hymne à la nouveauté du christianisme sur lequel s’ouvre Zone ? « La religion seule est restée toute neuve la religion / Est restée simple comme les hangars de Port Aviation / Seul en Europe tu n’es pas antique ô christianisme ». Le poète estampillé catholique, qui a tant fait pour arrimer le Fils de l’Homme à la terre, n’aurait-il pu s’enthousiasmer pour le Jésus monte-en-l’air, « joli voltigeur » du poète estampillé symboliste, lui qui admirait les prouesses aéronautiques du dénommé Adolphe Pégoud, as du looping dont il s’arrogea le patronyme dans un billet humoristique à Pierre Marcel ? Et y a-t-il si loin de « ces beaux cheveux roux, encore tout ensanglantés de la couronne d’épines » à « la torche aux cheveux roux que n’éteint pas le vent » ? Mais ce sont les hymnes de Claudel que Péguy lit dans la Nouvelle Revue française, non les vers d’Apollinaire… Seule la lecture des oeuvres a posteriori - et n’est-ce pas là un bon tour de Clio ? - permet ces rapprochements que la vie n’a pas autorisés, entre deux hommes privés de père, deux infortunés trouvant leur trésor dans la culture, deux poètes qui ne survivront pas à la guerre de masse, mais qui, à l’échelle de leur engagement individuel, la parèrent d’une même signification : l’amour de la France, patrie d’héritage ou bien d’adoption."

mardi 20 novembre 2018

La plus précieuse des libertés.

Cette phrase de Maurras, Madiran la citait souvent, je la retrouve sans surprise dans le livre de Rémi Fontaine. Peut-être l’ai-je déjà citée moi-même, d’ailleurs. Son absolue actualité, que je comprends mieux chaque jour - et ce n’est pas bon signe… -, justifie que je lui consacre la livraison de ce soir : 

"La plus précieuse des libertés temporelles est l’indépendance de la patrie."



- A ce sujet, j’ai eu un bref échange avec M. Philippe Martel (@PhMartel) sur Twitter, qui regrettait, avant leurs manifestations du 17, que les Gilets Jaunes ne parlent pas plus de frontière et de submersion migratoire. Je lui répondis, en substance, que ce mouvement pouvait être en lui-même une façon progressive de réapprendre la notion de frontière. Ce que donnera cette agitation populaire, nul ne le sait. Mais il est me semble-t-il d’ores et déjà clair que certaines de ses manifestations relèvent, pourquoi ne pas utiliser ici un vocabulaire marxiste et une forme d’oxymore, d’une praxis maurassienne, d’un apprentissage en acte, dont on espère qu'il va devenir de plus en plus concret, de ce qui peut permettre l’indépendance. Aucun mouvement populaire, de gauche, de droite ou de je-ne-sais-quoi, où que ce soit, même en raie publique française, ne peut faire l’impasse sur la réalité fondamentale explicitée par Maurras : si l’on veut être un peu libre et un peu indépendant, il faut évoluer dans un cadre qui le soit. Cadre ethnique, national ou religieux, certes ; pour ce qui nous concerne, l’horizon du cadre national, tout abîmé fût-il, reste plus proche que les deux autres modalités. Au moins dans l'esprit de ceux qui en ce moment s'activent, et c'est ce qui compte par rapport à ma thématique du jour. Qu'il ne soit pas exclu que cela mène à une réflexion sur les rapports de la France et de la chrétienté, je l'ignore d'autant moins que c'est un des thèmes principaux du livre de R. Fontaine, mais ce n'est pas le sujet de ces remarques. 

Hommage à Roger Couderc pour finir : "Allez les petits !"

lundi 19 novembre 2018

Tu honoreras silencieusement ton père et ta mère.

"Silence de la prière et silence du voeu, silence du repos et du travail même, silence du septième jour mais silence des six jours mêmes ; la voix seule de Dieu ; silence de la peine et silence de la mort ; silence de l’oraison ; silence de la contemplation et de l’offrande ; silence de la méditation et du deuil ; silence de la solitude ; silence de la pauvreté ; silence de l’élévation et de la retombée, dans cet immense parlement du monde moderne l’homme écoute le silence immense de sa race. Pourquoi tout le monde cause-t-il, et qu’est-ce qu’on dit. Pourquoi tout le monde écrit-il, et qu’est-ce qu’on publie. L’homme se tait. L’homme se replonge dans le silence de sa race et de remontée en remontée il y trouve le dernier prolongement que nous puissions saisir du silence éternel de la création première."


Péguy, vous l'auriez deviné. - Sur ce que signifie ici la notion de race, je me permets de renvoyer à la série que j’avais intitulée "Apologie de la race française", dont on trouve le premier opus, avec les liens pour les suivants, ici : http://cafeducommerce.blogspot.com/2009/02/dans-la-serie-les-choses-sont-toujours.html. Ces textes remontent à 2009, je ne les ai pas relus depuis un bail, et il s’y trouve j’imagine des propos avec lesquels je ne serai pas nécessairement d’accord aujourd’hui. Mais les mises au point du regretté Paul Yonnet sur la notion de race française, ou mes interrogations sur la notion de sacrifice pour la patrie restent dans mes centres d’intérêt. 

dimanche 18 novembre 2018

Léon et Isidore.

Les penseurs ou artistes guidés par une idée fixe, bonne ou mauvaise, sacrée ou profane, ont cet avantage d’avoir moins d’a priori que d’autres, obnubilés qu’ils sont par leur recherche. - Bloy, sur Lautréamont et Les chants de Maldoror, dont il fut l’un des premiers, avant les surréalistes, à parler : 

"« Je suis fils de l’homme et de la femme, d’après ce qu’on m’a dit. Cela m’étonne… Je croyais être davantage ! » Pascal est brûlant de gloire pour avoir dit de moindres paroles et j’en ai recueilli plus d’une dans ce livre incohérent et merveilleux qui ressemble au palais d’un roi persan qu’une flétrissante cohue de crocodiles et d’hippopotames aurait saccagé. (…)

La Prostitution sous toutes ses formes est une idée fixe qui escorte habituellement, dans son livre, l’idée du Seigneur, comme un corollaire suit un axiome. Les très-rares individus capables de sentir le mystère évoqué par ce mot de Prostitution, pourront lire avec un étonnement sans bornes, en déplorant l’extinction de ce Lucifer, le poème incroyable de la page 15. 

« J’ai fait un pacte avec la prostitution, afin de semer le désordre dans les familles… Hélas ! hélas ! s’écria la belle femme nue, les hommes, un jour, me rendront justice ; je ne t’en dis pas davantage. Laisse-moi partir pour aller cacher au fond de la mer ma tristesse infinie. Il n’y a que toi et les monstres hideux qui grouillent dans ces noirs abîmes qui ne me méprisent pas. » Qu’on le prenne comme on voudra, ce chapitre m’a totalement confondu ! (…)


Il succomba, comme Satan, pour avoir « vaincu l’Espérance ». Cher grand homme avorté ! Pauvre rastaquouère sublime ! « C’est quelqu’un, dit-il, en parlant de lui-même, qui a des chagrins épouvantables ! » Et c’est tout ce qu’il nous révèle de son passé. On dirait même qu’il le cache avec toute la ruse compliquée d’un aliéné simulateur et larron."

samedi 17 novembre 2018

"La vie est une cérémonie."

C’est cool, la vie, on ouvre du Péguy et on tombe sur du Voyer : 

"Il n’y aura pas de raisin. Ils vous invitent [pourtant] à venir faire la vendange. Ils parlent très sérieusement. C’est là que l’on voit ce que c’est qu’un rite, chers sociologues. Il vous invitent rituellement, c’est une cérémonie, comme ils vous ont invité tant de fois toutes les autres années précédentes, exactement ainsi, comme ils vous inviteront encore d’innombrables années ultérieures. C’est là que l’on voit que ce n’est pas la vendange qui est faite pour les raisins, mais que ce sont les raisins qui sont faits pour la vendange. Que ce n’est pas la vendange qui est faite, comme on pourrait le croire, quelque grossier, quelque terre à terre, pour couper les raisins, mais que c’est au contraire la vendange qui est une institution, une cérémonie, rituelle, annuelle, un anniversaire, pour emplir laquelle les raisins sont faits. En un mot, c’est la vendange qui est la fin, et ce sont les raisins qui sont les moyens. Kant, Kant, immortel Immanuel, tu tâcheras d’arranger ça avec les principes de la Raison pure pratique. Texte de l’édition de 1788, sous révision de la deuxième édition 1792 et de la quatrième édition 1797, 1788, 1792, 1797, quelles grandes dates. 

Il faut d’abord vendanger. On verra ensuite s’il y a quelque chose à vendanger."

Victor-Marie, comte Hugo (1910).

vendredi 16 novembre 2018

Quand Syracuse est prise...

J’aimerais vous donner des extraits plus charnus du livre de Rémi Fontaine sur Jean Madiran, mais je dois faire court ces jours-ci. Une formule lapidaire de Maurras citée par R. Fontaine, sur l’importance de la force et du pouvoir temporel, fera l’affaire j’espère pour ce soir : 


"Si les saints peuvent prier en paix et les sages travailler avec fruit, c’est que l’épée guerrière, menée par le sceptre des rois, a déterminé autour d’eux la zone où ces occupations sublimes sont possibles. Quand Syracuse est prise, Archimède est égorgé et tant pis pour le théorème."

jeudi 15 novembre 2018




Les marqueurs d’une époque de décadence sont nombreux, connus, s’appliquent à notre époque : relativisme moral, élites à la fois incompétentes, corrompues et prétentieuses, promotion inlassable du sexe comme fin en soi, de l’homosexualité, indifférentialisme, etc. J’avoue néanmoins avoir eu le sentiment que la coupe était pleine, en redécouvrant, dans L’incorrect, la phrase de sainte Geneviève à Clovis : 

"Quand les hommes se comportent comme des femmes, il faut bien que les femmes agissent comme des hommes. Les hommes ont plus de force que les femmes. Mais, dès que le destin chancelle (…), les femmes ont plus de force d’âme." (la coupure est de L’incorrect.)


Bien sûr, lorsque l'on connait la suite du film, on peut se dire qu’il s’agit justement d’une note d’espoir, et que la génération de femmes intelligentes et réalistes que l’on voit naître en politique et dans le monde intellectuel ces dernières années est un signe. En même temps, comme dit qui vous savez, l’histoire ne repasse pas nécessairement les plats : en fait de signe, il peut s'agir du chant du cygne (plaisanterie post-post-structuraliste). 

mercredi 14 novembre 2018

La vérité n'est pas libérale.

"Si la vérité - adéquation du réel et de l’intelligence - libère, elle n’est, par nature, jamais libérale, jugeant et condamnant les actes qui enfreignent ses principes inaltérables. C’est la charité qui est libérale, si l’on peut dire, au sens noble du terme, ne jugeant ni ne condamnant les personnes, cherchant seulement à les sauver. « L’Église est intransigeante en principe parce qu’elle croit, elle est tolérante en pratique parce qu’elle aime. Les ennemis de l’Église sont tolérants en principe parce qu’ils ne croient pas, et intransigeants en pratique parce qu’ils n’aiment pas », résumait le P. Garrigou Lagrange. Et le chrétien doit toujours concilier l’impératif de la vérité qui libère avec celui de la charité qui excuse et supporte tout (saint Paul). Aimer quelqu’un c’est refuser de lui mentir mais lui faire savoir la vérité avec miséricorde."

Rémi Fontaine. Je reviens sur cette phrase : 

"L’Église est intransigeante en principe parce qu’elle croit, elle est tolérante en pratique parce qu’elle aime. Les ennemis de l’Église sont tolérants en principe parce qu’ils ne croient pas, et intransigeants en pratique parce qu’ils n’aiment pas."

Si j’y ajoute que les musulmans sont intransigeants en principe parce qu’ils croient (ce qui ne veut pas dire qu’ils ne sont pas capables de pharisaïsme, mais ce n’est pas mon sujet), et intransigeants en pratique parce qu’ils n’aiment pas, j’aurais décrit mon propre itinéraire, du Jean-Pierre Voyer de la Diatribe d’un fanatique, admiratif de ce qui s’est passé le 11 septembre, à maintenant : on peut être anticapitaliste et antimatérialiste de façon bien plus saine que celle de l’ « Islam révolutionnaire » (quelle que soit la validité de ce concept, qui n’est pas non plus mon sujet). Et puisque j’en suis à parler de ma trajectoire, je me disais ces jours-ci qu’il n’était tout de même pas insignifiant que la lecture de J.-P. Voyer m’ait conduit à celle de Wittgenstein, celui-ci étant entre autres choses un continuateur de Thomas d’Aquin. Fin de la parenthèse personnelle, certes moins importante que les principes clairement (re)formulés par R. Fontaine et le père Garrigou Lagrange. 

mardi 13 novembre 2018

Devoir de charité.

Deux citations, l’une de Péguy, dans la droite ligne du propos d’hier, l’autre dont l’auteur m’est inconnu, toutes deux issues du livre de Rémi Fontaine sur Jean Madiran. J’avais prévu quelque chose de plus consistant, ce n’est que partie remise.

Péguy : "Seule la tradition est révolutionnaire." (Ce qui, si révolution signifie remettre les choses en l’endroit, est presque de l’ordre de la tautologie.)

"Le devoir de charité qui est celui du soldat contre le barbare."

- Ce qui me rappelle le titre de cet ouvrage du jeune Madiran, sous un autre pseudonyme, en 1949 : 






Peut-être faut-il l’apparition des milices factieuses de la racaille pour exaucer, bien tard, son voeu…

lundi 12 novembre 2018

"Il n'existe pas de tradition morte."

Citons des citations… C’est un peu embrouillé pour une première approche, mais j’ai trouvé des choses intéressantes, entre 3h et 4h30 du matin, dans le livre qui m’a tendu les bras lors de cette intempestive insomnie, Itinéraires de chrétienté avec Jean Madiran, de Rémi Fontaine. Et donc, mon premier extrait réunit trois citations, la première venant du seul autre livre à ma connaissance consacré à J. Madiran, l’auteur en étant Danielle Masson. 

"« Madiran est l’héritier qui garde et sauve l’héritage et le fait fructifier, qui n’enfouit pas le talent mais lui fait donner cent pour un. Ses mots sont lourds d’héritages, sa pensée porte l’empreinte des choses léguées et maintient vivante la tradition, car il n’existe pas de tradition morte. »

La tradition, c’est la transmission de la flamme et non la vénération des cendres. « La tradition, c’est la jeunesse de Dieu », dit bellement Dom Gérard, renvoyant à l’apostrophe célèbre de Charette à ses capitaines : « Sommes une jeunesse, Messieurs ! Sommes la jeunesse de Dieu, la jeunesse de la fidélité ! »"





Inversons donc, si ce n’est strictement dans les termes en tous cas dans l’esprit, la célèbre formule de Woody Allen, "L’éternité c’est long, surtout vers la fin" : la vérité reste toujours jeune. 

dimanche 11 novembre 2018

Protestantisme et écriture inclusive...

Joseph de Maistre avait ses têtes. Parmi celles-ci, le protestant et révolutionnaire Rabaud de Saint-Étienne, dont il signale dans une note de Sur le protestantisme

"C’est ce Rabaut que M. Burke avait condamné au bain froid pour avoir dit qu’il fallait tout changer en France, jusqu’aux mots. C’est assez pour un fou, mais trop peu pour un scélérat. La Providence a fait justice."

Rabaut fut guillotiné en 1793. - Évidemment, j’ai sauté sur cette formule : tout changer en France, jusqu’au mots, tant elle dénote un état d’esprit et annonce une époque, dont le moins que l’on puisse dire est qu’elle n’est hélas pas close. 

Exagération ou génie de la synthèse chez Maistre ? La phrase rapportée par  Burke est moins lapidaire, je vous laisse juges : 

"Tous les établissements en France, couronnent le malheur du peuple ; pour le rendre heureux, il faut le renouveler ; changer ses idées ; changer ses lois ; changer ses moeurs ; (…) changer les choses ; changer les mots, (…) tout détruire, oui, tout détruire ; puisque tout est à recréer."


Les coupures semblent être de Burke. De telles ambitions génocidaires méritaient certes une justice providentielle !